Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2014, par philippejer

L'auteur : philippejer

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 29/8/2014

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1607 vues

Distance : 168km

Objectif : Terminer

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Le bonheur d'etre finisher vaut tous les efforts

Le jour J est arrivé, Place du Triangle de l’amitié, nous sommes plus de 2300 à attendre le départ sous la pluie, venus de tous horizons et pour certains de très loin, notamment les Japonais qui sont très nombreux à prendre le départ.

Les questions qui envahissent mon esprit dans cette avant course sont nombreuses, est ce que j’ai ma place de ce peloton de trailers aguerris, personne n’est ici par hasard, il a fallu gagner sa place.

Je n’ai fait aucun trial de préparation, pas de course depuis l’ultra  trail du Verbier début juillet 2013 soit plus d’un an et les 4 jours de piétinement à Disneyland en début de semaine ne vont-ils pas de faire sentir dans les jambes.

L’hommage rendu a Jean Claude Marmier, puis la musique qui hérisse le poil me font définitivement rentrer dans la course et l’envie de courir, de se confronter à ce défi dans cet environnement majestueux est bien là, j’ai une chance exceptionnelle  de pouvoir participer à cet évènement, je m’y suis préparer mentalement depuis  le 15 janvier.

Le départ est lent, malgré la pluie les rues de Chamonix bondées de monde, elles ont du mal à absorber le flot de coureurs, cela me permet de faire un dernier bisou a Sandrine et aux filles , puis sur la sortie de la ville l’allure s’accélère et beaucoup de coureurs me doublent , je suis surpris par l’allure de ce début de course, on ne dirait pas que nous sommes paris pour 168 km et le dénivelé qui va avec. Je laisse donc me doubler en me disant que les minutes gagnées ici pourraient se perdre en heures par la suite.  

La partie entre Chamonix et les Houches est assez roulante et permet de bien se mettre en jambe, il n’y a pas de difficulté, il faut gérer ne pas s’emballer, tant pis si je recule dans le peloton.

On commence à entrer dans le vif du sujet après les Houches, la pente s’élève en même temps que la pluie redouble, cette première montée permet de jauger les jambes, les sensations sont bonnes, ça permet de partir avec un bon mental, c’est un atout majeur dans ce genre de course. Cette première difficulté est passée sans encombre même si je suis à l’arrière du peloton (2h08,  1635 eme)  .Je vais continuer à perdre des places dans  la descente sur Saint Gervais que je fais prudemment car la pluie qui tombe depuis plus de 2 heures a transformé la descente en vraie patinoire, autour de moi des coureurs tombent dans tous les sens, il n’y a plus aucun appui possible.

Toujours sous la pluie il y a énormément de monde à Saint Gervais, c’est assez incroyable cette ambiance et magique en même temps. La portion pour rejoindre les Condamines est assez roulante, ce qui permet de relancer malgré la boue et la pluie, le ravito de la balme arrive assez vite, la soupe de pate est toujours la bienvenue, surtout qu’à ce moment de la course j’ai énormément de mal à m’alimenter et seule la soupe passe bien. Je mets ça sur le dos de la boisson énergétique, certainement un peu trop dosée d’où cet écœurement .Pour l’instant c’est encore gérable car la soupe me permet de ne pas avoir faim. , en  tout cas c’est décidé, terminé la boisson énergétique ce sera uniquement de l’eau à présent et du coca au ravito.

Le spectacle des frontales cheminant dans la montagne est magnifique, à ce moment de la course, les coureurs se suivent a la queue leu leu, et c’est un long ruban de lumières que l’on voit serpenter et même si j’ai déjà vu de nombreuses fois ce spectacle, on ne s’en lasse pas.

La descente sur les Chapieux se fait sans encombres et comme à mon habitude je perds des places dans la descente, il s’est arrêté de pleuvoir mais c’est toujours très glissant, j’arrive aux Chapieux à 3h04 du matin, pointé en 1369 eme position, globalement je gagne plus de places en montée que je n’en perd dans les descentes. C’est bon pour le moral.

