Récit de la course : Ultra Trail du Mont-Blanc 2017, par redgtux

L'auteur : redgtux

La course : Ultra Trail du Mont-Blanc

Date : 1/9/2017

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1898 vues

Distance : 168km

Objectif : Se défoncer

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UTMB 2017, enfin !

 

Bon je préfère vous prévenir tout de suite, ce récit va être long. Peut-être pas autant que la course elle-même mais il va me falloir un peu de temps pour vous expliquer ce que représente pour moi l’UTMB.

 

Tout commence il y a à peu près 5 ans. A l’époque je ne fais presque pas de sport et la course à pied, quelle que soit sa forme, évoque pour moi un sport ringard et pas très intéressant. Pourtant, à cette époque je cours déjà 30 à 45 minutes par semaine mais uniquement pour me tenir en forme, pas parce j’aime cela. A l’inverse j’aimais déjà beaucoup la randonnée voire l’alpinisme mais sans motivation sportive.

En cette fin d’année 2012 donc, nous préparons avec Manue, Arnaud et Anne-Cécile le tour du Mont Blanc (TMB) en randonnée. L’idée est de faire le tour en 10 jours en randonnée traditionnelle. Au hasard de mes recherches sur le tour du Mont Blanc sur internet je finis par tomber sur le site web de l’Ultra-Trail du Mont Blanc (UTMB).

Je suis abasourdi par ce que je lis, ce que nous comptons faire en 10 jours, certains le font en une seule journée et qui plus est en courant… On appelle cela du trail il paraît. mais pourquoi, et surtout comment peut-on réaliser un tel truc de fou !

Je vais passer une bonne partie de ma soirée à essayer de comprendre qui sont ces gens (que je considère alors comme des surhommes) capables de tels exploits… Je ne le sais pas encore mais un truc s’est allumé en moi, je veux creuser le sujet et comprendre par moi-même ce qui peut bien les motiver…

Sauf qu’on ne peut évidemment pas s’inscrire tel quel à un trail de ce genre… Quelques jours après cette fameuse découverte, je m’inscris un peu par hasard à un marathon sur route à la grande surprise de mes parents et amis.

Avec un entraînement de 6 mois adapté, ce premier marathon sera un succès et petit à petit au fil des années j’augmente la distance puis le dénivelé : 42km en 2013, 86km en 2014, 100km et 5800m de D+ en 2015…

En 2016, étant titulaire du bon nombre de points je tente une première inscription mais je suis refusé au tirage au sort, il me faudra finalement attendre 2017 pour obtenir le droit de participer à l’UTMB.

 

Car l’UTMB, avant d’être une ultra-course, c’est d’abord une ultra-inscription : pour avoir le droit de s’inscrire il faut tout d’abord acquérir des points en terminant d’autres courses qualificatives, mais pas n’importe lesquelles : il faut qu’elles soient “certifiées” UTMB. Les points ne restent acquis que pour 2 ans et on ne peut comptabiliser que 3 courses au maximum.

Une fois les points acquis, rien n’est gagné car il faut encore passer l’étape du tirage au sort : l’UTMB étant une course très courue (jeu de mots…) et ce dans le monde entier (92 nationalités représentées en 2017) il y a beaucoup plus de demandes que de places. Les chances d’être tiré au sort varient selon les années, en général 1 à 2 chances sur 5.

Il peut donc s’écouler 2 à 3 ans avant d’obtenir une place sur la ligne de départ, mais pendant ce temps il faut maintenir ses points. Heureusement, un coureur non tiré au sort une année a double chance l’année suivante et sera dispensé de tirage au sort la troisième année…

Bref, pour résumer pas facile de s’inscrire. Quand on a une place, il faut en profiter un maximum.

 

C’est bien ce que je compte faire lorsque je reçois par mail début 2017 le résultat positif de mon tirage au sort. Passée l’euphorie, je me dis qu’il va falloir sacrément s’entraîner pour espérer terminer cet ogre de 170km.

Au fil des années et des courses préparatoires, j’ai presque fini par banaliser cette distance : en effet l’UTMB n’est ni la plus longue ni la plus difficile des courses du monde (d’ailleurs c’est laquelle la plus dure ?). Pourtant il ne faut pas se leurrer : c’est une course difficile comme toutes les autres si on la court à son niveau, elle est même plutôt stricte sur les barrières horaires et de longues portions “roulantes” peuvent être faites en courant. Ce n’est probablement pas un hasard si les athlètes élites du monde entier viennent se mesurer sur cet ultra-trail.




Mon entraînement est assuré sur toute l’année par mon coach Patrice. Après un début d’année axé sur la vitesse, il évolue petit à petit vers du grand fond, le tout avec relativement peu de volume hebdomadaire au regard de l’épreuve à venir : mon coach et moi-même cherchons à éviter au maximum les kilomètres superflus.

Ma préparation est ponctuée de 2 trails préparatoires (Interlac et Lavaredo Ultra Trail) ainsi que d'un week-end Choc début Août.

 

C'est donc bien préparé mais aussi bien reposé que j'arrive dans les Alpes quelques jours avant l'UTMB. Aucune gêne, aucune douleur nulle part, je suis bon pour le service. Seuls quelques kilos superflus attestent d'un régime alimentaire un peu trop cool ces dernières semaines ;-).

Nous sommes hébergés à côté de Saint-Gervais (difficile de trouver des hébergements à Chamonix cette semaine) avec une vue superbe sur le Mont Blanc depuis le balcon. Je suis accompagné de mes parents, mes beaux-parents et bien entendu Manue qui sera "leader" de l'équipe d'assistance.

Mes affaires de course sont prêtes depuis déjà plusieurs jours, la météo annonce pour le moment un beau week-end pour la course.

 

Nous profitons des deux premiers jours sur place pour visiter un peu le coin, surtout pour mes beaux-parents qui n'ont encore jamais mis les pieds en montagne. C'est parti pour le Nid d'Aigle, point de départ des cordées vers le Mont Blanc par la voie normale, et le glacier de Bionassay. Pour éviter tout effort inutile, nous montons et redescendons avec le tramway du Mont Blanc, plus haut train à crémaillère de France. Le lendemain nous partons explorer, cette fois-ci en télécabine, le Mont d'Arbois puis le Mont Joux (1958m) avant de redescendre en footing très cool pour Papa, Manue et moi vers notre appartement.

 

Bref, tout va très bien mais cela ne va pas durer. En effet entre temps, la prévision météo pour ce week-end s'est fortement dégradée. On annonce une vague de froid avec de la pluie, du vent et de la neige en altitude. Il est question que la course utilise un parcours de repli moins long et moins exposé, voire qu'elle soit carrément annulée... Super ! Le problème c'est que je n'ai pas prévu de vêtements pour le grand froid, ils sont restés à la maison. En plus tous mes plans de marche préparés depuis des semaines ne fonctionnent que sur le parcours original de l'UTMB. Si le parcours change, il faudra improviser.

Les heures défilent mais les choses ne se précisent pas vraiment. Nous recevons des SMS de l'organisation nous indiquant que la décision finale sera prise et annoncée le matin même de la course.

Du coup, toute ma belle organisation vole en éclats, tout comme ma sérénité. Quel équipement prévoir ? Quelle organisation pour l'équipe d'assistance ? Quels parcours ? Quel dénivelé ? Autant de questions que je pensais avoir traité bien en amont de la course mais qui sont entièrement à revoir... Ca fait partie de l'imprévisible, qu'il faut aussi savoir gérer.

 

Pas question de s'endormir malgré tout, la journée précédant la course nous filons avec Manue à Chamonix pour récupérer le dossard. Sur place l'ambiance est chaleureuse mais humide : la météo est vraiment pourrie. Nous en profitons malgré tout pour applaudir quelques arrivants de la TDS.

