Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2003, par yoyo

L'auteur : yoyo

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 30/8/2003

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

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Distance : 153km

Objectif : Pas d'objectif

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Le récit

Avant la course :
Depuis 2 mois, j’ai des douleurs persistantes à un tendon d’achille. Malgré quelques coupures et différents soins, rien n’y fait. C’est sûrement un signe que mon corps est fatigué, qu’il faut que je le mette au repos quelques temps. Il n’est pourtant pas question de renoncer à cette 1ère édition de l’Ultra Trail du Mont Blanc (UTMB) qui s’annonce exceptionnelle. Je décide donc de jongler avec ma blessure, d’alléger considérablement l’entraînement (190 Km en juin, 115 en juillet, 87 en août et un peu de vélo) et de tout miser sur une préparation « psychologique ». Pas facile à décrire une préparation psychologique !!!. Une espèce d’auto persuasion que « je peux le faire, je vais le faire, je dois le faire….. », que « la pluie, c’est pas grave, la nuit , même pas mal …… », que « même les meilleurs auront des coups de barre ….. ». J’ai essayé aussi de zapper complètement les étapes intermédiaires de Courmayeur et Champex en ne les considérant que comme des points de contrôles, tout ça pour éviter la tentation de m’arrêter en route.
Une unique sortie longue de prés de 8h, fin juillet, me permet de valider que mon tendon supporte bien les efforts longs et peu intenses. Ma dernière sortie a lieu le 15 aôut.17,5 Kms lors d’un mini trail (La boucle de Madeloc) où les sensations sont excellentes. Je suis rassuré. Plus rien ensuite jusqu’à la course.
Dernière semaine, consacrée à faire, défaire, refaire le sac. Je me lève la nuit en sursaut pensant avoir oublier des trucs. Sandra en a marre de se faire réveiller à 3h du matin !!!!! Mais non je ne pense pas qu’à ma course !!.
Très important aussi, lors de la dernière semaine, j’ai étudié longuement et méticuleusement le parcours, avec le road book et les cartes IGN de l’organisation. J’ai également calculé des temps de passage précis qui me permettent d’estimer mon temps d’arrivée à 34h.

Veillée d’arme

J’arrive en train vers 17h à Chamonix. La température est saisissante. Ca doit bien faire 4 mois que je n’ai pas connu des températures si basses. J’ai fait le trajet depuis Lyon avec Steven, un parisien de Chicago qui bosse chez Mickey. On a parlé de la course, des Ufos …… assurément un futur Ufo. La remise des dossards, un bonjour à Phil, le seul Ufo connu dans les environs au milieu d’un tourbillon d’Ufos et de quelques bérets du Zoo. Un breefing complet plus tard, c’est l’heure de la pasta. Je me retrouve par hasard assis en face de Nitram avec qui, sans le savoir, je vais partager ma route pendant prés de 24h. Promis on avait rien prévu. 21h, j’essaie de dormir dans le couloir du réfectoire. 2h du mat et 2 à 3 heures de sommeil plus tard, c’est le réveil, le grand jour. Déjeuner rapide, et c’est parti.

La course :

Chamonix – Les Houches : dist. partielle = 8.3 Km (170 m+) ; dist. tot = 8.3 Km (170 m+) ; Temps partiel = 1h07 (prévu 1h10) ; Temps total = 1h07 (prévu 1h10)

Après le dépôt du sac qui sera envoyé à Courmayeur puis à Champex, on se retrouve devant l’arche du départ, au milieu de pleins d’Ufos. Il fait frais et j’ai décidé de partir léger en short, tee-shirt (Ufo bien sur) et manchette de cycliste. Je ne le regretterais pas. Le départ est donné. Un peu de route pour étirer le peloton et sortir de Chamonix puis on attaque un sentier vallonné qui longe l’Arve. Le rythme est assez lent et tout le monde a l’air de se méfier du programme de la journée. J’ai laissé derrière moi Phil, Jésus et d’autres Ufos, ils me rattraperont plus tard. Le retour de la route goudronnée est synonyme d’arrivée aux houches. Après avoir traversée l’Arve, Marmotte me rejoint (c’est la seule que je verrais de la journée !!!). On profite des premières pentes pour sortir nos bâtons de randonnée. Je ne les rangerais plus jusqu’à l’arrivée. Une pause rapide au ravitaillement, un bout de cake, un coca et on attaque le premier col de la journée.

Les Houches – Col de Voza : dist. partielle = 4,7 Km (660 m+) ; dist. tot = 13 Km (830 m+) ; Temps partiel = 1h03 (prévu 1h) ; Temps total = 2h10 (prévu 2h10)

Ca grimpe dur. On marche et Marmotte est bien mieux que moi. Je lui dis plusieurs fois de partir mais sagement il préfère rester avec moi. Tant mieux. On discute un peu sur les parties moins pentues d’un large chemin. Comme d’habitude sur tous mes ultras, c’est le traditionnel passage moins bien, au environ des 2h de course. Pas un coup de barre mais des sensations très moyennes. Le sommet est plus plat et on se fait enrhumé par un peloton déchaîné d’Ufos composé au moins de Phil, Jésus (je crois) et de ….. c’est ki le 3ème ?. Je relance pour prendre les roues de ce groupe. Le ravito est rapidement expédié et Phil, d’un sauvage coup d’épaule (je suis encore tout courbaturé !!) passe devant moi au premier point de contrôle. Promis, je me venge au prochain, aux Contamines

Col de Voza – Champel : dist. partielle = 5,6 Km (60 m+) ; dist. tot = 18,6 Km (890 m+) ; Temps partiel = 52’ (prévu 45’) ; Temps total = 3h02 (prévu 2h 55)

On plonge vers Champel. Le jour se lève et quelques gouttes apparaissent. Je trouve la descente très pentue et laisse filer mes collègues Ufos. Je m’arrête pour mettre mon imperméable. 2’ de pause. Je repars et 5’ plus tard, il ne pleut plus. Re pause de 2’ pour enlever l’imperméable. La descente est maintenant irrégulière, large et globalement roulante. Je déroule bien et peu avant Champel, je rattrape Phil.