Je trouve le jour à l’arrivée au ravito du lac Combal,  la t°  au lever du jour est basse, ajouté à la fatigue, je ressens le froid, pour la première fois depuis le  départ. Cependant je suis heureux de découvrir les paysages somptueux autour de moi, c’est aussi pour ça que je suis là pour la montagne.

Le départ du lac Combal est difficile, c’est plat mais c’est dur de relancer, mais la montée sur l’arrête du Mont Fabre me permet de me reprendre un bon rythme avec l’apparition du soleil. La vue de cette arrête est splendide et je décide de m’arrêter quelques instant pour profiter de la vue avant d’entreprendre la longue descente sur Courmayeur, que je redoute un peu.

Je n’ai plus de problème pour m’alimenter mais un problème en chasse un autre, je commence à avoir mal sous les pieds, sans aucun doute, c’est l’apparition d’ampoules le résultat de nombreuses heures à courir dans la boue. Malgré ces douleurs, je ne descends pas trop mal cette descente interminable, seulement interrompue quelques minutes au col Checruit pour le ravito, mais la fin de la descente est très difficile et j’ai de plus en plus mal aux  pieds, il va falloir faire quelque chose pour eux a Courmayeur, je ne pourrais pas continuer longtemps dans cet état.

 

 

Il y a beaucoup de monde à l’entrée de Coumayeur pour nous encourager et cela fait toujours chaud au cœur et oublier un peu la fatigue. Je profite de cet arrêt pour me renoker les pieds qui ne sont pas beaux à voir, mais en regardant les autres coureurs autour de moi, je vois que beaucoup de personnes ont le même problème que moi, la boue a laissé des traces et il va falloir continuer avec. Il est 9h27  et je suis en 1231 eme position, pour 15h55 de course si ce classement est anecdotique, il me réconforte dans le sens où je suis bien dans la course.

Je décide de passer un minimum de temps à ce ravito, le fait de prendre soins des pieds de manger quelques pates de répondre aux SMS me prendra un peu plus de 20 minutes avant de repartir  pour la seconde partie de cet UTMB. L’organisation est vraiment parfaite, aucun problème pour récupérer son sac d’allègement et pour le restituer à la sortie.

Avant de retrouver les chemins, nous traversons la ville de Coumayeur, puis les derniers chalets sur le début des pentes laisse place à un chemin très raide, c’est reparti pour  1h30 de grimpette, le moral est bon, il fait beau, nous croisons ou doublons beaucoup de randonneurs qui nous encouragent. La montagne est magnifique, la partie entre refuge Bertone et refuge Bonatti est difficile, il faut à cet instant de la course que je puise vraiment dans mes réserves pour relancer sur cette alternance de montée et descente. IL me faudra quelques minutes de repos au refuge Bonatti pour récupérer, bien prendre le temps de s’alimenter, de boire, c’est en fait ma seule préoccupation du moment.

 

A Anuva, au km 94, j’arrive en 1023 eme position pour 20h38 de course, c’est à peu près la moitié du temps que je souhaiterais mettre, 2 fois ce temps ! je préfère ne pas y penser à cet instant de la course mais je prends conscience que les vraies difficultés vont apparaitre maintenant surtout que tout de suite après Arnuva se profil le terrible  grand col Ferret tant redouté, la route jusqu’à la Fouly va être longue surtout que je vais connaitre ma première défaillance dans ce col, 1h30 d’ascension pendant laquelle je devrais m’arrêter plusieurs fois , appuyé sur mes bâtons pour soulager, je suis aux limites de ma résistance physique , en même temps c’est aussi cela que j’étais venu chercher, a 2 ou 3 reprises je m’assois au bord du chemin ,simplement épuisé , à bout de force, je laisse passer d’autres coureurs qui m’incitent à reprendre mon effort, en fait c’est exactement ce que j’ai besoins , des encouragements pour repartir de l’avant.