Il n'y pas beaucoup de monde aux dossards, normal nous sommes jeudi matin. L'organisation est comme d'habitude irréprochable et les bénévoles sont aux petits soins. Tout fonctionne par étapes : d'abord il faut présenter certains items du matériel obligatoire, puis on récupère la puce chronométrique, le dossard, les tickets d'assistance et le tee-shirt "starter" très classe cette année !

 

Le tout dure moins de 20 minutes, et pendant ce temps Manue a le temps de récupérer les tickets de bus pour l’équipe d'assistance. Cette année, nous avons en effet décidé de laisser la voiture à l'appartement et d'utiliser les navettes proposées par l'organisation pour suivre la course.

J’essaie de grappiller quelques informations auprès des bénévoles, ils me confirment que tout va être fait pour maintenir le parcours principal, mais que la décision n’est pas encore prise.



Une fois toutes les formalités terminées, retour à l'appartement non sans avoir visité rapidement le salon du trail, notamment pour admirer la veste finisher de cette année (plus sympa visuellement que la version "sac poubelle" de l'an dernier).

 

Je profite du jeudi après-midi pour terminer la préparation du matériel. Même si je n'ai rien prévu pour le froid, j'ai en revanche pas mal de vêtements de rechange, ça compensera. Etant donné que l'on ne connaît toujours pas le parcours qui sera retenu, je travaille, tout comme sur mon assistance, en postulant que le "vrai" parcours sera retenu mais en regardant aussi le parcours de repli.

Le départ des autres courses permet d'obtenir quelques indices : la CCC prend le parcours normal à l'exception d'un petit rabotage à la Tête Aux Vents, tant mieux pour eux. Il n'empêche, la perspective de devoir faire un parcours de repli de seulement 100km, sans passer par la Suisse ni l'Italie m’inquiète pas mal, surtout après tout le travail pour en arriver là.

 

C'est donc un peu stressé que je passe deux mauvaises dernières nuits, à regarder constamment la météo. Pourtant je sais qu'il est inutile de s'inquiéter de quelque chose sur laquelle on n’a pas de prise : "Si tu crains d'avoir peur, alors tu as déjà peur de ce que tu crains" comme dit mon instructeur... Plus facile à dire qu'à faire.

 

Le jour même de la course, c'est à dire le vendredi 1er septembre 2017, je me réveille donc après une mauvaise nuit et attends avec impatience le SMS de l'organisation qui doit confirmer le parcours retenu. Il est sensé arriver à 7h, mais finalement ce n'est qu'à 10h que j'aurai enfin l'information via les réseaux sociaux : le vrai parcours est maintenu, à l'exception du col des Pyramides Calcaires que nous ne ferons pas, et de la Tête Aux Vents qui sera remplacé par une descente à Tré le Champ avant une remontée vers la Flégère. Ouf, c'est le soulagement pour moi et toute l'équipe. On annonce également des températures très froides, de la neige et du vent. Super ! On va s'éclater.

Je file donc terminer mes affaires sans chercher à aller au plus léger et j'embarque un change complet dans mon sac d'allègement (qui m'attendra à Courmayeur) plus un autre change complet dans le sac d'assistance que portera Manue. Il reste que certains équipements (gants, bonnet...) ne sont pas en double dans mon inventaire, espérons que ceux que j'ai seront suffisants.

 

Une fois toute ma préparation terminée, nous prenons la route pour Chamonix. Je me suis habillé en trailer à toute vitesse, les choses s'accélèrent subitement. Je profite du trajet pour m'arrêter faire un achat de dernière minute : des guêtres, on ne sait jamais ça pourrait servir.

Nous arrivons à Chamonix vers 16h00, ce qui nous laisse une bonne marge par rapport au départ qui a été reporté à 18h30. Après avoir déposé le sac d'allègement, nous nous installons dans un bar pour une dernière collation d'avant-course et le désormais habituel "pipi de la peur". Il ne fait pas très chaud dehors et il y a déjà pas mal de vent. Les secondes paraissent des heures, je n'ai qu'une envie c'est d'être enfin libéré pour pouvoir aller courir dans la montagne. Je me sens bien, mis à part une petite dette de sommeil.

 

Vers 17h30 je ne tiens plus en place et propose que nous nous nous mettions en route vers le sas de départ. Manue m'accompagne jusqu'au bout pendant que le reste de l'équipe se positionne dans le public. Nous arrivons au fond de la Place de l'Amitié qui est remplie de trailers (normal...). Petite séquence émotion au moment de nous dire au-revoir, c'est là que je comprends que cet événement a autant d'importance pour elle que pour moi. J'ancre ce moment dans mon esprit, j'en aurai certainement besoin plus tard pendant les coups durs.

 

Il faut dire qu'ils savent y faire à l'UTMB pour générer de l'émotion. Désormais seul dans le sas de départ, je profite de l'instant en écoutant le speaker et la musique. Je repense en moi-même à tout ce qu'il a fallu pour que j'arrive ici, à cette place, à cet instant. A tous ceux qui m'ont aidé, accompagné, encouragé durant toutes ces années. L'ambiance peine un peu à s'installer puis elle monte subitement en flèche. Catherine POLETTI nous donne les consignes du départ, confirmant les informations que j'avais. Elle nous invite à courir en pensant à ceux qui ne le peuvent pas (courir, pas penser). Sur l’écran géant on peut voir tous les grands champions devant prêts à en découdre. Puis c'est la musique qui monte, de plus en plus forte, Vangelis et enfin le départ ! Toute cette masse (2500 coureurs) qui se met en mouvement (enfin en mouvement par à-coup)... Difficile de ne pas être ému. Pour ma part j'en suis à retenir quelques larmes, j'aimerai bien faire bonne figure devant la foule. Nous avançons serrés, je passe sous l'arche de départ. Ca y est c'est officiel, je suis parti ! Il s'écoulera pourtant encore quelques minutes avant que je puisse courir en continu. Cette fois-ci j'arrive à voir toute mon équipe au départ. Le temps d'un bisou et nous nous donnons rendez-vous à Saint-Gervais dans un peu plus de 20km.

 

Il y a un monde fou dans les rues de Chamonix, on se croirait au tour de France. Il y a même un hélicoptère qui filme la course. La ferveur du public est vraiment incroyable, c'est assez difficile à décrire en fait, il faut le vivre pour comprendre. La course commence sur bitume dans les rues de Chamonix, avant de bifurquer vers un large chemin de terre. Je suis parti en fin de peloton et pourtant je trouve le rythme plutôt soutenu. Il faut dire que les barrières horaires sont strictes, obligeant à courir dès que c'est possible. Il paraît que beaucoup de coureurs laissent des plumes sur les trente premiers kilomètres de la course, je comprends mieux pourquoi maintenant.

Après le chemin de terre, nous reprenons une route bitumée puis traversons l'autoroute, c'est le signe que nous arrivons aux Houches. Je fais un arrêt éclair au ravitaillement puis repars en courant. Tous les voyants sont au vert, je remonte régulièrement des coureurs et je suis en phase avec mon plan de marche pour une arrivée en 35h, et devinez quoi : pour le moment il fait à peu près beau. Je dois maintenant attaquer la première montée vers le Deleveret à 1741m.

 

Cette montée est plutôt simple, et sur de larges chemins. Dans la montée, nous croisons Emelie Forsberg (la femme de Kilian Jornet) qui descend en sens inverse. Au bout de quelques lacets, fini le beau temps : nous rentrons dans les nuages, l'atmosphère devient humide et on y voit plus à 2 mètres devant. Il va falloir sortir la frontale plus vite que prévu ! L'avantage au moins c'est qu'on ne risque pas la surchauffe...

