Récit de la course : Ultra Trail du Mont-Blanc 2021, par Fironman

L'auteur : Fironman

La course : Ultra Trail du Mont-Blanc

Date : 27/8/2021

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1316 vues

Distance : 171km

Matos : Hoka speedgoat
sac compressport
pezl 900
bâtons black diamond

Objectif : Faire un temps

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UTMB 2021

Comme tout triathlète rêve de faire Hawaii, chaque ultra-traileur se met pour objectif de faire l’UTMB au moins une fois dans sa vie. Si les critères de sélection ne sont pas du tout les mêmes et que Kona est considéré comme le championnat du monde officieux de l’Ironman, ce qui n’est pas le cas de l’UTMB en ce qui concerne l’ultra-trail, le caractère mythique de ces épreuves est bien réel. 

 

Après deux échecs au tirage au sort, j’étais, enfin, repris cette année pour ce tour du Mont Blanc. J’avais déjà deux ultras de 2020 reprogrammés cette année mais une sélection pour l’UTMB ne se refuse pas, même après une longue réflexion de deux minutes.

 Après avoir bien récupéré du Val d’Aran, je suis parti à Chamonix après deux semaines de vacances en Espagne et deux gardes chez les pompiers. J’ai couru une centaine de km en Espagne mais lors du dernier entraînement, je me suis fait une vilaine contracture au mollet, ce qui m’a inquiété jusqu’au bout. Je n’ai donc plus couru mais fait un peu de vélo pour laisser le mollet en repos actif. Mon ambition, sur ce parcours assez roulant techniquement mais quand même avec 10 ascensions et pas moins de 10000 m de dénivelé, était de finir l’affaire en moins de 40 heures comme en Espagne, deux mois plus tôt. Objectif raisonnable sur ce genre de parcours, si tout va comme prévu. 

 

3 vagues de départ étaient programmées à partir de 17 heures, j’étais dans la 2ème avec un départ prévu à 17h30. Nous étions parqués dans un pré à 500 m de la ligne, en attendant que la vague des plus forts soit partie. Il y a énormément de monde, l’ambiance est incroyable, petit briefing des organisateurs, une minute d’applaudissements pour le décès du coureur de la TDS, l’inévitable musique du film « Christophe Colomb » pour le frisson et enfin, la meute est libérée. Je suis à la fin du peloton qui se tortille dans les ruelles étroites de Chamonix, les encouragements de la foule sont incroyables, on se prendrait presque pour de fiers aventuriers qui partent au bout du monde. C’est dingue ! Quel engouement ! 

 Bon, je pars très prudemment sur ces 8 km de plat qui nous amènent aux Houches, je profite de cette foule qui nous encourage mais je ne m’emballe pas, je suis sur un p’tit 10 km/h qui me servira de test et d’échauffement. Premier ravito aux Houches, je remplis mes flasques, il fait assez chaud et je bois une gorgée toutes les dix minutes, maximum. Nous montons le col de Voza jusqu’à Delevret sur un chemin assez large et sans difficulté technique, donc il n’y a aucun bouchon, ça c’est top. Je passe au sommet à 1800m en 2h15 après 800 m de dénivelé. Tout à l’air de bien tourner, je suis bien installé dans ma course, mentalement et physiquement. S’ensuit une descente de 6km vers St-Gervais où on perd 1000 m de dénivelé, les quadriceps sont mis à dure épreuve sur ces pistes de ski où il n’y a aucun virage et où on doit contrôler sa vitesse. Au ravito et dans la ville, l’ambiance est, à nouveau, dingue. Il y a un monde fou, de la musique, des cris, impossible de ne pas relancer l’allure alors que la nuit commence à tomber. Il est 20h30, 21 km effectués et tout se déroule bien. Boire toutes les 10’, un gel dans les montées, une barre dans les descentes, c’est mon plan nutritionnel pour cet UTMB. 

