L'auteur : pascal25
La course : Ultra Trail du Mont Blanc
Date : 24/8/2007
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
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Distance : 163km
Objectif : Pas d'objectif
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COMPTE RENDU D’UTMB – Pascal MILLOT (24,25 et 26 août 2007)
Samedi 18 août 2007 : Pour la première fois depuis une semaine, je ne perds plus de sang en allant aux toilettes. Est-ce le bout du tunnel ?
En effet, dix jours plus tôt, alors que j’étais en vacances en famille en Catalogne, j’ai attrapé une « Turista » carabinée, accompagnée de saignements abondants, qui m’oblige à aller à la selle 6 à 10 fois par jour.
Rentré en France, je consulte une première fois le 13 (pour rien), puis une deuxième, le jeudi 16 août où le médecin diagnostique une infection intestinale, certainement une salmonelle. Je suis sous antibiotiques (avec un s) pour huit jours. C’est juste le nombre de nuits qui me restent à dormir avant le départ de l’UTMB.
On fait mieux comme fin de préparation : je suis crevé, je n’ai pas couru depuis dix jours, j’ai le moral dans les chaussettes, mais bon, j’ai une semaine pour me requinquer, d’autant que j’ai déjà commencé une cure de spiruline et de "Ferrostr....", un sirop chargé en fer que l’on donne aux enfants et que mon infirmière favorite (Frédérique, mon épouse) m’a conseillé de boire. Le tout pour pallier d’éventuelles carences.
Mardi 21 août 2007 : C’est le départ pour les Houches avec mon fils (bientôt 15 ans) et mon neveu (17 ans). Frédérique travaille et elle nous rejoindra jeudi par le train. En chemin, je décide de m’arrêter au magasin Quechua de Sallanches. C’est une obsession depuis deux jours, je dois absolument m’acheter une paire de guêtres pour éviter les cailloux et l’eau dans les chaussures. On soigne ses angoisses d’avant course comme on peut.
Arrivés aux Houches et après nous être installés dans le coquet studio que nous avons loué, j’enfile ma tenue et muni de mes guêtres aux pieds, je décide de grimper jusqu’au sommet du col de Voza. Il pleut des cordes, il fait froid, ça monte de plus en plus et j’ai mal aux jambes. Dur, dur … 55 minutes plus tard, trempé jusqu’aux os et jusqu’aux chaussettesmalgré mes guêtres, encore loin du sommet, je décide de rebrousser chemin. Si ce week-end, il fait ce temps pourri, c’est sûr, je n’irai pas au bout.
Mercredi 22 août 2007 : Le temps s’est un peu levé, il ne pleut plus. J’emmène les garçons à la Mer de Glace. Nous descendons sur le glacier. Au retour, j’ai du mal à les suivre dans la montée. Est-ce le contrecoup de ma maladie, l’altitude ou mon corps est-il entré en léthargie à 48 heures du départ, comme il l’avait fait avant Embrun ou d’autres grosses épreuves sportives ?
Nous passons dans Chamonix pour voir la météo : il devrait faire assez beau ce week-end. Ouf ! Un poids en moins.
Jeudi 23 août 2007 : Il fait beau. Les garçons sont fatigués aujourd’hui (moi, je suis mort). Ils ont décidé de ne rien faire aujourd’hui. Ca m’arrange, j’ai des courbatures, les jambes lourdes, tout me pèse. Mais à part la récupération de mon dossard, je n’ai rien à faire. Au gymnase, je suis plutôt calme. Plus que l’an dernier en tout cas. A quoi cela tient-il ? Depuis quelques jours, je me suis persuadé que si tout allait bien, j’essaierais d’aller jusqu’au bout et sinon… eh bien, je me suis fixé Courmayeur comme but. 77 km de course, presque la mi-parcours et puis, je me dis qu’avec la CCC (Courmayeur/Champex/Chamonix, un trail de 86 km), j’ai déjà fait l’autre moitié l’an dernier. ½ tour du Mont-Blanc + ½ tour du Mont-Blanc = J’aurai fait la course entière mais en 2 années.
Je passe le reste de la journée à préparer mes sacs de matériel, mon Camelbak,… Le soir, je vais chercher Fred à la gare. Avant de partir, je passe au supermarché des Houches, m’acheter des yaourts en tubes. J’en ai déjà subtilisé quelques-uns au plus petit de mes garçons lors de mes sorties et ça passe bien. Devant le magasin, je croise Serge, un ami du club de Triathlon de Besançon. La soixantaine, il s’est entraîné comme une bête pour cette course. Je lui fais part de mes soucis de santé, de mes problèmes de muscles qui ne récupèrent pas bien. Il me conseille d’acheter du Décontractyl, me rappelle le rôle du mental et en quelques phrases, réussit à me remonter le moral. Passage à la pharmacie, puis direction Sallanches. Ca fait du bien que Fred arrive. Elle ne voulait pas que je participe à cette course cette année, avait juré qu’elle ne viendrait pas à Chamonix en 2007 et finalement, elle est là !