Je passe le Deleveret et le col de la Forclaz sans voir grand chose, nous redescendons ensuite vers Saint-Gervais où j'arrive vers 21h30.

 

Inutile de vous dire qu'ici aussi il y a du monde et de l'ambiance. Le ravitaillement est bien achalandé, je profite même quelques instants de l'orchestre de percussions dont la musique donne la pêche. Quelques minutes plus tard, je retrouve toute mon équipe d'assistance qui est venue m'encourager et agite frénétiquement le Gwen-Ha-Du (drapeau Breton) prêté par Arnaud.

 

Je repars ensuite dans la nuit, cette fois-ci vers les Contamines qui sera le premier point d'assistance. En effet, sur l'UTMB il y a trois types de ravitaillements :

1) les ravitaillements liquides où l'on trouve... du liquide (eau, coca, thé...)

2) les ravitaillements complets où ou trouve à boire et à manger, voire des lits pour dormir

3) les ravitaillements avec assistance, qui sont des ravitaillement complets mais où Manue est autorisée à me rejoindre pour m'assister (sinon c'est interdit).

Le trajet entre Saint-Gervais et les Contamines est un long faux-plat montant où l'on passe tour à tour sur des chemins plus ou moins étroits. Ce n'est pas encore de la montagne à proprement parler. Il n'y aurait rien de particulier à dire si ce n'est que la pluie s'est invitée à la fête... Je me dis que tout ce qui tombe maintenant ne tombera plus après, si seulement c’était vrai…

Quand j'arrive finalement aux Contamines, c’est pour trouver un ravitaillement bondé. Il y a des coureurs et des assistants dans tous les sens. Normalement, un seul assistant par coureur est autorisé mais ici personne ne semble respecter la règle. Je trouve finalement Manue qui m’a patiemment attendu mais il y a trop de monde, trop de bruit : je décide donc de ne pas perdre plus de temps, un arrêt technique aux toilettes et me voilà reparti, sûrement un peu précipitamment car le prochain point d’assistance ce sera Courmayeur demain au km 80. Manue pense quand même à prendre quelques photos, en plus de l’assistance elle gère aussi la “communication” pour tous ceux qui suivent la course sur les réseaux sociaux et sur WhatsApp !

Ai-je besoin de préciser qu’ici aussi c’est la fête ; malgré la météo de nombreux supporters ont fait le déplacement et mettent une ambiance de folie. Il y a même Bertrand qui est là, il n’aura droit qu’à un petit coucou de ma part le pauvre...

 

Les Contamines-Montjoie (1160m) : Vendredi 23:03 4h33 de course 31km 1390m D+ 491m D- 1061è place

 

Je poursuis ma route vers Notre-Dame de la Gorge, dernier point “civilisé” avant d’entrer de plain-pied dans la montagne. Il pleut, enfin il crachine un peu ce qui m’oblige à sortir et ranger ma veste de pluie constamment. Au moins je ne suis pas mouillé c’est l’essentiel. J’ai oublié de récupérer mes guêtres, tant pis il faudra faire sans jusqu’à Courmayeur.

A Notre-Dame de la Gorge je retrouve cette fois-ci mes parents et Odette, le temps de les remercier et nous nous quittons, eux pour aller dormir quelques heures et moi pour entrer dans la montagne, rendez-vous à Courmayeur désormais. Il y a toujours autant de monde sur le bord du chemin, plus un grand feu de joie et de la musique.

 

Je m’engage sur le chemin pentu qui va me mener à la Balme. Nous évoluons sur de grandes dalles de pierre. En quelques minutes, on passe de l’ambiance “tour de France” à l’ambiance “seul au monde” (enfin à 2500 coureurs près quand même). L’impression est quand même assez étrange, ça y est on est en montage et dans le dur. Pour ajouter à l’ambiance le brouillard fait son apparition et les températures chutent (normal, on monte). La montée à la Balme, même si pentue par endroits, est en moyenne peu inclinée. Du coup j’hésite à courir car je ne voudrais pas “griller une cartouche” dès maintenant. Mon rythme, qui était jusque là calé sur mon plan de marche en 35h, prend un peu de retard. Rien de grave pour le moment. Le moral aussi en prend un petit coup, c’est la nuit, il fait froid et j’ai du mal à réprimer mon envie de penser à Courmayeur : c’est encore beaucoup trop tôt compte tenu de ce qu’il me reste à faire d’ici là. Il est bien meilleur pour le mental de penser à ce qui vient juste ensuite mais ce n’est pas toujours simple d’empêcher son cerveau de vagabonder. Pour me changer les idées, je me remémore les bons souvenirs du TMB avec Arnaud, Anne-Cécile et Manue il y a 4 ans, nous étions aussi passés par ici…

Après un replat puis quelques raides lacets j’arrive finalement à la Balme en relativement bon état. J’ai l’impression d’avoir un peu puisé dans mes réserves et décide de faire une pause un peu plus longue que prévu. Sous la tente de ravitaillement les bénévoles font tout pour mettre l’ambiance, il y en a même un qui propose “des clopes et du ricard” pour ceux qui veulent, je ne suis pas allé vérifié si il en avait vraiment ;-) Côté coureurs, beaucoup de visages sont déjà fermés, les 30 premiers km ont laissé des traces. De mon côté tout n’est pas rose non plus : j’avais pris du coca aux Contamines qui m’a laissé une bouche pâteuse, pourtant d’habitude je le supporte bien. Je manque de quelque-chose mais quoi ? Sucré ? Salé ? Eau ? Mon estomac décidera pour moi : la soupe passe bien donc j’en prends une puis une deuxième et un thé. Je me prépare ensuite pour le froid en enfilant mon tee-shirt chaud. Il était temps, je commence à grelotter dès que je sors de la tente, signe qu’il est temps de se remettre en route.

 

La Balme (1714) : Samedi 00:58 6h28 de course 40km 1955m D+ 564m D- 1228è place

 

L’étape suivante nous mène vers le col du Bonhomme, puis le col de la Croix du Bonhomme (où se trouve le refuge du même nom) avant de redescendre vers les Chapieux où se trouve le prochain ravitaillement.

Nous repartons à la queue-leu-leu sur des chemins rendus très boueux par la météo et le passage des coureurs. Pas facile de courir dans ces conditions même si la faible pente permettrait en théorie de le faire de temps en temps. J’essaie de me remémorer les paysages que nous traversons, à défaut de les voir. En effet, on ne voit pas à 5m devant et il y a toujours des averses. Par contre pour le moment il n’y a pas trop de vent, nous n’en aurons un peu qu’au passage du col. Je manque de louper le col du Bonhomme faute de visibilité, puis nous bifurquons à gauche vers la Croix du Bonhomme. Le chemin qui était jusque là très roulant devient un peu plus technique jusqu’au refuge du col de la Croix du Bonhomme. Peu avant d’arriver au refuge je repère le chemin qui part vers le col des Fours que nous avions pris lors du TMB.  

 

Refuge de la croix du Bonhomme (2456m) : Samedi 02:37 08h06 de course 45km 2733m D+ 1154è place

 

Il ne reste maintenant plus qu’à redescendre jusqu’aux Chapieux. Le chemin est facile ou plutôt serait facile s’il n’y avait pas toute cette boue. Mes chaussures (Hoka Speed Instinct) n’ont pas de gros crampons et je regrette un peu mes Salomon S-lab SG. Malgré tout, je cours presque en continu à un tout petit rythme sans trop faire de patinage artistique. Au loin je finis par repérer une lumière dans la nuit, seraient-ce les Chapieux ? Finalement oui c’est bien cela, après pas mal de lacets je finis par y arriver.

