Récit de la course : Ultra Trail du Mont-Blanc 2019, par keaky

L'auteur : keaky

La course : Ultra Trail du Mont-Blanc

Date : 30/8/2019

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1622 vues

Distance : 171km

Matos : BROOKS Cascadia 14
Sac KALENJI 15L 2019
Bâtons BD Ultra Carbon 2015
De la motivation

Objectif : Terminer

4 commentaires

Partager :

273 autres récits :

UTMB 2019. En toute intimité… par le dossard 1791

 

Récit issu d'un fichier pdf, pour les photos et la mise en page "pro", c'est là ;.)  --> CLIQUEZ ICI

 

 

 

UTMB 2019. En toute intimité…

par le dossard 1791

Pour Cloé,

 

C'était fin Août 2019 du côté de Chamonix. La réalisation d'une incroyable épopée. 7 mois de préparation et ... 7 mois de plus pour essayer de ressortir ce qui devait l'être. Pour un petit moment d'évasion dans ce monde confiné, voici le récit de mon UTMB 2019 :

Attention c'est particulièrement long. Bonne lecture !!!

 

Compliqué de me remettre de cet objectif. Ce n’est pas physique, c’est plutôt au niveau psychique… Je m’explique.

Difficile de retranscrire les sensations, particulièrement mauvaise du début de course. Une désagréable sensation de ne pas avoir fait la course que j’aurais aimé. Pas un sentiment d’inachevé, mais presque.

30 août 2019 – En soirée.
Pression, appréhension générale ? 7 mois de préparations se terminent ce soir et rater le rendez-vous ne m’est même pas pensable. Je n’ai pourtant pas fait des sacrifices, mais je me suis grandement investi dans ce projet personnel, cet objectif un peu hors norme.

C’est fin 2018. Je ne me rappelle plus comment mais je me rends compte que j’ai les 15 points nécessaires pour participer au tirage au sort pour l’UTMB. Quatre lettres bien connues dans le milieu du trail soumise à une rude sélection par tirage au sort. Etant donné que je possède ces points plus via un concours de circonstance que par un véritable besoin, ou quelconque rêve caché de participer à la grand-messe, je me dis que c’est peut-être l’occasion de tenter la tombola. Ce qui est sûr, c’est que je ne me battrais pas pour y participer ou passer ma vie à glaner des points pour ça.

N’empêche que je me préinscris. Rendez-vous le 10 janvier 2019 pour le tirage au sort… De toute manière, je n’ai quasiment aucune chance d’être pris du premier coup. Certains attendent trois ans. Autant dire que je ne risque presque rien, au pire, j’aurais tenté.

La fin d’année passe, le début d’année 2019 arrive. Je sors de ma période de coupure hivernale et retrouver le rythme est difficile. Je n’ai pas d’objectif concret en tête et il est vrai qu’il me manque une motivation pour sortir courir, même 30 minutes… Inconsciemment, je pense attendre le résultat du 10 janvier. Au moins je pourrais aviser.

 

 

10 janvier 2019. Midi. Tranquillement installé à dévorer un fast-food d’une chaine roi des burgers, il me viens un instant de lucidité. C’était ce matin le tirage au sort… Je vais voir sur mon compte perso UTMB.. C’est peu clair. Je vais voir dans mes mails… Que vois-je ? Un grand « YES !!! Nous sommes très heureux de vous annoncer que vous faites partie des coureurs tirés au sort pour participer à UTMB 2019. ».

Mon dieu Marti !!!! Je n’y crois pas trop, explose d’un rire nerveux et me dépêche de profiter de ce qui devrait être une de mes dernières bombes caloriques de l’année.

Petit appel à Claire pour qu’elle me donne son aval et son soutien et c’est parti mon Keaky, va-t’en régler le beau chèque à Miss Poletti.

Puis, ben il n’y a plus qu’à… c’est le commencement de l’histoire.

 

Quelques mois de préparation … Se rassurer.
L’Ultra Trail du Mont Blanc – UTMB®, c’est 171 km et 10500m de dénivelée positif, autant en négatif, dans un milieu montagnard avec des passages de cols à plus de 2500m d’altitude. Le tout à réaliser en semi autonomie et en moins de 46h30 sous peine d’être disqualifié.

Autant dire que les chiffres ne rassurent pas. La préparation doit être à la hauteur, autant physiquement que mentalement. Je ne vais pas résumer ici l’ensemble des sorties. Mais, 7 mois de préparations ont précédé l’échéance, cela se résume à :

  • 3 mois de préparation vitesse et fond de course, de février à avril, à reprendre un vrai plan VMA avec quelques sorties pistes et être à l’aise sur des distances de 30/40 km ;
  • 4 mois de spécifiques, de mai à août, avec volume (beaucoup de kilomètres) et dénivelé (beaucoup de montées/descentes) dont 4 blocs de fortes charges :
    • SO BUGEY 46km et 2400+ mi-mai ;
    • ULTRA LOZERE 110km 6500+ sur deux jours début juin ;
    • Grand-Duc de Chartreuse 74km 5000+ fin juin ;
    • Week-end choc dans le Beaufortain. 100km et 6300+ sur deux jours fin juillet.
  • 197h d’activités course à pied ;
  • 116 activités ;
  • 1680 km ;
  • 54 000 m+ ;
  • Environ 150 000 calories dépensées (300 burgers) !!!

Un mois de juin extra, un mois de juillet délicat et un mois d’août limite de dégâts… Pour résumer j’arrive fin août à Chamonix préparé mais avec du relâchement en fin de trimestre.

En tout cas, la motivation est là lorsque j’arrive en Haute-Savoie, que je récupère mon dossard sans mal et que je m’installe au gîte des Contamines. Dernier burger avec Benjamin de RL le jeudi midi, dernière visite de Chamonix avec Flo et dernier check-up avec mes futurs

assistants/supporters du week-end, Pierre le Petit Frère, alias Pierrot, et Pierre le bivouaqueur de Champex et ses acolytes.

J’ai passé mon jeudi après-midi à préparer mes sacs et c’est un petit casse-tête car malgré l’assistance, je veux être totalement autonome au cas où. Et donc, ne manquer de rien, notamment à Courmayeur ; la base de vie principale où je retrouverais mon sac de délestage, et où je devrais prévoir pour la fin du parcours.

Compte tenu de mon état de forme du moment, je table sur un temps de course de 42h. Avec du recul, je pense qu’avec la forme de fin juin, il m’était possible de passer sous les 40h. Là, on va composer… Puis l’objectif ultime est quand même de terminer, finir, être « finisher ».

Bref, je suis préparé, motivé, j’ai ma famille, mes amis et encore beaucoup de personne derrière moi pour me pousser. Manque plus qu’au dossard 1791 à se présenter au départ.

 

30 août 2019. 16h. CHAMONIX.
Arrivé sur place en avance, je dépose mon sac de délestage et vais directement me placer sur la place du Triangle de l’Amitié qui est déjà bondée… et nous sommes à même pas 1h30 du départ…

Mais sur les conseils de Joël A., je m’assois déjà derrière le troupeau déjà prêt à partir. Je ne veux pas mettre dix ans à passer la ligne et être gêné par les bouchons donc je vais devoir assumer de partir un peu vite. Risqué pour un ultra de cette taille. C’est mon parti pris. Je l’avais testé l’an dernier sur l’Endurance des Templiers avec succès, mais c’était plus court.

Enormément d’étrangers, d’asiatiques, d’anglophones, d’espagnols, d’italiens, j’hallucine. Il est vrai que nous ne sommes que 30% de frenchies… Je m’estime dans les 300 à 500 premiers du peloton.

Assis sur l’asphalte, j’ai mal aux fesses. Un semblant d’orage nous arrose gentiment pendant 10 minutes, ça rafraichit. J’observe les gens. Je suis dans ma bulle et je profite, du moins j’essaye, des derniers instants de repos avant 48h non-stop.

Discours protocolaire, musique… Bon ben j’ai chialé… Je suis un grand sensible, je pense à mes proches, aux heures à venir. Et c’est maintenant, c’est 18h00, c’est parti bordel !!!

Et que dire de l’incroyable départ de l’UTMB. Une ambiance Col de Tour de France pendant plus d’un km. A taper dans les mains, à se faire filmer, prendre en photo, encouragé par des milliers, oui oui des milliers d’inconnus.