Vendredi 24 août 2007 : Fred et Marin emmènent mon neveu prendre le train. Il doit partir. J’en profite pour effectuer un dernier check-up. Après le repas, une petite sieste. Je ne dors pas mais je sens que je me repose. A 15 h 45, direction Chamonix. Nous nous sommes donné rendez-vous avec Pascal, un ami avec qui j’ai fait la CCC l’an dernier. Nous comptons bien nous épauler cette année encore, …si on va au bout.
Dépose des sacs pour Courmayeur et Champex. C’est impressionnant ces alignements de sacs rouges et verts, une véritable petite armée en ordre de bataille. Je vais faire un tour à la Pasta Party mais je n’arrive pas à manger. Je l’ai fait à midi, plus que correctement. Voilà quatre jours que je m’hydrate bien aussi. Le temps s’écoule en discussion avec d’autres concurrents, assis au soleil dans l’herbe.
Nous nous dirigeons enfin vers l’église. Nous croisons Serge, son épouse et ses amis. Il est souriant mais un peu fermé à quelques minutes du départ, comme nous tous, le cœur léger de pouvoir enfin partir mais la tête préoccupée par un si long périple. Un bisou à mon épouse, à mon fils et je rejoins Pascal devant la maison des guides. La place est noire de monde. Etrangement, je suis assez calme, alors que les départs sont toujours un gros moment de stress pour moi. Tant mieux. Les dix dernières minutes se passent à écouter des discours convenus. Je n’arrive pas à m’y intéresser. Et puis c’est le signal ! Il est 18h35.
LA COURSE
Il nous faut plus de 4 minutes 30 pour passer sous la ligne de départ. Je lève les yeux quand je la franchis. Quelle intensité ça doit être de passer sous cette structure dans l’autre sens. Pour cela, il faudra juste faire 163 km… et pas que du plat, juste 8900 m de dénivelé positif et autant dans l'autre sens.
La rue principale se traverse sous des applaudissements ininterrompus. C’est sympa, ça me hérisse les poils des bras et ça brouille le calme relatif dans lequel j’étais mentalement, tellement qu’il me tarde les premiers sentiers, qu’on se retrouve entre nous, face à la course. Après quelques kilomètres, à hauteur des Bossons, nous croisons un jogger et je calcule que ce soir lorsqu’il dormira, nous courrons, mais demain pendant son petit déjeuner, son repas de midi et lorsqu’il regardera la TV le soir, aussi. Avec un peu de chance, peut-être le croiserai-je dans les rues de Chamonix sur les coups de midi, après une bonne nuit de sommeil … mais seulement pour lui ?
Mais voici déjà les Houches et la montée sur le col de Voza, la première des neuf difficultés à gravir. Ca commence gentiment mais très vite, je retrouve les chemins que j’ai empruntés mardi. Ca monte toujours autant. Pascal, qui est un fameux grimpeur, me distance déjà de cent, puis deux cents mètres. Si je veux aller loin, je dois m’économiser. Il ne faut pas que je m’emballe. Je le rattraperai dans la descente. J’arrive à l’endroit où j’ai fait demi-tour sous la pluie et en le dépassant, je me rends compte que je n’étais qu’à quelques centaines de mètres du sommet. Après Voza, ça monte, mais plus tranquillement jusqu’à la tête de Charme. La nuit tombe déjà, je fais un arrêt pour mettre mon blouson et ma lampe frontale. En les sortant du sac, je fais tomber une guêtre à terre. Mes fameuses guêtres, si nécessaires il y a trois jours et que je remets dans le sac. Peut-être en aurai-je besoin plus tard ?
La descente sur Saint Gervais se déroule sur les pistes de ski en dévers. Ca glisse et plusieurs trailers se retrouvent sur les fesses. On aperçoit les lumières de la ville, très loin dans la vallée. Plus on descend et plus j’ai chaud, au point de devoir m’arrêter sur le bord du chemin après vingt minutes pour enlever mon blouson. Je sais que je vais devoir l’enfiler à nouveau dans peu de temps et je décide de l’accrocher à l’extérieur de mon sac. D’une opération à l’autre, j’ai perdu cinq minutes. Belle gestion du temps !