Ce n’était pas prévu mais je prends là aussi une bonne pause, le temps de refaire les réserves. La soupe passe bien comme d’habitude et je prends même le temps de me faire de petits sandwichs avec pain, jambon et fromage de pays. Il y a même de la pastèque, ça passe tout seul et c’est parfait pour refaire ses réserves ! Je me retrouve ensuite à discuter avec d’autres coureurs, en anglais évidemment car il y a 92 nationalités représentées sur cet UTMB. J’essaie de rassurer comme je peux un Néerlandais qui songe déjà à abandonner, j’ai réussi à le motiver pour repartir c’est déjà ça… Du coup je passe presque 30mn au ravitaillement. En repartant j’ai déjà 30mn de retard sur mon plan de marche, soit le temps passé au ravitaillement. Pas de quoi s’inquiéter pour le moment et pas de raison de passer au plan B : j’ai en effet prévu 3 plans pour la course : plan A : finir en 35h, plan B : finir en moins de 40h et plan C finir tout court, et il n’y a pas de plan D !

 

Les Chapieux (1551m) : Samedi 03:57 08:55 de course 50km 2733m D+ 1117è place

 

Je repars à l’assaut du col de la Seigne. Ce col revêt une symbolique toute particulière car c’est à partir de là que nous allons passer en Italie ! Nous démarrons en pente douce sur une route vers la Ville des Glaciers. Là aussi je pourrais courir mais je préfère me préserver et marcher. Sur les bords de la route, on distingue d’énormes blocs rocheux, comme si un géant avait semé des cailloux sur son chemin. Une fois passé la Ville des Glaciers (en fait 3 maisons bien difficiles à distinguer dans la brume), nous attaquons la marche d’approche vers le col. Il commence à faire sacrément froid et j’ai revêtu la tenue intégrale : gants, bonnet et veste. Plus nous montons et plus le vent souffle. Le sol se teinte de blanc petit à petit, le mélange de neige et de grésil qui tombe commence à adhérer au sol. Je repense à nouveau au TMB, à l’époque nous avions suivi Anne-Cécile jusqu’au col, il suffit de refaire pareil… L’arrivée au col devait être un moment salvateur, en fait plus nous approchons et plus la météo se dégrade : c’est surtout le vent qui est désagréable. Je finis malgré tout par arriver au sommet mais je replonge immédiatement de l’autre côté, pas question de traîner ici.

 

Col de la Seigne (2516m) : Samedi 06:16 11h45 de course 60km 3764m D+ 1146è place

 

Une tente a été installée pour accueillir les coureurs frigorifiés. Le jour est également en train de se lever mais difficile de s’en rendre compte avec le brouillard. Mon téléphone n’arrête pas de bipper témoignant de nombreuses attentions reçues par SMS ou autres. Ca fait du bien au moral même sans les lire, impossible en effet pour le moment d’utiliser mon téléphone, entre les gants et la pluie/neige…

Sur le coup je suis plutôt soulagé de ne pas avoir à faire le col de Pyramides Calcaires. Nous redescendons directement vers le lac Combal. Je devrais pouvoir courir mais, pétrifié par le froid je suis à peine capable de marcher et je dois observer, impuissant, un grand nombre de coureurs me doubler dans la descente. Je n’arrive pas à me réchauffer, surtout les mains. C’est l’aube, le moment de la journée où il fait le plus froid. Je me dis qu’en descendant ça ne pourra aller que mieux. Je n’arrive pas à avancer à mon rythme normal et décide d’activer le plan B, j’ai trop de retard pour conserver le plan A.

 

Lac Combal (1979m) : Samedi 07:05 12h35 de course 65km 3881m D+ 1219è place

 

J’arrive, toujours frigorifié, au ravitaillement du lac Combal. Il fait beau désormais et il y a même quelques rayons de soleil. Entre ça, la soupe et le thé mon moral et la température de mes doigts remontent en flèche. Je passe encore beaucoup de temps à ce ravitaillement mais à ce moment de la course je suis dans l’optique de me préserver au maximum, je ne sais pas comment mon corps va réagir à ces 170km donc je joue la sécurité. L’objectif est d’arriver avec des jambes comme neuves à Courmayeur, je n'accélèrerai pas avant les ⅔ de la course.

Je finis par repartir et m’autorise désormais à penser à Courmayeur où je vais enfin pouvoir retrouver mon assistance et faire une vraie pause. Les paysages sont majestueux, et au moins cette fois-ci on les voit ! Surtout profiter au maximum de ces instants de beau temps !

Nous remontons sur l’arête du Mont Favre sous la surveillance rapprochée d’un hélicoptère qui vient filmer la course.

J’en profite pour prendre quelques photos également. Le pilote de l’hélico a l’air de bien s’amuser lui aussi : il passe et repasse, se met en stationnaire à une dizaine de mètres du sol ; j’aimerai bien avoir sa dextérité !

J’en profite pour me laisser aller à des pensées aériennes en m’imaginant moi aussi en train de voler par ici, tant qu’à faire en Rallye et avec mon comparse de longue date Olivier ! Même si la course à pied ne l’intéresse pas vraiment, il est bien présent par la pensée et par SMS !

 

Arrête du Mt Favre (2434m) : Samedi 08:28 13:58 de course 70km 4284m D+ 1232è place

 

Sur un beau sentier en balcon, nous admirons la vallée et les glaciers sur le versant opposé. Il nous faut ensuite redescendre vers le col Chécrouit avant d’attaquer la descente finale sur Courmayeur. Il fait plutôt chaud désormais et je reprends un rythme un peu plus rapide qui me permet de doubler d’autres coureurs.

Je ne pensais pas m'arrêter au col mais en arrivant je constate que l'on sert des pâtes bolo, du coup je me laisse tenter et prends une petite pause de 10mn avant de poursuivre ma descente, encouragé en cela par les bénévoles qui m’expliquent que c’est le bordel à Courmayeur. Il fait beau, seul le vent est un peu frais.

J'appelle mon assistance qui m'attend en bas. J'en profite au passage pour lire les très nombreux SMS et messages d'encouragements reçus depuis le début de la course. Après avoir échangé avec d’autres coureurs, je repars pour la descente finale vers Courmayeur qui s’annonce compliquée si j’en crois mes souvenirs.

 

Col Chécrouit (1977m) : Samedi 09:07 14h36 de course 74km 4304m D+

 

Il me faut donc descendre environ 800m de D-. J’ai tenté de reprendre ma tenue d’été mais en fait il fait froid sans la veste. En montée le corps se réchauffe facilement mais en descente il est souvent préférable de s’habiller un peu plus. Il n’a pas plu ici, le sentier est très poussiéreux, pentu et il est difficile de doubler. C’est bien le seul endroit où j’aurais préféré un peu de boue à de la poussière. La densité de coureurs est encore assez élevée et je n’arrive pas à prendre de la vitesse, je termine constamment derrière un groupe de coureurs. Certains sont sympas et se rangent, merci à eux. D’autres (bizarrement souvent les mêmes pays) sont beaucoup plus réticents à laisser le passage obligeant à prendre son mal en patience (je n’aime pas les manoeuvre “délicates” pour doubler en descente). Je ne comprendrai jamais l’intérêt qu’on peut trouver à empêcher un autre coureur de doubler mais bon… Petit à petit les toits des maisons se rapprochent, puis nous débouchons sur une route avant d’arriver dans les rues de Courmayeur. Je suis un peu surpris que Courmayeur arrive si vite, même si ce n’est pas vrai j’imaginais que cela représentait presque la mi-course. Or, on en est loin car je ne suis parti que depuis 15 heures environ. Les grosses difficultés restent encore à venir. Je retrouve mon équipe qui m’accompagne avant l’entrée dans le ravitaillement, et récupère mon sac d’allègement.