 Je mets ma frontale et je me dirige maintenant vers Les Contamines, soit 10 km et 600 D+ en longeant le Bon Nant. J’alterne trottinement et marche rapide en calquant mon allure sur le groupe assez imposant dans lequel j’évolue. Je me sens très bien en abordant cette 1ère nuit. Nous arrivons au ravitaillement des Contamines, l’assistance est autorisée, ce qui nous fait un joyeux bordel dans le chapiteau. Je remplis très vite mes flasques, je traverse les zones d’assistance et je me relance en courant vers Notre Dame de la Gorge. Perdre un minimum de temps aux ravitaillements, tel est mon crédo sur les ultras. Déjà, je suis seul, et il n’est pas bon de rester dans ces zones de confort où on a vite fait de s’’apitoyer sur son sort et d’abandonner dans les moments difficiles. Ce sont des endroits dangereux psychologiquement et il faut y passer le moins de temps possible.

Il y a encore quelques sentiers assez plats pour y trottiner quand on arrive à Notre Dame de la Gorge. Les spectateurs ont allumé un brasier et ils se sont mis dans la montée pour faire une haie d’honneur à tous les concurrents, sacrée ambiance, ça booste ! J’entame la 2ème ascension qui nous amène au Refuge de La Balme puis au sommet du col du Bonhomme.Sur moins de 10 km, on se prend 1300 m de D+. La pente est assez large et régulière jusqu’au ravito de La Balme. Un bénévole me conseille de mettre une couche de chaud car on va rencontrer du vent très froid sur le col. Je mets ma veste, un pipi et je m’inscris dans la guirlande de frontales qui avance vers le sommet. Le sentier est bon et régulier jusqu’au sommet, le rythme me convient très bien et tout le monde se suit d’un bon pas. Je franchis le col à 1h30, nous sommes à 2479m et le vent est froid et soutenu. Je m’élance sans tarder vers Les Chapieux, je trottine sur ces 5 km et 900m de D-, la descente est toute droite et sollicite, de nouveau, durement, les quadriceps. Ravitaillement express avec un gel à la caféine pour attaquer le col de la Seigne, frontière avec l’Italie. On longe le torrent jusqu’à la ville des Glaciers en montant assez légèrement puis on attaque le col, via le refuge des Mottets, par un bon sentier assez raide dans ses derniers lacets. Je suis bien, pas fatigué, concentré, je mets un peu de musique pour avoir une bonne cadence et je franchis le col et la frontière à 4h45 après 950 de D+ et 10 km. 

 

Une descente très courte nous mène au pied des pyramides de calcaire, je vois cette ribambelle de lampes s’élever vers le ciel, je regarde laquelle est au sommet et je mesure l’ampleur de la tâche. J’avale mon 2ème gel à la caféine et je fonce dans le chantier. Un peu moins de 300 m de D+ sur 1km700, c’est du raidard et dans un pierrier assez technique, ça passe très bien et j’attaque la descente très technique sur du caillou humide à cause de la rosée matinale. On descend sur 600m en 5 km, bien en rythme mais prudemment alors que les plus lents laissent passer gentiment. Nous voyons un traileur faire une lourde chute, attroupement autour de lui, il a très mal aux côtes mais il se sent en mesure de continuer, tant mieux. Ma lampe est très faible alors je me cale entre deux gars et je suis le mouvement car je n’y vois plus grand chose. J’arrive au Lac Combal au km 68 à 6h18. Je m’enfile deux cocas, une barre et quelques quartiers d’orange. Passage aux toilettes, puis je cours tranquillement vers le pied de l’arête du Mont Favre, 2km500 et 400 de D+, dernière montée avant Courmayeur. J’avance encore très bien, je passe l’arête à 7h34, je profite quelques instants du paysage qui, au lever du jouer, est assez fascinant ! Je trottine et marche vite, jusqu’au Col Checrouit sur un sentier en balcon qui descend assez sagement. Ravitaillement, puis je «  fais » la descente très sévère vers Dolonne, c’est très pentu et très technique sur la fin, depuis l’arête, on aura eu 1200 de D- sur 10 km. Je pénètre dans le hall omnisports de Courmayeur à 9h00 au km 82 après 15h30 de course. Je me sens bien, sauf que j’ai assez mal aux quadris, ils sont durs et pas moyen de faire un étirement sans hurler de douleur. Je m’arrête une demi-heure, je me suis changé, j’ai remis ma lampe à charger, j’ai mis mon sac en ordre, il fait beau, je suis plus que dans mes temps, mon moral est au zénith pourtant, j’ai mangé tout mon pain blanc. 