Nous sommes maintenant sur une petite route goudronnée ( ?) qui serpente pendant trois kilomètres jusqu’à Saint Gervais. On entend déjà les fanfares et les cris. En débouchant de nulle part dans les rues de la ville, j’ai le cœur serré. Ce retour à la civilisation après deux heures passées dans les alpages, tout ce monde, ces cris et puis moi, avec mes problèmes de santé. Même si pour l’instant je vais bien, je sais que je n’irai certainement pas au bout. Je recharge ma poche à eau au ravitaillement mais j’ai une grosse envie d’abandonner. Si je dois le faire, c’est maintenant ou jamais. Fred et Marin m’attendent quelque part dans la ville. Je n’aurai qu’à repartir avec eux et point final. Dans les rues, je ne les trouve pas immédiatement. Ils sont loin. Je les ai eus au téléphone et je sais qu’ils sont situés près d’un arrêt de bus, après une passerelle métallique qui enjambe la route. Mais pas de passerelle. Les aurais-je ratés ? Re-téléphone. Non, ils sont devant moi. Arrivés à leur niveau, une courte discussion s’installe, je change de tee-shirt (ma descente avec coupe-vent a agi comme une étuve), je les embrasse et c’est reparti sans évoquer mon moral défaillant quelques minutes plus tôt.
Très vite, nous courons dans des champs. Les files de coureurs s’étirent un peu mais je suis encore loin d’être seul. Je retrouve Pascal. Jusqu’aux Contamines, c’est une succession de terrains plats et de courtes côtes (bien s’entendre quand même sur la notion de courte côte en milieu alpin). Nous croisons des hameaux clairsemés où les habitants sont au terrasse et nous encouragent. Dans les rangs, peu de paroles, chacun semble concentré sur la suite de sa course. Dans une montée, nous voyons sur le bord du chemin un homme assis, la mine défaite. Je l’interroge. Manifestement, ça ne va pas et il n’ira pas plus loin. Il sera l’un des premiers à abandonner. C’est ensuite une équipe d’assistance qui entoure un homme tombé à terre et qui ne bouge plus. Une femme lui tient la main dans la nuit. Je vois cela en un éclair dans le faisceau de ma frontale mais il faut déjà se focaliser sur le chemin et ses pièges pour ne pas subir le même sort.
Voici le ravito des Contamines ! La foule, l’animation, mais cette fois, je suis dans la course et tout cela me laisse insensible. Deux verres de coca, un d’Arvie, une soupe au vermicelle, un décontractyl, parfois un gel énergétique, toujours quelques cochonneries à avaler (, barres de céréales, pain, fromage, saucisson, jambon), je remplis la poche du Camelbak et c’est reparti. Un grand chemin de bois plat bordé d’un torrent jusqu’à Notre-Dame-de-la-Gorge et nous attaquons la seconde difficulté : monter au col du Bonhomme.
Pascal disparaît rapidement à l’avant. Je gère ma montée. C’est un bon rythme. Ca va bien. Jusqu’à quand ? Je ne me pose plus la question. Ca monte. On voit encore quelques animations, on entend une guitare, mais progressivement, la fraîcheur s’installe et les bruits se font plus rares, mis à part ceux des bâtons qui frappent le sol en cadence. Après une heure de montée, on aperçoit le refuge de la Balme et derrière lui, au loin, un mince filet de points lumineux qui serpente et clignote dans la montagne. Ce sont les frontales de tous les concurrents qui me précèdent et qui montent au Bonhomme. Si je me retourne, il y a le même derrière moi. Quelle que soit la course, je ne me lasse pas de ce spectacle.
Au ravitaillement, je retrouve Pascal, arrivé depuis peu. Je procède au rituel qui sera le mien durant toute la course (coca, Arvie, soupe,…). Au passage, je croise un ami de l’IUFM de Besançon, Arnaud. Je suis heureux de le voir. Nous échangeons tout juste quelques mots et en avant. Enfin, pas tout à fait. Je prends une minute pour enfiler ma veste devant un grand feu de bois qui dégage beaucoup de chaleur. Nous sommes à 1800 mètres et il est une heure du matin.
Nous nous lançons à l’assaut du Bonhomme avec Pascal. Il reste 600 mètres de dénivelé. Le chemin du col est assez escarpé avec de grosses pierres mais nous ne progressons pas très rapidement. Pascal est devant moi. Les files se sont reformées et avancent à l’allure de ceux qui sont devant. Ca bouchonne un peu derrière les plus lents, que l’on double en s’excusant, quand la montée s’y prête. Attention à ne pas mettre le pied dans une flaque d’eau, le sol est détrempé. On marche même un moment dans la neige d’un reste de névé.