Dans la salle, je cherche Manue mais difficile de se retrouver avec tout ce monde. Nous finissons par nous voir et j’en profite pour me changer et mettre des vêtements secs. Adieu la première couche Odlo et bienvenue au tee-shirt finisher Décat’ des Templiers. Ensuite, petite sieste (10mn) et me voilà reparti. J’ai quand même passé 50 minutes à ce ravitaillement, sans compter les quelques minutes passées en plus dehors avec les parents. Ce n’est pas un modèle d’optimisation mais tant pis… J’ai l’air d’avoir une bonne tête et le moral va bien ! Rendez-vous est donné à Arnuva pour mes parents et à la Fouly pour Manue et Bertrand (du moins c’est ce que je pense avoir compris…).

 

Courmayeur (1192m) : Samedi 10:37 15h24 de course 78km 4325m D+ 1153è place

 

Je repars dans les rues de Courmayeur avant d’attaquer la montée vers le refuge Bertone. J’ai l’impression pour quelques minutes d’être revenu à la civilisation : il y a du monde, des voitures, des trottoirs… J’en profite pour faire un premier bilan : je devais arriver frais à Courmayeur, c’est chose faite et je n’ai aucune douleur particulière à signaler. Le moral est bon également, surtout grâce au retour du beau temps. Je sais aussi qu’après Bertone, une longue et magnifique portion en balcon m’attend et que l’idéal serait de pouvoir la courir en totalité. Enfin j’ai bien mangé et je ne ressens pas de déshydratation ou autre problème. Par contre, je suis moins rapide que prévu et je suis passé du plan A au plan B, ce n’est pas très grave.

Une fois que nous avons quitté Courmayeur, la montée vers Bertone se poursuit sur des sentiers assez fréquentés, par des coureurs mais aussi des randonneurs. Je reconnais bien le chemin, toujours grâce au TMB. C’est un gros avantage car on sait plus précisément ce qui nous attend. Peu avant d’arriver au refuge, la pluie refait malheureusement son apparition et c’est sous un crachin froid que j’arrive à Bertone. Le temps de boire un thé et de remplir mes flasques et me voilà reparti… pour m’arrêter quelques mètres plus loin et enfiler ma tenue de pluie intégrale en raison du mauvais temps qui s’installe désormais. Cette fois-ci j’ai tout l’attirail sur moi : pantalon et veste de pluie, gants, buff… Au moins mon sac ne pèse plus très lourd. C’est un peu perturbant car quand tout est dans le sac on peut toujours se dire “si j’ai trop froid je peux mettre mes gants/bonnet/veste” alors que quand on a tout sur soi hé bien si on a encore froid il faut passer à autre chose. Il me reste encore la couverture de survie en cas de gros pépin, ça me rassure un peu.

 

Refuge Bertone (1976m) : Samedi 11:58 17h28 de course 83km 5125m D+ 996è place

 

Cette météo à ce moment-là de la course me met quand même un sacré coup au moral. Difficile de se mettre à courir alors que je l’avais pourtant prévu sur cette portion. Je ne vois rien des paysages qui sont pourtant grandioses par beau temps. En fait, là encore, cela me fait penser au TMB où la seule journée pourrie de la semaine était sur cette partie du chemin également. Manue s’était d’ailleurs fait mal au genou, on va essayer de ne pas faire pareil cette fois-ci. Me voilà donc reparti en alternance marche-course vers le refuge Bonatti. J’ai l’impression de me traîner mais ce n’est qu’une impression car en fait depuis Courmayeur j’ai entamé une lente mais sûre progression au classement.

Après le sentier en balcon, nous attaquons quelques lacets qui confirment l’arrivée au refuge Bonatti. Une fois au refuge je m’arrête encore une fois trop longtemps. J’aimerais me poser quelques instants mais impossible de trouver une place à l’abri du vent et de la pluie, finalement je trouverai mon bonheur aux toilettes ;-)

 

Refuge Bonatti (2025m) : Samedi 13:31 19h00 de course 90km 5385m D+ 991è place

 

Je repars finalement du refuge vers Arnuva qui sera le dernier ravitaillement Italien. Au menu : encore un peu de sentier en balcon puis une descente raide. Cette fois-ci je cours un peu plus. Par contre, une fois dans la descente il est bien difficile d’avancer car c’est un véritable torrent de boue, je n’ai pas envie de me casser la figure maintenant. La pluie et le vent sont de nouveau de la partie, je me dis que les guêtres auraient été bien utiles mais j’ai oublié de les prendre à Courmayeur. Du coup, non seulement je passe mon temps à enlever des cailloux de mes chaussures mais en plus toute l’eau qui ruisselle de ma veste et de mon surpantalon finit dans mes godasses… Génial ! L’avantage au moins c’est que la veste comme le pantalon remplissent parfaitement leur fonction : le pantalon est gorgé d’eau mais protège mes jambes et la veste quand à elle continue de déperler, et conserve donc toute sa respirabilité, c’est vraiment un must (Gore One) ! Ma seule crainte vu son épaisseur c’est de la déchirer ce qui ne serait pas une situation d’avenir.  

A Arnouva, Maman, Odette et Papa sont bien là, emmitouflés dans leurs ponchos. Il leur en a fallu du courage à eux aussi !

 

Arnouvaz (1795m) : Samedi 14:56 20h26 de course 95km 5495m D+ 1058è place

 

Là encore, un arrêt au stand un peu long me fait perdre quelques places. mais il faut dire que j’ai besoin de me préparer à ce qui suit : l’ascension du grand col Ferret à 2529m qui marque le passage en Suisse. Aux dires des bénévoles présents au ravitaillement, cette ascension sera épique : il va y avoir de la pluie, du vent, du grésil, de la neige… Il nous est interdit de repartir sans avoir tout l’équipement nécessaire sur soi. Ca tombe bien j’ai déjà tout ou presque !

Au ravitaillement, j’ai une idée lumineuse : mettre du thé chaud dans les flasques pour avoir un peu de boisson chaude ou me réchauffer les mains si besoin ensuite. En fait ça ne marchera pas : 10 minutes après avoir quitté le ravitaillement, mon thé sera déjà froid…

Me voilà donc reparti, non sans prendre quelques minutes pour discuter avec mes parents. La montée, d’abord tranquille, se poursuit après le passage d’un ruisseau pour se terminer en longs lacets. Quelques coureurs redescendent vers Arnuva, ça en dit long sur ce qui nous attend plus haut. En effet, à l’approche du col le vent se lève et nous fouette le visage. Il ne va pas falloir traîner en haut ! Tant pis pour la photo souvenir. Une fois les lacets terminés, j’attends que nous repassions sur le flanc droit de la montagne car je sais que l’approche finale se fait de ce côté. De toute façon le vent nous indique que nous arrivons.

Une fois au col, je bascule immédiatement de l’autre côté pour redescendre et me réchauffer. J’ai les doigts gelés, pas au point de les perdre mais quand même… Tout est blanc autour de nous, il serait facile de se perdre sans les balises réfléchissantes. Certaines sont couvertes d’une quantité impressionnante de givre.

 

Grand col Ferret (2529m) : Samedi 16:47 22h16 de course 100km 6233m D+ 976è place

 

Ce qui m’attend maintenant c’est une longue portion descendante vers la Fouly puis Champex et une mini-côte vers Champex-Lac. Je pars en petite foulée dès que possible mais il y tellement de boue que ce n’est pas toujours facile. Je passe à côté de la Peule, qui me rappelle encore quelques bons souvenirs du TMB, mais aussi de la CCC il y a 2 ans. La descente se poursuit vers la Fouly sur des chemins de plus en plus large, avant de terminer par un peu de route.