 

A la cime du col, je prends un peu de temps pour récupérer mais il ne faut pas trainer car il fait froid, il fait vent, donc je m’engage assez rapidement dans la descente sur la fouly qui va être interminable, je ne suis pas le seul à la trouver longue, je vois beaucoup de concurrents  qui ne peuvent plus courir, les organismes sont fatigués, les jambes ne répondent plus. Pour ma part avec cette longue descente je vois réapparaitre mes douleurs sous les pieds, nul doute que leurs état s’est encore dégradé depuis Courmayeur, je n’arrive pas à descendre correctement car j’ai de plus en plus mal mais il faut tenir jusqu’à la fouly, enfin j’arrive à rejoindre ce ravitaillement ou je vais prendre le temps de renoker les pieds et je vais mettre tous mes pansements anti ampoules que j’ai dans le sac, plus une bande par-dessus. Pas étonnant que j’ai mal, sous  la voute plantaire à  l’avant du pied, sur le droit,  n’est plus qu’une  énorme ampoule, toute la peau s’est décollée, le pied gauche s’en sort un peu mieux mais ce n’est pas brillant non plus. Comme à chaque ravito, je lis mes SMS d’encouragements, j’essaie de répondre à la plupart, ça fait de bien au moral de savoir que je suis suivi comme ceci sur cette course.  IL est 18h11 et je repars de la Fouly après 24 heures de course.

 

Pour rejoindre Champex, c’est toujours de la descente mais au niveau des pieds, ça va beaucoup mieux, du coup je repars sur un rythme bien meilleur, je connais cette portion entre les 2 villages pour l’avoir fait dans l’autre sens lors du trail du Verbier en 2013, j’adore le Valais ,cette région est magnifique, il n’y a que des chalets, tous plus beaux les uns que les autres, les habitant s sont super sympa, ils nous encourage, nous offre du café. Je trouve la nuit dans la montée sur Champeix, je fais route avec un français qui me dit qu’il va s’arrêter pour dormir a Trient, je lui explique que je n’ai pas prévu de dormir, lui me dit qu’il va s’arrêter  à Trient car ça risque de nous faire tout drôle sans sommeil. Dans la montée, je prends le temps de sortir ma frontale, dans cette foret ou de magnifiques sculptures apparaissent, En arrivant au ravitaillement je suis suivi pas plusieurs coureurs qui n’ont pas sorti leur lampe du sac, ça ne me dérange pas, au contraire ça me rassure, mon allure n’est pas trop mauvaise personne ne m’a    doublé dans cette montée.

Champex : position 916 eme en 27h24. Je reste sur la même philosophie au niveau des ravitaillements, je prends le minimum de temps, sous ce chapiteau, il fait une chaleur de dingue, des coureurs dorment un peu partout, couchés sur les bancs, appuyés sur la table, c’est une ambiance assez irréaliste, on sent les corps au bout du rouleau, je décide de quitter cet endroit au plus vite.

Le départ de Champex est légèrement descendant, ce qui me permet de continuer à trottiner, les jambes répondent toujours présent. La course a complétement changé d’aspect, fini la longue file indienne de coureurs de la première nuit, maintenant, je me retrouve souvent seul, heureusement le balisage est au top, j’essaie quand même de rester concentré sur cette petite lumière du balisage que le vais  devoir suivre toute la nuit pour retrouver Chamonix, dans la montée sur Bovine je récupère 2 espagnols qui faisaient une pose , ils repartent sur une allure très soutenue, je m’accroche à eux et de ce fait nous doublons pas mal de coureurs, certains sont arrêtés, assis la tête sur les genoux, à chaque fois, il faut quand même s’assurer que tout est OK. Je commence moi aussi à ressentir une certaine fatigue, j’ai du mal à réfléchir, heureusement le descente permet de me réveiller un peu et j’arrive a Trient à 1h25 du matin, le temps de prendre un café et le traditionnel bol de pâte et je repars  en 805 eme position, beaucoup de coureurs prennent le temps de dormir et j’espère ne pas payer trop cher le fait d’avoir choisi la stratégie de ne pas dormir, en fait, c’est surtout l’engourdissement musculaire qui me fait peur et aussi le fait d’être déconnecté de la course au réveil.