 

KM 0 – CHAMONIX – Place du Triangle de l’Amitié. Départ.
Pression, appréhension générale ? Départ trop rapide dû à ma position volontairement aux avants postes ? Départ inhabituel en fin de journée ? Position assise trop longtemps ? Chaleur moite suite à la petite averse d’avant départ ? Le nombre incalculable de coureur autour de moi ?

 

Je n’en sais rien… Un peu de tout ça certainement. Mais je vais passer par tous les états durant ce début de course. Jusqu’aux Houches, le parcours roulant se passe plutôt bien, le souffle est là mais déjà les jambes sont toutes molles. Il fait très chaud et je regrette d’avoir anticipé la nuit en corsaire ¾ et maillot manche longue, heureusement light. Je me dis que ça va passer, la route est longue.

Les Houches, premier ravitaillement, arrivent vite.

 

8 KM. 130+. LES HOUCHES. 0H46. 728ème : 7’ de gagnées par rapport à mes temps escomptés. Cela confirme mon départ sur un régime beaucoup plus élevé que prévu et également ma bonne position au départ. J’ai ce qu’il faut sur le dos et je ne m’arrête pas au ravito. En plus, c’est blindé.

 

Je cherche du regard Pierre et sa petite famille qui ont prévu de venir m’encourager. Je les retrouve au pied de la première montée et ça fait déjà bien plaisir de les voir. Pierre m’accompagnera quelques mètres pour jauger l’ambiance (il m’avouera plus tard que j’avais une tête bizarre… anxieux ?). Autre surprise plus haut, Flo et son frère, Cyril, qui vont me suivre une partie de la soirée et du week-end, trop bien.

Trop bien ? A voir … la montée sera un calvaire mental. Je n’ai pas de jus ni de jambes et je me fais dépasser à tout va (bon ça encore je m’en fous, à partir aux avants postes c’était le risque). Je me dis que ça va passer… et tant bien que mal j’arrive en haut sans plaisir.

 

Dans la première montée : Méthode Coué appliquée, sourire pour ne pas souffrir.
Je bascule vers Saint Gervais en mode gestion. Le chemin est très roulant depuis le départ, je trottine doucement sans me griller, et tranquillement. Je ne me fais pas doubler plus que de raison et j’admire le soleil se coucher doucement. Néanmoins, j’attends toujours que la machine se mette en route.

De manière habituelle, j’aime les descentes (même au bar…) et j’y suis plus à l’aise. Ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui… Je pense « félin » pour gagner en agilité, je reste pachyderme au contact avec le sol. Galère interne.

Et pour couronner le tout, mes jambes se contractent, je commence à avoir des crampes ci et là. D’abord le quadri, puis les tibias, puis les mollets, puis ça revient sur les quadris... J’hallucine !!!

Le pire départ de course en dix ans de course à pied. Même à l’entrainement cela ne m’étais jamais arrivé. Je suis triste et dégouté à la fois. Vivement Saint Gervais.

La descente se passe tant bien que mal, je n’allumerais pas la frontale jusqu’au ravito malgré la nuit qui arrive assez vite. Le terrain n’est pas technique et je me positionne derrière les coureurs équipés, ça suffira. Les couleurs du soir sont sympas mais je ne profite pas à cet instant.

L’arrivée sur Saint Gervais est digne du départ de Chamonix !!! Ambiance extraordinaire, ola, chants, encouragements. Ça fait chaud au cœur !!! Est-ce que c’est mérité au 20ème kilomètre… ? En tout cas je m’accroche à cela et cours et engrange des « houra » pour plus tard. Car même si la forme n’est pas là, l’objectif tient toujours. Etre finisher.

 

22 KM. 1000m+. SAINT GERVAIS. 3H00. 1452ème. Wouahou… je le découvre que maintenant, mais j’ai perdu plus de 700 places depuis Les Houches… Impressionnant !!! Et tout ça quasiment que dans la montée où je ne me suis arrêté qu’une seule fois pour prendre une photo. C’est dire que je faisais du sur-place.

 

Je ne perds pas mes moyens et je me concentre sur le ravito. Remplissage des gourdes, coca/eau gazeuse, grignotage rapide. Je m’assois 2’ pour enlever quelques gravillons et poussières dans mes chaussures (remettre la semelle qui se faisait la malle en descente…), je sors la frontale et c’est reparti. Arrêt de 5’ maîtrisé.

Prochaine étape. Une longue ascension plus ou moins pentue de 1900m+ jusqu’au Col du Bonhomme.

Je repars avec toujours cette appréhension des mauvaises sensations du départ. J’essaye de trottiner sur les parties plates et sous les encouragements du public (Merci public) ...

Je papote deux secondes avec un coureur autant émerveillé que moi de cette ambiance. Je me dis que blaguer me changera les idées et me fera du bien. Mais il me dépose rapidement sur la sortie de Saint Gervais. Coup au moral !! C’est à cet instant que je décide d’appeler Claire pour faire un point sur ce début de course catastrophique. Décharge d’émotion en entendant sa voix, elle m’expose et m’indique exactement les mots que j’avais envie d’entendre à ce moment-là… Je suis largement dans mes temps, ne rien lâcher, ça va revenir, confiance, patience… Merci…

Je raccroche et je revois Flo et son frère, génial !!! Petit débrief également et me remotive aussi. Comme il m’a dit : « Tu verras, au 60ème tu seras au top… ». CQFD.

Maintenant, tête baissée, et direction Les Contamines pour 9km en solo sur un chemin plus ou moins roulant, pas compliqué, fait de léger raidillon, de replats, … Il y a du monde tout le temps et partout. Pas grands souvenirs de cette rentrée dans la nuit. Hormis l’ensemble des muscles de mes jambes qui se contractent au fur et à mesure et chacun son tour… Lassant, rageant.

Ce qui me rassure, c’est que je suis motivé, je ne suis pas essoufflé, je sens que j’ai des ressources, puis ce n’est que le début et donc que ça peut, que ça doit, que ça va revenir. L’avantage dans tout ça, c’est que ça m’oblige à ne pas m’enflammer à aller trop vite (source Florent J ), donc positiiif.

 

32 KM. 1500+. LES CONTAMINES-MONTJOIE. 4H59. 1700ème. Encore 250 places de perdues. Faut dire que certains sont :

  • soit très confiant en leur capacité,
  • soit n’ont pas trop conscience de la durée de l’effort,
  • plus en forme que moi et je rame vraiment …

Courir un faux plat montant à ce stade de la course, c’est quand même se cramer pour plus tard. J’observe et me délecte, je ne peux faire que ça.

Je retrouve mon frère qui me rejoins à la sortie du « ravito accompagnant » et fait un premier coucou à la webcam pour me mettre dans une dynamique de l’amusement. Chose que je réitèrerais dès que j’y songerais. Positif.

Ce ravitaillement, c’est la guerre. Trop de monde, très chaud sous la tente. Je ne m’attarde pas. Juste de quoi recharger les flasques et prendre quelques trucs pour grignoter. La partie

« accompagnant » est très petite, ce sera un arrêt express. Micro débrief avec mon Pierrot de Frère que je vois pour la première fois. Je suis content qu’il ai pu prendre possession de l’appartement aux Contamines, il pourra dormir au chaud et dans le confort, au moins cette nuit …

La prochaine portion jusqu’à Notre Dame sera la phase de transition avant l’entrée réelle dans la course et la montée au Col du Bonhomme, 14km et 1400 m plus haut. Certainement entre trois à quatre heures d’effort pour y arriver.

Avant ça, je sors du ravito et longe la route. L’ambiance est encore extra. Notamment le passage au droit d’un bar bondé avec de l’électro à fond, et des bières dans toutes les mains, des olas et des cris de fous. Irréel et jouissif. Merci, je m’en souviendrais de ce passage. Puis Florent encore est toujours là où ne l’attend pas. Génial !!!

 

Puis… le calme. Jusqu’à Notre Dame c’est relativement plat et courable, mais je marche en mode nordique contrairement à beaucoup d’autre qui se forcent (encore et toujours) à courir.

Au détour d’une traversée de pont, je m’arrête pour m’équiper d’un maillot manche longue thermique que j’avais dans le sac. Je suis trempé suite à la fin de journée chaude, au parcours à tendance montante, au dernier ravito étouffant… et le long de la rivière, je commence à avoir froid. Ce n’est pas le moment de choper la crève ou froid au bide.