En arrivant je cherche des yeux mon assistance mais ne vois personne, du coup je m’installe et mange un peu, encore de la pastèque et de la soupe vu que ça passe bien. Puis, je pense entendre de la pluie tomber très fort. Sur le coup je me dis qu’il vaut mieux attendre la fin de l’averse, de toutes façons même le plan B commence à battre de l’aile vu le retard que je prend à chaque ravitaillement. Je tente d’appeler Manue qui me confirme qu’il n’y a personne à la Fouly, ils sont tous à Champex-Lac. Il faut que je reparte avant de trop me refroidir. J’entends toujours de la pluie tomber, je finis par me lever pour aller aux toilettes dehors sauf que… dehors il ne pleut pas. En fait, je prenais le bruit de la sono (ou un autre truc) pour de la pluie… Houla je commence à être fatigué moi ;-) Après presque 24h de course cela peut se comprendre.  

 

La Fouly (1601m) : Samedi 19:04 23h51 de course 109km 6278m D+ 947è place

 

Je vais passer presque 40mn à la Fouly… Pour rien ou presque finalement. Sur le coup je pense que Champex-Lac n’est pas loin mais sur mon plan de marche j’ai indiqué 2h30, ouille moi qui pensait qu’il faudrait 1 heure. Je grelotte en repartant, à cause du froid mais aussi de la fatigue, et décide de courir un peu en musique pour la première fois depuis le début de la course. Cela va se révéler payant car je vais avaler la longue portion de route qui suit à un rythme, certes pas très élevé, mais toujours plus que s’il avait fallu marcher. En plus cela me rassure sur l’état de mes jambes. Nous traversons quelques villages typiques suisses, certains habitants ont même aménagé des ravitaillements officieux dans leurs jardins. L’avantage c’est que les kilomètres passent sans y penser, par contre pour le coureur qui aime la montagne pure ce n’est pas la plus belle portion du parcours.

Petit à petit la nuit tombe et je m’engage pour ma deuxième nuit. Depuis la (fameuse) 25è heure de course les illusions sensorielles ont commencé mais de manière moins insistante que d’habitude, peut-être une conséquence positive de mes nombreux arrêts sieste. J’ai malgré tout une certaine appréhension de cette deuxième nuit et ce n’est qu’à ce moment que je commence réellement à réaliser l’ampleur de la tâche à accomplir : je suis parti depuis plus de 24h et il me reste encore 50 à 60km à parcourir, plus 4 ascensions à réaliser pour au minimum 15h de course. On dira ce qu’on voudra c’est quand même un beau morceau cet UTMB ! Mais pour le moment, pas question de penser à trop long terme, essayons déjà d’arriver à Champex-Lac. Nous traversons une route puis commençons la montée, elle a beau être courte, elle est quand même assez éprouvante car c’est loin d’être une ligne droite : on monte, on descend, on va à gauche, à droite. Je suis complètement paumé dans cette forêt et j’ai l’impression de repasser constamment au même endroit, en plus il pleut (pour changer) et les chemins sont gras… J’avance avec un petit groupe de coureurs, pas besoin de se parler on sent bien qu’à ce moment chacun a besoin des autres. Même si je préfère généralement courir seul, courir en groupe dans certaines portions peut être un avantage. J’attends avec une certaine impatience la route qui me confirmera que nous arrivons à Champex-Lac. Elle finit par arriver, puis c’est le panneau Champex-Lac et l’arrivée au ravitaillement.

Je veux essayer de ne pas trop perdre de temps ici car je sens bien que la météo commence à me taper sur le système. Cette fois-ci tout le monde est là et Manue me rejoint. Pendant ce temps, mes parents tentent de faire sécher mes affaires en utilisant la soufflerie qui aère la tente. Manue me propose de dormir, OK mais sur la table pas question d’aller dans un lit au risque de perdre du temps et de se refroidir. C’est donc parti pour 20mn de sieste assis la tête dans les bras. Ensuite je mange un peu de soupe mais je n’ai pas très faim. De toute façon avec tout ce que j’ai avalé jusque là je peux finir la course sur mes réserves ;-) Très rapidement je me remets à grelotter, il faut repartir avant de se poser trop de questions, d’autant plus que je vois bien que mon état suscite des interrogations dans mon équipe d’assistance. Manue me fait un super speech pour me redonner la pêche, j’ai même droit à une vidéo d’encouragement de Thomas, et à mon patch Delta Force (l’avion pas le film). Allez, je repars dans le noir et le froid pour affronter un des gros morceaux de la course : la montée à Bovine.

 

Champex-Lac (1472m) : Samedi 22:23 27h00 de course 213km 6773m D+ 934è place

 

C’est une longue étape : il faut tout d’abord monter à Bovine avec une marche d’approche puis une montée particulièrement pentue. Ensuite, il faudra redescendre vers la Giète puis le col de la Forclaz avant de rejoindre enfin Trient, le prochain ravitaillement.

Depuis Champex-Lac, je commence par longer le lac puis une route avant de basculer sur un chemin à 4x4 en pente douce. Ensuite, à partir du Plan de l’Au nous démarrons la montée, en pente douce également, pour commencer l’ascension de Bovine. Nous sommes un petit groupe de coureurs à la queue-leu-leu. J’ai peur d’avoir un coup de pompe dans la montée (comme souvent à ces moments-là en course) et décide de prendre une pastille de sel mais zut, elles ont disparu ou je les ai oubliées quelque part. Tant pis, je tente un gel salé à la place mais impossible de l’avaler. Hé bien, si mon corps ne veut pas de salé c’est qu’il ne doit pas en avoir besoin, je repars tel quel.

Nous longeons puis traversons un torrent et nous attaquons les lacets, raides, boueux… C’est un calvaire mais heureusement ce n’est pas très long. Je me retrouve à mener un petit groupe de coureurs, comme souvent dans les montées. Une fois arrivés au sommet nous avons une jolie vue sur la vallée de Martigny, ce qui veut dire que la météo s’est significativement améliorée. Une fois arrivés en haut il nous reste un champ à vaches à traverser (et moi qui n’ai toujours pas pris mes guêtres !) puis nous redescendons vers le col de la Forclaz, enfin pas directement il y a au milieu un ravitaillement “surprise” à la Giète où je m’arrête quelques minutes avant de repartir dans la descente.

 

La Giète (1886m) : Dimanche 01:22 30h52 de course 134km 7762m D+ 885è place

 

Je n’ai pas l’impression de descendre très vite vers le col de la Forclaz, beaucoup moins vite en tout cas qu’il y a 2 ans pour la CCC. Il me reste encore deux autres descentes avant l’arrivée et je ne veux pas encore griller mes cartouches restantes, en plus j’ai mal aux genoux ce qui est assez inhabituel. Pourtant je continue de doubler tranquillement. En fait j’ai l’impression de re-doubler toujours les mêmes coureurs qui doivent passer moins de temps que moi aux ravitaillements. Plutôt forte au début, la pente s’adoucit à mesure que l’on s’approche du col. Une fois au col je poursuis directement vers Trient, de toute façon il n’y a pas grand-monde ici à cette heure-là. Un peu de piste à 4x4 relativement plate puis quelques raides lacets et me voici à Trient. Toute mon équipe m’y attend. Les visages ont l’air fatigués eux aussi mais ils sont encore tous là. Maman me propose de dormir, sur le coup l’idée ne me plaît pas trop mais je finis par me laisser tenter. Le problème c’est qu’entre temps je suis quasiment arrivé sous la tente de ravitaillement, il faut rebrousser chemin pour aller aux lits. J’y vais malgré tout, un bénévole me demande combien de temps je souhaite dormir, je lui répond 20mn. Le soucis c’est que le temps d’enlever mon équipement, de m’installer, de me réveiller, et de retourner récupérer mes bâtons que j’avais oublié je pense avoir perdu 40mn pour cette sieste. Elle m’a surement fait du bien mais était-elle obligatoire ? Probablement pas. Une fois cette sieste terminée, je retourne grelottant manger un peu au ravitaillement. Cette fois-ci je pense à mettre mes guêtres, l’eau va enfin arrêter de me couler dans les chaussures. Bon il ne pleut plus (et il ne pleuvra plus jusqu’à la fin de la course annonce le speaker) mais tant pis… Après avoir mangé je repasse faire un coucou à mon équipe, OK c’est une perte de temps mais je refuse de partir sans les avoir remerciés. Je repars en prenant soin de récupérer ma batterie de frontale que j’avais mise à charger en arrivant. Au total, j’ai encore passé 1 heure au ravitaillement.