Champel – Les Contamines : dist. partielle = 5,7 Km (290 m+) ; dist. tot = 24,3 Km (1180 m+) ; Temps partiel = 48’ (prévu 55’) ; Temps total = 3h50 (prévu 3h50)

On est maintenant sur une route, Jésus est avec nous. On tourne à gauche pour attaquer une partie du parcours assez déroutante. Je m’attendais à un parcours vallonné jusqu’aux Contamines mais le vallonnement est très prononcé. Des montées raides et longues, des minis cols. Bien casse pattes. Phil me signale devant nous une de ces connaissances, un coureur expérimenté, plutôt habitué au devant des classement. Il me fait part de son inquiétude de se trouver avec lui. « Si lui qui est super fort est là, c’est qu’on a du partir trop vite ». Je n’ai pourtant pas l’impression. On le rattrape et la discussion s’engage. Et là, sans le savoir, le collègue de Phil va dire un truc qui va me suivre toute la course, toute la nuit et sûrement sur beaucoup d’autres ultras. Je cite « Sur ce genre de course, au début tout le monde te double, puis vient un moment où plus personne ne te double, et vient un moment où tu doubles tout le monde ». Il s’en est pas rendu compte, mais cette phrase va rester dans ma tête quelques années je pense !!. En vu des Contamines, je tiens ma promesse du Col de Voza. J’attaque Phil. Tel Gebre sur 10000m, je descends à 25 Km/h les dernières pentes vers le point de contrôle. Non je déconne. En fait je lâche Phil qui a compris ma frustration du Col de Voza et il me laisse gracieusement le devancer de quelques secondes aux Contamines. Ravito où je complète ma poche à eau avec de l’Isostar. J’étais parti avec du Caloreen et le mélange Caloreen/Isostar passe bien chez moi.

Les Contamines – ND de la Gorge : dist. partielle = 4 Km (95 m+) ; dist. tot. = 28,3 Km (1275 m+) ; Temps partiel = 41’ (prévu 40’) ; Temps total = 4h31 (prévu 4h30)

Du plat, enfin du faux plat mais par rapport à la suite du programme, il faut profiter de cette portion calme. C’est ce que je fais. Je me sens bien. Je cours à 8,9 Km/h en essayant d’adopter une foulée économique. Jésus est dans les parages et Phil est devant moi. Je double pas mal de coureurs qui….marchent, rejoint Phil et nous arrivons ensemble au pied du premier gros morceau du jour : Le col du Bonhomme.

ND de la Gorge – La Balme : dist. partielle = 4,1 Km (475 m+) ; dist. tot. = 32,4 Km (1750 m+) ; Temps partiel = 54’ (prévu 50’) ; Temps total = 5h25 (prévu 5h20)

Cette première partie du col s’effectue sur un large chemin jusqu’à la Balme. Au début sur de grandes dalles, puis sur quelques replats je cotoie Phil. Tiens, je suis avec Steven, le parisien de Chicago qui bosse chez Mickey. Content de le voir. C’est son premier trail et il va bien. Il part devant pendant que je fais quelques photos. Après environ 1,5 Km de montée, je me retrouve seul. Bonne route Phil !. Le chemin est irrégulier, parfois même plat. Je trottine. A environ 1,5 Km de La Balme, je vois ….. La Balme. Le chemin serpente vers le fond de la vallée. Très beau. Le plafond est bouché et c’est sûr la montée après La Balme va pas être facile. Les dernières centaines de mètres avant le ravito voit l’arrivée de la pluie. Impossible d’attendre pour se protéger. De concert, tout le monde s’arrête pour se couvrir.

La Balme – Col du Bonhomme : dist. partielle = 3,5 Km (615 m+) ; dist. tot. = 35,9 Km (2365 m+) ; Temps partiel = 1h02 (prévu 45’) ; Temps total = 6h27 (prévu 6h05)

Là, c’est plus pareil. On quitte le large chemin carrossable pour attaquer un sentier escarpé, boueux (et c’est que le début). Ca grimpe dur et chaque pas compte. Je m’arrête un instant pour mettre mon sac à dos à l’abri sous mon imperméable. Jésus en profite pour me doubler. C’est pas forcément le lieu idéal pour une rencontre. Il ne m’a pas vu et je préfère le laisser filer. Plus on monte plus le col devient technique, plein de cailloux. J’aperçois au loin, un chapelet de coureurs, accrochés à la montagne. Il va falloir monter la haut !!!!. Je contourne un énorme cairn, chevauche un torrent et attaque les derniers hectomètres du col. Je rattrape Steven. Courage Steven, t’es en haut. Je le passe et poursuis ma route. Le sommet est là, le vent et le froid aussi. Je laisse sur ma droite une maisonnette qui symbolise le sommet. Je n’ai pas le courage d’aller y jeter un œil. C’est à 20m du sentier. En fait, c’était un ravito je crois. Tant pis. Je suis en retard sur mes prévisions horaires (22’ de retard).

Col du Bonhomme – Col de la Croix du Bonhomme : dist. partielle = 0,9 Km (180 m+) ; dist. totale = 36,8 Km (2545 m+) ; Temps partiel = 25’ (prévu 15’) ; Temps total = 6h52 (prévu 6h20)

Y a pas 900m, c’est pas possible. Ca m’a paru très long. Le froid est vif. On est à découvert, sur une crête, au milieu de gros blocs de cailloux. Je profite de quelques replats pour courir et rattraper de nombreux coureurs. Le froid est en train de faire son œuvre. La traversée d’un torrent est acrobatique et juste après, c’est le sommet, dans le brouillard. Il gèle !!!!. Faut pas traîner ici. C’est ici que nous quittons le parcours initial pour contourner le Col des Fours jugé impraticable dans sa partie descendante par l’organisation. Je jette un coup d’œil sur ma gauche. Sûrement une sage décision. Nous devons descendre aux Chapieux, 900 mètres plus bas puis remontée à la Ville des Glaciers.

Col de la Croix du Bonhomme – Ville des Glaciers : dist. partielle = 9,5 Km (250 m+) ; dist. tot. = 46,3 Km (2795 m+) ; Temps partiel = 1h46 (prévu 1h10) ; Temps total = 8h38 (prévu 7h30)
C’est parti pour une longue descente. Boueuse et donc glissante. La prudence est de rigueur mais la tentation est trop grande. Je vois en contrebas d’autres coureurs. Ca me permet de tirer droit dans la pente. C’est économique en distance, en temps mais pas en énergie. La pente est plus rude et les cuisses chauffent. Et puis comme c’est plus pentu, c’est plus casse gueule et ….paf, ça rate pas …..gamelle. Rien de grave. Je profite du prochain torrent pour me laver. (Oulala, je fais dans l’esthétique. Ce sera pas le cas cette nuit !!!!). Le soleil revient et la montagne nous montre tous ces charmes. Je double et me fais redoubler par quelques coureurs. On joue au chat et à la souris en coupant à tour de rôle tel ou tel virage. On arrive à un petit pont. Le sentier devient chemin, je recours normalement (8,9 Km/h). En contre bas le village des Chapieux et …. Etienne. Je coupe 2 gros virages à travers champs. Les pieds trempés par ma promenade dans les hautes herbes, je rejoins Etienne. Nous arrivons aux Chapieux.