Mon frère m’accompagne à distance et par portion le long de la route, ça me permet de penser à autre chose qu’à mes jambes qui sont toujours en coton. Lui va dormir pour me retrouver le lendemain, à Courmayeur si il peut. Et à la sortie de la ville, c’est l’entrée dans le noir absolu. Moi je continu vers le pied de l’ascension du Col qui arrivera très vite, même en marchant.

C’est à ce point que je décide de m’isoler « intérieurement » et mettre la musique. Là également que je perçois une amélioration dans les gambettes. Je commence à doubler du monde dès le début de la montée. Les jambes sont encore raides mais ça va un peu mieux. J’avance bien.

Je reconnais ce chemin qui monte au Refuge du Nant Borant que j’ai parcouru deux fois dans l’autre sens en 2016, à l’occasion de la TDS et sa reco. En sens montée, il est vrai que sa grimpe plutôt fort. Mais il n’y a rien de technique et en prenant son temps, ça passe.

Au détour d’un passage, le chemin s’ouvre sur le vallon qui nous mènera jusqu’au Col. Le temps est désormais clair, et le manque de lueur de la lune, inexistante ce week-end-là, nous permets d’admirer la file indienne de frontale, c’est toujours assez spectaculaire.

Le ravito de la Balme arrivera d’ailleurs plus vite que je ne l’aurais pensé. Certainement dû au regain de sensations (pas encore fou fou) dans ce début d’ascension.

 

41 KM. 2100+. LA BALME. 7H09. 1852ème. Toujours des places perdues, 152. Ces pertes de places sont ici dues à mes petits arrêts post ravitaillement et le fait également d’avoir marché sur toute la partie « plane » avant Notre Dame. Je touche alors le fond de ma chute vers les enfers. Et un marathon dans la besace.

Le ravito de La Balme me voit déguster ma première soupe aux pâtes et mes premiers sandwichs Saucisson-fromage. Un régal à chaque fois. Un petit café pour la night avec mes premiers cookies, excellents !!! L’altitude et la nuit fait venir la fraicheur. Je rajoute par-dessus mon manche longue ma veste CIMALP Storm 2 Pro. Puis je repars pour 4km et 800m+ vers le Bonhomme et son refuge. Il est une heure du mat’.

Le sentier auparavant large et roulant se transforme en un single étroit et caillouteux, sans difficultés majeures néanmoins. On aperçoit des frontales loin loin loin tout là-haut, qui serpentent doucement. Vers le Col ?

Non. Cette impression d’avoir le Col en vue se répètera trois fois… Triple effet kiss cool !!!

Heureusement, la « bonne forme » du début d’ascension se maintien et malgré des jambes encore soumises à de ponctuelles contractures, j’arrive à suivre sans mal le collègue de devant, voire je le dépasse à mesure que certains fatiguent, ou font du surplace. Et oui déjà.

C’est une succession de plateaux puis de raidillons (les fameux effets kiss cool) qui nous amènent vers le fameux Col du Bonhomme à 2400 mètres d’altitude. A cet endroit, mis à part un bonjour et un bon courage lancé aux bénévoles en places, le manque de visibilité dû à la nuit et le vent qui souffle fort n’invite pas à la discussion. Cap au Refuge de la Croix du Bonhomme.

A la queu leu leu, comme depuis La Balme, je suis bêtement la personne devant moi durant ce long passage. De toute façon, le chemin plus technique, étroit et montant n’invite pas à accélérer. On verra ça plus tard…

 

46 KM. 2900+. CROIX DU BONHOMME. 08H57. 1798ème. Je reprends 54 places !!! Ça se fête !!! Tout ça a dû être repris au ravito car les personnes doublées dans la montée ont été compensé par quelques dépassement (pas beaucoup néanmoins).

Pas de ravitaillement ici. On bascule de suite vers la longue descente de 5 km de 900m de négatif vers Les Chapieux.

Après un regain relatif de forme dans la montée, je me dis que cela se confirmera dans la descente. Pas trop en fait, c’est encore plutôt raide. Faut dire qu’à ce moment-là, on a presque

50   km et 3000m+ dans les jambons. Donc, concrètement et dès à présent, je peux officiellement dire que je n’ai jamais eu de jambes de la course !!!

Dans la descente, je gère et reste dans mon rythme pour pas m’exploser les quadris. La pente est sèche et poussiéreuse, sans grosse technicité, mais avec des portions où il vaut mieux faire attention. Je reste donc tout en retenu jusqu’en bas où Les Chapieux n’apparaisse qu’à la toute fin, après quelques derniers lacets. Il semble y avoir une grosse ambiance.

 

51 KM. 2900+. LES CHAPIEUX. 09h45. 1740ème et 58 places de gagnées grâce à une bonne descente sans arrêt. Point positif, je suis bien dans mes temps de passage.

Surprise à l’arrivée du ravito ; contrôle du matériel obligatoire. Faut sortir le portable ; ok, la couverture de survie ; ok, et la veste imperméable que j’ai sur le dos ; ok. Je peux aller me ravitailler.

Pour info, je garde le schéma habituel de ravitaillement travaillé et appliqué depuis le début de l’année. Je remplie les flasques, je me ravitaille en liquide (coca, soupe et café) et je grignote ce qui me fait envie sur le moment (sandwich saucisse-fromage, cookies, banane/abricots,

…). Là, petit plus ; je mets à charger ma montre qui restera dans mon sac pendant la looongue remontée au Col de Seigne.

Une vingtaine de minutes plus tard et une furtive discussion hispanophone avec un Mexicain, la première discussion avec un coureur depuis le départ… je repars pour … la loooongue ascension vers le Col de Seigne, niché 1100 m+ et 10km plus haut et plus loin, pour passer en Italie dans la fin de nuit.

Que dire de cette portion. C’est plutôt long, sa monte mais la pente n’est pas extrêmement raide et c’est très roulant. Niveau fatigue ça va. Niveau jambes et sensations, ça semble aller mieux, même beaucoup mieux puisque je tiens le rythme des plus rapides en montée, je ne m’arrête pas. Ce sera d’ailleurs le point positif de toute la course, je n’aurais fait aucun arrêt durant les ascensions.

 

Le plus simple, c’est le terrain, un large chemin sans difficulté technique. J’ai même ressorti l’appareil photo, c’est dire. Le plus dur, c’est de ne pas regarder en haut les frontales qui semblent à plusieurs kilomètres… perchées au sommet. Qui n’est d’ailleurs pas le sommet, mais une étape à franchir, virage après lacet, lacet après virage, faux col après faux col, accroché derrière un grimpeur régulier à bon rythme, pour enfin, arriver à l’accrocher au palmarès ce sommet ; le Col de Seigne. C’est fait, et bien fait. Le levé du jour sur l’Italie et son Val Veni en récompense.

 

61 KM. 4000m+. COL DE SEIGNE. 12H35. 1666ème et encore 74 places de grignotées, gain dû au ravito et à ma bonne ascension.

Il est 6h35 du matin, le soleil pointe le bout de son nez et je décide de m’asseoir quelques secondes (à peine 3 minutes) pour remettre ma montre au poignet et en profiter pour contempler le paysage. C’est sublime. Par contre ça caille… et je commence à avoir froid aux mains. Faut pas que je traîne ici, je repars donc vite vers le prochain ravito, le Lac Combal et entre temps, le détour aux fameuses Pyramides Calcaires.

Petite descente sur 250m puis au détour d’un ponceau, virage à gauche et nouvelle grimpette de 250m+ en guise d’apéro pour cette nouvelle journée. Avant ça, je me pose quelques minutes pour faire passer un léger coup de bambou. J’en profite pour grignoter une barre après 3 h passer sans manger. Et c’est reparti, à la queu leu leu. Incroyable le monde sur cette course. On n’est jamais seul.

 

RAS. Ça monte dans de la prairie à vache, dans quelques cailloux, à la vitesse de celui de devant. Faut lever les genoux. Admirant le paysage au détour quelques micro-bouchons. En zyeutant sur les falaises de ces fameuses pyramides, je me demande quand même si ce type de roche est du calcaire… Bref je suis (presque) à fond. En tout cas, c’est beau.


Puis le Col des Pyramides Calcaires atteint, pause photo sous le soleil nouveau et top départ pour la descente, j’ai la forme (en tout cas d’un mec qui a fait une nuit blanche et 60 bornes dans la montagne). Pour résumer, j’ai meilleure mine que demi-heure avant.