 

Trient (1305m) : Dimanche 03:39 32h10 de course 139km 7787m D+ 885è place

 

A partir de Trient, je peux commencer à accélérer car je suis désormais sûr de terminer, sauf chute ou blessure. Physiquement tout va toujours assez bien, je me sens même plutôt frais. Seuls mes yeux et mes genoux sont un peu douloureux, je n’ai pas de lunettes pour la nuit, juste pour le soleil ça doit venir de là. J’avais basculé sur le plan C (terminer) mais je reconsidère le plan B (terminer en moins de 40h), si je me débrouille il est encore possible. Je monte tranquillement vers Catogne. Là aussi il y a de rudes lacets mais je m’en sors plutôt bien et mène un petit groupe de coureurs.

Je suis enfin à la phase que j’aime dans l’ultra-trail : être seul ou presque dans un endroit improbable et à une heure improbable. Pas seul dans l’absolu mais juste seul face à soi-même, face à ses doutes, à ses limites. Ce moment où chaque action a une conséquence directe et immédiate, bonne ou mauvaise. La complexité de notre vie ordinaire disparaît, il n’est pas possible de tricher ou de contourner l’obstacle. Au contraire, les choses sont simples : il faut juste avancer jusqu’à l’arrivée en gérant ses besoins “primaires”. C’est pour cela que je cours, pour retrouver cette sensation... Est-elle due à la douleur, aux endorphines, au manque de sommeil ? Je ne sais pas, surement un mélange subtil de tout cela...

Peu avant d’arriver à Catogne nous passons au point de contrôle des Tseppes, dans mes souvenirs je pensais qu’il était de l’autre côté de la montagne comme quoi il faut se méfier de sa mémoire surtout après plus de 30 heures de course.

 

Les Tseppes (1893m) : Dimanche 04:48 34h18 de course 142km 8401m D+ 875è place

 

Il y a ensuite un petit détour, assez long quand même, pour passer Catogne. C’est là que nous revenons en France. Mon téléphone continue à s’affoler de SMS d’encouragements reçus (bon OK il y a aussi Bouygues qui me signale mon retour à la maison).

Dans la descente vers Vallorcine je m’autorise à prendre quelques risques. Quel que soit le terrain je cours, pentu ou pas, boueux ou pas je cours ! Et ca fonctionne, je double pas mal de coureurs. La descente vire à plusieurs reprises au patinage artistique mais pas de chute, même si à au moins une reprise c’est uniquement dû à la chance.

J’arrive à Vallorcine, bien décidé cette fois-ci à ne pas y rester trop longtemps. Je ne vais y passer que 20 minutes. C’est encore trop mais déjà mieux. Pourtant je trouve le temps de manger et de voir mon équipe. Je prends une dernière fois un moment pour lire (à défaut de répondre) toutes les marques d’attention laissées par ceux qui suivent la course : mention spéciale à Arnaud qui a littéralement spammé mon téléphone de messages parfois, disons, surprenants... Nous sommes au dernier point d’assistance avant l’arrivée et pour la première fois je m’autorise à penser à la ligne d’arrivée. Il me reste une montée et une descente avant le grand final à Chamonix.

 

Vallorcine (1292m) : Dimanche 06:36 35h45 de course 149km 8543m D+ 826è place

 

En fait il me reste encore un ravitaillement avant Chamonix : la Flégère, mais il va falloir y grimper. Normalement il faudrait monter par la Tête Aux Vents mais cette année nous n’y passerons pas à cause des conditions météo. A la place, tout ce que je sais c’est que nous allons descendre vers Tré-le-Champ avant de remonter à la Flégère. Cette fin de course va donc se faire à l’aveugle car je n’ai pas la moindre idée de ce que nous réserve le parcours.

Quoi qu’il en soit il faut d’abord rejoindre le col des Montets. Je pensais courir sur cette section mais, comme il y a deux ans, ce faux-plat montant aura raison de ma motivation et j’alterne entre marche et course. Je ne sais pas si le plan B est encore jouable, on verra à la Flégère. Le jour se lève et je peux enfin admirer les montagnes entre les nuages, la neige tombée depuis 2 jours a déposé un fin manteau blanc tout neuf qui rend les sommets encore plus majestueux. Même les glaciers, d’ordinaire un peu gris l’été, sont blanc immaculé. Une fois au col j’arrive même, incroyable, à prendre une photo.

 

Col des Montets (1467m) : Dimanche 07:27 36h56 de course 153km 8738m D+ 805è place

 

Après le col, nous redescendons effectivement vers Tré-le-Champ, puis nous nous engageons sur un chemin en pente douce. OK jusque là tout va bien, ça doit être la montée vers la Flégère. Je me remet un peu de musique et donne tout ce que j’ai, après tout c’est la dernière montée. Sauf que, après une bonne petite montée ça redescend. Je surveille mon altimètre : on ne va quand même pas descendre plus que ce qu’on vient de monter quand même ? Ce n’est pourtant pas loin, on revient presque jusqu’à l’altitude du col des Montets avant de partir pour un long sentier en balcon qui se dirige bien vers la Flégère mais ne monte pas…  Si au début j’ai bon espoir d’avoir une jolie vue, très rapidement je déchante car nous rentrons dans un nuage ; le brouillard est de retour. Il fait bon et il ne pleut pas c’est déjà ça. Le chemin quand à lui est assez technique, ça vaut largement la Tête Aux Vents dans mes souvenirs : quelques passages où il faut mettre les mains et de jolis enchevêtrements de racines et de boue. Il y a même quelques “échelles” ou plutôt passerelles à traverser. C’est plutôt sympa mais ça n’avance pas et ce malgré le rythme que j’imprime. En effet, j’ai cessé de me préserver et avale les kilomètres pour sauver le plan B. Au bout d’un long moment, nous finissons enfin par remonter. Je distingue une remontée mécanique, c’est enfin la Flégère ? Non, pas tout à fait; il reste encore une piste de ski à remonter “dré dans l’pentu” ! Il en faudra plus pour m’arrêter désormais et j’arrive au ravitaillement avec les jambes un peu dures mais soulagé d’avoir terminé la “dernière côte”.

Au ravitaillement il me reste un choix à faire : descendre doucement pour assurer la fin de la course, ou bien descendre à fond et tenter les 40h. Bien évidemment je vise plutôt la deuxième solution mais en arrivant à la Flégère je suis presque à 39h de course, il me reste donc 1h pour descendre.

