L'auteur : Spir
La course : Ultra Trail du Mont-Blanc
Date : 31/8/2018
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 3437 vues
Distance : 171km
Objectif : Terminer
Partager : Tweet
273 autres récits :
J’ai eu le sombre honneur d’ouvrir le tableau des abandons de kikous pour cet UTMB 2018. Pas au terme d’un de ces combats homériques contre soi même ou une blessure qui font le sels des récits d’ultra, mais assez misérablement, par une arrivée 20 minutes après la barrière horaire au ravitaillement des Chapieux, km 50,8.
Lecteur de passage, n’espère pas trouver ci-dessous d’information sur la gestion de course, ou une pépite inédite sur tel ou tel passage piégeux de la course car la mienne s’est arrêtée avant d’avoir commencée, à tel point que ce soir, dimanche 2 septembre, je ne suis même pas sûr d’y avoir réellement participé et me demande si ce pseudo qui revient en premier dans la liste des abandons du bouzin est vraiment le mien.
Pourquoi ce récit alors ? Parce qu’il me faut l’évacuer, comme on vomit un trop plein quand frappe la déshydratation.
Nous arrivons, Ingrid et moi, en tout début d’après-midi avec notre puissante Passat transformée en camping-car pour servir de chambre d’hôtel à ma super suiveuse lorsqu’elle aura le temps de revenir sur Chamonix entre deux ravitaillements où nous nous retrouverons.
Ingrid utilise les bus de l’organisation, et nous avons calculé qu’il était possible de se voir à Saint-Gervais, les Contas, Courmayeur, La Fouly, Champex, Trient et Vallorcine. La voiture ne sera donc utilisée qu’entre les Contas et Courmayeur. Pour le reste, ce sera dodo dans une tente de rando. Elle se prépare donc un sacré ultra de son côté…
Je récupère mon dossard vers 14h. L’organisation est toujours parfaite. La dégradation du temps annoncée se traduit dans le matériel demandé pour les contrôles : les gants, la veste, le pantalon imperméable, le téléphone, l’eau et le sac.
Je plaisante avec les bénévoles, retrouve l’équipe qui fait une étude sur le sommeil dans le cadre de l’ultra. Ils me pèsent (57,7 kg habillé), mesure mon hydratation (plus de 61 %, au top), mon indice de masse grasse (6,7 %) et me font faire le test que je devrai réaliser sur toutes les étapes où l’assistance est autorisée, à savoir cliquer pendant 3 minutes chaque fois que des chiffres jaunes apparaissent sur une tablette. C’est un moyen de quantifier le temps de réaction en fonction du sommeil. Je porte également un accéléromètre depuis une semaine pour leur fournir des données.
Retour à la voiture et repos en écoutant la pluie qui s’intensifie. SMS de l’organisation : kit grand froid indispensable car le ressenti pourrait être de -10° en altitude… Du coup, je charge la polaire qu’Ingrid ne devait me donner qu’aux Contas dans le sac, au cas où.
Le roadbook est prêt. Il nous a surtout servi pour vérifier où nous pourrions nous retrouver avec Ingrid. Impossible par exemple de se voir à Courmayeur et Arnouvaz car, avec les bus, il faut faire tout le tour du massif par la Suisse alors que nous, coureurs, nous contenterons de « sauter » la montagne.
Je pars sur une base de 42h30 avec des hypothèses plutôt pessimistes, en espérant taquiner les 40h si la forme est là.
Vers 17h, on se rend vers la ligne de départ. Nouveau passage auprès de l’équipe du sommeil pour un test au moment du départ et réponses aux questions d’une journaliste de l’AFP qui suit ces études autour de l’UTMB et nous allons sur la place.
Autant dire que je ne comprends pas où se trouve le départ. La place est noire de monde, coureurs et spectateurs mélangés. Je pensais me retrouver dans une rue, comme à Courmayeur pour la TDS, mais là, difficile de savoir où se « ranger ». On assiste à l’arrivée des élites sur l’écran géant. Vangélis raisonne et, malgré mon aversion pour cette musique, l’émotion nous gagne au moment où le speaker annonce « c’est parti ». J’embrasse Ingrid et l’on se quitte jusqu’à Saint-Gervais.
L’ambiance « tour de France-Alpes d’Huez » a déjà beaucoup été décrite. C’est bien simple, au niveau où je suis, impossible de courir avant la sortie de Chamonix. Tout se fait au pas en tapant dans les mains des passants. Je n’ai aucune idée de ma position dans le peloton. Je sais juste que j’ai mis un peu moins de 3 minutes entre le « c’est parti » et mon passage sous l’arche.