La descente ressemble vite à un champ de pierre. Je n’hésite pas longtemps à demander pardon/sorry/scuzi/… à droite/on the right/a la derecha … pour essayer d’avancer un minimum. Certaines fusées de la montée sont au ralenti dans les clapas. Du coup je me fais enfin un petit peu plaisir, je peux courir.

Le balcon au-dessus du ravito me rappelle la TDS, c’est toujours aussi magnifique. Pause photo.

Puis arrivée au ravitaillement du Lac Combal.

 

69 KM. 4250+. LAC COMBAL. 14h13. 1588ème et 78 places de gagnées je ne sais pas trop comment ??? Toujours dans mes temps.

Je suis assez lucide en arrivant ici. Routine liquide et solide, j’anticipe l’arrivée du soleil durant la montée à l’Arête du Mont-Favre en enlevant ma veste, je range la frontale, remplace le buff par la casquette puis, petit détour par la tente médicale… Ça commence à chauffer dans le caleçonQuelques discussions pour se changer les idées et sourire, et vamos à Courmayeur.

Petit replat que je fais en marchant avant une petite bosse, pause photo.

 

Très rapidement, on doit remonter en direction des Arêtes du Mont Favre. 500 mètres de dénivelés assez raides mais sans grosse difficulté.

Rythme de montée toujours aussi efficace. C’est bel et bien raide mais je ne subis pas et au contraire, j’ai l’impression d’être en forme et de profiter. Enfin !!!

Donc j’exploite se relent d’énergie et monte sur un bon rythme, je ne ferais que dépasser avec politesse pour reprendre encore une cinquantaine de place jusqu’au pointage de l’Arête du Mont Favre et sa vue sublime sur le Val Veni, le Mont Blanc. Pause photo… c’est trop beau.

 

Maintenant, faut descendre. Et quelle descente … 1200 mètres de négatif à se farcir en 9 bornes. Ce sera pour la bonne cause car c’est pour arriver à Courmayeur, la base de vie principale où je retrouverais mon sac de délestage et peut-être mon Pierrot de frère. Je me relance, mais je reste moins à l’aise dans les descentes et même si le début vers le Col Chécrouit est plutôt en légère pente, mes tibias sont crispés et l’avancée délicates. Gestion, gestion, …

Du coup les personnes doublées avant l’Arête me reprennent dans la descente. J’arrive cependant à trottiner un peu et ne pas perdre trop de temps. En alternant trottinage et un peu de marche, je m’avance jusqu’au ravito du Col Chécrouit, juste avant le toboggan pour Courmayeur. Au son furtif d’une harpe, qui nous joue des notes d’encouragement, légère.

 

77 KM. 4700+. COL CHECROUIT. 16H15. 1521ème et 67 places de gagnées depuis le Lac Combal. Comme quoi, je ne recule pas.

Ravitaillement express car il me tarde d’arriver à Courmayeur. Je me pause tout de même à une table histoire de gouter aux « pastas à la tomata » et boire un petit coca, devant un italien qui plus est… Je repars et on s’échange un « Prontissimo », que je traduirais « à de suite » …


La descente commence, roulante mais raide puis … un calvaire ce chemin. Beaucoup plus technique, faites de racines, grosses marches, passages étroits et très pentus, dans la poussière… Vivement la fin de cette descente de presque 800 de négatif. Ce n’est pas un cadeau même si les retours de récit en faisaient déjà état.

Tout en « douceur », sûrement, j’aurais le plaisir de dépasser une concurrente Australienne (Finisheuse en 45h18) qui me laisse la doubler au détour d’une épingle. Ce n’était qu’une simple courtoisie olfactive… les fameuses princesses et les paillettes ...

Je finirais la descente plus civilement par des bribes de discussions avec Diane, une française de Paris (Finisheuse en 44h07). Echanges très sympathique même si très bref, jusqu’à l’entrée de Courmayeur où l’on retrouve un terrain plus urbain.

La sono approche, les ruelles pavées sont sous nos pieds et la « salle de repos » arrive très vite. Je cours sous les encouragements de la civilisation retrouvées. On sort d’une bulle de calme d’une nuit et de presque une demi-journée, depuis Les Contamines et Notre-Dame de la Gorge.

 

81 KM. 4730+. COURMAYEUR. 17h07. 1521ème, rien de perdu, rien de gagné. Je suis toujours dans mes temps, avec 8 minutes d’avance.

Je récupère le sac de délestage et m’avance vers l’entrée de la salle en cherchant mon frère qui est bel et bien là. Trop content de le voir, encore merci pour ta présence tout au long du parcours. Je vais pouvoir échanger, papoter, me changer les idées.

 

A savoir, je suis partie dans l’idée d’être à 100% autonome pour ne pas avoir le stress de l’aléa d’assistance. J’avais tout de même laissé à mon frère un sac avec plein d’affaires diverses et variés, des mets et boissons de choix sur lesquels j’aurais peu pioché en fin de compte. Le must : Boire de la St Yorre au goulot, pom’pot illimitée et crème de marron !!!

Le but était d’arrivé frais ici. Vaste sujet mais je peux dire que malgré le début de course aux sensations chaotiques et une nuit blanche plus tard, le moral est très bon et le physique est toujours opérationnel (ce que les photos du frérot confirment). Donc tous les feux sont au vert, je n’ai plus qu’à prendre un peu de temps dans ce … capharnaüm…

Mission n°1 : trouvé une place Mission n°2 : se ravitailler un peu. Mission n°3 : se changer pour passer l’après-midi en mode soleil et plein cagnard. Mission n°4 : Ne pas trop trainer quand même.

La dernière mission fut la moins respecté car j’ai bizarrement divagué et eu l’impression de perdre du temps à se ravito. Mauvaise organisation personnelle dû à une lucidité amoindrie. J’ai fait le tour de la salle pour trouver de l’eau, je ne savais pas trop quoi manger... bref, pas d’optimisation ici et certainement une quinzaine de minutes perdues pour rien.

Et pour clore le sujet, après 55 minutes passées dans cet endroit bruyant et être sortie pour m’attaquer à la prochaine moitié de parcours, je sens que mon bas du dos est humide. Vas-y que je m’arrête dès la sortie de la salle pour constater sans trop de surprise que c’est ma poche à eau qui est percée. Je la vide et la file à mon frère qui m’attendait dehors. Heureusement que mes deux flasques de 600 ml sont encore en vie. Mais étant donné le morceau qui nous attend, j’étais plus serein avec une réserve d’1 litre complémentaire.

Courmayeur c’est un peu moins de la moitié du parcours et du dénivelé et même pas la moitié du temps de trajet restant.

 

La motivation doit donc être quasi intacte. C’est le cas quand je repars à l’assaut de Bertone !!! Refuge niché à 5km et 800 mètres plus haut. Pierrot m’accompagne un bon kilomètre jusqu’au centre-ville avant de démarrer l’ascension et on se dit à plus tard, à La Fouly ou Champex, entre 10 et 12 heures dans le futur …

 

La sortie de ville en bord de route goudronnée est monotone. La température commence à grimper au soleil, ça promet une montée difficile. La pente s’élève d’ailleurs au fur et à mesure, progressivement ce qui me permet de bien me remettre en jambe, au rythme des bâtons.

Je me remets de la musique sur les oreilles pour m’isoler dans l’effort à venir car le dénivelé à manger jusqu’au prochain ravito de Bertone va se faire sur une forte pente. Et au détour d’un sentier, nous sommes vites dans le bain.

Mon objectif est comme à mon habitude, monter à petit enjambée, en rythme et ne pas m’arrêter, ou le moins possible. Magie de mon année de préparation, je suis (encore) super à l’aise dans les grimpettes et je me régale à monter tout en doublant du monde. Jusqu’à me mettre dans l’aspiration d’un japonais, Takeshi – dossard 1908 (Abandon à Arnouvaz), qui tient un excellent rythme. Je ne vais pas le lâcher et m’abstient de le doubler ou de prendre le relais… On fera une montée d’anthologie et je préparerais tout de même une belle phrase anglophone pour le remercier de sa précieuse aide. Il semble avoir compris, il sourit (bon un Japonais qui sourit pas … bon ok cliché, je continue …). Bertone, nous voici !!!

 

86 KM. 5535+. REFUGE BERTONE. 19H33. 1428ème et 78 places de reprises depuis la sortie du Centre de Courmayeur, signe d’une belle performance.