Voilà le sommet et je suis juste devant Pascal. A quel instant l’ai-je dépassé ? Ca monte encore jusqu’au refuge. C’est assez long, chaotique mais ça passe bien. La joie d’avoir franchi la deuxième difficulté me donne des ailes. Puis c’est la descente sur les Chapieux. Une descente longue et rendue très glissante par les pluies des jours précédents. Plusieurs concurrents se retrouvent sur les fesses. Je glisse à mon tour et dans un réflexe incontrôlé, je me tords le pied, mais je suis debout. La douleur est vive. J’attends un moment et je reprends ma marche en avant mais un peu plus calmement. Pas la peine de faire le cabri si c’est pour finir sur une civière aux Chapieux. Une route apparaît au loin. Là, au bas, on distingue les phares d’une voiture. Un nouveau trailer a chuté lourdement devant moi. Je m’arrête à son niveau, il est un peu étourdi, se relève après quelques secondes et reprend sa marche en avant. Prudence !
En pleine montagne, au milieu de la nuit, on entend désormais les accords d’une chanson de Pink Floyd. Visiblement, c’est un groupe qui assure l’animation au prochain ravito. Ils jouent bien. Le moment a quelque chose de cocasse : je chantonne « wish you were here » en courant dans l’obscurité des alpages, accompagné par un groupe qui joue à plus d’un kilomètre de moi et qui ne connaît même pas mon existence. Enfin, les lumières des Chapieux apparaissent en-dessous. Encore un quart d’heure et nous arrivons dans la tente où se situe la base de vie. Ca fait du bien un peu de lumière et quelques paroles échangées avec les bénévoles. Je m’assieds en attendant que Pascal arrive. Je mange un petit bout. J’ai mal à la cheville mais la douleur s’atténue. En face de moi, un homme a un énorme pansement couvert de sang séché sur le nez. Il m’explique qu’il est tombé près des Contamines mais qu’il n’a pas pensé une seconde à l’abandon.
Pascal a fini sa descente, il se plaint du genou, se repose un instant et nous repartons dans la direction de « Ville des glaciers » au pied du col de la Seigne. Il est 4h20 et je me sens bien.
« Ville des glaciers » porte mal son nom. Il s’agit de quelques maisons reliées aux Chapieux par une unique route goudronnée que nous devons empruntée sur 4 ou 5 kilomètres montant régulièrement. Un groupe d’une dizaine de personnes s’est formé. On n’entend que le bruit métallique des bâtons sur l’asphalte et celui des pas fait parfois penser à une troupe. Dès les premiers mètres de piste qui annoncent le début du col, j’ai une irrépressible envie de dormir. Je me cale derrière Pascal et je décide de somnoler en marchant comme je l’avais déjà fait souvent lors de mon service militaire : on ferme les yeux cinq secondes, on les entrouvre une microseconde pour vérifier qu’on est encore sur le chemin et ainsi de suite.
Mais lorsque nous entamons les premiers lacets qui montent au col, ce petit jeu n’est plus possible. Pascal reprend sa marche inexorable vers le haut, il me distance et je ne peux plus suivre. Je me sens mal, le souffle assez court, on me double. Juste faire le dos rond pendant une heure au moins, car le sommet avoisine les 2500 mètres. Avant la course, je savais que je vivrais des moments difficiles. Je m’étais préparé des pensées prêtes à l’emploi pour ces instants. D’abord, je penserais à Flavio, mon petit garçon de trois ans qui n’est pas là, ensuite, à la maxime des premiers explorateurs polaires. « Cap au Nord et mets tes œillères ! » disaient-ils. Puis il y avait Shackleton, un autre explorateur du début du siècle, capitaine d’un navire antarctique englouti par les glaces, qui avait laissé son équipage sur une île et qui était parti à bord d’une chaloupe avec cinq hommes chercher du secours en plein océan glacial sans radar, ni moyen de transmission, pratiquement à l’aveuglette. A force de courage, après 1 300 km et un mois passé sur des mers désertes et très hostiles, il avait fini par gagner un port et était revenu avec un navire pour sauver tout son monde. Me remémorer ces épopées incroyables permet de relativiser l’état de détresse dans lequel je me trouve et m’incite à penser qu’il y aura des minutes, voire des heures plus heureuses. J’avance donc. Il fait jour maintenant et je range ma frontale. Une nuit de passée. Mètre après mètre, j’atteins enfin le sommet de la Seigne pour voir le soleil illuminer l’aiguille des glaciers, en face de moi. C’est fabuleux. Ses rayons qui me réchauffent, la troisième difficulté avalée, je bascule le cœur léger dans la descente sur l’Italie.
Je retrouve Pascal au ravitaillement du lac Combal. Il est 8h27. Ca va bien mais j’ai sommeil à nouveau. J’aimerais dormir vingt minutes au soleil mais il craint les barrières horaires éliminatoires. Celle de Courmayeur, situé à 14 kilomètres de là, est à 13h30. 5 heures pour faire 14 km dont la plupart sont en descente, ça me paraît quand même largement jouable sauf si je connaissais une grosse défaillance. Bref, nous repartons. Le chemin est plat et le paysage offert par le glacier de la Miage est majestueux. Avant de plonger sur la vallée, il reste une difficulté : l’arête du Mont Favre. Ce sont 450 m de dénivelé sur une distance très courte. Ca grimpe dur, tout debout. Je décide de m’accrocher, au cœur du groupe en file indienne mené par Pascal. J’ai le regard fixé sur les pieds de celui qui me précède. J'avance, mécaniquement, concentré sur ma respiration. De temps en temps, je jette un oeil vers le haut à la recherche du but de cette ascension. Parfois aussi, je consulte mon altimètre. Ca ne monte pas vite.
Et de quatre ! Après trois quarts d’heure, le souffle raccourci par l’altitude et l’intensité de l’effort, nous entamons en courant la descente qui mène vers Courmayeur. Mais après quelques minutes, je dois m’arrêter, j’ai les jambes coupées et à nouveau envie de dormir. Je voudrais boire et m’alimenter, mais ça ne passe pas. On est bien, couché contre un rocher, au soleil, même si ce n’est que pour quelques instants. Seulement, il faut songer à repartir. Pascal est debout et a repris sa course. J’essaie de le suivre, ça descend, ça devrait aller. Mais non, ça ne va pas. J’ai des jambes aussi lourdes que des enclumes, la nausée est toute proche. Il vaut mieux marcher. Des dizaines de trailers m’ont déjà dépassé quand je vois Pascal loin devant à l’autre bout d’une corniche. Je lui fais signe de la main de poursuivre seul. Plus le temps passe, plus je perds ma clairvoyance. Je navigue en plein brouillard, Shackleton ne m’est d’aucun secours. D’ailleurs, je ne pense pas à lui. Je suis en mode veille. Toutes mes forces servent à me faire avancer, à la limite du zombie. Mes muscles sont durs comme de la pierre et je ne peux strictement plus rien avaler. Je me mets régulièrement sur le côté du sentier pour laisser la voie libre aux concurrents qui me doublent. Eric, un ami, m’appelle sur mon portable. Je lui fais part de la situation et il essaie de me remonter le moral en m’expliquant que mes moyens vont revenir. Il me dit de m’accrocher. Je lui réponds que je crois que je vais abandonner à Courmayeur. Après son appel, l’idée fait son chemin : j’abandonne. Je descends en marchant jusqu’à la base de vie et je prends la navette qui traverse le tunnel sous le Mont-Blanc. Douze kilomètres plus loin, je serai en France, à Chamonix.
J’arrive enfin au ravitaillement du col Checrouit, au-dessus de Courmayeur. Deux verres de coca, c’est tout ce que je peux boire. Je m’attarde deux minutes pour reprendre mes esprits auprès des jongleurs et acrobates qui animent le lieu. Une des artistes vient récupérer un serpent boa qui rampait juste devant moi. Un boa en pleine montagne ? Je ne l’avais même pas repéré. Quelle lucidité !
Je redémarre. La descente sera continue maintenant jusqu’à Courmayeur. La pente est plus prononcée et me fait terriblement souffrir les quadriceps à chaque pas. Je parle avec un concurrent qui a déjà fait l’UTMB. Je lui dresse un état de mes difficultés. « Va moins vite ! C’est l’intensité de l’effort qui t’a mis dans le rouge ! » Je marche encore dix minutes, puis je tente de m’accrocher à un groupe qui passe, en trottinant. C’est difficile pour les jambes mais mes bâtons m’aident et l’état général s’est nettement amélioré. Et au fil du temps, cela va de mieux en mieux. Lors du dernier quart d’heure, je double beaucoup de monde, terminant dans les rues de Courmayeur en courant. Juste avant d’arriver au gymnase de Dolonne, je récupère Pascal le long du chemin. Il est mal, comme moi il y a peu. De plus, les descentes sont dures pour son genou. Mais il me suit.
Plus question d’abandon. Récupération du sac d’affaires. Il est 11h 23. Nous sommes au kilomètre 77. Nous avons encore plus de deux heures avant la barrière. Je décide d’aller voir les masseurs. Mes quadriceps chargés de toxines sont très douloureux sous leurs doigts, mais l’exercice s’avère salvateur au final. Changement de vêtements, inspection des pieds. Ouf, je n’ai pas d’ampoule ! Repas chaud. Les spaghetti s’ingurgitent difficilement. Je reçois un SMS de Marin et Fred. Ils sont devant le gymnase. Je termine mon repas et les rejoins. C’est fou comme quelques minutes avec les gens qu’on aime redonnent de la force. Je ne leur dis rien de l’épisode que je viens de vivre une heure plus tôt. Fred est déjà assez inquiète.
Nous traversons la ville pour attaquer la montée vers Bertone mais j’ai prévenu Pascal que désormais, je ferai tout à ma main. Je vais moins vite certes mais je n’ai plus qu’un but maintenant, le seul que j’ai d’ailleurs jamais eu sur cette course, c’est de terminer. Les 800 mètres de dénivelé positif de Bertone sont franchis sans souffrance (ou presque). Il fait chaud. Les huit kilomètres qui suivent à travers le val Ferret me permettent à nouveau de profiter du paysage : C’est l’autre face des Grandes Jorasses. Elle est couverte de glaciers. Certains sont accrochés au-dessus du vide. Au refuge Bonatti, Pascal se restaure, assis. Nous repartons ensemble. Je vais bien à nouveau. La descente sur Arnuva se fait en course rapide. Il me suit bien que ce ne soit pas sa spécialité. Il a du mal à s’économiser. Au ravitaillement situé au pied du Grand Col Ferret, Il se fait masser. Il ne l’a pas fait à Courmayeur. C’est peut-être une erreur. Il a une gêne persistante au genou.
Lors de l’ascension, je monte prudemment. Ce col culmine à plus de 2500 mètres. Pendant l’heure et demi de montée, je fais la connaissance d’un homme originaire du Doubs, puis d’un Catalan avec qui je taille carrément une bavette dans la descente qui suit. Il est sympa et son contact permet d’oublier un peu mes cuisses. A la Peule, en milieu de descente, Pascal est arrivé juste avant moi. Nous repartons ensemble, mais le chemin qui mène au fond de la vallée est très escarpé et pentu. Son articulation le gêne. Arrivés au bas, nous longeons un torrent jusqu’à la Fouly. Nous sommes en Suisse. Cette tranche du parcours est quasiment plate. Je lie connaissance avec un Hollandais (qui a fait plusieurs week-ends d’entraînement dans les Alpes) et d’un français de la Réunion. A la Fouly, il fait nuit. Nous repartons avec mon acolyte et c’est lui qui me tire jusqu’à Issert à dix kilomètres de là. Dans la montée vers le lac de Champex, il a un coup de mou. Je me mets devant. Je me sens bien. Nous rattrapons des personnes qui se greffent à notre groupe. Nous sommes tous silencieux. C’est long. La nuit, les paysages et l’environnement proche n’existent plus. A force de m’appuyer sur mes bâtons lors des descentes et des montées, les tendons qui forment les équerres de mes coudes se signalent. J’ai l’impression, et je ne suis pas le seul, de repasser dans des endroits où nous montions quelques minutes auparavant. Enfin, après trois quarts d’heure et 400 mètres de dénivelé, la base de Champex se présente à nous. Il est 1 heure du matin et l’arrivée est encore à 46 kilomètres. Je profite de la présence du masseur qui s’occupe de mes quadriceps pour lui demander de me strapper le pied droit. La cheville que j’avais tordue dans une descente lors de la première nuit est douloureuse depuis quelques heures. A côté de moi, un homme montre ses dessous de pieds complètement brûlés. Il n’a pas mis de crème anti-frottement depuis le départ. Mal lui en a pris. Il a des doutes sur sa capacité à rallier l’arrivée. J’en aurais aussi. Mes petits bobos sont une fois encore à relativiser. Je me change des pieds à la tête. Quelques ampoules sont apparues sur mes doigts de pieds mais rien de grave. En fouillant dans mon sac, je tombe sur mes fameuses guêtres si indispensables. Elles auront fait le tour du Mont-Blanc mais sans jamais voir le jour. Je mange ensuite une assiette de pâtes bolognaises. C’est à peine croyable la quantité d’aliments et de boissons que l’on peut ingurgiter sur ce type d’épreuve. Et jamais de ventre lourd, sitôt avalé, sitôt digéré.
Départ dans la nuit fraîche. Pascal est préoccupé par les barrières horaires et son genou lui fait des misères. Il faut une bonne demi-heure sur des chemins à travers bois pour gagner le pied de Bovines. Pascal boitille encore. Bovines, l’avant dernière difficulté, commence comme un sentier gravillonné. Les pentes sont douces mais bientôt des cailloux puis des rochers apparaissent devant nos pieds. Le dénivelé ne cesse de s’accentuer comme d’ailleurs la taille de ces fameux rochers. Il faut lever les jambes de plus en plus haut pour les franchir. Après quinze ou vingt minutes de gravissement, j’ai la sensation d’avoir emprunté un escalier pour géant. Plusieurs fois, je devrai m’aider de mes bras pour continuer ma marche. Des colonnes de trailers se sont reformées. Hormis le bruit des pas, des bâtons et les respirations des coureurs, c’est le grand silence. Nous entendons gronder les torrents que nous traversons en jouant les équilibristes sur des pierres posées par les randonneurs pour éviter de se mouiller les pieds. Sur l’autre rive, la montée surréaliste, incessante, reprend à la lumière des frontales. Plusieurs fois, j’attends Pascal qui doit s’arrêter pour étirer son genou. Enfin, après une heure d’effort, nous atteignons un sentier d’alpage. Il est plat sur plusieurs kilomètres et le terrain est souple. Toute présence minérale a disparu. Nous faisons le tour de la montagne à 2000 mètres d’altitude. Là-bas, tout au bas, on distingue clairement la plaine suisse et les lumières de Martigny. Qu’on est loin de la civilisation ! Nous courons, je me sens en pleine forme et Pascal m’emboîte le pas. 500 mètres après le ravitaillement de Bovines, Pascal pousse un cri. Il est stoppé net dans sa course. Son genou a lâché. Un quart d’heure d’étirements n’y fait rien. La douleur ne disparaît pas et ne faiblit pas. Il parvient à peine à poser le pied parterre mais à trente kilomètres de l’arrivée, il ne peut pas se résoudre à abandonner. Nous montons donc au sommet de Bovines et plongeons vers le col de la Forclaz et Trient. Pascal est devant, il avance sur une jambe. Le chemin est difficile et la descente précise nous obligent à effectuer de nombreux appuis rapides. Souvent Il crie lorsque sa jambe se dérobe. Il tente des sauts sur un pied, puis avance à reculons. Le rythme est de plus en plus lent et sa souffrance va crescendo. Le col de la Forclaz semble encore très loin, l’arrivée inconcevable. Pascal poursuit ce qui ressemble plus maintenant à un chemin de croix qu’à une descente. Il souffre beaucoup et nous n’avançons plus. J’ai peur qu’il se fasse mal de manière irréversible. Je lui fais part de mes craintes : une course, si belle soit-elle, mérite-t-elle ce sacrifice ? Il continue pourtant ponctuant son calvaire d’arrêts fréquents pour étirements. Après deux kilomètres, Pascal, à bout, s’assied sur le bas côté du parcours. Je lui propose d’aller donner l’alerte à Trient. On viendra le chercher ici ou à la Forclaz s’il peut s’y rendre. J’entame mon périple et bientôt, le jour se lève. Je descends vite, mes jambes sont douloureuses. Il me faut presque 1h 1/2 pour gagner le poste de ravitaillement. On me renvoie de responsable en responsable, puis vers le médecin du poste de secours. J’entre dans un bâtiment qui ressemble à une mairie. La grande pièce dans laquelle je pénètre tient plus de l’hôpital de campagne après une bataille que du poste de secours : des coureurs alités partout, dont certains ne poursuivront pas l’aventure tellement ils sont abandonnés au sommeil, d’autres assis sur des chaises, marqués par la fatigue. Je me demandais où pouvaient bien passer les concurrents qui abandonnent tout au long du parcours (1000 cette année). Depuis les Contamines, je n’en avais pas vu un. En soulevant le rideau qui cache l’arrière-scène, j’ai désormais la réponse.
Je repars. Comme grosses difficultés, il me reste les Tseppes à grimper et la descente Sur Vallorcine. Décidément, les petits matins ne me réussissent pas. Je n’ai plus de jambes et plus le moral. Je sais maintenant que sauf événement exceptionnel, je terminerai, mais j’accuse le coup. Je pensais franchir la ligne d’arrivée avec Pascal…… ! Quelle déveine ! …. C’est dur les Tseppes, ça monte et d’une manière ou d’une autre, il faudra bien arriver au-dessus. « Mets tes œillères et cap sur Chamonix ! » Une bonne heure pour parvenir au sommet. Il fait bon et la montagne est belle. Descente sur Vallorcine. Je retrouve mon ami hollandais mais il descend comme une fusée et les muscles de mes cuisses tiennent plus du granit monolithique que de la chair élastique. Je slalome sur la piste aidé de mes bâtons. La technique est inédite mais elle me permet de continuer à trottiner doucement. A 11 heures, après 1h ½ de slalom spécial, voici enfin Vallorcine ! Au passage à niveau, je dois attendre, appuyé sur mes bâtons qu’un train passe. 40 heures de course en pleine montagne, une voie ferrée à franchir et s’il y a un train, il est pour moi ! C’est cocasse, mais bon, je ne suis pas aux pièces ! Mon Hollandais est au ravitaillement qui se restaure. Je grignote quelques babioles mais je ne m’attarde pas.
En gravissant le col des Montets, je téléphone à Fred et Marin. J’aimerais bien faire les derniers kilomètres avec lui. On parle, avec un jeune Anglais, des Italiens, de nombreux français. Au sommet du col, je croise un vieil Italien qui court et qui me congratule avec un bravo souriant. Il porte le tee-shirt de l’édition précédente, une casquette et un short d’un autre âge. Je lui fais signe de la main et le remercie. Un peu plus loin, un concurrent m’informe qu’il s’agissait du vainqueur de l’épreuve, Marco Olmo, qui va encourager les derniers à Vallorcine. Je ne suis pas vraiment adepte du star-system où que ce soit, mais son geste l’honore et quelle gentillesse dans ses yeux. Certaines personnes portent cela dans leur regard.
Dans la descente qui mène à Argentière, Marin me rejoint. A Argentière, c’est Fred qui nous attend et nous prend en photo. Un petit bisou, quelques paroles échangées avant qu’elle aille rejoindre les enfants malades de son service d’hôpital, en week-end à Chamonix et direction le ravito. Je remarque une tireuse à bière. Les bénévoles m’en proposent un verre. « Elle est artisanale et faite dans la vallée ! » Après des hectolitres de boisson sucrée, de soupe et de café, c’est un breuvage divin. Ma tête tourne. Elle est forte. Je repars. Il me reste dix kilomètres. Bernard, un ami du club de triathlon, me téléphone : « Alors, où es-tu ? – A 10 kilomètres de l’arrivée ! – Oh, le salaud ! Il a réussi !» Sa réponse spontanée me fait sourire. Puis c’est le tour de ma maman. Pour elle, la performance, en dehors de l’exploit physique, c’est de rester éveillé deux nuits de suite. Combien ai-je reçu d’appels en deux jours ??? Ils m’ont réchauffé le cœur (et parfois énervé lorsque le portable sonnait en pleine montée, en plein effort). Le chemin est une vraie montagne russe et la bière m’a cisaillé les jambes. Marin shoote dans les pierres devant moi, pour aplanir le parcours, mais dans les Alpes, des cailloux, il y en a vraiment beaucoup. C’est un combat perdu d’avance. Les derniers kilomètres sont interminables et cette satanée bière…. Et la fatigue aussi. Je marche. Enfin, nous entrons dans Chamonix. Le public nous applaudit, nous encourage. Il l’a fait tout au long de notre progression. Combien m’a-t-on adressé de « Courage ! » en France et en Suisse, de « Bravi ! » en Italie ? Je suis heureux que Marin soit là, il franchira la ligne avec moi.
Le centre ville - On nous aiguille entre des barrières. Le dernier kilomètre est noir de monde qui crie et tape dans ses mains. Nous courons. Quel tourbillon d’émotions ! Voilà l’église et le portique d’arrivée. Je lève la tête, je n’ai d’yeux que pour lui. Deux jours plus tôt, j’avais déjà levé la tête. C’est fait, j’ai réussi mon grand tour ! La ligne est franchie. Intérieurement, je vis quelques secondes d’une rare intensité, seul face à ma course. Se fixer un but inaccessible et y parvenir. On me donne ma fourrure polaire de « finisher ». Fred est là. Elle m’embrasse, me dit qu’elle est fière de moi. Je me dirige vers le point de ravitaillement. Entre autres, des bières sont proposées. J’en demande une. Elle est fraîche et ne me fera pas de mal, dans deux ou trois heures, je ferai une petite sieste !
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5 commentaires
Commentaire de La Tortue posté le 01-10-2007 à 22:00:00
bravo,
tu as su gérer tes "bas" et profiter de tes "hauts". c'est ça l'ultra ! faut être patient quand ça va pas...et après, ça repart ;-)
ton CR m'a fait revivre ma course. jusqu'à Courmayeur, on devait pas être loin l'un de l'autre, car j'y suis arrivé vers midi.
tu parles d'Embrun dans ton CR, si tu en as fait un CR, ça m'intéresse, tu peux me l'envoyer en pv car c'est mon prochain challenge et je cherche des infos !
merci et encore bravo
amicalement,
la tortue
Commentaire de seapen posté le 02-10-2007 à 10:42:00
bravo pour ce beau récit plein d'anecdotes savoureuses qui me font sentir toutes les sortes de moments vraiment intenses par lesquels on peut passer sur une telle course, d'abandon ou plus sereins, de souffrance, de foi ou de confiance et d'autres encore. fécitations en tout cas. salut.
Commentaire de Geronimo posté le 02-10-2007 à 20:12:00
Bravo, quel courage, quelle gestion de course, c'est impressionnant ! J'espère que ton copain s'est bien remis.
Commentaire de PaL94 posté le 03-10-2007 à 19:44:00
Bravo pour ta course et ton récit qui prouve qu'un ultra se court jusqu'au bout.
Et felicitations d'avoir raviver le souvenir de Shackleton qui nous a enseigné que tant qu'on peut bouger il ne faut pas abandonner...
Commentaire de agnès78 posté le 03-10-2007 à 20:18:00
un grand merci et un énorme bravo pour ta ténacité et la perf!
J'espère que la récup s'est bien passée
gros poutoux
agnès
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