Pour tous les coureurs qui sont passés là, BIENVENUE DANS LA COURSE DE TOUS LES ULTRAS !!!!!

Une jeune fille nous annonce un ravito dans 30’. On va pas tarder à se demander si c’est 30’ en voiture, vélo, ski. Assurément pas à pied. Nous empruntons une route jusqu’à la Ville des Glaciers. Et ça grimpe. C’est monotone, long. Le seul point positif, c’est qu’on papotte avec Etienne. (Il a des sacrés références Etienne sur 100 Km, respect !!) Arrivée en vue de la Ville des Glaciers, le chemin se fait plat et je recours.

Ville des Glaciers – Refuge des Mottets : dist. partielle = 1,3 Km (105 m+) ; dist. tot. = 47,9 Km (2900 m+) ; Temps partiel = 18’ (prévu 25’) ; Temps total = 8h56 (prévu 7h55)

Je distance Etienne qui me rejoindra au Refuge des Mottets. L’accès à ce refuge se fait par un chemin assez facile. Le paysage est magnifique avec en fond de vallée, des grandes cascades qui dévalent de grandes pentes vertes, oranges, rouges. Nous sommes au pied du Col de la Seigne, deuxième gros morceau du parcours. 8h56 de course, Sherpa est passé en 5h45 !!!

Refuge des Mottets – Col de la Seigne : dist. partielle = 4,2 Km (640 m+) ; dist. tot. = 52,1 Km (3540 m+) ; Temps partiel = 1h08 (prévu 1h05) ; Temps total = 10h04 (prévu 9h)

Salut Etienne, on se voit à l’arrivée. Il a prévu depuis le départ de s’arrêter à Courmayeur et m’a promis une photo à l’arrivée à Chamonix. Il tiendra sa promesse. Le pied du Col de la Seigne est très raide. J’envisage de couper droit vers le sommet où je vois d’autres coureurs. Je tente une fois mais cet exercice s’apparente presque à de l’escalade. Je me résous à suivre le sentier qui serpente de gauche à droite. Un changement de versant est synonyme de replat (relatif) mais surtout de l’apparition du vent. Je me sens bien et trottine. Essentiellement dans le dos, le vent me surprend parfois par sa fraîcheur quand au hasard du chemin je me retrouve face à lui. Ca caille. Le final se fait au milieu des moutons, des cris de marmottes et des randonneurs, équipés façon Jean Louis Etienne au Pole Nord. Ils nous regardent bizarre avec nos shorts. Le sommet est superbe, une énorme colline en fait à franchir, avec à gauche des sommets presque découverts. La pente est bien moins raide. L’Italie est devant nous. Le vent souffle très fort. Le Lac Combal est juste là à portée de bâton, 500 mètres de dénivelé plus bas. J’y serais dans un peu moins d’une heure. Un petit coup d’œil à la borne de 20cm de haut et aux 10 cailloux alignés qui symbolisent la frontière, et je plonge dans la descente

Col de la Seigne – Lac Combal : Dist. partielle = 6,3 Km (10 m+) ; Dist. tot = 58,4 Km (3550 m+) ; Temps partiel = 54’ (prévu 1h) ; Temps total = 10h 58’ (prévu 10h)

Mon coup de cœur du parcours. Magnifique. Après une première descente très raide qui fait bien chauffer les cuisses, je me retrouve dans une vallée, plate. Au milieu des vaches, j’aperçois sur la gauche un glacier qui a l’air de vouloir écraser le refuge Elisabetha. Je suis venu pour ça. Les grands espaces. J’ai l’impression d’être en Russie, au milieu de la steppe (c’est bien comme ça qu’on dit ?). Devant moi une interminable ligne droite, parsemée de coureurs. Un tous les cent mètres tout au plus. Je cours et double pas mal de coureurs qui marchent. Je suis bien, très bien. Moi qui habituellement n’aime pas trop les longs bouts droits à l’entraînement, j’aimerais que celui là dure des heures. Je revois les photos de Serge Girard et Jamel Baali, lors de leurs périples transcontinentaux. Les mêmes lignes droites et la sensation d’être au bout du monde. Je vole. J’arrive au pointage du Lac Combal.

Lac Combal – Arête Mont Favre : Dist. Partielle = 2,3 Km (485 m+) ; Dist. tot. = 60,7 Km (4035 m+) ; Temps partiel = 52’ (prévu 50’) ; Temps total = 11h50 (prévu 10h50)

Un peloton s’est formé d’une dizaine de coureurs. On attaque la montée. Terrible. Un mur !! Je suis moins bien et laisse filer mes compagnons. En contre bas, un glacier énorme avec un petit lac. Ca mériterait la photo mais j’ai pas la tête à ça. Je m’accroche à la pente. Arrivée à l’Arp Vieille Sup, certains coureurs sont arrêtés. Tous jurent : Pu….. de montée !!! Le final moins raide me permet de me rapprocher du mini peloton où il ne reste plus que 5 coureurs.

Lac Combal – Col Chécroui : Dist. Partielle = 4,4 Km (45 m+) ; Dist. tot = 65,1 (4080 m+) ; Temps partiel = 46’ (prévu 45’) ; Temps total = 12h36 (prévu 11h35)

Une descente facile, peu pentue où l’on voit au loin les télécabines du Col Chécroui. Je reprends encore des coureurs et suis assez surpris du peu de coureurs qui courent encore sur le plat ou dans les légères descentes. Ils sont mal ou je suis très bien ?. Un peu des deux sûrement. Je vais réussir à arriver à Courmayeur frais, pas usé, en pleine forme. C’est la grosse ambiance au ravito, Courmayeur n’est qu’à 5 Km.