 

La Flégère (1859) : Dimanche 09:22 38h51 de course 160km 9457m D+ 771è place

 

En avalant un café, je demande à un bénévole le temps nécessaire pour rallier l’arrivée, il me répond 1h30. Zut, ça ne passe pas pour les 40h. Malgré tout, j’ai envie de finir en beauté et je sais que tout le monde m’attend en bas. Et puis je ne voudrais pas que mon coach Patrice pense que je me la suis coulée douce… Allez on tente le coup ! Je me rue hors de la tente de ravitaillement… pour faire une pause technique… puis c’est parti pour la descente. On commence par des pistes de ski assez pentues où il est difficile et douloureux de courir. Précisons quand même que les jambes ne sont plus très neuves, même si je me sens plutôt en bon état.

Puis on enchaîne avec des petits sentiers beaucoup plus agréables sur lesquels je peux courir et doubler facilement. Je prends néanmoins garde à rester bien éveillé, ce serait bête de se casser la figure maintenant. Un coureur que je double et qui me suit ensuite va d’ailleurs se prendre une belle gamelle juste derrière moi. Après l’avoir aidé à se relever, je le “confie” à des trailers qui montent sur le même chemin. Plus je descends et plus j’accélère car le chemin s’élargit. Petit à petit je reconnais la fin du parcours, la même qu’il y a deux ans. Il me reste encore 15 minutes pour rallier l’arrivée, finalement je suis large. Je ne réalise toujours pas que je suis en train de boucler l’UTMB, je pensais être submergé par l’émotion comme au départ mais il n’en est rien. Après quelques derniers lacets je retrouve le bitume, ça y est c’est la fin. Je cherche des yeux ma super équipe, personne en vue pour le moment. Je descend puis arrive dans les rues de Chamonix. Il y a du monde, beaucoup plus évidemment qu’il y a 2 ans quand j’étais arrivé à 5h du matin pour la CCC. Chaque coureur est applaudi, acclamé même. Tout le monde nous félicite, un grand merci à tous ceux qui étaient au bord de la route à ce moment là, sauf au photographe qui a failli me faire trébucher en traversant juste devant moi sans regarder… Il en faudra plus pour m’arrêter ! je déboule “à fond” dans les rues piétonnes de Chamonix. Soudain, je les vois ! Toute mon équipe est ici à m’attendre. D’un coup, tout se précipite : je veux finir en moins de 40h, mais je veux encore plus finir main dans la main avec Manue, et même avec tout le monde. En fait je n’avais pas vraiment pensé à ce que je voulais faire à l’arrivée, de peur de ne pas y arriver… Finalement c’est Maman qui pousse Manue dans mes bras, parfait ! Quand à Papa, il part devant pour nous filmer. Il y a bien un raccourci pour rallier l’arrivée pour les accompagnants mais non, Manue fera toute la fin de la course avec moi. C’est donc main dans la main que nous filons vers l’arrivée. Nous sommes quelques trailers à arriver simultanément, pas question pour moi de doubler quelqu’un dans la dernière ligne droite, il faut que chacun puisse profiter de son arrivée. J’essaie donc de laisser un peu d’espace entre moi et les autres, tant pis pour le sprint final :-) Le public présent nous fait à chacun une ovation, à laquelle nous essayons de répondre en levant les bras. L’instant est magique, difficile à retranscrire avec des mots. Au moment où j’écris ces lignes je ne suis toujours pas sûr d’avoir bien réalisé que j’étais arrivé.

Je franchis la ligne en 39h54 minutes, toujours avec Manue. Le temps s’arrête. Je suis heureux, juste heureux. Et soulagé aussi d’avoir terminé cette course mythique malgré les conditions météorologiques. Le speaker me parle, je ne sais même plus ce qu’il m’a dit. Une personne m’interpelle sur la ligne, c’est un ami d’un de mes directeurs au boulot, ultra-trailer lui aussi. Il m'attendait patiemment pour me féliciter.

Le temps s’arrête, je suis sur un petit nuage… D’ailleurs, même après plusieurs jours je crois que j’y suis encore...

 

Chamonix (1059m) : Dimanche 10:25 39h54 de course 168km 9457m D+ 740è place

 

Nous quittons la ligne d’arrivée, il faut bien laisser la place aux suivants. D’ordinaire c’est là que toute la pression accumulée pendant des mois retombe, laissant une sensation parfois désagréable. Ici, tout a été fait pour adoucir ce retour à la “vie civile”. En fait, plutôt que de ligne d’arrivée, il faut plutôt parler ici de zone d’arrivée ou de zone finisher. En effet, plusieurs stands sont prévus pour prendre des photos, récupérer la fameuse veste finisher et même boire une bière. On peut se prendre en photo avec un cadre UTMB ou devant une grande affiche où le nom de tous les coureurs est imprimé.

Il y a également un buffet d’arrivée et surement d’autres choses que je n’ai pas remarqué. C’est plutôt bien fait car les accompagnants peuvent nous y rejoindre, ils l’ont bien mérité eux aussi. Après avoir profité d’une bonne bière finisher, nous reprenons à regret la route de notre appartement pour un bain et une sieste bien méritée.

 

Au final, que retenir de cet UTMB : pour ma part ça reste une course mythique, et pas si simple que cela. Evidemment il y a beaucoup plus difficile en longueur ou en type de terrain, mais les barrières horaires sont quand même à surveiller de près pour le coureur lambda. Se méfier également du niveau assez élevé par rapport aux autres trails, je pense que beaucoup de coureurs ne viennent pas ici uniquement pour terminer.

Malgré tout, je n’ai jamais réellement envie d’abandonner, jamais non plus de moment de pure extase. Toute la course s’est faire en mode “gestion”, probablement à cause des conditions météo. Le point noir à améliorer je pense c’est le temps passé aux ravitaillements, au final je n’ose même pas calculer le temps que j’y ai laissé…

J’ai passé beaucoup de temps en course à penser à tous les membres de mon entourage qui n’ont pas la chance de pouvoir réaliser leurs rêves, j’ai essayé de courir pour eux...

 

Et après me direz-vous ? Que faire après l’UTMB ? Il y a pas mal de réponses. Se reposer dans un premier temps c’est pas mal ;-) Ensuite, j’ai déjà d’autres idées qui me trottent dans la tête car les ultras-trails ne manquent pas : Grand Raid du Golfe du Morbihan, UT4M, TDS (histoire de revenir dans le coin), Restonica Trail, Echappée Belle (peut-être que je suis prêt désormais), Diagonale des fous, Tor des géants (heu non, pas encore…).

En attendant, un retour sur route et courte distance ça changerait un peu...

Et puis surtout l’envie de refaire cet UTMB est déjà là, en suivant le plan A cette fois-ci et puis avec une belle météo !

 

Si vous avez tout lu jusqu’ici bravo ! Vous êtes un ultra-lecteur. Un grand merci encore à vous tous pour votre soutien, chacun à votre manière. Si je suis allé jusqu’au bout c’est certainement un peu grâce à vous !

 








2 commentaires

Commentaire de Gilles45 posté le 18-09-2017 à 10:06:22

Super récit Régis, merci !
nous étions ensemble sur la CCC il y a deux ans (j'ai aussi fini à 5h du mat')
Cette année j'ai fait l’échappée Belle, l'an prochain je tenterais peut être l'UTMB (j'ai un coeff 2). Bref, nous aurons peut être un destin croisé car je ne peux que te conseiller de faire l’échappée Belle. Si tu te lances ce défi, crois-moi...tu auras bien besoin de ton assistance de choc
Bravo encore pour ta gestion de course dans des conditions dantesques !
Très belle photos également

Commentaire de redgtux posté le 18-09-2017 à 17:20:52

Merci ! J'avais tenté l'Echappée Belle l'an dernier et j'avais dû abandonner à Gleysin. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ton récit de cette année et j'y ai retrouvé beaucoup de choses vécues l'an dernier.
Effectivement je ne compte pas rester sur un échec et je compte bien retourner du côté de Belledonne une de ces prochaines années ;-)

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