Entre le monde et la forme, cette section me paraît beaucoup plus facile que lors de la fin de la TDS. Je trottine en veillant à ne pas monter dans les tours. C’est de toute façon impossible avec la densité de coureurs. Je double quand le chemin s’élargit, mais la plupart du temps, il faut subir le rythme du groupe. Je fais très attention à boire régulièrement et à manger. Ingrid m’annonce par texto qu’elle s’est trouvée une copine accompagnatrice dont le mari a presque le même plan de marche que moi. Je suis bien content qu’elle ne se retrouve pas seul dans son périple de suiveuse.
Les Houches arrivent au bout de 1h02, pour 54’ prévues dans le roadbook. Compte-tenu du temps pour passer sous l’arche, de la marche et des bouchons, j’estime que le rythme a été grosso-modo respecté. Je regagne un peu de temps en réduisant les 5’ au ravito prévues à 45’’, juste pour remplir ma gourde vide. Je quitte donc le ravito après 1h03 pour 59’ théoriques.
La première des bosses de l’UTMB est attaquée sous un ciel gris et la bruine. L’enthousiasme des spectateurs compense le manque de charme de la route et le temps bouché. Des japonais ont organisé un ravito sauvage « Haribo-Barres de céréales » ! J’en profite pour compléter mes réserves et je continue de manger et boire régulièrement en échangeant deux-trois mots avec un belge, amusé que les spectateurs l’appellent par son prénom. C’est l’avantage des dossards personnalisés !
Pour le coup, je monte à mon rythme. Même si le peloton est dense, les chemins sont suffisamment larges pour que l’on ne se gène pas trop. La montée est régulière. Je vois le temps qui s’égrène et toujours pas de Deleveret. Ah si, enfin, le voilà.
L’appli LiveTrail bippe dans ma poche : 2h19, 2371ème.
J’avoue que sur le coup, je m’y reprends à plusieurs fois pour lire, et pas seulement à cause des gouttes sur mes lunettes. Je ne pensais vraiment pas être si loin dans le peloton…
Mon roadbook prévoyait 2h08, et je le savais un peu optimiste dans les montées, et pessimiste dans les descente. Saint-Gervais serait le juge de paix. Mais bon, j'espérais bien gagner quelques minutes sur le plan de base...
Après la montée, la descente. A ce moment là de la course, toutes mes pensées vont vers Météo France qui avait annoncé de rares averses, puis plus rien dans la soirée. Sauf que là, la pluie s’intensifie. Je mets ma veste par dessus mon t-shirt et une couche coupe-vent et je retire mes lunettes. Avec la nuit qui tombe, le brouillard, et les gouttes sur les verres, je n’y vois plus grand-chose.
La descente du Deleveret, c’est un bon chemin forestier en terre et en herbe. Par temps sec, c’est le genre de chemin que tu dévales en te disant que tes quadris le regretteront dans la montée suivante. Aujourd’hui, c’est gadouyeux au possible. Ça dérape, ça piétine. J’opte pour une sorte de « foulée marche athlétique », des grands pas en gardant toujours un appui au sol, et ma foi, ça fonctionne plutôt pas mal. J’arrive à ne pas trop déraper mais impossible d’aller trop vite : trop de monde, trop glissant.
De nouveau, je sens le temps qui passe. Où est Saint-Gervais? Enfin, on distingue les lumières de la ville par des trouées dans les arbres. Mais la ville me semble encore bien loin. J’espérais grappiller quelques minutes d’avance sur mon roadbook et j’ai l’impression que ça va être juste pour arriver dans les temps. Faut dire que vu l’état du terrain…
Ingrid m’a textoté l’endroit où elle était positionnée. On se voit, petit bisou, photo prise par sa copine accompagnatrice et je file au ravito.
Je rempli les gourdes, mange un peu de fromage, pain, saucisson et rempli un ziploc pour grignoter en route.
Le roadbook prévoyait un départ du ravito à 3h30. J’en repars à 3h29, donc conformément au plan de marche et à 30 minutes de la barrière horaire. Je suis 2149ème.
A la sortie du ravito, je revois Ingrid pour un coucou rapide avant qu’elle ne file prendre le bus pour les Contas, où l’assistance est autorisée.
La pluie s’est calmée et il ne fait pas trop froid, mais je n’arrive pas à trouver un bon compromis. Si j’ouvre la veste, j’ai moins chaud mais je me mouille, et si je la laisse fermée, j’ai trop chaud.
Le groupe est toujours compact, avec des ralentissements au pas dans les passages plus étroits où devant les grosses flaques de boue, et des sections plus large où j’en profite pour doubler. Le cheminement est une succession de faux plats et de côtes (il y a tout de même 700m de D+ entre Saint-Gervais et les Contamines). Chaque fois que l’on croise des habitations, des gens sont dehors à nous encourager en buvant un coup. Ils en ont du courage pour rester dehors avec un temps pareil !