Col de Chécroui – Courmayeur : Dist Partielle = 4,5 Km (10 m+) ; Dist. tot = 69,6 Km (4090 m+) ; Temps partiel = 46’ (prévu 45’) ; Temps total = 13h22 (prévu 12h20)

Mortelle descente, hyper raide, avec des marches de 50cm. Dans un passage périlleux, je me mets à imaginer cette même descente si il avait plu. Un vrai coupe gorge !! J’apprendrais plus tard, après l’arrivée que Rémi (Ltoro) l’a emprunté sous la pluie et …. de nuit !!!. Puis un large chemin nous emmène jusqu’à Courmayeur. Les derniers hectomètres se font dans le village, charmant village, au milieu des touristes et des accompagnateurs venus voir passer ces fous qui courent autour du Mont Blanc. J’ai en tête depuis quelques heures de trouver un téléphone pour appeler Sandra, que je n’ai pas eu depuis le matin. Elle doit être inquiète. Rouba est là, juste avant la base vie. Je me jette sur elle, lui demande d’appeler Sandra et c’est en courant qu’elle m’accompagne jusqu’au point de contrôle. Merci Rouba.

« Je continue »

Courmayeur Arrivée – Courmayeur Départ : Temps partiel = 43’ (prévu 30’) ; Temps total = 14h05 (prévu 12h50)

C’est la pause. Initialement prévu de 30’, je me rends tout de suite compte que ce sera impossible de rester si peu de temps. Je récupère mon sac dans le long couloir qui mène aux douches. Je me lave les jambes (un poil boueuse) et cours (si, si vraiment !!) me faire masser. 10’ de repos. Mes jambes sont comme neuves. Cool. Puis c’est la préparation des affaires pour la nuit (Gants, bonnet, frontale, sweat Polarteck ….). Je change de chaussettes, enfile mon collant long et refais le plein de mon camel bag avec du Caloreen. Tiens c’est bizarre, j’ai encore très peu bu. J’ai donc maintenant dans ma poche à eau, un mélange Isostar-Caloreen aux proportions indéterminées. C’est pas grave, ça passe. Je demande la météo pour les heures à venir. « Vous voulez vraiment savoir ? » me dit-on. Ben oui. « Pluie en début de nuit et meilleur demain matin en Suisse ». C’est noté. Même pas peur !! Je vais manger un morceau. La charmante bénévole avec un accent italien me propose des ….pâtes. Englouties en quelques secondes, je vois Nitram qui est avec Patrack sur le départ. Je gobe quelques morceaux de fromages, un verre de coca et cours à leur rencontre. Je ne voudrais pas rater le bon wagon d’Ufos qui s’annonce.

Courmayeur – Planpincieux : Dist Partielle = 6,7 Km (390 m+) ; Dist. tot = 76,3 Km (4480 m+) ; Temps partiel = 1h16 (prévu 1h25) ; Temps total = 15h21 (prévu 14h15)

C’est reparti. En rédigeant ces lignes, j’ai vraiment l’impression que la course à commencer ici. En fin de course, en arrivant vers Chamonix et en repensant aux kilomètres parcourus, je me surprendrais même à ignorer complètement cette première partie de la course. Aujourd’hui je peux dire que c’est vraiment un apéritif, une mise en bouche à consommer avec beaucoup de prudence.
Voilà, le trio est formé : Nitram, Patrack et moi. Nous traversons Courmayeur, zigzaguons entre les touristes et les boutiques et empruntons un chemin qui surplombe la route nationale. Direction le tunnel du Mont Blanc. A l’approche du tunnel, on se retrouve sur une large route, montant en direction du Val Ferret. Bof, pas terrible. Le road book indiquait un sentier jusqu’à Planpincieux mais non, y a pas de doute possible, le marquage est bien là, c’est par cette route que nous devrons rejoindre Planpincieux. Un petit groupe se forme. Au milieu des voitures (les italiens se prennent tous pour des Fangio au volant ??), nous progressons péniblement. Plusieurs coureurs nous rattrapent, certains nous distancent et c’est à 8 que nous rejoignons Planpincieux.

Planpincieux – Lavanchey : Dist. Partielle = 4,1 Km (100 m+) ; Dist. tot = 80,4 Km (4580 m+) ; Temps partiel = 48’ (prévu 40’) ; Temps total = 16h10’ (prévu 14h55)

Enfin un peu de chemin. On profite de ces quelques instants de calme pour discuter (« Koi, moins de 3h au marathon, comment t’as fait, j’en rêve ?? »). Derrière nous, la pluie tombe sur Courmayeur. Le vent aidant, cette pluie ne devrait pas tarder à nous rejoindre (comme prévu par la météo). Devant, le Grand Col Ferret nous domine. On aperçoit au sommet une lumière. Sûrement celle du douanier suisse qui va nous accueillir dans quelques heures. Le jour commence à tomber.

Lavanchey – Refuge Elena : Dist. Partielle = 6 Km (420 m+) ; Dist. tot = 86,4 Km (5000 m+) ; Temps partiel = 1h34 (prévu 1h20) ; Temps total = 17h44 (prévu 16h15)

Le ravito de Lavanchey est très chaleureux. C’est le moment de déguster notre première soupe de la soirée. La nuit s’annonce difficile. Nous quittons le ravitaillement et peu après la nuit tombe définitivement. Une pause pour s’équiper des frontales, de la veste, des gants et du bonnet …. et les premières gouttes sont là. Le chemin est large jusqu’au Refuge. Au pied de la montée, quelques lumières signalent quelques habitations. Au dessus de nous, le sentier menant au sommet du Grand Col Ferret est marqué par les frontales de nos prédécesseurs, en pleine ascension. Droit dans la pente !!! Les pourcentages jusqu’au refuge sont faibles et chacun prend son rythme. Nitram seul devant et moi qui mène le reste du groupe. On passe au dessous du refuge Elena mais la piste est encore longue pour l’atteindre. Interminable même. Une série d’épingle, à faible déclivité mais qui nous éloigne à chaque fois de ce fichu refuge. Enfin, après prés d’une heure de montée, c’est l’heure de la soupe. Je m’interroge sur la « tactique » de Nitram. Il est très fort mais aussi inexpérimenté sur ce genre d’Ultra. Je me demande s’il ne grille pas des cartouches à partir devant puis à s’arrêter longuement. Un effort fractionné en somme. En fait, un seul mot : Il est COSTAUD. Il fera ça jusqu’à ….. 50m de la ligne.