Takeshi souri, on se congratule comme si on avait gagné le tour de France. Il sourit mais il a l’air cuit. En vérifiant après course, je m’apercevrais avec surprise qu’il a abandonné quelques kilomètres plus loin à Arnouvaz. Il a fait Harakiri pour moi, en quelques sorte… Arigato !!!

Tout le monde est oxy ici. La fatigue s’accumule sur moi aussi, en plus il y a peu d’ombre et le soleil cogne. Je reprends un peu mes esprits et décide de vite repartir… De plus le ravito est quasi exclusivement liquide, je charge les flasques et m’en vais vers Bonatti.

Une bénévole nous indique de profiter de cette portion d’accalmie pour profiter du paysage à venir. Il est vrai que le profil est plus ou moins plat et que le sentier est roulant, de quoi avancer sans trop réfléchir. En courant, soyons fou. Petit raidillon en sortie de ravito et c’est parti pour une portion que je m’étais imaginé « voler ».

Mais les presque vingt heures à gambader dans la montagne se rappellent à moi. Gros coup de fatigue en tentant de me mettre à trottiner. Et plus j’avance, plus j’ai envie de dormir. La montée jusqu’à Bertone ne doit pas y être pour rien non plus.

Outre la distance, la partie sommeil était ma grosse inconnue avant de partir sur l’UTMB. Je n’avais encore jamais essayé de dormir sur un ultra et seule une mauvaise expérience sur l’EB2017 m’avait convaincu de dormir que, et exclusivement que, quand la sensation de fatigue et l’envie de dormir est là.

Je vais tout de même avancer le plus possible avant de trouver un coin adéquat car s’est décidé, si ça ne revient pas, je vais me faire un siestou !!!

Le nombre de personne qui me dépasse, et Bonatti qui n’arrive toujours pas (la section semble interminable quand on avance pas) m’ont convaincu de mettre le clignotant provisoirement. La belle pelouse à l’ombre d’un arbre, déjà en partie squattée par un dormeur, m’invite à me

reposer. J’enlève les baskets, programme le réveil à ma montre pour dans 20 minutes, me mets un buff sur les yeux et tente l’impossible ; dormir.


On est quelques-uns à se reposer sur cette aire de repos improvisée. Les bruits extérieurs se mêlent aux pensées intérieures, le tout est confus mais je rouvre les yeux quelques secondes avant le réveil. Plus personne autour de moi et des coureurs qui passe sur le sentier à quelques mètres de mes pieds. Cela m’a semblé rapide mais je me suis bel et bien assoupi une vingtaine de minutes.

Le temps de me préparer pour repartir, les gaz du réveil s’évaporent et je repars un peu engourdi mais reposé. Première expérience réussite ce qui me rassure pour la suite au cas où cet état de fatigue se reproduirait.

Quelques centaines de mètres plus loin et après un énième petit raidillon depuis Bertone, j’arrive au ravito du Refuge de Bonatti. L’endroit est sympathique avec une vue en balcon imprenable sur ce très beau vallon que j’ai peu profité jusqu’à présent.

 

94 KM. 5830+. BONATTI. 21H34. 1505ème et 77 places de perdues à cause de ma sieste inopinée. Ce sera pour en récupérer plus tard ; Dormir pour mieux revenir…

Comme à Bertone, quasiment que du liquide ici. Pour la bouffe faudra attendre Arnouvaz, encore quatre bons kilomètres plus loin. Je rempli les flasques et repars aussitôt.

Un long passage roulant mais pas franchement plat, en mode petites montagnes russes mais avec une vue sublime sur le fond de vallée et un joli single en balcon. Il fait bien chaud, des nuages commencent à moutonner, c’est vraiment très beau.

Enfin la descente sur Arnouvaz que je tente de trottiner.

 

98 KM. 5960+. ARNOUVAZ. 22H38. 1452ème et 53 places de récupérées, à Bonatti très certainement.

Petit coucou à la caméra et petit regard à ma gauche où la pelouse s’est transformé en dortoir. Le coin ici donne envie de pioncer sévère mais j’ai déjà grillé mon joker pour la journée. Je vais donc promptement me ravitailler au lieu de gamberger. Gros dab caméra. Pour Tom.


Pendant que je cherche à grignoter, un bénévole affirme même que ceux qui dorment ici ne repartirons pas… Bon, si j’ai bien compris, je ne vais pas trop trainer dans le coin.

Sauf pour manger, trois bénévoles me font un sandwich de l’espace qui me fait un plaisir fou. Merci beaucoup, c’était extra. D’ailleurs, tout le monde a été aux petits soins tout au long du parcours.

Je repars après environ 20 minutes d’arrêt pour un petit défi dans la course, la montée au Grand Col Ferret, en visu, 800 mètres plus haut !!! Pour pimenter le tout, des nuages gris foncés s’amoncellent autour des pics environnants. Elle n’avait pas dit ça Cathy hier au briefing d’avant course... Puis l’approche ne fait pas rire. Il n’y aura aucun répit jusqu’à un replat avant d’arriver au Col.


Comme depuis le début, je tiendrais un bon rythme. Je ferais juste un petit un arrêt pour enfiler ma veste imperméable après avoir reçu quelques gouttes sur la figure et parce qu’aussi, le vent souffle de plus en plus fort et l’orage qui gronde pas loin, a refroidi l’atmosphère. Néanmoins, pas ou très peu de pluie pour moi dans cette ascension et je suis extrêmement soulagé d’arriver au niveau de la tente qui acte l’arrivée au Grand Col Ferret et la frontière entre l’Italie et la Suisse.

 

103 KM. 6700+. GRAND COL FERRET. 24H19. 1334ème et 118 places de gagnées… Effectivement, ça pionçait (ou abandonnait) grave à Arnouvaz …

Il fait frais à 2500 mètres d’altitude mais ça n’empêche pas quelques échauffements… Je demande une faveur à l’équipe médicale pour un peu de crème anti-frottement avant de plonger sur la Fouly.

Bonjour la Suisse !!! Troisième et dernier pays à arpenter avant de rentrer au bercail. Programme à venir ? Rien de moins que 15 bornes de descente. Ce qui dans l’imaginaire devrait ou pourrait être un soulagement peut en réalité cacher un cauchemard !!!

Pour démarrer, comme le chocolat d’ici, la pente est douce, tout comme le sol, assoupli par une pluie que j’ai évitée. Plus bas, les fossés sont même parsemés de petit grêlons. J’ai échappé à l’orage… mais ça gronde encore, ce n’est peut-être pas fini.

Je descends en trottinant en suivant des petits groupes ou des coureurs dont le rythmes me convient. On s’arrête avec un collègue d’ascension pour enlever notre veste. La température s’est un peu élevée. Mais pas pour longtemps.

On traverse La Peule où la pluie nous accueille. Une yourte semble remplie de coureur ce qui m’interroge. Je la passe et la pluie s’intensifie. Je me décide à remettre ma veste et là … averse de malade, éclair au loin, sentier boueux qui se transforme en flaques orangées. Bienvenue en Suisse !!!

Tête baissée capuche sur les oreilles, nous sommes quelques coureurs à se suivre sautant de flaque en flaque. Le single semble joueur et très sympa mais là, ce n’est franchement pas de la rigolade. En tout cas, mis à part l’ambiance humide, je ne m’inquiète pas. Je m’amuse à estimer la distance des éclairs à quelques kilomètres de nous, on ne devrait pas périr grillés. Après l’Aubrac, l’UTPMA 2016 et le Beaufortain 2017, je suis rodé à la flotte et aux activités électriques …

L’arrivée vers La Fouly n’est cependant pas de tout repos car la dernière descente dans un champ à vache est glissante à souhait. Un toboggan après 110 km de course, les quadris adorent mais les miens tiennent, mes Cascadia 14ème édition aussi.

Des hélicoptères vont et viennent. Je me dis que c’est la rigueur Suisse qui veut qu’après un orage, ils se doivent d’observer le torrent qui grossit en contrebas…CQFD.

Le ravito approche, mon frère est là et me rejoins, je suis trop content de le voir. Je regrette que les accompagnants n’ont pas le droit de nous donner des affaires ici, j’aurais bien troquer quelques affaires sèches des sacs du frérot. Du moins c’est ce que je croyais...

 

113 KM. 6770+. LA FOULY. 26H12. 1293ème et 41 places de gagnées, certainement un peu dans la descente et à La Peule où certains été arrêtés.