On ne peut pas dire que les paysages soient un régal jusque là. Entre le ciel complètement bouché et la nuit sans lune dans la bruine, j’ai l’impression de traverser un tunnel depuis le départ.
Je continue d’avancer en doublant régulièrement. Et puis, enfin, on arrive aux Contamines. Je vois Ingrid juste à l’entrée du ravito et je lui dis qu’on se retrouve vers l’équipe « Sommeil ».
Estimation du roadbook : arrivée en 5h09. J’y suis officiellement en 5h10, classé 1925ème.
L’équipe en question est derrière la tente du ravito. Ingrid me textote qu’elle n’a pas accès à cette zone. Je m’assieds et fait les 3 minutes de test puis entre dans la tente.
C’est archi-bondé ! Je peine à trouver l’accès à la tente « assistance ». Une fois du bon côté, impossible de retrouver Ingrid dans la foule. Je cherche, je tourne… Ah, elle m’envoie un sms avec sa position ! On se pose sur un banc libre vers l’entrée de la tente et je récupère un t-shirt sec. Vu qu’il ne pleut plus, je mets ma polaire coupe-vent et Ingrid essuie ma veste imperméable que je range dans le sac. Malheureusement, elle n’a pas accès à la partie « ravitallement ». Je la laisse donc pour récupérer deux-trois trucs à manger et boire quelque chose de chaud pendant qu’elle remet un peu d’ordre dans les affaires. Il faut louvoyer entre les coureurs, les assistants et les barrières. On se croirait à Sainte-Catherine (sur la SaintéLyon) en plein rush ! Je récupère mon sac, petit bisou et je lui souhaite une bonne nuit car on ne se reverra pas avant Courmayeur.
J’appuie sur la touche « lap » de ma montre à la sortie du ravito. 35 minutes !!! Comment j’ai pu passer 35 minutes dans ce ravito ? J’aurais dû repartir après 5h19 de course et 5h46 se sont écoulées. Je repars donc à seulement 14 minutes de la BH alors que j’aurais dû avoir au moins 40 minutes d’avance…
Ça me met un gros coup. J’ai la chance de n’avoir jamais eu à me soucier des barrières horaires, mais je les notes toujours soigneusement. Ça permet de savoir à quel point on peut « gaspiller » du temps si nécessaire. Mais jamais je n’avais envisagé d’être en mode JALBHAC sur l’UTMB, et encore moins si tôt dans la course ! En plus, j’avais prévu de faire une sieste à un moment ou un autre, ce qui me paraît sérieusement compromis.
Je me prends un coup de chaud en réalisant que les temps supposés « pessimistes » de mon roadbook sont déjà assez difficile à tenir dans la réalité. Avec les 20 minutes que je viens de me prendre dans la vue, je ne me suis pas facilité la vie.
Je sens le vent faire frémir les ailes du moulin à pensées négatives. J’essaie de me reprendre en main en trottinant dès la sortie du ravito. La section jusqu’à Notre Dame de la Gorge est plate, il faut que je grappille des minutes.
Je trottine jusqu’à Notre-Dame de la Gorge. Ce n’est plus la foule relativement compacte que j’avais connu jusque là. Je sens confusément que la vague est passée et j’ai l’image du surfeur en train de patauger frénétiquement pour revenir sur la houle qui me vient en tête. Deux-trois coureurs sont assis au bord du chemin, peut-être en train d’accuser le coup. Je double un peu, continue de trottiner, mais le vent dans le moulin forci régulièrement.
À peine un quart d’heure de la barrière… Notre Dame de la Gorge est passée et la montée sur Nant Borrant commence. J’avance au milieu de cette nuit bruineuse, mais j’ai l’impression que le sol ne défile pas. Le sommeil me tombe lentement dessus et les ailes du moulin prennent de la vitesse. Comment je vais faire pour dormir si je n’ai pas de marge sur les BH ? Je pense à mes enfants qui nous ont vu partir, un peu tristes de ne pas faire l’UTMB avec nous. Je pense à un lit, au fait qu’il serait tellement plus agréable de dormir et de profiter du week-end pour jouer au ballon plutôt qu’à se battre contre des barrières. J’imagine la suite, 140 km et 8000m de D+ de lutte. Mes pieds sont dans la montée, quelque part à proximité des Chalets de Nant Borant, mais ma tête est ailleurs. Je me déchire lentement dans la bruine, et mon esprit cherche confusémment un moyen de s'en sortir.
Les yeux se ferment, je trébuche du pied gauche, le signe infaillible de la fatigue, et d’un coup, comme si on avait ouvert les vannes, la fatigue et le stress accumulés des derniers mois me tombent dessus. L'été a été riche en évènements intenses, et le couvercle a profité de ce moment de faiblesse pour sauter.
