Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2007, par runstephane

L'auteur : runstephane

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 24/8/2007

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 3194 vues

Distance : 163km

Matos : chaussures Lafuma Active trail mesh (Adidas Wanaka et Salomon xa pro 3d xcr prévues aux bases vie, mais laissées dans le sac).
chaussettes décathlon 50, neuves, lavées.
bâtons Quechua Diosaz raid 700
Wintertrail Radilight les nuits.
T-shirt manches courtes et longues Mizuno/Ufo en journée.
casquette Ufo.
Lunettes de soleil.
Veste coupe-vent Raidlight Top-R light/Ufo.
Sac à dos 10 l Quechua.
Collant long Adidas.
Gants fins Raidlight.
Frontale Black Diamond Zenix modifiée (4 piles AA déportées dans le sac).
Lecteur mp3 de daube, écouteurs encore plus de daube.
Barres choco-céréales-spiruline. Crème de marrons « en gourde »

Objectif : Faire un temps

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mon tour du M.-B.

Même pas une larme, même pas de joie débordante, même pas de crise de fou rire, juste une espèce de vide ; bien sûr, j'ai tout de même les yeux un peu humides (une allergie aux arrivées, sans doute) et je ne regarde pas l'oeil de la caméra qu'un gars braque sur moi à l'arrivée, de peur d'un débordement du canal lacrimal non contrôlable.
Enfin, l'affaire est faite, et bien faite. Je me suis bien amusé du début à la fin, même si la fin l'emporte largement, faut dire que je n'étais pas tout seul dans cette lutte, l'ami Phil aura été un mentor, entraîneur, lièvre, sans qui tout ceci n'aurait pas été possible : merci Phil, du fond du coeur. Et ça discute sur l'aire d'arrivée, Patrak, Bombyx, radieux et un certain FrançoisdelesBauges dont le sourire m'aura hanté (mot mal choisi, mais son sourire était en moi avec une telle présence que c'est comparable) depuis Arnuva : merci François, Patrak et Bombyx, je n'avais plus toutes mes connexions neuronales, mais j'ai apprécié les quelques propos échangés.

Mais venons-en aux faits, au début-------skiishhhhsh zlioup


(photo Maindru)

(photo l'Électron)

Chamonix (arrivée) -- Argentière
Avant un final de toute beauté avec l'ami Dawa venant à notre rencontre à quelques hectomètres du sacre, j'ai alterné des périodes de saine distraction, à compter les concurrents avalés par notre équipage, un par un, grâce au grand secret -- et aussi grâce à des accélérations dont Phil à le secret --, à bondir à un train d'enfer sur des petits sentiers très ludiques, à doubler des Ufos (Bottle, Irving) avec des périodes de mou intégral, où une tendinite du talon droit me crie d'arrêter les frais, et où une douleur aux orteils me hurle la même chose. La toute fin (juste avant d'entrée dans Chamonix) aura été laborieuse, heureusement elle se termine lorsque l'on croise l'Électron, merci à toi !

Argentière -- Vallorcine
Depuis Vallorcine et notre dernier ravitaillement, on mène un très bon rythme, on ne fait pratiquement que marcher, mais on avale des concurrents bien cuits et personne ne nous reprend sur ce tronçon. Et puis voilà le col des Montets, où suite à une remarque du Phil (on pourrait bien s'en manger une cinquantaine jusqu'à l'arrivée), je décide de démarrer un comptage des fromages pacman-isés, qui augmente bien vite et nous donne un tonus d'enfer... Les douleurs sont oubliées, on continue sur notre lancée, youpi. Enfin, sauf que j'ai une tendinite qui se matérialise au talon droit, hum, elle devient vite enquiquinante, cette saleté.


(photo Maindru)

Vallorcine -- Frontière
Alors-là, misère de misère, je ne sais pas ce qui s'est passé dans ma pauvre tête. Enfin, tout vient de Phil bien sûr, mais cette portion restera gravée dans mes souvenirs, et quand ça ira mal en course, je tâcherai d'y repenser...