Comment décrire le ravitaillement de La Fouly ? Imaginez un film américain où ils viennent d’annoncer une attaque extraterrestre ou le Big One de la West Coast… Les gens sont partout et se bousculent dans une chaleur étouffante, beaucoup sont aidés par leurs proches éparpillés sur les bancs. Il n’y a plus une seule place où se poser.

Objectif primaire : Recharger en liquide, grignoter, mettre un buff et la frontale et repartir sans me changer, je le ferais à Champex (j’ai des affaires sèches dans le sac que j’emporte au cas où…) ; j’applique cette option jusqu’à ressortir et me rendre compte que ça s’est bien rafraichi dehors…

Objectif rectifié : Je me retourne et réentre dans la tente pour me sécher le haut du corps et changer mes vêtements trempés et éviter de prendre froid (je perds donc 10 minutes de plus). Séchage avec une petite serviette micro-fibre (qui enroule et compacte mes fringues, du luxe à juste 70 grammes), première couche thermique, manche longue et veste pas sèche mais presque (top ma Cimalp). Puis repartir le plus vite possible en slalomant entre les mecs entourés de leurs couvertures de survies … et leurs assistants, illégitimes ici bien sûr.

Une opération qui dure pile 20 minutes. Je quitte enfin cet enfer et rejoins mon frère qui papote tranquillement dehors avec un autre assistant. Léger débrief et je m’en vais direction Champex avec un petit appel en marchant avec ma Claire que je n’ai pas eu depuis presque 24h. Un bien fou d’entendre sa voix même si le froid qui me saisit et frigorifie mes mains, m’empêche de profiter de ce moment comme je le voudrais. Avec, regret, je fais comprendre à Claire que je vais abréger l’appel …

Mon frère me souhaite une nouvelle fois bonne chance, retourné car il ne va pas beaucoup dormir cette nuit, et on se donne rendez-vous à Champex, prochain ravito à 15km d’ici.

La portion qui arrive, je ne la connais pas. J’ai essayé de l’imaginer mais, même aujourd’hui, j’ai encore du mal à comprendre le tracé réel pour arriver jusqu’au pied de la montée vers Champex.

Pour résumé, j’ai rarement été aussi impatient que le temps et les kilomètres passent. Etant donné qu’ils ne passaient tout simplement pas… Des plats, plus ou moins inclinés, des petites montées, des descentes, des chemins, du goudrons et… Oh Flo et Cyril venu à ma rencontre !!! Trop happy. Ils m’apprennent qu’un éboulement a eu lieu vers La Fouly et que la circulation des véhicules est coupée. M***, Pierrot !!! J’espère que tout va bien pour lui. Flo et Cyril m’indiquent qu’ils viendront à ma rencontre à Champex, cool !!!

Après cette fortuite et heureuse rencontre, j’essaye d’appeler mon frère. Il me confirme qu’il est bloqué à La Fouly pour quelques heures... Si ça se débloque à temps, il me donne rendez- vous au ravitaillement d’après, à Trient.

A Champex, je suis attendu par beaucoup plus de monde que je ne l’imaginais. Flo, Cyril puis en plus, Pierre le Savoyard accompagné de Gaël le Doryphore et d’Evan. Ils ont randonné la journée depuis Trient, à contre-courant du parcours pour voir la tête de la course et encourager

les poireaux dont je fais partis J Ils campent cette nuit à Champex et espèrent bien me croiser pour me changer les idées. Top !!!

Avant ça, une énième boucle, une longue portion de route qui m’amène au pied de la dernière montée sur Champex. Je recroise Flo et Cyril et m’assoit quelques secondes avec eux pour papoter, légèrement fatigué mais toujours motivé. Le temps est à présent seulement frais sans pluie à venir, cool !!! Apparemment, l’orage a été très localisé. Sur l’entrée en Suisse …

Je me lance alors pour l’ascension vers Champex. Elle se passera comme les autres, à merveille. Les jambes avancent, le cœur tient le choc et l’esprit se met en joie d’arriver au 130ème kilomètres… Record temps, distance et dénivelé battu !!!

Le haut de côte arrive très vite et presque facilement... presque bien sûr, sans galérer quoi. Un peu de goudron, du son de plus en plus fort, des gens et enfin la tente du ravito (très grand chapiteau plutôt) et Flo et Cyril qui m’accueillent !!! Signe caméra et go ravito.

 

127 KM. 7310+. CHAMPEX. 29H32. 1160ème et 133 places de gagnées, certainement beaucoup grâce aux abandons à La Fouly.

Pierre me rejoint dans le ravito, suivi peu de temps après de Flo. Comme possiblement envisagé, mon frère n’est pas là, je le verrai à Trient si j’y arrive.

J’avais prévu 1h d’arrêt ici. De me requinquer avant un éventuel sprint final, de peut-être faire un siestou, de changer mes affaires trempées de La Fouly puisqu’ici l’aide est officiellement autorisée.

Je balaye d’un coup l’idée de prendre de temps pour me reposer ici. Je ne suis pas encore fatigué à dormir debout. Il y a peu de monde, les tables sont diffuses et je suis plutôt agréablement surpris par rapport à ce que j’avais lu de ce ravito. On s’y sent bien.

Pierre et Flo m’aident à me ravitailler, crème Nok même dessous, saucissons, café pour tenir encore un peu.

En 45 minutes, le plein de l’estomac, d’ondes positives et de bonne humeur me remotive à partir. Un dernier aurevoir à Flo que je ne reverrais pas sur le parcours et je sors avec Pierre qui m’accompagne quelques centaines de mètres, puis Gaël et Evan se joignent à nous.

Pour information, nous sommes le Dimanche 1er Septembre 2019, il est 00h15 et le temps est doux et clément. Le troisème jour de course est amorcé.

Pierre et Gaël resteront avec moi sur un peu de plat en me suivant en marche nordique. Un bien au moral fou, même si j’avoue que ces moments resteront flous.. On papote, on rigole, et c’est bien ça le principal. « Robert », « les japonaises », « le dossard XXXX », … bref des bribes de conneries !!! Il est presque 1h du mat’ !!! Ils me laisseront continuer l’aventure et leur souhaite une bonne nuit, dans leur tente à trois, au fin fond de la Suisse.

J’attaque ma deuxième nuit blanche depuis vendredi matin où je me suis levé, et avec seulement 20 minutes de pseudo sieste. Autant dire que si j’ai décidé de ne pas me reposer à Champex, le pari est d’arriver à Trient assez « rapidement » pour pouvoir me reposer là-bas. Car la fatigue s’installe rapidement et insidieusement. Très rapidement.

La montée à La Giète est longue et particulièrement raide. Les bas-côtés commencent à fleurir de coureurs allongés, par ci par là. Je ne m’autorise pas de pause et attend avec impatience le sommet… Une tente ?! Oui, mais juste un check point. Il faut encore continuer, la fatigue me freinant de plus en plus. Puis la fameuse Giète. Un bordel sans nom… Imaginez une bâtisse en pierre, devant faire office en temps normal de bergerie, aujourd’hui sans brebis mais équipée de boules à facettes avec une musique de ouf, au milieu de la montagne !!! Je ne me suis même pas arrêté, trop violent au milieu du calme dans lequel on vagabondait.

J’ai quand même halluciné de voir deux personnes allongées, et semblant dormir dans ce vacarme…

 

138 KM. 8230+. LA GIETE. 33H09. 1040ème et 120 places de gagnées. Merci le ravitaillement « express » et merci la montée « facile » par rapport à certains à l’arrêt, ou endormi. Pour info, presque 2 h pour faire cette portion, quasiment qu’en montée …

Là vient la descente, et un petit chemin de Croix. J’ai pu relancer sur une centaine de mètre, puis le chemin un peu casse pattes ne permet pas d’avancer régulièrement. Et cette fatigue... vivement Trient !!!

Peu de souvenir de ce passage mis à part l’arrivée, interminable, jusqu’au ravitaillement. Je longe une falaise qui semble plus qu’abrupte, sur un ponton équipé de caillebotis où l’on peut apercevoir le sol sous nos pied (pas la nuit). Descente poussiéreuse, passage au-dessus de la route et arrivée plus loin, enfin, à Trient.

Mon frère et là. Encore heureux de le voir. Quelques mots : Je suis DE-GLIN-GUE !!! Avant de me faire bipper, je vais donc me poser dans un coin et demande à mon frère de me réveiller au bout de vingt minutes. Black out !!!