Cette fois le moulin tourne à plein régime. J'ai les BH aux fesses, je pourrais arriver hors délai ! Ce n’est pas un abandon, c’est juste que je n’étais pas assez rapide. Solution facile et lâche pour s’en sortir. Dans une petite heure, tout pourrait être fini. Après tout, je suis fatigué, je n’avance pas, il fait froid, super excuse ! Mais une excuse pour qui ? D’un coup, je n’ai plus envie d’être là. Je voudrais une porte de sortie, mais sans que la décision vienne de moi. Une bonne entorse, ça pourrait se faire, mais je n’ai pas envie de me faire mal. Je dors à moitié sur le chemin avec mon moulin à pensées négatives qui tourne plein pot. J’aimerais revenir dans la course, mais j’ai l’impression de n’y avoir jamais été, que je ne pourrai pas y être. Je recalcule les temps de ravitaillement dans tous les sens.
Et La Balme qui n’arrive pas. Je regarde les quelques lumières devant moi, ce sont des coureurs, pas le ravito. J’imagine que 30 ou 40 minutes plus loin, le cordon de lumières est plus dense. Ici, on a déjà l’impression que le bar va fermer.
J’y parviens enfin, il est 1h23. J’envoie un texto à Ingrid « A la Balme. Un peu scotché ». Elle me répond pour me rassurer « un pied devant l’autre, je suis avec toi ». On s’appelle, je lui dit que je repars pour les Chapieux.
Je vais boire un verre d’eau gazeuse. D’un coup, tout remonte et je vomis dans l’herbe. Une secouriste qui était à proximité me demande si c’est la première fois que je vomis. Oui, c’est la première fois. Jusque là, je mangeais et buvais régulièrement. Elle : ça fait souvent ça quand on a eu froid. Il faut éviter de boire du froid. Allez chercher quelque chose de chaud.
Rétrospectivement, je me demande si ces nausées n’étaient pas psychosomatiques. Un moyen de me défiler ou de justifier un passage à vide. C’est tellement plus simple : nausées, on avance plus, on se fait rattraper par les barrières horaires et le Cluedo est résolu : le mauvais temps avec l’estomac fragile dans la montée du Bonhomme. Bien plus flatteur que « j’ai géré comme un imbécile et je n’ai pas su me sortir les doigts à temps ». Je n'assume pas mon envie d'abandon.
Effectivement, le thé passe bien. Les serre-fils attendent de partir devant la tente chauffée. Je grelotte un peu, fini de remplir les gourdes et repars en me disant que le sommeil finirait bien par s’estomper et qu’on verra aux Chapieux. De toute façon, il n’y a pas de route à la Balme.
Je quitte le ravito à 1h42 du matin en 2401ème position. Mon roadbook prévoyait 00h36. J’ai l’estomac brassé, je ne bois qu’à petites gorgées pour ne pas tout renvoyer dans les herbes.
Évidemment, on ne peut plus parler de peloton à ce stade du classement. Les frontales sont disséminées de loin en loin. Quand je me retourne, je ne vois que quelques lumières. Deux d’entre elles sont les « fermeurs », comme il est écrit sur leurs dossards.
Tous mes compagnons de fin de route sont des japonais. Ils avancent tranquillement et me disent merci en me dépassant. Le sommeil m’a quitté mais n’a laissé qu’un coquille vide. Je n’avance plus. Je suis presque surpris qu’il reste encore des coureurs pour me dépasser. Plus le temps passe et plus je me dis que j’aurais dû faire demi-tour et retourner aux Contas, ou au moins à Notre Dame de la Gorge.
Il bruine, il fait froid, j’avance à deux. Une petite gorgée d’eau régulière et un coup d’oeil derrière pour voir s’il reste au moins une frontale allumée dans cette montée interminable vers le col du Bonhomme.
Je mets 1h25 pour monter ce col. J’envoie un sms à Ingrid « J’ai pris froid et je n’avance pas. Je ne suis pas encore au refuge du bonhomme. Je pense que ça va pas le faire pour la BH des Chapieux ».
J’ère plus que je n’avance jusqu’au refuge. J’y arrive après plus de 50 min (9h59 de course pour 8h09 prévues, 2418ème). Il me reste donc 1h15 pour rejoindre les Chapieux, à 5 km de là. C’est encore faisable en théorie. En d'autres temps, j'aurais même trouvé ça facile.
J’envoie un sms à Ingrid « Je viens de passer le refuge, je confirme l’arrêt aux Chapieux », auquel elle répond « Sylvain, tu peux encore y arriver, la BH est à 5h15 on se retrouve à Courmayeur et tu aviseras alors ».