Pourtant je vais le payer encore plus rapidement et plus fort que je ne l’imaginais, le départ de Trient très difficile va me plonger dans un état de fatigue que je n’avais jamais connu, je suis en train d’entrer dans un monde totalement irréel. Les souvenirs sont assez vague, bon, déjà en pleine nuit, la visibilité est restreinte, mais là je ne me rends compte de plus rien, je suis totalement incapable d’apprécier l’inclinaison de la pente, je suis le coureur devant moi dans une espèce de bulle, ce dont je me souviens c’est que les jambes fonctionnaient bien. Pour couronner le tout, mon bâton se coince entre 2 rochers et en tirant dessus, je le casse, sur le coup je me souviens de la réflexion que je me suis faite : je ne suis pas à ça près. Malgré la température qui n’est que de quelques degrés à cette altitude et à cette heure de la nuit, je suis complètement en nage, j’ai conscience que je suis en train de me déshydrater et je dois m’arrêter pour continuer avec un simple tee shirt. Mon cerveau fonctionne au ralenti, je n’arrive plus à me concentrer et à ce moment de la course, je ne sais plus quel est le prochain sommet, je suis complètement à la dérive et je me concentre que sur une seule chose : les lumières réfléchissantes du balisage. Mais le pire reste à venir, en continuant de monter je vois des chalets en pleine forêt sur ces sentiers monotraces, je vois distinctement des chalets, tous différents, j’ai l’impression à chaque fois d’arriver dans un village puis, arrivé à hauteur de ces chalets imaginaires, plus rien et un peu plus loin, la même hallucination qui revient. J’ai lu beaucoup de récit ou les coureurs racontaient des hallucinations, quelque part cela m’a rassuré et malgré cet état de fatigue qui va au-delà de ce que j’avais imaginais, je suis resté serein, serein pour aborder la descente et arriver à Vallorcine et reprendre un peu mes esprits.

Départ de Vallorcine en 745 eme position, 35 heures de course, il est 5 heures du matin et je suis en train de sortir de mon état végétatif, je ne vois plus de chalets, j’ai froid, je remets la veste, je reprends mes esprits, pour affronter la terrible et dernière difficulté du parcours, la montée de la tête aux vents. C’est très raide, il faut passer au-dessus des blocs de pierres rochers, je progresse très lentement , gêné aussi par le fait qu’il me reste 1 bâton et demi mais je suis bien mentalement car après ce terrible passage à vide, je sais que l’arrivée maintenant n’est plus très loin, le jour se lève dans la fin de cette ascension que je trouve interminable, le sommet n’arrive jamais , je connais ces cotes, à chaque virage , on espère voir le sommet, à chaque virage , on s’aperçois qu’il n’est pas encore là.

L’arrivée au sommet me permet de contempler Chamonix 1000 mètres en dessous, c’est majestueux, la boucle est presque bouclée, maintenant je ne pense plus qu’à une seule chose, franchir la ligne d’arrivée en compagnie des filles qui a cette heure sont en train de se réveiller, la descendre sur Chamonix se fera tranquillement, me laissant le temps d’apprécier l’instant présent, c’est un pur bonheur de courir ainsi et de ce dire que l’on est en train de terminer  l’ UTMB. A  l’entrée de la ville, il y abeaucoup de monde, c’est le privilège d’arriver en milieu de matinée, je continue de courir, c’est donc sur un petit nuage que je termine cette course accompagné de me filles pour les 500 derniers mètres. 

Il est 9h50, ce dimanche matin à Chamonix, je viens de parcourir 168 km avec 9600 mètres de dénivelé en 40h et 18 minutes en 712 eme position. Je suis simplement heureux, heureux d’être là et de l’avoir fait.

J’ai écrit ce récit 2 mois après, les souvenirs sont intacts, les paysages, les efforts que j’ai dû accomplir pour parvenir à franchir la ligne d’arrivée, la gentillesse des bénévoles, des habitants des villages traversés, la foule au départ dans Chamonix mais aussi à l’arrivée, mes filles pour franchir la ligne avec moi, tout cela restera gravé longtemps.

Merci à toutes les personnes qui m’ont suivi, qui m’ont encouragé, à travers tous ces messages de soutient que j’ai reçu et surtout merci à Sandrine pour m’avoir permis de réaliser mon rêve.

 

 

2 commentaires

Commentaire de oc12 posté le 22-11-2014 à 13:29:49

Récit passionnant et motivant, même pour moi qui ne vais plus sur de telles distances!

Commentaire de Bacchus posté le 22-11-2014 à 17:09:15

Bravo pour ta course et ce récit captivant

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