Refuge Elena – Grand Col Ferret : Dist. Partielle = 2,1 Km (470 m+) ; Dist. tot = 88,5 Km (5470 m+) ; Temps partiel = 57’ (prévu 50’) ; Temps total = 18h41 (prévu 17h05)

Nous discutons avec Patrack. Il n’est pas au mieux et s’interroge sur la suite des évènements. Objectif Champex puis après il verra. J’ai jamais été fin psychologue mais j’essaie de lui expliquer que les coups de bambou, on va les prendre à tour de rôle jusqu’à Chamonix. A toi à moi. Après le bas, vient le haut. Il préfère nous laisser partir et a déjà repérer les lumières d’un groupe, encore dans la montée au Refuge, qu’il pourra retrouver en cas de moins bien. Avec Nitram, nous repartons dernier de notre groupe du ravito (après être arrivés les premiers). C’est plus de la rigolade. Nitram est dans ma roue, pendu au téléphone. Il flotte toujours, la nuit est sombre et le terrain ….. pourri. Qui c’est qui a monté le Grand Col Ferret sans bâton ? Faut lui faire une statue !!!. Une vraie patinoire. On monte plus avec les bras qu’avec les jambes. La bonne nouvelle de la montée, c’est que c’est Patrack qui ouvre la route. La mauvaise, c’est que moi derrière, je suis pas fier. J’ai Nitram à 15cm derrière et je suis à fond, à 2 à l’heure. Un pas, c’est un pas. Plus le temps passe, et plus on remonte le groupe. Mais je suis toujours aussi mal. Je me mets même à rêver du sommet. Oh oui, faire un gros bisou baveux au magnifique douanier Suisse au sommet. Tel est mon objectif. (Et si le douanier est une douanière, je passe la nuit là haut !!!!.). C’est du n’importe quoi dans cette montée. Les batonneux poussent les non batonneux pour leur éviter de reculer dans cette satanée &&$##&ù. Ce qui est bien, c’est que j’ai pas le temps d’avoir froid. Pas le temps d’y penser. Je passerais au sommet, en tee-shirt (Celui des 100 Km de Millau 2001, mon préféré qui maintenant est bon pour la poubelle )), manchette (faudra que j’en reparle de ces manchettes) et mon imperméable Goretex. A 200m du sommet, c’est la délivrance. Y a une RevParty ici ? Quel bazar !!! Un bénévole suisse vient à notre rencontre en criant, chantant, je sais plus. « Vous êtes en haut. 20 Km de descente facile ! On a nettoyé la descente, vous pouvez courir ». Sympa le bénévole à part que 20 Km de descente, c’est pas une bonne nouvelle. Et en plus, il a du avoir les oreilles qui sifflent un peu plus tard !!!. J’avais prévu 10 Km de descente puis 10 Km de plat. J’avais raison. On ne prend pas le temps de s’arrêter au sommet.

Grand Col Ferret – La Fouly : Dist. Partielle = 9,5 Km (65 m+) ; Dist. tot = 98 Km (5535 m+) ; Temps partiel = 1h49 (prévu 2h05) ; Temps total = 20h30 (prévu 19h10)

Nitram a des fourmis dans les jambes. Il veut courir !!. 20 Km comme l’a dit le monsieur. Il part tout schuss. Moi, je suis plus prudent. Comme si j’avais un frein moteur qui me rappelle à l’ordre sans cesse. Chamonix est encore loin. Un italien est avec moi pendant que Nitram transperce la nuit au grand galop. Le début de la descente est roulant. Pas boueux en fait. Le sommet étant à 2500m, la boue va apparaître en dessous de 2000m avec les premières forêts. Nitram voltige. J’ai des difficultés à le suivre. Il est obligé de faire des pauses toutes les 3,4 minutes pour m’attendre. Dés qu’il revoit ma frontale, il repart et disparaît aussitôt. Je crois pas être mauvais descendeur, preuve en est, on va reprendre de nombreux coureurs dans cette descente, mais Nitram, il a un coté « Sherpa qui s’ignore ». On reprend un à un des coureurs plantés dans la descente. Ils marchent et nous on court. Les écarts se font. On est déchaîné, motivé, même pas fatigué. L’euphorie est en train de nous prendre. Je suis bien. Tout à coup, au milieu de nulle part, un bénévole. Il nous annonce 15’ de descente puis le goudron jusqu’à La Fouly. 15’ de folie. Une pente infernale, un brouillard épais, de la pluie et un sentier boueux et lissé par les nombreux concurrents qui ont du se gameller dans cette portion du circuit. Et ça rate pas. Malgré les bâtons et une vitesse d’escargot, je me prends une gamelle. Nitram, pour pas me vexer en fait de même. Lui repart. Moi, je me relève, fais trois pas et rebelotte. Je me re-relève, refais trois pas et re-rebelotte. Je me re-re-relève, re-refais trois pas et re-re-rebelotte …etc. Bref, 5 gamelles en 5 minutes. L’enfer. C’est sûrement ce passage qui a dû être fatal à nombre de coureurs. D’ailleurs, Marmotte me confirmera qu’il a été fermé peu après notre passage, par sécurité. Impossible de ne pas avoir le moral à l’envers après ça sauf que là …… c’est l’euphorie. Une vrai carapace indestructible. Même pas mal. On commence à s’interroger avec Nitram « C’est pas possible d’être aussi bien à cet instant de la course. Qu’est ce qui se passe ? ». Une fois ce passage oublié, je retrouve Nitram et le goudron jusqu’à la Fouly. On court. Je me revois à la SaintéLyon !!. On double des coureurs. Ca doit faire mal au moral de se faire passer par 2 Ufos déchainés sur une route détrempé et par un froid glacial. Oui, parce que particularité du parcours, sur cette route dégagé, le froid est saisissant. On est plus à l’abri de la forêt, ma couche de boue ne me tient pas chaud et la fraîcheur doit remonté de la route pour nous glacer les veines. Enfin, les lumières de La Fouly où j’espère un ravito au chaud. Mon vœux est exaucé. On pousse la porte d’un…..ravito reconverti en hôpital de campagne. Wouah !!!!! Des coureurs partout, des regards perdus, qu’est ce qui se passe ???. La descente a fait de gros dégâts. Le Furet s’affère pour aider un collègue au plus mal. Un coup d’œil à Nitram et on se dit rapidement « Faut pas traîner ici, c’est pas bon !! ». On essaie de trouver un peu de chaleur autour d’une soupe, j’enfile un sweat et ….brrrrrggg, on pousse la porte, direction Champex.