Courmayeur, ça veut dire repartir pour le col de la Seigne, Combal et le reste…
Je descends en marchant. Le chemin est raviné, accidenté, et mon estomac n’apprécie pas trop que je trottine. En tout cas mon inconscient en est persuadé. Mon inconscient a surtout une pensée pour le temps qui s’écoule, décidé à laisser se refermer la BH. C’est tellement plus confortable d’arriver pour s’entendre dire « je dois vous arrêter » que d’avoir à prendre soi la décision de ne pas continuer alors qu’objectivement rien ne s’y oppose. A chaque pas je me persuade que je ne suis pas capable d'aller plus vite, que vraiment je fais de mon mieux pour descendre le plus rapidement possible. La partie de moi qui a trouvé cette porte de sortie s'y accroche comme un chien maigre à son os, ralentissant les pas pour faire passer le temps tandis que l'autre a baissé les bras et la regarde faire.
J’arrive aux Chapieux à 5h39, je suis 2461ème, la barrière s’est refermée il y a 24 minutes. La partie de moi qui a refusé d'être à la hauteur doit jubiler quelque part derrière un neurone, lâchement. Fin de l’UTMB pour moi et au delà, peut-être la fin d'une certaine pratique de la course à pied, parce que savoir que cette partie de moi existe et que je suis incapable de la museler m'afflige.
En ce dimanche où je joue au ballon avec mes enfants, mes pieds tapent dans la balle et ma tête est en montagne avec les coureurs qui progressent. Je reste déchiré. Et par cette déchirure s'écoule une profonde tristesse. Je suis triste d’être passé complètement à côté de la course, d’avoir raté l’évènement. Pas par manque de préparation physique ou de planification, sachant qu'en plus j'avais avec Ingrid une assistance dévouée et expérimentée dans le domaine, mais parce que je n’y ai jamais vraiment été. A tel point que je me demande encore si j’y ai vraiment participé, ou si ce n’était qu’un mauvais rêve d’une nuit de mauvaise grippe.
Accueil - Haut de page - Aide
- Contact
- Mentions légales
- Version mobile
- 0.13 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !
29 commentaires
Commentaire de Yvan11 posté le 03-09-2018 à 08:36:53
Une course ratée mais un récit très intéressant.
Dans 10 ou 20 ans, il ne te restera que le souvenir d'un beau dimanche passé à taper dans un ballon avec tes enfants, ce qui vaut plus que toutes les vestes finishers.
Commentaire de Mazouth posté le 03-09-2018 à 09:03:01
Regarde le ballon... et bien comme lui, tu vas rebondir. On a tous qqpart ce mauvais esprit qui veut tout foutre en l'air (je pense que c'est naturel parce qu'on fait un sport difficile), et tu prendras ta revanche sur lui, qui a lâchement profité d'un mauvais enchainement de circonstances (mauvais temps, trop de monde en fin de peloton, perte de temps aux Contas...) pour te tacler par derrière ! Subir ça sur l'UTMB c'est rageant, il va falloir le digérer, mais tu es bien entouré, ça passera avec le temps... et un peu d'eau gazeuse aussi ça aide à digérer il parait ^^
Commentaire de Zorglub74 posté le 03-09-2018 à 09:14:52
Ton récit est très poignant et plein de franchise. l'image du ballon de Mazouth est très juste les ultras sont comme la vie faits de hauts et de bas. Je pense également que tu vas apprendre de ce départ avec trop de monde, à ce temps qui file entre les doigts dans les ravitos bondés où rien n'est simple, à ces longues files qui n'avancent pas dans les sentiers plus étroit... Je pense qu'au début tu n'as pas fait ta course mais que tu as subi celle de la foule en route avec toi ce qui a peut-être endormi ta vigilance pour les petits signaux avertisseurs. En tout cas tu vomis tout cela avec une belle franchise et rien que cela doit faire du bien. Ne t'en fait pas même devant sans les barrières au cul la donne est parfois la même... j'ai bien bifurqué sans gloire lors de la dernière Montgn'hard sous un soleil radieux ;-)) juste parce que je ne me sentais pas de finir en marchant. Je te souhaite de belles parties de ballons avec tes enfants.
Commentaire de Dahus69 posté le 03-09-2018 à 10:47:36
Des élites et dure au mal ont jeté l'éponge avant toi sur cet UTMB aux conditions difficiles: Gediminas GRINIUS, Mimi KOTKA au Contamines.
Commentaire de Mustang posté le 03-09-2018 à 11:06:34
Récit très émouvant, tu décris avec justesse et clairvoyance ton état d'esprit. Un échec certes mais qui a certainement appris à mieux te connaître. bonne suite.