20 minutes plus tard. Pierrot me sort d’un assoupissement léger, rêve bizarre. Mais d’un vrai moment de pause et qui repose, à minima. Nous sommes en septembre 2019, le dimanche 1ER, il est 5h du matin, et j’en suis donc à 40 minutes de « sommeil » depuis vendredi 30 août au matin. Et ça va, merci.

 

143 KM. 8285+. TRIENT. 34H48. 1116ème et 76 places de perdues, dues à mon dodo mérité.

Pierrot peut m’accompagner au ravito et nous nous dirigeons ensemble sur une table. Soupe, miam miam, café. Il me raconte ses déboires à La Fouly (il a profité du blocage pour se reposer également), et de l’écouter me sors d’une léthargie qui m’a accompagnée de Champex à ici.

Je suis désormais plutôt confiant sur mon sors puisqu’encore une montée descente, et il restera, une montée-descente… Moral est-tu là ? Oui !!!
Go. Un nouvel « à tout’ » au frérot !!! Après environ 50 mn de pause, dodo compris, je repars direction Vallorcine, situé dans dix kilomètres, via Les Tseppes.

Pour l’heure qu’il est, il y a du monde à Trient. Je ne me rappelle plus de l’approche jusqu’au début de l’ascension. A mesure, le ciel noir depuis un moment commence juste à s’éclaircir, très légèrement. Et je monte, je monte, c’est raide mais les mollets sont toujours aux aguets, quelle aubaine !!! Et le dénivelé passe encore très bien, à l’allure de rayons solaires illuminant peu à peu la montagne à vaches environnante. Deuxième lever de soleil de la course, et même si les vallons alentours n’ont pas le charme du Val Veni, c’est toujours un instant spécial, et magique qu’il est important d’apprécier.

Arrivée au pointage des Tseppes. M’en rappelle plus… Montée de 3km et 650+ en 1h04 content après 140 bornes dans les gambettes.

 

146 KM. 8930+. LES TSEPPES. 36H20. 1024ème et 92 places de ... gagnées au dernier ravito de Trient (abandons ?) et dans la montée aux Tseppes.

La descente vers Vallorcine est plutôt roulante, ce qui change des deux dernières dizaines de kilomètres précédents, qui ne l’était pas forcément, sans être ultra technique.

Le chemin en balcon au lever du jour est très agréable. Vue sur le barrage d’Emosson, aux couleurs rosées, vaches, prairies de montagnes, bucolique. La vue sur les sommets situés plus au Nord sont superbes.


Mais qui dit chemin roulant en descente dit courir. Ouch !!! Faut s’y remettre et ce n’est pas le plus facile au premier abords. Mais au gré des doublages et dépassements, un petit groupe de 4-5 se forme et nous descendons tout doucement, mais sûrement. Sans forcément être en file indienne, ça motive et un rythme se mets en place pour se rapprocher un peu plus de l’arrivée, mais d’abords de Vallorcine.

Par contre, comme depuis le début, la rencontre et le papotage n’est pas au rendez-vous. La fatigue pesante pour tout le monde désormais doit aussi y être un peu pour quelque chose, c’est ce que je me dis. En tous cas, je ressens que l’aurore m’a extirpé d’une intimité créée dans la nuit, seul à errer.

Car il y a bien que depuis Bertone (85ème) que le peloton semble s’étirer. Et depuis Champex (130ème) où je me retrouve quelques fois tout seul.

Et je l’avoue, je n’ai eu aucune envie particulière de me lier à qui que ce soit… assumant mon rythme et me protégeant dans ma bulle. En plus, les pieds commencent à crier qu’ils méritent un peu de repos. Et les jambes, comme depuis le tout début, ne sont pas à leur aise en descente. Mais il faut encore avancer, sur ce chemin forestier sans intérêt.

Et il n’est pas 8h, le soleil n’a pas encore percée sur Vallorcine, qu’au passage d’un pont en bois j’aperçois mon frère de l’autre côté qui m’attend. On avance vers le ravito et il m’assiste sur ce dernier point autorisé.

 

154 KM. 9090+. VALLORCINE. 37H52. 996ème et 28 places de gagnées. Je passe dans le top 1000 mais je ne le sais pas encore…

Heureux de pouvoir discuter avec lui. Je prends le temps, le sourire est là, je sais à ce moment que la boucle est quasiment bouclé. Mon frère m’apprendra plus tard que j’étais un peu en mode zombie… normal. La frontale est rangée, mode vestimentaire passé en « jour » et T- shirt « Je cours pour Lucio » pour faire passer la ligne d’arrivée au Lion !!!

Une concurrente et son assistance, situés à nos côtés, se prennent pour une écurie de Formule 1. Ils s’étalent et se foutent complètement des autres… Ça nous agace et ça me motive à partir avant elle et surtout à ce qu’elle ne me rattrape pas !!! La seule chose que je vais oublier ici, c’est de charger ma montre comme il faut…

C’est reparti après 23 minutes d’arrêt pour prendre des forces avant la dernière portion. Une grosse montée jusqu’à la Tête au Vent puis plus qu’à se laisser porter jusqu’à l’arrivée... Du moins c’est ce que je croyais (smiley avec grosse goutte sur le côté). 

Pierrot me suit quelques centaines de mètres puis ultimes mots d’encouragement avant de tenter l’estocade !!! Groggy par la fatigue mais motivé comme jamais, je repars en mode marche nordique facilité par un chemin très roulant pour accéder au Col des Montets, en très léger plat montant avant d’attaquer la Tête aux Vents. Tout va bien, j’appréhende juste que mes jambes me laissent tomber dans cette dernière grosse ascension ; 665 mètres de dénivelés quand même, et plutôt technique cette fois ci.

Petite ambiance au Col avec un peu de monde. On voit que la nuit est partie… Et tête en avant pour gravir ce qui s’apparente à un mur. Les coureurs devant paraissent haut et tout petits. Et ils n’ont pas l’air d’aller très vite. Comme d’habitude, je me mets en rythme et avance doucement, je reprends la Fernando Alonso du ravito dans la montée (oh yeah !!), quelques autres en souffrance puis … un mec commencent à se mettre à ma hauteur et à me parler, il a une caméra au poing. Et il semble bien me filmer.

Malgré des mollets encore efficace, mon esprit est complètement dans le gaz. Il doit s’en douter… Le bonjour de courtoisie, quelques conneries puis je lui demande qu’est-ce qu’il veut que je lui dise (^^’) et m’explique de faire comme je veux : « je remercie ma chérie, je pense à ma fille » puis « c’était beau » et des « ça va » et puis je sais plus trop… Et là il me dit, peut- être que tu es retransmis en direct sur le live UTMB ... Pas possible !! Si si, et j’ai bien eu des retours, de mon frère sur la ligne d’arrivée, qui m’a vu en live sur le grand écran, et de la famille qui me suivait sur le net. Enjoy !!!


Tout ceci a eu l’avantage de me faire passer quelques minutes sans réfléchir. Puis du coup je me faisais un point d’honneur à avancer à bon rythme dans cette montée pleine de rochers.

Car c’est vrai qu’elle est pas simple celle-là. Si le début est régulier, c’est très vite raide. Puis elle devient raide, mais très irrégulière… Technique quoi, faut monter les genoux. Les bâtons ont bien aidé bien dans cette section.

Et arrivé enfin sur un replat, ce n’était pas vraiment fini. Il fallait aller chercher la Tête aux Vents encore plus loin, à l’endroit où se masser des bénévoles. Ça y est c’est fait, plus de montée !!! Dernière section depuis Vallorcine de 7km et 870+ réalisée en 2h10. Content.

En tout cas un endroit sauvage et réellement très beau. Petites prairies à pique-nique où j’imagine des bouquetins par-ci par-là … Ce n’est pas le moment de divaguer …

 

161 KM. 9970+. LA TÊTE AUX VENTS. 40H25. 959ème et 37 places de reprises. Ravito + ascension. Je suis à 100 miles, mon prems !!!

Donc le plus dur est fait. Il reste 10 bornes et il n’y a plus que de la descente, coool !!!

Et bah pas du tout … Un vrai chemin de croix. Le sentier est certainement très sympathique à l’entrainement mais là, là… c’est fatiguant. Pas possible de faire une foulée rasante, ça monte et ça descend, j’ai marché comme je le pouvais tellement c’était casse patte, chiant quoi, et surtout super long !!!