Phil -- « On a oublié la fille avec le sac Raidlight !
moi -- Ah oui ? (peu enthousiaste), tiens, la voilà. (zut)
...
moi -- Je crois que si on la dépasse trop peu vite, elle risque de s'accrocher.
Phil -- Ouais, c'est les nanas, ça.
moi -- Faudrait la doubler franchement vite, en fait, après une approche en douceur pour la surprendre. (sournois, moi ? non !)
Phil -- Ouais enfin à ce rythme, ça sera tellement en douceur qu'on ne la rattrapera jamais. »
moi -- (Boudiou)


Et me voilà parti à la recherche de cette fille (merci à elle) qui vient de disparaître derrière le virage, juste après l'arrêt du télécabine. On reprend un bon rythme, on la rattrape, elle accélère en nous entendant (mais oui c'est vrai, une teigne je vous dit !) alors j'accélère, et encore et voilà un virage sur les chapeaux de roues, et j'accélère de nouveau et Phil me passe, et je vole, je le repasse, je vole, je vole, c'est trop bon, pourvu que ça ne s'arrête jamais, Phil reprend la tête et on quitte déjà la piste, là le Phil s'en donne à coeur joie, continuant sur un rythme que je ne peux suivre dans les racines (faut vraiment que j'apprenne à descendre, je vais commencer avec le mag de juillet-août, tiens : o ) ).
Pétard, on arrive à Vallorcine dans l'euphorie, et l'on retrouve Kourpavix qui malgré un genou récalcitrant était devant depuis Champex ; Champex, que c'est loin ! C'était la nuit, un rythme d'escargots, alors qu'on est bien là à sprinter en descente, un autre moi ?

Frontière -- Point haut des Tseppes
Phil a une idée très particulière de la descente qui vient. Gardant son rythme de montée pour échapper à un anglais teigneux, il veut en profiter pour faire du Yoyo tout craché : Pacman hante son esprit. Pour ma part, j'ai un peu de mal à relancer mais je me prends au jeu. Je mène pour qu'il y ait toujours un Phil derrière, et je m'amuse à reprendre quelques gars en relançant un petit peu, même si la marche est encore de mise. On en double donc quelques uns et puis je lance un « ça y est, on les à tous repris » qui revient à mes oreilles traduit en un « y'en a encore un là bas ». Boudiou, c'est le déclic, de coureur avec 140 bornes dans les pattes, je deviens une bête monstrueuse sans peur et sans scrupules, avec quelques bornes dans les cuisses, et une envie d'en découdre affolante.
C'est parti : o )

Point haut des Tseppes -- Trient
Une montée sans histoire. Juste quelques tables de pique-nique, sur le côté « ravin » du chemin, ils sont timbrés ici ou quoi ? Ah ! Non ! Hé hé hé, c'est un rocher (glp) ou encore « tiens, une maison, m'étonnerai bien que ça soit une maison, ah bah si c'est une maison, tiens mais non, juste des racines... ». Je monte à mon rythme, assez vite au départ pour me réchauffer, et puis je fais une mini-pause à Catogne -- en attendant le Phil qui n'avait pas aussi froid que moi en bas --, avec un gars qui ne comprend rien à ce que je lui dit -- le contraire est aussi vrai --, complètement à la masse ; je lui conseille de pioncer vingt minutes, pas sûr du tout qu'il ait compris ! Donc sinon que dire, ça monte sec, avec le soleil, mais au moins ça fait plaisir parce qu'à ce rythme, on sera sûr d'aller en haut.

Trient
moi -- « On peut avoir de la raclette ?
le cuistot -- Mais vous êtes coureurs ! Ça ne va pas être trop lourd ?
moi -- Lourd ? Une raclette ? Avec la côte qui vient ? Vas-y, j'en prend trois ! »


Avec Phil et Sébastien, encore du temps de perdu, mais les deux tours de raclette resteront encore dans ma tête un bout de temps, et participeront activement à la pêche dans le final. Je croise également ForestAlex et Sushimaki en quête d'une bonne raison d'abandonner, ou plutôt en quête d'un bon coup de pied aux fesses de son chevalier pour aller au bout !

Trient -- Bovine
Miaaa-ouuuu, cette descente, après ce petit sentier en balcon où je mène tranquillement, préférant voir les herbes plutôt que les pieds du Phil devant moi (je devenais scouizo-je ne sais quoi à ne voir que des pieds !).
Donc le début est très sympa, je suis assez lucide pour être concentré, assez concentré pour avancer vraiment. Les bâtons me servent juste à m'équilibrer, on s'amuse bien et on double à tour de bras. Mais peu à peu mon envie s'émousse, ainsi que la concentration et une gamelle avortée me ramène à la raison : je n'ai plus assez de jus pour courir là-dedans, dommage. Je vais perdre un sacré temps, même si je rattrape encore quelques concurrents hagards. Après le col de la Forclaz, je hais pendant cinq minutes la bénévole qui m'a annoncé en claironnant : « maintenant c'est la descente vers Trient ». Descente mon oeil, je suis sur un large chemin qui prend plutôt la direction du sommet que de la vallée, j't'en ficherai des... ah, mais c'est une frontale là-bas, qui passe en face de moi et qui descend... ouf. Les marches sont bien glissantes et je suis encore proche de l'arrêt dans cette portion, heureusement assez courte.

Bovine -- Champex
Alors ?
Bah alors cette montée est très amusante, ludique à souhait, avec des pierres, des racines, des rochers, pfff, trop rigolo, merci Gé Lafrite-Powaa ! Je suis Phil toute la montée, j'ai presque des remords à ne pas alterner, mais je nous ferais perdre du temps à hésiter sur le passage le plus approprié, alors qu'il me peine déjà de suivre le traceur. Rythme impeccable, continu, on arrive au ravito bien frais et finalement Bovine c'est de la rigolade. L'approche est tout de même un peu longuette, ou plutôt j'ai du mal à mettre le profil du roadbook sur cette portion, bizarre. En tout cas la nuit est belle, très agréable.


(photo l'Électron)

Champex
Ravito des vainqueurs. Ou plutôt des professionnels. Là, tout est fait pour nous remettre à niveau, et la montée m'a bien entamé.
Nous sommes accueillis ici par l'Électron, qui fige ces moments (merci !) où l'on se croit relativement frais alors que notre tête fait peur à voir. Tout le monde (ou presque) est là Gé, Koline, Séraphin et les parents de Phil, quel accueil !
On mange des pâtes (sans garniture pour moi), je refais le plein de coca, on discute de tout et on oublie tout. J'hésite à aller me faire soigner es ampoules mais devant l'attente, je me dis qu'elles tiendront bien 40 bornes. Démesure. Je n'ai plus aucune notion concrète du temps, du kilométrage. Bombyx est arrivé juste derrière nous, et je croise Kourpavix qui va se faire soigner un peu ; je lui dis que l'on compte repartir d'ici cinq minutes, mais entre temps Phil a l'idée merveilleuse d'essayer de dormir un peu, et va dans la sur-enchère en demandant à ses parents deux places tout confort dans leur voiture. 20' de repos, j'entends un peu les annonces des concurrents qui arrivent au ravito mais m'endors assez rapidement, pour revenir complètement revigoré au réveil. Bombyx et Kourpavix sont déjà repartis. Là, Gé nous sort le grand jeu de la-côte-qui-suit-qu'est-toute-rigolote, elle nous explique qu'elle est très ludique cette Bovine, avec des marches pour s'amuser, le pied ; je ne suis pas sûr d'avoir autant de gniak, mais ça fait du bien ces propos rassurants ! Habillage, remplissage de la poche à eau, bip départ du ravito, bises aux filles et salut aux gars (je vous aime !) et c'est reparti pour une nouvelle étape. Il est minuit passé, purée que j'ai envie de continuer ! On se donne rendez-vous dans une dizaine d'heures, à l'arrivée. À l'équipe : merci pour tout. Je me suis senti comme un vrai pro, comme on en voit pas trop en course à pied, plutôt en moto, le rêve...

Champex -- Praz-de-Fort
Alors cette montée attention. On laisse partir Bombyx parce qu'il est trop rapide pour nous, mais on choppe le wagon qui arrive, qui dépose tout sur son passage. Quel rythme, mené par des Bretons infatigables, je suis tant bien que mal cette étape décisive. Je démarre devant Phil, je prends un peu de recul avec mon prédécesseur qui n'a pas un rythme qui me convient, trop saccadé et Phil en profite pour attaquer, et se mettre dans la semelle des Breizh. Quelques fois j'ai presque failli crier « Phil on se retrouve au ravito » et puis un orgueil bien placé aura eu raison de mes intentions séditieuses, et c'est avec joie que nous arrivons en haut, en ayant au passage déposé Bombyx, après un régal de montée. Trop bon !

Praz-de-Fort -- Le grand col Ferret
Ça descend alors on court !
Un pit-stop à La Peule et sinon c'est bonne course jusqu'à la route, et bonne (peut-être pas si athlétique que ça, à la réflexion !) marche jusqu'à La Fouly, où l'on croise tour à tour Bombyx, Sébastien, Bottle. Je ne garde pas beaucoup de souvenirs de cette partie, si ce n'est l'accrochage au wagon Suisse qui nous passe après La Fouly, histoire d'avancer. On se prend à rêver de finir les derniers classés, à la limite du temps règlementaire, mais on se rend compte qu'il n'en faudra pas beaucoup pour le faire sans le vouloir, ce qui nous décide à accélérer le mouvement. La nuit tombante ne me fait pas prendre conscience du temps qui passe. On a fait le plus dur, on a fait le grand col Ferret et après, c'est de la rigolade (d'après Cyr).

Le grand col Ferret -- Arnuva
Pétard c'te côte boudiou.
On en profite pour discuter, ça fait du bien de vivre un peu avec des gens qu'on ne cotoie au quotidien (ou à l'hebdomadaire plutôt) que par messagerie électronique interposée.
On prend notre temps, enfin je vais surtout à mon rythme, avec un planté de bâtons super efficace pour faire travailler les bras plutôt que les jambes. À environ la moitié de l'ascension, je me dis que je me ferai bien une petite pause assis, et c'est allongé que je me retrouve en un instant ; j'ai un style vraiment ras du sol avec mes bâtons à ce moment là ! Enfin, ça monte et ça fait du bien, même si c'est dur. J'en profite pour prendre un peu d'avance sur Phil et pour discuter avec les bénévoles en haut. J'aime bien ces discussions un peu à la ramasse, et puis bizarrement j'en ressors avec toujours plus de motivation.
La paysage est magnifique, le soleil présent mais nous sommes rafraîchis par une légère brise, bien fraîche en haut, ce qui me fait mettre mon Ufo-veste. Un petit sms à Gé-powa et en retour une info de retrouvailles : ils seront avec les parents de Phil, l'Électron et Koline à Champex pour nous voir, youpi.


(photo Maindru)

Arnuva
Des bananes, des bananes, des bananes, du coca, de l'eau, du coca, des bananes, du saucisson. Merci Cyr. Grosse pause, et je retrouve Phil qui sort dans un état proche du coma d'une mini-sieste avortée. François est là avec son sourire dévastateur, qui remonte le moral en moins de temps qu'il ne faut pas l'écrire. Le grand col Ferret : tranquillement, une formalité ; tranquillement, une rigolade.

Arnuva -- refuge Bonatti
Oh pétard que j'ai mal. Enfin non, pas mal, mais las, je suis las. J'envoie un petit sms à Gé pour lui donner un peu de powa, et surtout en reprendre un max, puisqu'elle est déjà arrivée, elle as fait une CCC du tonnerre, surtout sans entraînement depuis mai... Le Phil est toujours devant et je ne le rattrape pas, pétard de pétard, il m'avait pourtant dit qu'il n'avait plus de jus ! Qu'elles sont dures ces portions roulantes où l'on aimerait bien courir, mais sans assez ressources pour le faire. Et puis j'ai une idée lumineuse, j'appelle Cyr, la hotline de l'UTMB. Je lui explique mon cas et lui me remonte le moral sans en avoir l'air, en dédramatisant la suite : le grand col Ferret : t'y vas piano et hop c'est fait. Et ensuite ? Bah ensuite il n'y a plus de côte dignes de ce nom, juste des trucs qui monte un peu, mais même pas plus de 600m d'un coup, une rigolade, non ?
Arf, le Cyr, trop de bien qu'il m'a fait, encore re-re-re-merci Cyr ; et puis il en profite pour me donner des nouvelles de la tête, des copains, devant, derrière, en rade ; bon je ne suis pas tout seul dans cette galère, je vais me le faire cet UTMB, non mais. Une coupure de téléphone permet à Gé d'intervenir : elle est tout guillerette au téléphone, elle a fini et bien fini sa CCC, et me dit qu'elle viendra à Champex avec Koko qui n'est plus en course, zut crotte. C'est le retour au beau fixe pour moi. Bon alors Arnuva, t'arrive ?

refuge Bonatti -- Bertone
Je croise Phil quand j'arrive à Bertone. Il a l'air bien cuit, me dit que je vais fondre sur lui.
Je prends une petite pause, coca, bouffe et comme cette montée ne m'a rien fait, je repars le couteau presqu'entre les dents pour le rattraper. Mais que ce passage est longuet, pfff, heureusement que le paysage est magnifique. Finalement au refuge Bonatti, je discute un peu avec les bénévoles, ça fait du bien de sourire. Je ne m'attarde pas beaucoup, mais trop quand même. Je suis tout seul dans cette galère et j'en ai marre.

Bertone -- Courmayeur
Je profite de la route pour appeler ma petit femme partie en week-end avec les enfants ; tout se passe bien pour eux, ouf, je ne suis pas le seul à prendre du plaisir. Je me fais enfumer par Sushimaki ; je me dis que je la rattraperai dans la montée pour discuter un peu mais c'est plutôt quinze heures plus tard que je le ferai, quelle vitalité !
Je trouve un bon wagon pour cette petite côtelette, elle passe sans coup férir, sans joie, mais sans trop de peine non plus, c'est toujours ça de gagner. Heureusement, parce que la prise de mes écouteurs semble mal en point, un faux contact me prive de musique dans cette ascension, la poisse avec cette musique !

Courmayeur
9h25. Sitôt mon sac récupérer, je me change, le t-shirt manches courtes remplace le Wintertrail, je me retartine les pieds de Nok, refais le niveau de barres à la spiru et de crème de marrons dans mon sac et je file manger un morceau, en m'apercevant du coup que le pointage est là. À l'intérieur, j'engloutis quelques parts de marbré au chocolat excellent, quelques morceaux de banane, remplis ma poche à eau et je ne traîne pas. Je traverse la salle pour voir si je vois quelqu'un de connu, mais je ressors vite, tout seul. Les rues ne sont pas très enthousiasmantes, la conduite des Italiens toujours aussi dangereuse vu d'un piéton. Je ne m'attarde donc pas, vite un sentier, vite la montée !


(photos Maindru)

Courmayeur -- col Chécrouit
Ah ! mon lecteur mp3. Je l'avais emmené spécialement pour cette descente. J'en ai, en effet, rêvé dans la nuit de mercredi : aux aurores (j'étais en avance par rapport à mes prévisions, et d'autant plus par rapport à mon temps actuel), belle descente vallonnée, verdoyante dans les Alpages, avec Magenta dans les oreilles. Après quelques minutes de pause au col, je m'efforce de réchauffer la pile et voilà donc que le lecteur redémarre. Mon sourire revient en même temps. Je mets les écouteurs, sélectionne mon morceau choisi, mets le volume au max et file au travers les pâturages... en faisant attention de ne pas m'user sur le bitume. Cette descente ne correspond en rien à mon rêve, j'en suis tout de même assez déçu, mais au moins j'ai retrouvé de la musique, et je ne me suis pas détruit en dévalant cette pente, merci M. Elisabetta.

Col Chécrouit -- Arête mont Favre
Ouch, qu'il est difficile ce passage. Je me traîne littéralement. Je me fais doubler, et pratiquement tous me lancent des « vas-y Stéphane ». Je me suis demandé toute cette portion si je connaissais tant de monde, je réaliserai plus tard que mon dossard était dans mon dos, facile donc pour y lire mon prénom... C'était très sympa les gars, de m'encourager comme ça. J'en avais besoin, même si ça ne s'est pas ressenti sur mon rythme ! Mon objectif chrono explose mais ce n'est pas grave du tout, je m'en contre-fiche, je veux juste finir. Le mot « abandon » vient se glisser dans ma tête mais il reste vide de sens, et s'en va aussi vite qu'il est venu. J'ai trop envie de ma polaire à l'arrivée pour arrêter maintenant.

Arête mont Favre -- lac Combal
Aïe aïe aïe. Je suis à la ramasse totale dans cette montée. Je me fais doubler par Bébert (ravi de t'avoir croisé... si, si, c'est pratiquement un croisement tellement la différence de vitesse était grande !) et c'est fourbu que je m'arrête en haut, pour me refaire un plein de spiruline... et de céréales et de chocolat. J'y vois Phil qui un peu de plus me passais sans me voir. Content de l'avoir croisé, c'est toujours ça de pris. Il me conseille de marcher lentement au soleil, mais je suis trop cuit pour le faire. je m'arrête une dizaine de minutes, et je savoure l'effet chocolat. Au moins mon palais apprécie. Mon objectif chrono est passablement démonté, mais ça ne me chagrine pas trop, le paysage est magnifique, et la course est belle, très belle.

lac Combal -- refuge Elisabetta
Rien à dire, je relance dès le refuge, après m'être aperçu que mon lecteur mp3 ne veut pas fonctionner alors que je le trimballe pour ça. Ça m'énerve passablement cette électronique qui ne tient pas le coup ! Je réalise un peu plus tard que c'est sans doute la pile exposée au froid de la nuit qui n'a pas tenu le choc.

refuge Elisabetta -- col de la Seigne
Belle descente, l'arrivée sur le refuge puis le ravitaillement est magique, avec l'aube naissante, un régal. Je récupère du monde sur les descentes, c'est chouette. Au ravito, j'ai des nouvelles des premiers ici, un Scott un peu énervé, déjà loin derrière un Mermoud qui en veut. Le gars au pointage me conseille la prudence pour la descente de Courmayeur, un truc à se flinguer les cuisses en un rien de temps, et c'est pas fini ensuite. Je retiens le conseil et m'en vais m'équiper de mon lecteur mp3.

Col de la Seigne -- Les Chapieux
Oh ce passage. Un rêve. Pour la course, je suis largement dans les temps pour 34h30. La nuit est belle, la côte me scotche un peu mais l'approche est vraiment magique. La route, pâlement éclairée par une Lune presque pleine, des cliquetis de bâtons devant et derrière, quelques frontales devant et derrière et moi. J'avance là sans éclairage, profitant d'un bitume bien appréciable, j'avance sans hâte, profitant de ce moment comme si j'avais l'éternité devant moi. C'était magique. Et cette montée, quel bonheur, régulière, souple, avec l'aurore qui pointe son nez au sommet, découpant les formes aiguës des sommets alentours. Le bonheur. Même si malgré mon rythme très tranquille, je peine bien quand même. Et dans les derniers lacets, voir cette ribambelle de frontales pratiquement continue jusqu'aux Chapieux, ahhhh, je m'y vois encore, j'ai hâte d'y retourner, même si je sais que les conditions météo rencontrées ce week-end sont exceptionnelles.

Les Chapieux -- croix du Bonhomme
Houl-là, les bâtons en avant, je marche tel en quadri-pod géant, bien mal adapté aux conditions du terrain. La phase finale de la descente vers le ravito aura été rude et longue, je manque deux gamelles, mais en réussis une bien belle, malheureusement restée sans témoins. Avant ça, j'ai pris bien du plaisir à cette descente caillouteuse -- qui me rappelle la descente des Cornettes de Bise, ma montagne préférée des vacances -- où je double quand même quelques personnes, ouf. Le ravito est rapidement fait, banane, coca et eau pour la poche, je suis pile dans mon timing, youpi !
En sortant, deux gamins m'interpellent « eh t'es qui toi l'esquimau », tout ça parce que j'ai enfoncé ma casquette sur ma capuche ! Quel public quand même, 3h du matin et toujours du monde, youpi, col de la Seigne me voilà !

Croix du Bonhomme -- Saint Gervais
Pfff, rien à dire sur ce passage. Je relance bien dès qu'il y a un bout de plat, je ne me fait pas déposer, sauf par Stef34 qui doute de sa perf finale après un départ comme ça (quel loulou). Je loupe Gilles l'épicier d'Olivier91 après Saint Gervais, qui clarine dans la montée de Saint Nicolas de Véroce, profite du ravito des Contamines pour enfiler collant long et Wintertrail. À ce moment : ça monte tant mieux, ça descend tant mieux. Je suis en avance sur mon timing, tout va bien, youpi. Juste après Saint Gervais, je profite d'un endroit pas éclairé pour chercher ma frontale dans mon sac ( : o ) ) et prendre mes bâtons en main, allez, la montagne commence là.

Saint Gervais -- La Charme
Belle descente, je ne double pratiquement pas, sauf au tout début sur l'herbe, et je rentre tranquillement dans Saint Gervais, éberlué par tant de monde. En arrivant, je croise le Sanglier (euh... tu ne serais pas parti un peu vite mon Brandon ?) qui repart ; je suis encouragé Géraldine, Florent et toute la foule en délire, c'est le dé-li-re ! La passerelle -- pour passer au-dessus de la route sans couper la circulation, qui m'avait parue étrangement haute et rébarbative lorsque je l'avais vu en voiture, en allant chez Olivier91 -- est rigolote ; je double Stef34 qui cherche ses supporters privés ; il est excellent ce passage, ça donne une de ces gniak ! Donc le ravito est plutôt vite fait : banane, une rondelle de saucisson et deux cocas. Youpi.


(photo Maindru)

La Charme -- Les Houches
Après avoir hésité deux secondes, je m'arrête prendre deux verres de coca au ravito des Houches, et ensuite je file, je double le Phil et me fait plaisir dans cette première montée. J'évite avec à propos tous les coups de bâtons potentiellement recevables, me faufile entre des grappes de coureurs. Je suis transformé en coureursolitaires : les mains dans le dos et trotte. Juste avant le contrôle de la Charme (déjà ?), le massif du mont Blanc se part de ses plus belles couleurs crépusculaires, quel spectacle ! Je suis bien, je suis bien, il y a du monde mais je suis bien !