Commentaire de chrislam posté le 03-09-2018 à 11:29:46
Un récit poignant et d'une grande franchise qui nous rappelle que ce sport, c'est beaucoup "dans la tète".
Nous avons tous sans exceptions ces moments de grande détresse ou il est plus simple de se laisser aller sans gloire que de continuer à se battre....
Nous sommes tous humains.
Commentaire de Mams posté le 03-09-2018 à 17:20:34
Il y a des fois comme ça, où on est pas à la hauteur de l'événement qu'on attendait tellement... pour plein de raisons, plus ou moins justes. Le cocktail de conscient et d'inconscient nous échappe et on ne trouve pas la réponse après coup et à froid de l'abandon. ça peut arriver à chacun de nous, et cela ne remet absolument pas en cause ta capacité dans ce sport, bien au contraire! ça fait partie aussi du trail et je pense qu'il nous faut l'accepter. Après, on rebondit plus fort, et plus sage, peut-être? En tous cas, c'est formateur et ça permet de se connaître un peu mieux. Ne fait-on pas ce sport pour se frotter à nos limites? Le hic, c'est qu'on ne les identifie pas toujours sur le moment et qu'on n'arrive pas à les repousser à chaque fois. Je suis sûre qu'avec un peu de temps, tu vas digérer tout ça, et que l'envie de repartir courir sur les sentiers reviendra, sans doute un jour de grand beau temps! ;) (Christophe a connu ça et il a fallu quelques semaines pour encaisser le choc et sortir d'une sorte d'hébétude et de dénigrement, après l'envie est revenue avec la hargne de la revanche!!). En plus, tu as une super partenaire/assistante, qui j'en suis sûre, saura te soutenir et te booster quand le moment sera venu! :D
Commentaire de Khioube posté le 03-09-2018 à 19:05:22
Désolé pour toi, ce n'est pas marrant de sortir d'un tel évènement avec des regrets et de l'incompréhension. J'ai vécu une expérience si proche de la tienne que je me suis permis de t'emprunter un paragraphe... J'espère que tu ne m'en voudras pas ! Bonne récup, je suis sûr que tu vas vite tourner la page...
Commentaire de Bérénice posté le 03-09-2018 à 20:45:01
Quelle sincérité dans ce récit... c’est super touchant. N’oublie pas que le temps sera ton allié et je te souhaite de rebondir et de te servir de cette expérience pour avancer. En cas d'échec je pense toujours à Bouddha qui aurait dit « tu peux faire 1000 erreurs mais jamais 2 fois la même ! »
Et surtout garde ton humour qui te caractérise sur ce site :-)))
Commentaire de Arclusaz posté le 03-09-2018 à 23:07:11
Les mots que tu emploies sont d'une incroyable justesse. Quel récit ! Le moulin a tourné trop fort : les jambes ne sont rien sans l'envie. Ne le vis pas comme un échec et pense aux choses tellement plus importantes que tu as réussies ces derniers mois. Merci Sylvain pour ce récit qui fera date.
Commentaire de lemulot posté le 04-09-2018 à 05:30:42
Ton récit m'a rappelé ma TDS en 2015 où le corps y était mais pas la tête, je n'ai même pas eu l'excuse de la BH mais j'ai abandonné. Aujourd'hui il reste toujours une petite plaie difficile à cicatriser, mais après tout la vie continue on se fixe de nouveaux objectifs, différents et plus en adéquation avec sa vie. Comme a dit un grand philosophe kikourien "Le sport est la chose la plus importante des choses les moins importantes". Passe nous voir à l'occaz 😉
Commentaire de TomTrailRunner posté le 04-09-2018 à 08:12:55
En un mot comme en 100 ; c'est balot !!!
C'est une autre personnalité qui s'est exprimée, la face cachée du Spir...ou plutôt le Fantasio ?
Commentaire de Jean-Phi posté le 04-09-2018 à 08:16:21
Tu as écrit le CR que Je n'ai jamais réussi à sortir, faute de courage à affronter cette réalité : on n'y est pas, malgré tous les efforts consentis. Combien j'ai pu ressentir intégralement tout ce que tu as décrit, ce discours mental sur comment s'échapper de cet enfer la tête haute. Bravo pour avoir affronté cela. Si je peux me permettre un conseil d'ancien, prend le temps avant de rebondir, profite de ta famille, ressource toi et pose toi la question suivante : qu'est ce que j'attends de la course à pied, du trail ? Quand la réponse apparaîtra alors tu repartiras. Ne brûle pas les étapes, on vit tous cela un jour avec l'envie de répartir au charbon pour laver l'affront au plus vite. Mais il est possible que cela soit plus profond que cela, tu le dis en filigrane dans ton CR. Quand les vannes s'ouvrent ainsi, ne pas les refermer brutalement mais laisser se vider le trop plein de négatif, de frustrations et de fatigue. Courage, tu as fait le bon choix, il n'y a pas de déshonneur à ne pas être tout le temps à la hauteur de ses ambitions. Tu restes dans tous les cas un très bon coureur, mais peut être bien un coureur épuisé. De tout coeur avec toi.
Commentaire de tidgi posté le 04-09-2018 à 08:43:50
Ton récit est juste bouleversifiant !
Ça a beau être un loisir, quand l'objectif n'est pas atteint malgré les efforts consentis, cela marque forcément.
Mais tu as peut-être plus appris de cet échec que si tu avais été au bout ? (comme tu sais si bien le faire sur bon nombre de courses). Une expérience qui s'est forgée. Next time.
Commentaire de Davitw posté le 04-09-2018 à 08:44:49
On a tous ce mauvais soi. Et parfois il prend le dessus c'est comme ça. Ne t’inquiète pas, cela arrive à tout le monde, et tu rebondiras j'en suis persuadé. Tu as derrière toi une grosse année passée de changement de vie, ce n'est pas étonnant que le trail soit la dernière roue du carrosse même si tu pensais avoir tout mené de front ;) Mentalement c'était visiblement pas le bon moment... Digère tranquillement et surtout remets toi en selle, il ne faut pas rester là dessus ! Merci pour ton CR car la sincérité retransmise ici nous touche tous je pense... Courage Spir et à bientot j'espere :)
Commentaire de coco38 posté le 04-09-2018 à 08:58:47
Quel récit ! Mais je ne peux m'empêcher de te demander pourquoi tu es parti dans la fin du peloton ? J'ai l'impression que toute la spirale négative vient de là. D'autant que sur ce genre de course la toute fin du peloton ce sont quand même beaucoup de coureurs qui n'ont pas le niveau... alors que toi si !. Bonne récupération et je suis sur que tu vas te relancer pour d'autres défis.
JC
Commentaire de truklimb posté le 04-09-2018 à 10:05:01
Merci pour ce récit Spir, bien plus instructif que ce que tu annonces en introduction.
Ensuite, il faut juste prendre le temps de digérer ta contre-performance, tu vas finir par l'accepter et tu reviendras encore plus fort. Comme le disait Nelson Mandela : "Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j'apprends". Perso j'adore cette citation et je tâche de m'en rappeler le plus souvent possible.
Commentaire de Papakipik posté le 04-09-2018 à 10:14:00
Quel récit, peu habituel mais révélateur de ce qui peut guetter chacun d'entre nous. Tu le dis à un moment, je pense que le mental a pris le pas sur tout le reste et que les soucis physiques que tu as rencontrés en sont la conséquence, plus qu'un manque de préparation qui m'a semblé bon pour toi ces derniers mois. Fais une pause pour recharger les batteries, tu ne pourras que revenir meilleur fort de cette expérience, même négative pour toi à chaud.
Commentaire de rico69 posté le 04-09-2018 à 11:41:32
Bien au contraire le lecteur de passage trouvera dans ton récit ceux à quoi n'importe quel coureur (voire tous les coureurs) doit s'attendre : entrer dans le cercle vicieux de la pensée négative. Je ne pense pas qu'il faille chercher les raisons de ton echec dans le manque de préparation ou la mauvaise gestion de course. C'est selon moi plus un enchainement de petits quelques choses qui t'ont fait entrer sournoisement dans ce cercle vicieux duquel tu n'as pas pu t'extraire. Pour l'avoir vécu 2 fois une fois entré dans ce cercle (ou une fois les pales du moulin en mouvement) il devient de plus en plus difficile de s'en extraire. Un peu comme dans un sable mouvant plus on s'agite pour en sortir plus on s'y enfonce. La solution? Ne pas entrer dans ce cercle. Comment? En anticpant le plus possible le moment où nous sommes sur le point de mettre le pied dans le cercle. Si je reprend l'image de ton moulin, il ne faut pas regarder les pales tourner en espérant que le vent va tomber, il faut rentrer dans le moulin pour arrêter les pales même si le vent souffle. Ecrire ton récit montre déjà une grande détermination à aller de l'avant. Je n'ai absolument aucun doute sur tes capacités à rebondir mais avant place à la récup tant physique que mentale.
Commentaire de Papakipik posté le 05-09-2018 à 11:38:49
Peu habituel dans le sens où peu de récits en parlent avec autant d'introspection. Mais c'est clairement bien ce qui nous guette tous...
Commentaire de Benman posté le 04-09-2018 à 12:25:27
Quel beau texte. A montrer dans toutes les écoles de trail et de psychologie. Comme je suis un poil sensible en ce moment, je peux te dire qu'il m'a beaucoup ému. Tu as toutes les clés pour en tirer les bonnes conclusions et ton récit en est la preuve. Je n'ai pas de conseil à te donner, juste un grand merci pour ce partage.