On repart à travers Courmayeur en évitant la jolie petite place, je suppose à cause du Covid. J’entame la terrible montée vers le refuge Bertone, 800 m de D+ sur 5 km, ça bouchonne derrière moi, ce n’est pas bon signe. Je dois régulièrement laisser passer, je n’avance plus, j’ai mal aux cuisses, plus de puissance, plus de rythme. Je suis cramé au niveau des quadris, en fait. Bon, faudra faire avec, pas le choix. Je passe Bertone à 11h10, oranges, coca et je m’élance dans le Val Ferret, plus moyen de courir, trop douloureux et, en plus, on a le vent de face. J’essaye de marcher vite mais je suis touché au moral, j’ai beau me dire que j’ai de la marge, en marchant, ça risque d’être très long. Arnouvaz, ravitaillement à 13h45, on est au 99ème, contact téléphonique avec Fatima avant la Suisse où le moindre SMS coûte un bras. Je m’attaque au Grand Col Ferret (2537m), un peu raide au début jusqu’au refuge Elena puis assez régulier jusqu’au sommet. Le vent est très fort et assez frais mais il y a un beau soleil pour rentrer en Suisse, il est 15h15. 

Nous voilà parti pour 20 km de descente jusqu’au pied de la montée vers Champex-Lac. J’essaye d’alterner marche rapide et petit trottinement mais les cuisses me font souffrir de plus en plus. La Peule, La Fouly où je fais un ravitaillement express, Prayon, Praz de Fort et, enfin, Issert sont les villages longés ou traversés dans cette longue et monotone descente. Je perds énormément de temps mais je n’ai aucun autre choix que de finir en mode économique. Je vais devoir me battre contre la fatigue musculaire et physique, je ne m’étais pas préparé à ça, je m’attendais à ne course plus facile, tant pis. J’entame la petite ascension vers Champex à mon rythme, c’est court mais assez raide et difficile, surtout après une telle descente. Après 4 km et 400 de D+, j’entre au ravito de Champex-Lac, j’y reste un petit temps car la nuit tombe et je dois préparer mon bonnet et ma frontale, je me ravitaille un peu plus avec du pain et du fromage, le sucré commence à m’écoeurer. Je repars à 20h35, je longe le lac et je commence à avoir froid. Bon, je dois me changer, je m’arrêterai après le lac, j’aurais du le faire dans le confort du chapiteau mais quand je suis arrivé, il faisait encore jour et chaud. Ca prend un p’tit temps pour mettre ce t-shirt manches longues et ma veste, je prépare aussi mes gants. Je repars dans une belle descente avant d’entamer le col de la Forclaz, 700 m de D+ en 5 km, je suis souvent seul, j’ai un train régulier mais lent, je ne suis plus dynamique, je manque de force dans les cuisses. Je suis rejoint par un petit groupe de 4 et je m’accroche à eux jusqu’à Trient. Il fait carrément froid et je me suis bien emmitouflé. La descente était régulière, pas trop technique, je me suis bien accroché, j’ai pris mes gels à la caféine et je suis concentré. Pas fatigué mais un peu touché au moral, mon physique ne me permet pas de faire ce que j’ai la volonté de faire et ça me déçoit. A cette heure, je rois encore rentrer en moins de 40 heures, mais c’est une illusion. 

Je repars de Trient à 1h14 après 1/4 d’heure de pause. Encore un col et on est de retour en France. 10 km jusqu’à Vallorcine avec 750 de D+ et 800 de D-. Le moral revient un petit peu, ça sent l’écurie. La montée et la descente se passent plutôt bien, je me bats, je souffre énormément des cuisses, je marche, je trottine, j’essaye de m’accrocher à l’un ou l’autre, j’ai encore un oeil sur le chrono, je me dis que ça va le faire, que j’avance, lentement mais sûrement. 

J’arrive à Vallorcine à 4h26. 10 minutes pour boire du coca, un 2ème gel à la caféine et, musique dans les oreilles, je repars gonflé à bloc. Il fait glacial, j’ai pris un coup de froid sur la poitrine et je me mets à tousser assez grassement tandis que ma respiration devient sifflante. Manquait plus que ça. Le programme final est assez corsé : montée tranquille jusqu’au col des Montets (1461m) puis une ascension très raide en lacets jusqu’à Tête aux vents (2135m) soit 750 m de D+ sur 8 km. Je n’avance plus, je me fais dépasser de tous les côtés, je suis trop fatigué pour essayer de tenir un rythme correct, je n’y crois plus donc je vais me rentrer tranquillement, je souffre des cuisses comme je n’ai jamais souffert sur un ultra. Faudra que je me penche sur la question pour remédier à ça mais à ce moment, j’en ai ras-le-bol, je voudrais que ce soit fini. 

Arrivé au contrôle de la tête aux vents, je me farcis les 3 km de descente technique jusqu’à la Flégère clopin-clopant, je ne peux plus prendre un appui correct sans me faire mal, c’est pathétique. J’apprendrai avoir perdu 100 places entre Vallorcine et Cham’ ! J’arrive tant bien que mal à La Flégère, on m’annonce 8 km de descente, ça va être long. J’appelle mon frangin, secours psychologique, et il m’annonce que ça ne descend pas très fort sauf sur 1 km et qu’il y a 2 km de plat à la fin, et que ça va aller, etc… Bon, j’y vais, je marche assez vite, je trottine un peu, je dépasse 2, 3 gars encore plus mal en point que moi, je discute un peu avec un randonneur du coin, j’arrive à la passerelle métallique où je m’assois 10’ pour nous remettre à neuf, mon sac et moi, je suis encore débraillé de ma nuit de combat dans le froid ! 

Allez, je traverse la passerelle et je me mets à trottiner, il y a déjà du monde au bord de l’Arve en ce dimanche matin ensoleillé. Les encouragements pleuvent de partout, j’ai la banane, quand j’arrive au pont, le bénévole me demande si je connais le chemin vers l’arrivée, je lui réponds affirmativement alors il me dit : « savoure ces 400 derniers mètres maintenant ! » C’est ce que j’ai fait, ces dernières centaines de mètres étaient magiques, inoubliables, c’est génial de vivre ça. Moment de gloire quand on passe la ligne qui efface instantanément les galères traversées pour arriver là ! J’ai été chopé sur la ligne pour un contrôle salivaire et sanguin ! 

Après un rafraichissement bien mérité j’ai été chercher mon sac et je suis rentré  à l’hôtel. Repos de 13h30 à 17h30, j’ai entendu les derniers finish ers passer la ligne mais je n’ai pas eu le courage de me lever pour aller les voir. Après une bonne crème glacée, j’ai été manger au Poco-coco, un hamburger et des frites mais à la moitié, j’étais rempli. Après une bonne nuit de repos, j’ai repris la route de notre plat pays le lendemain. Il m’a fallu une bonne semaine pour récupérer au niveau musculaire.

Très content de l’organisation, de l’ambiance et des paysages, c’est un superbe parcours. Un peu déçu de mon temps mais physiquement, je ne pouvais pas faire beaucoup mieux. Très content de mon périple jusqu'à Courmayeur, j'ai vraiment kifé puis après la galère a gâché ma seconde moitié de course mais bon, fier d’avoir terminé quand même ! En route pour la Diag’ 

41h17'14 722ème 100 V2H

2347 partants 1521 finishers 

3 commentaires

Commentaire de augustin posté le 15-09-2021 à 15:19:09

Yeah! je retrouve mon Fironman de l'epoque des IM discutés sur O.T :-) bravo l'artiste pour ton UTMB, si j'avais su j'aurai essayé de te croiser, j'y étais, mais en tant qu'accompagnateur de mon épouse pour faire l'assistance sur sa CCC. A une prochaine!

Commentaire de Garraty posté le 17-09-2021 à 18:47:21

Sympa le résumé! (Je finis pas loin en 41h26, 734ème et 103ème V2H)

Commentaire de Fironman posté le 27-09-2021 à 10:19:18

Merci Augustin, à l'année prochaine, peut-être ?
Merci Garraty, voisin de course ! ;-)

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