Les Houches -- Chamonix (départ)
Tranquille, tranquille le départ. Je discute avec Ysolo, Bottle, on prend notre temps, on rigole bien déjà. Heureusement, ça fait passé ce tronçon où l'on est au coude à coude, plein de gens, trop pour moi, mais en bonne compagnie ça passe très bien, finalement. En arrivant sur la route, j'allonge un peu, sans prévenir Ysolo, sans même y penser vraiment, zut j'aurais bien aimé lui souhaiter une bonne course. Surtout que je lui ai dit de me secouer si par hasard il me trouvait sur un chemin, il m'a répondu avec toute l'assurance possible que s'il me doublait, il n'y avait pas grand chose qui pourrait l'empêcher de m'emmener avec lui vers l'arrivée. Merci Yves, j'aime bien courir avec toi.
Et avant ça, le départ, où je reste quelques secondes aux côtés de Phil, les yeux embrumés, où j'en profite pour lui dire que c'est grâce à lui que je suis là. Grâce a M. Ultrafondus comme s'escrime à l'appeler sa factrice (maintenant tout le monde le sait), grâce aussi à sa maman, qui, par les détours que seul le hasard connaît, m'a fait parvenir le magazine Ultrafondus numéro 4 (septembre 2003, ça vous dit quelque chose ?) il y a deux ans, qui m'a fait accrocher au wagon Ufo : deux années passées à rêver en compagnie de gens plus ou moins timbrés de courses sans fins, toutes plus belles les unes que les autres. Merci à vous deux.
Le coup de canon a retenti, je passe la ligne en marchant, tranquillement, je profite, en mon for intérieur, de cette émotion intense qui me submerge, Marie (soeur du Sanglier) m'attrape l'épaule et m'encourage, puis un spectateur visiblement très ému en profite pour prendre ma main pour la serrer, une poignée de main d'avant-match, quel incroyable émotion ! C'est donc pour ça qu'ils reviennent tous les ans depuis 2003, quelle formidable machine les organisateurs ont réussi à mettre en place en si peu de temps, je ne suis même pas encore parti que je sais que je reviendrai, comment faire autrement, c'est une messe, tous unis vers le même idéal, prendre du plaisir en courant. Dur dur de rester de glace face à un tel spectacle !

puoilz hshhhhsiiks-----voilà c'est fini. Bravo pour ceux qui arrivent jusque là.
Bien sûr, l'UTMB n'est pas que ça, il y a aussi l'accueil de M. Olivier91 et de toute sa famille, unie avec lui pour la course, quel régal ces quelques jours passés avec vous, avec Gilles l'épicier du coin et supporter n. 1, Eric l'alpiniste, Géraldine et Zeb, l'Électron, Jérôme, Kourpavix, Bottle, c'était un régal ! Sans parler de la croziflette mortellement bonne, qui donne de l'énergie jusqu'au bout de la nuit (des nuits ?). Et puis la préparation avec les outils de Rémi Poivert, excellents. Et je reviens également sur le ravito de Champex, merci beaucoup les filles et les gars, ça m'a fait un bien fou de vous voir, ah ! que j'ai aimé ce week-end, je vous le conseille. Et pour ceux qui craignent un peu le monde, et préfèrent les courses plus « intimistes » : essayez parce que la ferveur ressentie au ravitos efface sans problème les première heures digne d'un marathon. Mais attention : l'essayer, c'est l'adopter !

J'arrête là, je sens que ça devient un peu décousu, j'ai du mal à rester concentré, je ferme les yeux et me revois tour à tour à Champex dans ce barnum surchauffé, en haut du col de la Seigne face à l'aurore, dans la rude montée de Tseppes, dans la descente de Vallorcine... Quand est-ce qu'on y retourne ?

Stéphane, aka Brandon

4 commentaires

Commentaire de agnès78 posté le 04-09-2007 à 12:00:00

très très original ce récit stéphane!
Merci beaucoup
BRAVO pour ta course si bien gérée...
bonne récup
gros poutoux
agnès

Commentaire de lolo' posté le 04-09-2007 à 14:23:00

Bravo Stéphane

et merci pour ce récit façon "Memento"

Commentaire de Zeb posté le 04-09-2007 à 15:35:00

Pffffff ! trop, trop fort !!! Excellent !!!

Zeb_vive_la_Croziflette!

Commentaire de gdraid posté le 07-09-2007 à 08:54:00

Bon récit, d'une bonne course, d'un bon coureur.
Merci runstephane, et bravo pour ton dynamisme.
JC

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