Commentaire de Benman posté le 04-09-2018 à 13:22:14
Quel beau texte. A montrer dans toutes les écoles de trail et de psychologie. Comme je suis un poil sensible en ce moment, je peux te dire qu'il m'a beaucoup ému. Tu as toutes les clés pour en tirer les bonnes conclusions et ton récit en est la preuve. Je n'ai pas de conseil à te donner, juste un grand merci pour ce partage.
Commentaire de xian posté le 04-09-2018 à 19:11:01
alors là !!! je pique les premiers mots du commentaire de Benman : "quel beau texte".
Je comprends (en moins fort) pour avoir vécu la même expérience (en moins fort), pour l'UTB2018 : prêt physiquement, mais le ver dans le cerveau qui se met à grignoter la motivation le mercredi soir quand il faut commencer à préparer le sac. Ma "BH", ça a été la météo avec les risques d'orage et le parcours de repli annoncé le vendredi début d'après-midi. Soulagé d'annoncer un DNS, "pas envie de prendre un risque en montagne".
Bref, ça arrive même aux meilleurs ;)... 2017 : tu as fait une belle échappée, 2018 : tu as appris sur ton fonctionnement lors de l'utmb, 2019 : ???
a je to !
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 04-09-2018 à 19:12:00
Voilà un récit d'utilité publique qui parle à tout sportif qui s'avoue humain.
Il faut un certain courage pour l'écrire. Sa force c'est la mise en avant de la dimension humaine de l'épreuve, dimension fondamentale en ultra.
Commentaire de franck de Brignais posté le 04-09-2018 à 22:59:27
Merci pour ce partage, ta sincérité et de permettre à chacun de nous de réfléchir à nos moulins. Il n'y a rien de grave... l'essentiel, le plus important, s'est joué dans ton jardin dimanche : être entouré des tiens, sans jugement. Si un de ces 4 l'envie naît, j'aurais énormément de plaisir à rejouer notre super partage "échappée belle"... une coursette en Suisse, début Juillet, me fait de l'oeil... mais elle me fait un peu peur aussi... la tenter à 2 serait un super projet je crois... si ça te tente...
Commentaire de Spir posté le 05-09-2018 à 22:36:30
Franck, si tu penses à une course réputée bien montagnarde sur laquelle tes amis du LUR se sont déjà pas mal illustrés, je pense qu'il ne serait pas trop dur de me convaincre ;) A creuser !
Commentaire de Philippe8474 posté le 05-09-2018 à 08:57:10
Belle sincérité et belle réflexion.
Pour apporter de l'eau à ton moulin, j'ai mis 8 ans entre mes 2 derniers ultra un peu long réussis (2010-2018). Mes premières réussites dans l'Ultra m'avait sans doute fait penser que c'était acquis. Mais non le mental s'était émoussé, et l'envie n'y était plus, j'ai insisté 2011 et 2012 abandon, 2014, 2015 ultra 80 bornes finis très durement...
Finalement de l'eau est passé sous les ponts, j'ai continué ma pratique de la montagne avec plaisir, fait des courses plus courtes en m'éclatant, en galérant... Et finalement une petite envie est revenue, elle a germé, j'en ai eu peur, je l'ai laissé grandir, je ne lui ai pas laissé prendre la même place non plus... Et je me suis éclaté cette année.
Tout ça pour dire que rien n'est définitif, que l'Ultra est (loin des élites, super champion et enchaîneurs d'Ultra de tous poils) hyper exigeant physiquement et mentalement et qu'une bonne pause peut faire beaucoup de bien.
'fin laisse passer du temps et profite de ta famille, des chemins et sentiers :-)
Bref fait surtout comme ça e convient ;-)
Commentaire de Spir posté le 05-09-2018 à 22:33:36
Merci beaucoup à tous pour vos commentaires, témoignages, réflexions. C'est à la fois touchant et enrichissant. Me voilà avec une cargaison de bon grain à moudre pour les mois à venir ! Au plaisir de vous croiser ou recroiser sur les chemins !
Commentaire de bubulle posté le 16-06-2021 à 18:51:00
Tiens, je ne l'avais jamais lu, celui-là... Quel beau récit. J'y retrouve la vilaine spirale de mes deux abandons à ce jour et cette étonnante capacité qu'on a à s'auto-convaincre que ça va pas le faire......et, bien entendu, les immenses regrets qui suivent.
Bon, l'avantage, dans 3 mois, c'est que si ça t'arrive, t'en auras deux qui ne te lâcheront pas la grappe pour te laisser partir dans la spirale négative....et je compte bien que tu fasses pareil...;-)
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.