La Fouly – Praz de Fort : Dist. Partielle = 8,5 Km (90 m+) ; Dist. tot = 106,5 Km (5625 m+) ; Temps partiel = 2h03 (prévu 1h30) ; Temps total = 22h33 (prévu 20h40)

Il fait froid. J’ai froid. Nitram encore plus que moi. On se force à une marche Rodienne, en bougeant bien les bras histoire de se réchauffer. A la sortie de la Fouly, on tourne à gauche, on passe la rivière et ….. 10’ de CO. Avec ma frontale, j’y vois à 20cm dans le brouillard. Décidément, j’ai pas trouvé l’engin idéal. J’ai l’impression que Nitram, il a un projecteur et moi une bougie. Je constaterais à ma grande surprise à Champex qu’on a le même modèle de lampe. (Et Yoyo, si tu changeais les piles des fois !!!! ) On est presque décidé à prendre la route quand 2 coureurs nous aiguillent sur le bon chemin. On se cale dans leurs roues. La pluie redouble, la descente s’est transformée en faux plat descendant et on est bien derrière eux. Même Nitram ne bouge pas. C’est vraiment de très bons marcheurs. Cette partie du parcours parait longue. Je repense à Patrak. J’espère qu’il s’est refait la griotte (expression Nitramienne !!!), la route est longue jusqu’à Champex. On est de nouveau seul avec Nitram. Moi, toujours derrière. L’euphorie est toujours là. On reprend puis distance pas mal de coureurs. Lors des passages techniques, la nuit nous permet d’ignorer le vide qui doit être sur notre droite à quelques centimètres. Je repense au copain de Phil et à sa fameuse phrase (voir plus haut). On est en train de faire un truc. Pourvu que ça dure.

Praz de Fort – Les Isserts : Dist. Partielle = 1,5 Km (10 m+) ; Dist. tot = 108 Km (5545 m+) ; Temps partiel = 28’ (prévu 15’) ; Temps total = 23h01 (prévu 20h55)

Retour à la civilisation. On traverse des villages endormis. Les bâtons ne nous sont plus utiles. Nitram veut courir mais j’appréhende un peu la montée sur Champex. Un détail sur le road-book mais quand même 500m de dénivelé au programme. On y va tranquille, en marchant vite. Un petit groupe se reforme. Qu’est ce que je suis bien !!!

Les Isserts – Champex d’en Bas : Dist. Partielle = 7,1 Km (500 m+) ; Dist. tot = 115,1 Km (6045 m+) ; Temps partiel = 1h40 (prévu 1h30) : Temps total = 24h41 (22h15)

Alors là, attention. Petit sur le road-book, mais une vraie montée, qui n’a rien a envier à ses consœurs Bovines, tzeppes, Mont Favre. Au pied, ça a un petit air de 6000 D. Mais si souvenez vous ! Au départ, après la piste cyclable, la route goudronnée qui monte vers la Plagne puis à gauche, un sentier en lacet, hyper raide. Ben là, c’est ça mais avec 110 Km dans les jambes. Comme d’habitude, Nitram part devant et moi, derrière je gère, à la sensation. Jamais dans le rouge. J’ai l’impression qu’à ce rythme, je pourrais monter des heures. J’accélère pas, c’est les autres coureurs qui craquent. On en double encore quelques-uns. Au détour d’une épingle, Nitram est arrêté avec un coureur au plus mal. « J’en peux plus, j’arrête ….. » bref le discours habituel du gros coup de barre. « C’est quoi ton prénom ? » « Julien ». « Allez Julien, plus que 150 m positif puis t ‘es à la route, à Champex, à la base vie ». Il repart et s’accroche quelques dizaines de mètres. Il s’arrête. Nous aussi, on l’encourage mais il peut plus. On repart. Pauvre Julien. Cette montée est interminable. Y a même une petite descente au milieu. Il va falloir remonter encore plus haut. On y est. La route, la délivrance. Encore quelques efforts pour couper quelques virages et on débouche, sur Champex, son lac …..et Mars !!!!. Faut que j’explique. Comme prévu par la météo, le ciel est dégagé, étoilé, il ne pleut plus. Nitram m’interpelle sur une lumière au dessus de nos têtes. Le débat s’engage, pleins d’une remarquable lucidité après 24h de course : c’est Mars ou la lumière d’un pylône d’un téléphérique !!!!!. Après négociation, on penchera pour Mars, mais ….. après réflexion, on devait être un peu fatigué !!!. 24h de course et 113 Km. Pas mal !! La route est là, montante quelques instants puis descendante jusqu’à la base vie. Une longue descente, sur un chemin bien large. 1 Km qu’il dit le bénévole suisse. Lui aussi devait en tenir un peu. On aurait pu débattre avec lui sur Mars, le pylône ….. Très long kilomètre mais quel bonheur d’arrivée. Enfin, quel bonheur d’arrivée en vue de la base vie parce qu’à l’intérieur, c’est plus pareil.

Champex d’en Bas Arrivée – Champex d’en Bas Départ : Temps prévu = 1h07 (prévu 30’) ; Temps total = 25h47 (prévu 22h55)

Nous rentrons dans la base vie. Comme prévu par la météo, le ciel est étoilé et on s’attend à repartir au sec vers Chamonix dans environ 1h. « Vous continuez ? » « Ben ouais, bien sûr ». On récupère nos sacs et direction le massage. Wouah !!! La Fouly puissance XXXL. Des coureurs qui arrêtent de partout, l’impression de n’entendre que des « J’arrête ». Je demande à me faire masser, on me répond que les tables de massages sont occupées par des gars en hypothermie. Une autre bénévole approche, me regarde bizarre et me dit « Vous arrêtes ou vous continuez ? » « Je continue » « Vous êtes sûr ? » « Ben oui, j’ai l’air si mal que ça » « Non, mais on en a vu arriver qui étaient bien et qui sont tombés dans les pommes aussi secs !!! ». Je suis sidéré. A croire que personne ne veut que l’on reparte. Après le massage et quelques soins des pieds, je vais manger un morceau avec Nitram. Hallucinant : les coureurs essaient de nous persuader de ne pas repartir. Ils nous racontent des histoires pas possibles, nous affirment qu’on sera jamais dans les délais…… Avec Nitram, on s’en fout, ON VA FINIR, même hors délais. On engloutit quelques pâtes (Je confirme, les pâtes, c’est une spécialité italienne, pas suisse), on refait le plein, et « qui nous aiment nous suivent ». On repart un petit groupe de 5. On met le nez dehors. C’est le déluge. Tant pis, on est remonté comme des pendules, motivé comme jamais, énervé par ce qu’on vient de voir.

Champex d’en Bas – Fermes de Bovine : Dist. Partielle = 4,9 Km (660 m+) ; Dist. tot = 120 Km (6705 m+) ; Temps partiel = 1h47 (prévu 1h35) ; Temps total = 27h35 (prévu 24h30)

C’est parti. Je me plonge rapidement dans les cartes pour estimer nos temps de passage. A force d’entendre dire qu’on passera pas dans les délais, je me pose des questions. Un rapide calcul et j’estime notre arrivée à Vallorcine pour midi. Le groupe est sympa, ça discute dur et le chemin qui nous amène vers bovines est en faux plat montant. Après environ 30’, ça se corse. Le chemin devient sentier, les cailloux de plus en plus nombreux. Heureusement, le jour se lève. Une vraie libération. Je vais pourvoir lâcher un peu les chevaux en descente. La montée s’annonce rude d’après le road-book. Le groupe éclate, j’ouvre la marche à Nitram. Il ne passe plus devant. Son seul passage à vide du parcours (peut être la digestion des pâtes suisse !!!). Le reste du temps, c’est moi qui ai dû lui paraître vidé. De cailloux en cailloux, on prend du dénivelé. Il pleut de plus en plus et le sentier se transforme peu à peu en torrent. Et plus on monte, plus c’est abrupte. Les marches sont de plus en plus haute. Certains passages nécessitent d’utiliser les mains. Mais je suis bien. Je fais quelques pauses. L’orage gronde, pas très loin de nous. Pas très rassurant. Enfin, le replat s’annonce. Un sentier transformait en ruisseau. C’est à découvert que nous devons rejoindre la Ferme de Bovines. Je n’ai pas de gants et mes mains sont frigorifiées. J’agrippe les bâtons et impossible de desserrer les mains. J’arrive au ravito. Je m’arrête mais je ne veux pas rentrer au chaud, j’ai envie de redescendre au plus vite pour que mes mains retrouvent des températures plus clémentes (pas très logique ça !!!) Nitram boit un thé. On repart.

Fermes de Bovine – Trient : Dist. Partielle = 7 Km (125 m+) ; Dist. Tot. = 127 Km (6830 m+) ; Temps Partiel = 1h25 (prévu 1h55) ; Temps total = 29h (prévu 26h 25)

Le pied ! enfin une descente de jour, pas trop boueuse. On nous avait annoncé l’enfer pour cette partie du parcours mais l’enfer, on l’a connu plus tôt, avant la Fouly. Ici, c’est l’autoroute. Le jour nous donne des ailes. On descend à un bon rythme, en courant quand la pente le permet vers le col de la Forclaz. On s’interpelle encore : « c’est pas possible d’être aussi bien !! ». Au col de la Forclaz, un bénévole nous accueille. Il nous informe que la prochaine montée est bien moins dure que Bovines, régulière sur de bons sentiers. On tient le bon bout. Enfin, Trient est là. Plus qu’un col et c’est gagné !. On pousse la porte du ravito. Quel bonheur !!. Des bénévoles à nos petits soins. Faut dire qu’ils n’ont pas vu beaucoup de coureurs depuis hier. Il nous offre pour nous réchauffer du chocolat, de la soupe et même un tee-shirt de l’organisation. La porte s’ouvre. Vincent Delebarre entre. Première réflexion : Chapeau, il fait la course, finit deuxième et revient prendre des nouvelles de l’organisation, son organisation. Je l’interpelle « Bravo pour ta course, pour ta deuxième place ». Glups, boulette. En fait, on nous avait annoncé qu’il avait fait deuxième, mais c’était bidon, le téléphone arabe n’avait pas du aimé la météo de cette nuit. Il a été deuxième les ¾ de la course mais a arrêté en haut des Tseppes, dormi quelques heures et là , il redescendait …. des Tseppes.

Trient – Les Tseppes : Dist. Partielle = 3,2 Km (630 m+) ; Dist. Tot = 130,2 Km (7460 m+) ; Temps Partiel = 1h16 ( prévu 1h) ; Temps total = 30h16 ( prévu 27h25)

Dernière grosse difficulté (enfin, je l’ai cru !!!). On repart à 3 avec Jean Yves. On arrivera à 3 à Chamonix. La montée des Tseppes, c’est là que Nitram m’a vraiment impressionné. Parti avec 200m de retard sur moi (téléphone oblige), il nous double au bout de 1 Km de montée, en discutant au téléphone et me distance d’au moins 5’. COSTAUD !!. Cette montée est très belle, très régulière, mais très raide. 20% minimum. Je me cale sur l’altimètre. Les bénévoles de Trient nous ont annoncé 600m de dénivelé positif. Je regarde mon temps pour les premiers 100m positif. 10 minutes. Un rapide calcul. Je serais au sommet dans 50’. Et ça c’est génial. Je me focalise sur mon temps de montée, surveille les temps de passages au 200 m+, 300 m+ …. Et 50’ plus tard et 600 m au dessus de Trient, je lève le nez et je vois ….. les Tseppes. Ca y est, on est en haut. Cette montée qui a duré une heure m’a paru une colline, un vallonnement tant elle est vite et bien passée. Nitram est là, depuis quelques minutes à discuter avec les bénévoles du ravito. Ils nous annoncent 2h50 pour rejoindre Vallorcine. Autant dire qu’on y sera jamais à midi.

Les Tseppes – Point Haut : Dist Partielle = 1,5 Km (140 m+) ; Dist. Tot = 131,7 Km (7600 m+) ; Temps partiel = 25’(prévu 35’) ; Temps total = 30h41 (prévu 28h)

On repart. Je suis sceptique sur les 2h50 annoncées pour rejoindre Vallorcine. En fait, on mettra une heure de moins. Dernier passage à 2000, derniers instants de froideur, on profite. Le sommet est là devant nous. Quelques ondulations du parcours plus loin, nous arrivons au Point Haut. Il faut tourner à droite et plonger vers Vallorcines. On aperçoit en contrebas 4 coureurs. Et si on les rattrapaient ?

Point Haut – Vallorcine : Dist. Partielle = 5,4 Km (10 m+) ; Dist. Tot = 137,1 Km (7610 m+) ; Temps partiel = 1h11 (prévu 1h35) ; Temps total = 31h52 (prévu 29h35)

En fait, on ne les reverra jamais. Je suis bien, musculairement parlant, mais mes pieds commencent à chauffer. J’ai l’impression que Nitram a quelques soucis avec ses cuisses. Le début de la descente, c’est un sentier qui serpente en lacet et qui prend rapidement du dénivelé négatif. Sur notre gauche, une énorme cascade, fraîchement alimentée par les pluies de cette nuit. Il ne pleut presque plus. On arrive enfin sous un téléphérique. On va emprunter maintenant une large piste caillouteuse. C’est long. Le village est juste en dessous de nous mais le chemin descend peu. A ce rythme, on n’est pas arrivé. Heureusement, le final est en sous bois, sur un sentier glissant. Nitram nous refait son numéro de funambule. Il nous distance de 200m en 400m. Pressé de retrouver sa femme ? Non, il se dégourdit les jambes. Epatant !!!. Enfin, la route, la ligne droite et au bout, le ravito. On est arrivé, on l’a fait, il reste 18 Km facile. Un détail. …. Grosse errreur. Ah j’oublié, il est 11h45.

Vallorcine – Col des Montets : Dist. Partielle = 3,7 Km (210 m+) ; Dist. Tot = 140,8 Km (7820 m+) ; Temps partiel = 1h10 (prévu 1h05) ; Temps total = 33h02 (prévu 30h40)

L’émotion est palpable. J’ai l’impression que les bravos des bénévoles, des montagnards, des spectateurs, ce n’est pas des bravos comme tous les dimanches. Je n’oublierais pas l’accueil que nous a réservé la vallée de Chamonix. Je n’étais sûrement plus très lucide mais dans leurs yeux, je voyais du respect. J’étais ému en regardant ses gaillards, ses montagnards, qui connaissent la montagne,qui savaient d’où nous venions et qui faisaient une pause pour nous applaudir. Ca prend là, dans la poitrine et ça fait avancer ….. merci. Le ravito est l’occasion d’une dernière soupe. L’occasion aussi de sauver ce qu’il reste de mes pieds. 15h de macération, ça marque. D’ailleurs, 10 jours plus tard, j’ai encore les marques (un souvenir de plus !!!). Un petit strapping et ça repart. Le col des Montets, nous l’abordons tranquillement en discutant. On s’approche du sommet, on longe la route et les voitures nous klaxonnent. Nous sommes les héros de la vallée !!!. Le col est franchi sans peine et………..c’est le début des ennuis.

Col des Montets – Argentière : Dist. Partielle = 2,3 Km (0 m+) ; Dist. Tot = 143,1 Km (7820 m+) ; Temps partiel = 28’ (prévu 40’) ; Temps total = 33h30 (prévu 31h20)

J’en avais rêvé. D’une arrivée triomphale. Je me voyais déjà, sur la ligne euphorique. Nous en avions pas mal discuté durant la nuit avec Nitram et je lui avais aussi parlé de ma triste expérience des 100 Km de Millau. C’était en 2001. St Afrique, Km70, je repars vers Millau, je suis heureux, je vais finir mon 1er 100 Km. Je suis ému aux larmes en pensant à mon arrivée triomphale mais voilà ….j’ai tellement souffert dans les 20 derniers Km, que j’ai même pas profité de l’arrivée. Trop dur, trop mal, trop …. pas assez lucide pour me rendre compte et savourer. Là c’est pareil. Je sens que ça me lâche. On plonge vers Argentières, on court, mais mes pieds me gâchent tout. L’impression que tous mes maux, (tous nos maux même puisque Jean Yves et Nitram vont aussi souffrir pendant les 2h qu’il nous reste à partager jusqu’à Chamonix) se sont réveillés en haut du dernier col. La préparation psychologique s’effrite, elle m’a emmené jusqu’au Km141. Depuis le départ, dans ma tête, l’arrivée est là, au sommet de ce col, le Km 141. Et maintenant, plus rien ne me pousse. Je voudrais en finir, vite. Je m’accroche, trottine, profite d’une pause de mes compagnons de route pour prendre quelques mètres. Argentière est là. Il reste 10 Km. C’est beaucoup trop.

Argentière – Le Lavancher : Dist. Partielle = 4,3 Km (125 m+) ; Dist. Tot = 147,4 Km (7945 m+) ; Temps partiel = 59’ (prévu 1h20) ; Temps Total = 34h29 (prévu 32h40)

Le moral n’est plus là, la bonne humeur non plus. Même plus envie de discuter. Je marche, comme je peux. J’ai l’impression d’être pieds nus sur des sentiers de randonnée. Nitram connaît le final, il nous encourage comme il peut. Mais rien à faire. C’est trop long.

Le Lavancher – Chamonix : Dist. Partielle = 5,9 Km (55 m+) ; Dist. Tot = 153,3 Km (8000 m+) ; Temps partiel = 1h16 (prévu 1h30) ; Temps Total = 35h45 (prévu 34h10)

Plus que de la descente, infernale descente. Après avoir surplombé la vallée, on plonge vers Chamonix. Mais Boudiou qu’il est long ce sentier qui longe l’Arve. Je m’accroche, je jette mes dernières forces. Un promeneur nous annonce l’arrivée dans 15’. Ridicule après plus de 35h de course. Un gouffre infranchissable quand vous n’avez plus rien à donner. Je m’accroche. « Tu t’es rendu compte Nitram du mal aux jambes que tu m’as fait dans ce dernier quart d’heure ? ». Chamonix, enfin, Nitram veut courir. « T’es fou, moi je cours à 50m de la ligne ». Pas de bonne humeur Yoyo dans le final. On y est. J’ai des frissons maintenant en écrivant ces lignes. Pas à l’arrivée. J’ai trop souffert dans ce final interminable. On lève les bras puis c’est un tourbillon. Des Ufos, un micro, Catherine, Rodio, Régine, Phil, Etienne (qui tient sa promesse), les parents de Phil, ….j’en oublie. STOP. Et si on y retournait maintenant pour que j’en profite vraiment. J’aurais aimé rester là sur la ligne des heures à boire des coups, à refaire la course, à regarder les gens. Allez, on le refait, on remet l’arche, 3 barrières, un ciel presque bleu et …..on le refait. J’ai même plus vu Nitram, costaud Nitram, phénoménal Nitram qui, s’il avait couru à son rythme serait déjà douché, massé, rassasié et plus encore. Merci Nitram. Je revois aussi le sourire de Phil, ce cher Phil, compagnon de ma mini préparation physique, confident sur ma préparation « psychologique », initiateur d’une belle histoire, celle des Ufos. Et puis, Monsieur Pertuy, plus connu sous son nom de scène Monsieur Rodio, qui m’a pris sous son aile. Tu sais pas à quel point ça m’a fait plaisir, les 30 minutes après l’arrivée. Ta prise en charge. Mes idées n’étaient plus très claires mais je n’ai pas oublié.

Vivement bientôt qu’on se revoit.

35h 45’, 55ème avec Nitram et Jean Yves

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yoyo

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