J’ai pu applaudir quelques groupes qui terminaient la Petite Trotte à Léon (280km et 25k+ à peu près), équipaient de casques par rapport à des passages en semi-alpinisme. Impressionnant. Pas trop à la ramasse les gars, bien. Un m’a tout de même avoué avoir sommeil, tu m’étonnes !!!

Il commence à y avoir des randonneurs également qui nous laissent passer avec des encouragements. Signe que Chamonix n’est plus très loin.

Et enfin, après l’avoir aperçu au loin, se rapprochant à ma très faible vitesse, le dernier ravito de La Flégère s’offre à moi. Un poing victorieux signe le passage devant la webcam !!! Yes !!! C’est gagné !!!

 

165 KM. 10 060+. LA FLEGERE. 41H17. 962ème et 3 places de perdues. Bien mérité tellement j’ai ramé. Mais j’ai franchi le cap des 10 km de dénivelé positif !!!

J’y reste très peu longtemps, le temps de manger deux, trois bricoles, de recharger en liquide jusqu’à l’arrivée car la température va encore monter un peu. Il est 11h15. Mon esprit est toujours là et on échange avec tous les coureurs prêts à terminer quelques brèves mots avec les bénévoles, toujours au top et souriants. Si proche de l’arrivée, on sent de l’impatience chez tout le monde …

#yapluka. 7 kilomètres de descente. Chamonix et son arrivée sont situés 1000 mètres plus bas. Les cuissots vont devoir être costaud !!! Et les premières centaines de mètres sont compliquées. C’est dur de relancer la machine. Il me faut trottiner pour pas perdre trop de temps, mais trottiner demande de l’énergie, une énergie surtout mentale à ce stade.

Je ne regarde plus ma montre. Elle s’est éteint il y a peu, entre La Tête aux Vents et La Flégère. Je navigue donc à vue et langui ce moment tant convoité. Je compte mes pas, je demande aux gens que je croise combien de distance il reste, cherche inexorablement à entrevoir la Ville de Chamonix. Le sentier roulant au début, s’entremêle désormais de racines et de pierres. Pas bien grosse mais qui suffisent à rester concentrer.

A contrario, plus je me rapproche, et plus je tente de me refaire le fil de l’histoire. Hormis les cinquante premiers kilomètres sans aucune sensation positive, et les descentes où j’ai un peu subis, tout s’est incroyablement bien passé. Je me suis même régalé dans toutes les montées. Je n’ai pas eu de réel coup de mou, de moins bien, mis à part les sursauts de fatigues, normaux dans ce type d’exercice. Deux fois vingt minutes de sommeil m’auront suffi à me tenir éveillé, et sans illusions, hallucinations possibles avec la fatigue.

En mettant de côté les trois quarts d’heure d’orage en Suisse. Le temps a été idéal, clément. Peu de froid, peu d’humidité. Du soleil quand il ne faisait pas nuit…

Lors d’une croisée, un ancien m’encourage et m’indique : « Tu es au-dessus des 4 km/h de moyenne, c’est bien, c’est super, félicitations !!! ». Un peu déconnecté, ça me motive à pas lâcher l’effort. Et m’autofélicite, en comptant les nombreux arrêts que j’estime à près de 5h30, c’est clair, le rythme n’est pas dégueu.

Dans le chemin, il y a eu l’ensemble de la période d’entrainement. Toutes ces courses de préparation où j’ai profité. Des souvenirs, des rencontres, du partage. Du plaisir, beaucoup. Enormément. Même si cette expérience n’aura pas été celle que j’ai le plus apprécié en terme de sensations, elle marque la fin d’un objectif personnel ambitieux et unique.

Au détour d’une épingle à gauche, j’aperçois le bitume, mais surtout la passerelle en acier qui surplombe la route, ultimes mètres de dénivelés pour traverser en sécurité avant de fondre vers le centre de Chamonix.

Foulée « légère », je pense au Club de St Alban et à mon pari perdu, mes pizzas/bières ratées, je ne serais très certainement pas dans le top 200 des meilleurs descendeurs du finish !!! ;)

Le Centre Sportif, l’Arve que l’on longe, les rues se remplissent de monde.

Comme à chaque fois, je pense à mes proches, présents ou retirés. Des pensées qui se transforment en émotions à mesure que je me rapproche du but.

Il y a de plus en plus de monde. Je n’ai pas mal aux jambes, s’est incroyable. Je déroule, les larmes coulent et je suis heureux. On tournicote dans un Chamonix bondé, sous d’innombrables acclamations, de ferveurs et de félicitations. On vole.

Un, deux, trois virages, j’aperçois mon frère, Pierre et Céline, je fonds.

Puis cette si célèbre arrivée, un couloir large rempli de couleurs, Chamonix explose d’une foule massée dans tous les sens, il est midi trente, le ciel est bleu. Cinquante, dix, trois pas, l’ultime pas. J’arrive …

 

172 KM. 10250+. CHAMONIX. 42H31’48’’. 955ème position. FINISHER 2019 de l’UTMB !!!
Je franchi la ligne dans la plus complète émotion, sans forcément réaliser. Une émotion de fatigue. Qui se transcendera une nouvelle fois avec mon frère dans les bras, les félicitations de tout un chacun et l’appel à Claire. Séquence émotion ... 

 

Une heure plus tard, je dors debout je marche en canard. On ramène ma voiture, je m’octroie 2h de sieste sans réelle amélioration psychique. On m’offre l’hébergement et le repas. Il paraît que j’ai tenu des propos incohérents… il paraît.

La nuit sera salvatrice et je remarche normalement le lendemain matin, encore la tête embrumée de souvenirs vagabonds, premier jour de rentrée de ma Cloé !!!

 

Famille, amis, proches, collègues de boulot, inconnus, … Merci de m’avoir soutenu.

Soutiens reçu de toutes parts. Soutiens sur l’année, à l’entrainement au CASA, en binôme, trinôme, …, ou en course, sur Raidlight, soutiens à la journée, par la pensée, par téléphone et par la présence ; Merci Pierrot, Pierre, Florent/Cyril, Gaël, … L’assistance n’a pas de prix.

Merci à Claire et à Cloé pour le soutien permanent, les petits mots et les petites blagues qui m’ont suivi, précieusement cachés dans mon sac sur l’ensemble du parcours… L’amour se transporte.

 

Merci d’y avoir cru et de m’avoir lu.

 

Réussir n’est pas une chance, c’est en se donnant les moyens que l’on avance.

Je l’ai appris durant cette année. J’ai également appris que le temps peut s’étirer. Le samedi après-midi, je suis rentré en mode ultra. Jambes automatiques, l’esprit dans l’objectif à venir. Un objectif sans obstacles et sans contraintes, seulement un but. Y arriver.

4 commentaires

Commentaire de Gilles45 posté le 01-04-2020 à 11:42:15

Salut Keaky,
En cette période de confinement, j'ai pris un énorme plaisir à lire ton récit qui m'a permis de revivre mon UTMB 2019. Félicitations pour ta qualité de rédaction, ton sens du détail et bien sûr pour ta gestion de course après un début difficile. belle résilience !
De mon côté j'ai été un peu plus rapide, ce qui a l'avantage de ne pas être découragé par la vue dans la montée de la Seigne faite de nuit mais à l'inverse, je n'ai pas profité de la beauté du Val Véni

Bravo encore et vivement le retour à la "vie normale" pour de nouvelles aventures

Commentaire de keaky posté le 03-04-2020 à 10:40:09

Merci Gilles !!! J'ai la chance (ou pas) d'être plus endurant que rapide.. et du coup content d'avoir vu le Val Veni de jour ;) bravo à toi également. 35h c'est énorme !!!
Oui c'est clair que les journées confinées à revoir les photos, ça fait rêver. Et ça donne surtout envie de repartir explorer d'autres contrés !!!
Bien à toi, au plaisir !!

Commentaire de Twi posté le 03-04-2020 à 08:48:02

Wahou quel récit haletant ! Félicitations pour cette belle aventure, ça donne vraiment envie.

Une bonne bouffée d'air frais avant d'attaquer une journée de confinement, merci.

Commentaire de keaky posté le 03-04-2020 à 10:42:51

Merci Twi !!! C'est clair qu'on est mieux dehors.. Les beaux jours reviendront ;)

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.09 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !