Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2014, par sapi74

L'auteur : sapi74

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 29/8/2014

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

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Distance : 166km

Objectif : Terminer

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utmb, au bout avec la douleur

 

 


vendredi 29 aout 2014

ca y est je suis au départ de l’utmb plus que  «le sommet mondial du trail » autoproclamé. Pour moi cette course représente surtout le fait de refaire le tour du Mt Blanc.

Je dis bien refaire car je l’ai déjà réalisé en mode rando en 2010 avec de la famille et des amis. Je ne le savais pas encore à cette époque mais ma vie allait changer lors de ce trek.

 

 

         septembre 2010 au col de la fenêtre                             août 2014 au ravito de Trient

 

 

 Petit retour en arrière.

En 2010 j’avais donc 32 ans, Je faisais alors 118kgs pour 1m80 malgré cela j’arrivais quand même a faire de la rando et j’avais réussi à embarquer quelques personnes avec moi pour réaliser un de mes rêves : faire le tour du Mt Blanc à pieds en une semaine, ce qui pour moi à l’époque semblais être un truc de dingue. Je connaissais bien évidement l’utmb, certaine personnes de ma connaissance l’avait même fait, ca me faisait rêver. Mais avec mon poids je me disais « voyons  Franck, regarde-toi, comment veux-tu arriver à faire un truc pareille ? Il faut être lucide! » ce tmb sur une semaine serait donc mon utmb à moi. Sauf que le jour ou nous passons par le Col des Montets, Elodie, ma compagne nous y rejoint pour pique-niquer avec nous.  Après ce repas elle nous accompagne un petit peu dans la montée de la Tête aux Vents, ou elle m’annonce avoir pris rendez-vous chez une diététicienne,  pour elle, la semaine prochaine, afin de perdre un peu de poids. Je lui dis que c’est bien et n’y prête pas plus attention que ça, tout concentré que je suis à soulevé mes 118kgs dans cette dure ascension. Afin de  l’aider un peu, au début je vais faire ce régime avec elle. Ben oui! Si je mange mon bout de tomme devant elle, alors qu’elle n’a droit à pas grand choses, ça ne marchera jamais. Et, plutôt heureux des premiers kg perdue les premières semaines, je vais me prendre au jeu, pour finir par perdre 40kg en 8 mois. Ce  «nouveau » corps vas me permettre de faire pleins de choses qui m’étaient impossibles avant : courir plus de 30mn, refaire du vtt, enchainer les dénivelées important, des longues et belles sortie en ski de rando plutôt que les pauvres 600md+ que j’arrivais avec difficulté à faire auparavant. Vous l’avez compris, ma vie à changer, je peux enfin vivre les aventures qui me faisaient rêver. Petit à petit,  je vais commencer à courir en montagne et puisque je cours pourquoi pas faire une course. Et voilà comment je mets le doigt dans un engrenage qui va m’emmener  sur la place du Triangle de l’Amitié, ce vendredi 29 septembre 2014, avec comme idée de boucler le boucle ; de me prouver que j’ai réussi : je suis devenue un athlète, je ne suis plus le « gros » gars sympa qui avait de très grande chance de devenir diabétique dans quelques années.



                          

                                        dernier préparatif la veille de la course


3.2.1 Tinnnn tinnnn ,tintintintin, tinnnnnn tinnnnnn ,tintintintintin, hummmmm hummmmm hummmmm hummmmm hummmmm(Musique de Vangelis )

Ca a l’air nul comme ça, mais moi cette musique ma fait dresser les poils des bras au départ. Ca y’est c’est partie, enfin après tous ces mois d’entrainement, le grand jour est là. Je me suis placé en fond de peloton : je ne veux pas partir trop vite, enfin de toute façon dans Chamonix  ce n’est pas là que l’on va ce griller. Nous sommes 2500 participants collés les uns aux autres. Autour de nous une foules impressionnante qui nous acclame, nous applaudie. Puis ca y est on est sortie de la ville, très vite j’enlève ma veste que j’avais mise pour me protéger de l’averse qui est tombé au moment du départ.  Passage aux Gaillands ou je croise madame bubulle (bubullette ???) qui m’indique que Christian est quelque mètres plus loin. On se tape dans la main et je repars direction les Houches. Je me fais pas mal doubler dans cette portion mais j’ai l’habitude je suis une quiche sur le plat… Mais bon, quand je vois le doyen de la course (70 ans) me dépasser  avec le gros sac de montagne sur le dos je me prends quand même un petit coup derrière la tête qui ne dur pas longtemps quand je vois un participant boiter bien bas sur le bord du chemin. Puis arrive le village des Houches,  point de départ de la montée au Delevret .  J’attaque cette bosse avec un peu d’appréhension. Comment vont répondre les cuisses ? Je n’ai rien voulue faire les 15 derniers jours pour être sur d’arriver sur la course avec beaucoup d’envie. Le résultat est plutôt bon : les cuisses sont là, ouuuf ! J’attaque donc cet montée tranquillement. La course est encore longue, la pluie fait sont retour, je remets ma veste. Tient, ça s’arrête, j’enlève ma veste. Ahhh !!! Il repleut  allez on remet la veste… grrrrrrr…. Après cela, descente sur St Gervais. Après une courte traversée sur un chemin 4x4, on attaque la descente sur une piste de ski. Avec la pluie qui tombe, c’est casse gueule à souhait…  Ca vole dans tout les sens, il manque juste les commentaires de Nelson Monfort et son acolyte Philippe Candeloro .

 

St Gervais  1991e,  03:27:00 de Course, 21km et 955d+.

J’arrive au ravito, la nuit est déjà bien tombée. J’ai mis ma frontale 10mn avant d’arriver à st Gervais. Je regarde ma montre : j’ai 30mn d’avance sur la barrière horaire. Ca ne m’affole pas je sais que la portion jusqu’aux Contamines ne m’est pas favorable. Je remplie mes bidons, mange une soupe et repars aussi sec. La portion qui suit n’est pas la plus intéressante du parcours. C’est dans les bois en fond de vallée mais en plus avec la pluie qui tombe drue depuis plus de 2h30 maintenant, le sentier est un vrai champ de boue. Non mais attendez là, je suis entrain de courir en pleine nuit, avec une frontale sur la tête, dans un bois avec un chemin plein de boue, et plein de gens autour de moi…… je me suis trompé! Je fais la Saintélyon là! J’en plaisante avec quelques concurrents francophones (ben oui, sur cette course avant de parler a quelqu’un, on regarde d’abord son dossard, pour savoir quel charabia il cause le type, sinon on se prend des gros vents…)

 

Les Contamines 22h52,  1867e, 124 places de gagner, 05:20:27 de Course, 31km et 1581d+.

 J’arrive trempé au ravito, mais le moral est bon c’est le 1er ravito ou Elodie me rejoint. Je passe par la tente du ravito et la rejoins à l’extérieur. Petit coup de stress, car elle n’a pas de t-shirt de rechange dans son sac a dos. On s’est mal compris en le faisant. Tant pis on fera sans. Je mets mon t-shirt manche longue a la place et ça iras parfaitement comme cela jusqu'à Courmayeur, car je ne sentirais jamais le besoin d’enfiler ma veste de toute la nuit. Bon ce n’est pas tous ça, mais faut pas trainer, je n’ai que 20 mn d’avance sur la barrière horaire (c’est ce que j’ai cru sur le moment, mais en fait j’en avais 40…). Direction le Col du Bonhomme. Au début, on passe sur les pistes de ski de fond, et je repense à toutes les heures que j’ai faite ici en skating pendant l’hiver, au début de ma préparation. Puis, on arrive au pied de la Voie Romaine, véritable début de l’ascension de ce col. Là, il y a un joli feu avec un effet de lumière très jolie contre les rochers. Je monte à mon train sur le chemin 4x4, toujours en gérant : la course est longue. Je croise quelques coureurs qui redescendent la tête basse : j’ai de la peine pour eux…

 

La balme 00h42,  1743e, 07:10:48 de Course, 124 places de gagnées (comme aux Contamines, ça, c’est de la régularité!), 39km,  1698d+.

Je sais qu’il ne faut pas trop trainer à ce ravito, même si un gros feu donne bien envie de se blottir contre lui. Mais on en est qu’au milieu de l’ascension, il ne faut pas se refroidir alors zou !  Juste un café et je repars. Cette fois, nous sommes dans un sentier un peu technique et assez étroit. Certain veulent absolument doubler et crapahute à côté. Que d’énergie dépensée pour gagner 5 mn au sommet du col…. Le col, justement nous y voilà enfin. On aperçoit même les étoiles c’est trop beau, c’est pour ça que je suis venu !

Ca y est, je rentre pleinement dans la course, dans ma course. La traversée jusqu’au refuge est assez sympa, bien technique comme je les aime. Je saute de rocher en rocher si nécessaire,  ca bouchonne parfois un peu ,mais comme ça j’ai le temps de profiter des étoiles.

 

Ref. Croix Bonhomme 2h27, 1632e, 8h55min26sec de Course, 111 places de gagner (pac man est en route), 44km, 2439d+.

 Bon alors là, je me suis un peu emballé dans cette descente, elle n’est pas forcement facile, elle est pleine de petit piège pour les chevilles. Mais j’ai attaqué car je voulais mettre un peu de distance entre la barrière horaire et moi, pensant à tort que je n’avais que 20mn d’avance aux Contamines. J’y laisserais d’ailleurs un peu de mes quadriceps. Pour la 1ère fois depuis le départ, je commence à sentir les jambes un peu dures quand la descente est trop raide. Arrivé vers la fin de la descente, je vois plusieurs flaques de vomis sur le bord du chemin: certain on apparemment du mal avec l’alimentation. Pour moi tous vas bien de ce côté-là, j’alterne gel, barre énergétique maison (recette Alain Roche) et des petits sandwichs au pain de mie complet et jambon crue. J’ai même régulièrement faim, mais de toute façon j’ai toujours faim.

 

Les Chapieux, 3h22, 1570e, 9 :50 :50,  62 places de gagner, 50km, 2911d+.

 J’avais prévue de me poser un peu ici, c’est ce que je fais, surtout que j’ai repris 1h23mn sur la barrière horaire. Je m’assoie et prend le temps de manger tranquillement une soupe. En sortant, je voie l’endroit où les contrôles inopinés  du matériel  obligatoire sont réalisés. Mais apparemment, on ne les intéresse pas: tous les stands semblent fermer. J’attaque ensuite la longue route qui mène à la Ville des Glaciers. Bon ce n’est pas très fun, c’est goudronnée, il faut arriver à garder un certain rythme pour ne pas perdre trop de temps sur cette portion assez facile. De temps en temps je lève la tête et je vois au loin tout là-haut le serpentin des frontales qui monte au sommet du Col de la Seigne. Là, il faut avoir le cerveau bien accroché quand même.  On arrive au Mottet, point de départ de l’ascension du col de la Seigne . Je me souviens que ce col est piégeur, on croit toujours être bientôt arrivé au sommet mais non, il reste toujours une bosse à monter. Je monte donc régulièrement au pas du guide. A côte de moi, je commence à voir les premières défaillances. Certains s’arrêtent pour s’appuyer sur leurs bâtons à la recherche d’oxygène, un autre est entrain de se mettre les doigts au fond de la gorge pour essayer de ce faire vomir, visiblement sans grand succès. Pour moi tout vas bien, les 21000md+ effectuer au mois de juillet et 100000md+ depuis le 1er janvier sont encore bien là, malgré le mois d’aout très léger que j’ai effectué a cause du boulot. C’est un vrai plaisir de monter avec la sensation que l’on peut  encore largement accélérer. 

 

Le col de la Seigne, 5h54, 1435e, 12 :22 :46, 135 places de gagner (quand je vous dis que je suis bien monté), 60km, 3869d+.

 J’ai encore gagné 135 places dans cette montée, soit  556 depuis  st-Gervais, je fais la course que je voulais. J’adore cette sensation de gérer sa course, de partir doucement pour progressivement faire du pac-man. Le passage au Col de la Seigne est magnifique. On sort de la nuit pour voir apparaître l’aube au loin. Je suis sous le charme. Au pointage je lance un vivaaa italiaaaaaa ben oui on passe chez nos amis transalpin ce coup ci. J’attaque la descente prudemment  j’ai déjà un peu entamé mes quadri dans la descente sur les Chappieux et  je vais en avoir encore bien besoin jusqu’à Chamonix. La suite est juste somptueuse, le lever de soleil sur le massif du Mt Blanc est un spectacle qui vaut a lui seul le fait d’avoir parcouru ce chemin jusque là.  Enfin, j’enlève la frontale et juste le fait de courir à la lueur du jour me  donne un jolie coup de fouet. En contrebas du sentier, un agriculteur est en train de traire ces vaches. C’est bête, mais c’est le genre de chose que j’aime voir en montagne. Plus loin je vois quelqu'un  vomir, je suis impressionné par la quantité de liquide que peut contenir un estomac. Bon, ça d’accord c’est moins beau.   

 

Lac Combal, 6h43, 1411e, 13 :11 :50, 24 places de gagner, 65km, 3969d+.

 Je retrouve du monde que je connais  a ce ravito, 3 des bénévoles font partie, avec moi, de l’organisation de La Grimpée du Ruisseau (course de montagne de 15km et 1100d+), je discute 2min avec eux puis repart doucement le long du lac. Je me suis souvent demandé si j’arriverais encore a courir sur ce long plat, et comme il n’y a qu’une façon de le savoir, et bien je m’exécute et les jambes répondes assez facilement. Mais j’ai des sensations assez bizarres au pied droit. Déjà dans la descente précédente, j’avais les doigts de pieds qui tapaient au bout de la chaussure, chose assez inhabituel pour moi et puis je me sens un peu serrer dans mes chaussures. Je m’arrête donc pour les desserrer un peu, et là je comprends pourquoi. J’ai toujours eu les chevilles fragiles, et j’ai pour habitude, en course, de me faire un strapping léger pour soutenir  celle-ci. Pensant bien faire, pour l’UTMB, je suis allé voir un kiné pour qu’il me pose un vrai strapping. Sauf que, pensant bien faire lui aussi, a mis beaucoup plus de bande que moi, réduisant ainsi la place disponible dans la chaussure. D’où les pieds qui tape au bout des chaussures et la sensation d’être serré dedans quand les pieds ont commencé à gonfler un peu,  comme toujours sur un trail. Je ne m’inquiète pas plus que cela. A Courmayeur, j’aurais une 2e paire de baskets  dans mon sac de délestage, qui fait une 1/2 pointure de plus que celle-ci. Après le lac, j’attaque la monté en direction de l’arête du Mt Favre. Comme toutes les montées précédentes, je grappille des places. Même si je me sens un peu fatigué.  D’ailleurs, ce sera l’ascension la plus lente de ma course (2.99km/h) après celle de la Tête au Vent. J’ai hâte de sentir les rayons du soleil venir chauffer mon visage.

 

Arête du Mont-Favre : sam 8h01, 1366e, 14:29:19, 45 places de gagner,  69km, 4326d+.

 J’arrive au pointage en poussant un petit : « ça c’est fait » qui deviendra ma petite habitude en arrivant à chaque sommet désormais. Le soleil nous inonde de ces rayons, ça fait un bien fou, tous comme le paysage qui nous entoure, c’est grandiose, quel pied ! J’attaque ensuite la descente, c’est à ce moment là que ma course va changer. J’ai mangé mon pain blanc, désormais et ce jusqu'à l’arrivée,  je devrais manger mon pain noir. Mes pieds tapent de nouveau au bout des chaussures. Mais plus que cela, j’ai une douleur qui apparait, dans cette descente, sur le dessus du pied droit.  Le kiné ma prévenue que si jamais je ressentais la moindre douleur a cette endroit, je devrais retirer le strapping pour ne pas enflammer le tendon du releveur. Je m’exécute donc  en espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard. Hélas la suite de la descente me fait bien sentir que ça ne partira pas comme cela. Mais pour le moment, c’est très supportable comme douleur et je file donc au Col Chécroui, tout en discutant avec un allemand très sympathique que j’avais déjà croisé dans la montée du Col de la Seigne.

 

Col Chécroui, sam 8h51, 1372e, 15:19:44, 6 places de perdue, 73km, 4337d+.

 Super sympa ce ravito il y même une chorale qui chante. Le truc moins sympa c’est le petit panneau qui indique la portion suivante 766d- en un peu plus de 4km !!!!  Ouille… je me dis que ça vas piquer les cuisses. Les cuisses, mais pas que ;  l’inflammation du releveur fait que j’ai mal à la cheville dès que ça descend un peu et là je suis servi…  De plus, il commence à faire chaud, je suis encore en tenue de nuit. Brefs 4km c’est court, mais dans ces conditions, c’est avec un certain soulagement  que j’arrive dans le charmant petit hameau de Dolonne,  où se trouve la base vie de Courmayeur ou je retrouverais Elodie.

 


Courmayeur, sam 9h42, 1337e, 16:10:26, 35 places de gagner, 78km, 4337d+.

 Je récupère mon sac de délestage en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire. Bravo a l’organisation valdotaine !

  


Puis je rejoins Elodie a l’intérieur. On se trouve une place tant bien que mal à même le sol. Il faut jouer un peu des coudes dans cette salle d’assistance, alors qu’à l’étage, dans la zone réservée aux coureurs, il y a une place folle. Mais ce n’est pas grave, je préfère être avec Elodie  dans ce petite espace, que tout seul là-haut. Elle me demande ce qu’elle doit faire. On aurait du répéter à la maison (un peu comme en formule1) , ça m’aurait fait gagner du temps, même si  à ce moment là, j’ai 2h15 d’avance sur la barrière horaire. J’opte alors pour la technique du « je vide mon sac par terre, et je le refais comme si je refaisais une nouvelle course », ce qui sera assez efficace. Ensuite, je me change : chaussettes, caleçon, Elodie me frictionne tous le corps avec de l’eau de Cologne, ça fait du bien.  Je mets un short à la place du corsaire, lunette kikourou, casquette, la journée s’annonce radieuse.


               


Je monte dans la salle du haut chercher une assiette de pâte. Je redescends avec,  mais il est interdit de manger dans la salle du bas… Donc, ben je remonte grrrrrrrrrrrr. Après avoir mangé, je reredescend voir Elodie, elle me masse les jambes, ça fait du bien : je ferme les yeux pendant ce temps là. A la fin, je lui demande d’essayer d’étirer ma cheville où j’ai mal, il me semble que ça me fait du bien. Je reremonte pour allez au toilettes, je rereredescend  récupérer mes affaires puis je rerereremonte,  parce que la sortie des coureurs ce fait…………………… en haut ! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!!! Je vais  craqueeeeeeeeerrrrrrrr !!! J’aurais au moins fait 50d+ en plus du parcours sur ce ravito… Je retrouve Elodie a l’extérieur, un petit bisou et on ce donne rendez-vous à Champex le soir même.


 Je repars requinquer. Après la traverser de Courmayeur sous les applaudissements.

  


Puis un passage sur route goudronnée,  j’attaque la montée vers Bertone. Elle est exactement comme dans mes souvenirs, bien raide et un poil technique. Sauf que quand je l’avais faite, il pleuvait et il y avait du brouillard, alors que cette fois c’est chaud et grand soleil, et ca change tout. J’apprécie beaucoup ce sentier sous les sapins, ça sent bon la résine qui chauffe sous les rayons du soleil. Ma cheville ne me fait pas souffrir, les étirements m’ont soulagé. Je vois pas mal de concurrents s’arrêter pour récupérer dans ce gros raidard. Je me souviens que nous aussi, il y a 4 ans, lors de notre tour du Mt-Blanc,  nous avions fait une pose tous les 100m d+. Mais pas cette fois pour moi, j’ai changé, je suis un sportif maintenant, et je monte donc sans jamais m’arrêter. Petit à petit je sors de la forêt et la paaaafffff, le Mt-Blanc  versant Italien me saute aux yeux sur fond de ciel bleu, c’est magiiique.

 

Refuge Bertone, sam 12h19, 1369e, 18:47:26, 32 places de perdue (sans doute due a mon arrêt un peu long a Courmayeur), 82km, 5153d+.

 Je prends un café et m’installe à l’ombre en regardant un concurrent déclarant  vouloir abandonner. Le responsable du ravito lui demande s’il est blessé, mais non, il déclare juste être fatigué, il en a marre. Le responsable lui explique alors qu’il doit redescendre sur Courmayeur, ou alors allez jusqu'à Arnuva. Mais le coureur refuse. Il veut que l’on vienne le chercher « je ne peux plus courir, je ne peux pas redescendre »  « Vous ne pouvez plus courir, mais vous arrivez à marcher » « Oui, mais je n’ai pas envie, je veux être  rapatrié». Sauf qu’aucun 4x4 ne peut venir jusque là. Je préfère partir sans attendre la fin de cette histoire qui me fait doucement sourire. Après une légère montée, on suit un sentier en balcon qui devrait être plutôt agréable, sauf que ma cheville se rappelle douloureusement à moi. Je n’arrive pas à courir, c’est comme si ma cheville se bloquait, avec une douleur assez vive sur le dessus de pieds. Et en descente, c’est encore pire. J’avance tant bien que mal en essayant de me forcer à courir, mais la douleur est trop forte. Je décide donc de passer en marche rapide. Mais ça commence à  cogiter fort dans ma tête ; je ne me vois pas continuer comme cela encore longtemps. De plus je n’arrête pas de me faire doubler ce qui n’est jamais vraiment bon pour le moral. J’ai l’impression de me trainer.

 

Refuge Bonnatti, sam 14h00, 1311e, 20:28:54, 58 places de gagner (là je ne sais pas comment j’ai fait), 90km, 5433d+.

 En arrivant au refuge, j’ai le moral au plus bas. J’ai mal je ne vois pas comment m’en sortir. Bon, de toute façon,  je ne peux pas m’arrêter là, il faut que j’aille à Arnuva. Je mange une soupe car j’ai faim, c’est déjà ça. J’envoie un sms à Elodie, pour lui dire que j’ai très mal à la cheville, que je vais jusqu'à Arnuva et que je ferais le point une fois arrivé là-bas. Après avoir pris un Dolipranne pour lutter contre la douleur sans trop y croire, je repars donc du refuge Bonnatti, en me disant que ça ressemble au chant du cygne. J’essaye de profiter un peu quand même, je regarde les Grandes Jorasses, je reconnais un coin ou on avaient vu une dizaine de marmottes, lors de mon tour du Mt-Blanc en 2010, mais là rien en vue. Je reconnais aussi un coin ou on avait fait une photo de groupe. Je suis complètement sortie de ma course à ce moment là. La descente sur  Arnuva est un calvaire. J’ai mal à cette foutue cheville, à ce satané tendon du releveur. Je m’en veux d’avoir fait faire ce strapping par un autre sans avoir jamais testé avant. Je le sais pourtant que lors d’un ultra on ne teste jamais rien le jour de la course. Et de plus, après le Grand Col Ferret, il y aura près de 18km de  descente. Comment pourrai-je  arriver à descendre tous cela, alors que  j’ai toutes les peines du monde à descendre jusqu'à ce fichu ravito. Et puis il est où d’abord ce ravito, pourquoi je n’y suis pas encore. Bref  c’est la tempête dans ma tête.

              

                                  entre bonnatti et arnuva heureusement c'est jolie.

Arnuva, sam 15h22, 1362e, 21:50:19, 51 places de perdue, 95km,  5538d+.

C’est ici que ma course va basculer du bon coté.  Arriver au ravito je file direct vers la tente pour me faire soigner et là mauvaise surprise. Il y a déjà 3 personnes qui font la queue. Je m’assoie à coté d’eux en lisant un sms d’Elodie qui me dit de ne pas lâcher. Au bout de 15 min seul 2 des gars devant moi sont passé et quand une bénévole fait passer son copain sous mes yeux. J’explose de colère je me lève, puisque c’est comme cela et bien je me sauve. Je remplie mes bidons, attrape quelque truc à manger vite fait et repars très en colère du ravito. Dans le début du grand col ferret je me motive comme je peux, je me dis qu’il faut que je sois au moins 100 Bornard. Si je fais déjà ça, se serait déjà un demi-succès, car je n’ai jamais parcourue une telle distance. Elodie à rameuter les troupes à ma rescousse, je reçois des sms d’encouragement d’un peu tout le monde. Puis je reçois  un coup de fil d’Olivier, un ami/client de « La Randonnée ». Et il va trouver exactement les mots que je devais entendre : « tu fais une course formidable Franck, tu es régulier, tu as de l’avance sur les BH. Et puis dit toi bien une chose, à ce moment là de la course, tout le monde à mal, c’est dans la tête que ça se joue maintenant ». Et là, ça fait un déclic dans ma tête. Si je veux aller au bout, il faut que je vive avec la douleur, que je cohabite avec elle.  Je suis aussi fort mentalement que les autres, il n’y a pas de raison. Je pense aussi à mon père qui était diabétique, qui a souffert des jambes et des pieds pendant 10 ans jusqu'à ce faire amputer de tous ces doigts de pieds 1 an avant sa mort, en 2008. C’est pour lui aussi que je cours, pour ne pas devenir diabétique moi aussi plus tard. S’il a souffert toutes ces années de ces jambes, je peux bien moi aussi  souffrir un peu jusqu'à Chamonix. S’en suis une période d’euphorie. Je suis sûr, à ce moment  de terminer  cette utmb. J’ai l’impression d’être invincible.  La suite de l’ascension du Grand Col Ferret ce fera sous un vent  qui vous glace les os. C’est long. C’est long et c’est raide. Mais je retrouve du plaisir, ma cheville n’est pas douloureuse à la montée, que ça fait du bien de ne pas souffrir.  Puis enfin le sommet, où je pousse mon désormais traditionnel « ça c’est fait ».

 

Grand Col Ferret, sam 17h10, 1321e, 23:39:09, 41 places de gagnées ! (malgré le temps perdue a Arnuva), 100km,  6292d+.

 Et voila, c’est fait je suis Bornard, j’envoie un sms à Elodie pour fêter ça. Je descends un peu pour me mettre à l’abri du vent et je m’assoie par terre pour noker mes pieds.  Je sais que je vais souffrir dans cette descente, alors autant soulager tous ce qui peut l’être, pour éviter de cumuler les douleurs. Je décide également d’écouter mon ipod pendant la descente, histoire de penser à autre chose. Et ça marche pas mal. J’arrive à tenir une cadence correcte, en alternant course à pieds, jusqu'à ce que la douleur devienne trop gênante, puis marche à pieds pour laisser reposer un peu les pieds.  J’arriverais, avec un grand soulagement, en bas de cette descente. Puis je trottinerais tranquillement jusqu'à la Fouly.    

 

La Fouly, sam 19h11, 1325e, 25:40:17, 4 places de perdue (ben oui, à la descente je me traine), 109km, 6490d+.

 Là, je prends le temps de me reposer. De toutes façons, à partir de là je vais me reposer à chaque ravito, ne serais-ce que pour faire reposer mon pied. Si on met de côté la douleur à la cheville, je ne me porte pas trop mal pour quelqu’un qui court depuis plus de 25h. Je suis même étonné de mon état. Les jambes répondent pas trop mal dans les montées et je n’ai pas sommeil. Je pense même ne pas avoir besoin de dormir la prochaine nuit…… Sorti du ravito, il me faut quelques centaines de mètres pour relancer la machine. Les jambes sont quand même un peu raides. Puis, c’est repartie, je me force à courir dès que le terrain si prête un peu , pour ne pas trop perdre de temps sur ce long faux plat descendant jusqu'à Praz-de-Fort. Peu à peu, la nuit tombe sur nous, et plus la luminosité baisse, plus le sommeil commence à me gagner sur cette partie plutôt monotone. Je sors ma frontale et aussitôt celle si en action je commence à voir des choses bizarre le long du chemin : un corps de femme nu, un mur en plein milieux de la foret qui ne sert a rien ou un immense chalet en plein milieu des bois, alors qu’en fait c’est un gros bloc de granit. J’avais entendue parler de ce genre d’hallucination lors de la 2e nuit, donc je m’inquiète pas trop, ca m’amuse même un peu. La plupart du temps c’est un jeu d’ombre et de lumière que provoque la frontale. Un peu avant le Praz-de-Fort, il y a une charmante dame avec sa famille qui nous propose du thé ou du café. Ensuite on attaque le Sentier des Champignons qui monte jusqu'à Champex. Je me cale derrière un gars qui avance d’un bon pas et apprécie fortement de relâcher la pression sur mon pied. Mais j’ai sommeille et le fait d’avoir pour seul vision dans cette nuit noir les 2 pieds qui avance alternativement devant moi m’endort encore plus. En arrivant au sommet, une fille nous encourage fortement. Mais, je connais cette voie, c’est Elodie! Elle ne m’a pas reconnue. Ca fait du bien de la voir. On s’embrasse, puis elle me demande comment ça vas, mais en voyant ma tête, elle voit bien que je souffre.

 

Champex  Lac, sam 22h41, 1252e, 29:09:48, 73 places de gagner (la non plus je sais pas trop comment mis a part à la monté), 124km, 7057d+.

 On rentre dans le ravito avec Elodie, ici c’est complètement différent de Courmayeur les accompagnants peuvent venir partout avec les coureurs, c’est fort appréciable. On s’installe a une table, Elodie va me chercher des pâtes, j’en mangerais même une 2ème assiette, pendant ce temps, Elodie refait le plein de mon sac. On est beaucoup plus efficace qu’à Courmayeur. Après cela, je décide de retenter de me faire soigner ce satané tendon du releveur, auprès d’un kiné. Je fais donc la queue dans la tente des kinés, ils ont l’air d’être plus efficace qu’à Arnuva,  mais je patienterais quand même 15 à 20 mn avant d’être pris en charge. J’explique mon cas a la kinée, elle me manipule un petit peu,  mais n’a pas l’air de pouvoir faire grand-chose. En désespoir de cause, elle me mettra une tape sur la jambe en me souhaitant bonne chance, pendant qu’un podologue me soigne une ampoule au petit doigt de pieds.

 


Après cela, je file dans la tente où sont posés des matelas à même le sol. Je m’allonge sur l’un d’entre eux, je mets l’alarme de ma montre  et ferme les yeux ; quand tout à coup, j’entends tidite, tidite, tidite… Un ? Quoi ? Non ce n’est pas possible ! Je viens de fermer les yeux.  Bon quand  faut y allez, faut y allez. Je me lève difficilement. Les jambes sont raides, mais j’ai  l’impression que ça ma fait du bien de dormir. Je rejoins Elodie, puis on retourne sous la grande tente, où elle me frictionnera de nouveau avec de l’eau de Cologne, avant que je ne remette mes habits de nuits. J’aurais passé 1h41 à Champex, en repartant avec plus qu’ 1h10 d’avance sur la barrière horaire. En sortant de là, je suis saisi par le froid, je grelotte, j’accélère le pas pour me réchauffer. Elodie m’accompagne 5 mn puis me laisse partir seul dans le nuit. La 1er partie qui mène à Bovine est assez roulante, puis on attaque un sentier qui monte bien, jusqu'à un replat ou coule plusieurs torrents. Et ensuite ça monte raide de chez raide. Je commence de nouveaux à avoir sommeil, je me sens tomber sur le côté, je me rattrape avec mon bâton, ça me réveille 5 min puis ça recommence, mais cette fois de l’autre côté. C’est une lutte permanente entre l’envie de dormir, moi  et cette raide montée. On arrive à Bovine, il reste juste une petite pente a montée avant d’attaquer la descente. Je suis la file en titubant, parfois je ferme les yeux quelques secondes pour les reposer.  Tout à coup, j’entends un bruit de barrière qui grince, ça me fait sursauter. Je n’avais pas vu cette barrière. Je me retourne et je ne me souviens pas avoir grimpé les 100 derniers mètres de l’ascension,  je crois bien avoir dormi en marchand dans cette dernière partie.  Je passe donc cette fameuse barrière et entame la descente. La douleur au pied ce fait aussitôt ressentir ce qui à pour avantage de me réveillé.

 

La Giète, dim 3h44, 1358e, 34:12:59, 106 places de perdue, 135km, 7895d+.

 J’arrive en claudiquant à ce point de contrôle. Je me fais pointer. En entendant le dossard 1004, une des secouristes s’écrit « Ehh ! C’est le copain d’Elodie!». C’est dingue, même en plein montagne, à 3h45 du matin, j’arrive encore à me faire remarquer. On discute 2mn, j’essaye de faire bonne figure, puis repart à la descente. Je ne veux pas perdre trop de temps, vu la vitesse « vertigineuse » à laquelle j’arrive à descendre. Et ça n’en finit pas. J’ai l’impression de ne pas en voir le bout. À chaque fois je crois arriver au Col de la Forclaz, mais non, ça descend encore et toujours. De plus parfois j’ai des hallucinations, j’ai tellement envie de voir les bâtiments qui ce trouvent au col, qu’à plusieurs reprises, je crois voir une maison, alors qu’il n’y a que des arbres. Enfin, le col est là. J’attaque ensuite la descente sur Trient, le sentier est bien raide là aussi, ce qui continue à me faire souffrir. Dans un virage, je crois voir un homme assis par terre, avec une tenue d’apiculteur !!!!!

 Vers la fin, mon pied glisse sur une racine, et tape assez fort au sol. Aiiiiiiiiie! La douleur me remonte le long du tibia jusqu’au genou. Les larmes me montent aux yeux.  « Allez Franck! Le ravito est juste là, t’arrête pas, faut pas que ça refroidisse. »  J’arrive tant bien que mal à Trient, à la vitesse vertigineuse de 3.41km/h  sur cette descente.

 

Trient, dim 5h09, 1371, 35:37:51, 13 places de perdue, 140km,  7971d+.

 Elodie m’attend un peu avant le ravito, le fait de la voir me fait monter les larmes aux yeux. En voyant ma démarche et ma tête, elle comprend vite que ça ne va pas fort. On rentre sous la tente, elle se fait refouler, car il faut qu’elle aille dans le coin assistance. Je prends de quoi manger puis la rejoins. Elodie s’occupe de mon sac. Je n’ai plus rien besoin de lui dire, elle sait ce qu’il faut faire. On forme une belle équipe ! Ce n’est pas ma course, c’est notre course. Je voudrais dormir de nouveau, 20 mn, mais j’ai peur de ne plus avoir assez d’avance sur la barrière horaire, vue la vitesse à laquelle  je fais les descentes. De plus il est 5h30, le jour sera là d’ici 1h. Il faut juste que je tienne jusque là. Je pars donc à l’assaut de l’avant-dernière ascension.  Le fait d’y penser me regonfle un peu le moral. Mais très vite, le sommeil refait son apparition. Et la lutte pour ne pas dormir recommence. Sauf que je vois le jour poindre son nez, et quand on sort du bois, un peu avant le sommet, je peux enfin enlever la frontale. C’est dingue, mais dès que je l’enlève, je n’ai plus sommeille. C’est la fin de la 2e nuit. J’ai survécu à cela et petit à petit, Chamonix se rapproche.  Je finis donc mon chemin vers Catogne d’un assez bon pas, en passant la frontière franco-suisse,  sous un vent qui vous glace le sang.

 

Catogne, dim 7h24, 1312e, 37:53:12, 59 places de gagner, 145km, 8797d+.

 Une fois passée le pointage, je sais que la descente va être longue, je sais que je vais souffrir et pendant un bon moment, j’essaye de me soulager un maximum avec les bâtons. Mais malgré cela, la douleur est présente en permanence, je trottine sur les quelques portions de plats que je trouve, mais le reste du temps, je ne peux que marcher. Dans la dernière partie de la descente, je me fais doubler par un kikou, Fimbur. On s’était déjà brièvement vue lors du trail des allobroges l’année précédente. Il me dit lui aussi souffrir du releveur. Sauf que lui il arrive à courir et moi pas. Je le vois filer dans ce sentier plein de racine et de pierre. Je me dis qu’il n’y a pas de raison qu’il y arrive et pas moi, je me force donc  à courir, passant outre  la douleur. J’ai de plus en plus peur pour les barrières horaires  également, et me dit que si je ne me fait pas violence, tôt ou tard, je vais me faire rattraper par celle-ci. J’y vais donc franco, en essayant de me soulager un maximum avec les bâtons, chaques marches formées par une racine est un choc sur la cheville, avec une brulure qui remonte le long du tibia. Puis il y a la dernière descente sur Vallorcine, ceux qui on fait le marathon du mt-blanc la connaissent, mais dans l’autre sens. C’est une espèce de sentier droit dans une pente herbeuse bien raide. Ce sera un supplice pour moi, la raideur du sentier accentue encore plus la douleur. J’arrive enfin à Vallorcine les larmes au bord des yeux.

 

Vallorcine, dim 8h55, 1339e, 39:23:30, 27 places de perdue, 150km,  8830d+.

 Arriver  un peu avant le ravito,  j’explose, je fonds en larme, à cause de la douleur mais il n’y a pas que cela, je sais que maintenant que je suis à Vallorcine. Sauf gros coup dur, j’ai toutes les chances de terminer, et ça me fait remonter pleins de choses à la surface. Les gens autour du ravito me regardent en m’applaudissant, puis je vois Elodie et je tombe dans ces bras en pleurant à chaude larmes. Après une pause d’une 20e de minutes qui me feront le plus grand bien, je repars avec à peine 1h d’avance sur la barrière horaire, en direction du Col des Montets, où mon oncle et ma tante me feront la surprise de m’encourager, et même de m’accompagner dans les 1ers lacets de l’ascension vers la tête au vent. Je monte plutôt bien, c’est dingue de ce dire que l’on peut encore tenir un bon rythme après 40h de course. Mais peu à peu, je sens ma cheville devenir douloureuse. Jusqu'à maintenant, je n’avais jamais eu mal en montée. Il est grand temps que cette aventure ce termine, je ne sais pas si je pourrais encore faire 40 km de plus. 

 

Tête aux vents. Dim 11h55, 1344e, 42:23:52, 45 places de perdue, 158km, 9687d+.

 Ouuufff ! Voilà, je suis au sommet de la dernière difficulté. Je l’ai fait ! Maintenant je n’ai plus qu’à me laisser glisser jusqu’à Chamonix. Enfin glisser… ça c’est dans le principe… parce que vue comment j’arrive à descendre et l’état de ma cheville, je sens que ça va être long, très long. Et je n’ai pas beaucoup d’avance sur la barrière horaire. Il me reste 1h45 pour rejoindre la Flégère. En temps normal, c’est largement bon, mais dans cette hamas de cailloux qu’est le sentier dans ce coin,  je n’arrive pas à avancer. Il n’y a jamais moyen de poser le pied à plat, ce qui me provoque à chaque pas, une vive douleur qui remonte jusqu’au tibia. J’aimerais temps pouvoir profiter de cette fin de course, profiter du panorama dont je ne me lasse jamais même si je le connais par cœur. Mais si jamais je relâche mon attention, je réduis lamentablement mon allure déjà pas très glorieuse.  A un moment,  en passant un gros bloc rocheux, mon pied glisse et ma cheville racle contre le rocher, Aaaaaiiiiiieeeeeeeee !!!  Que ça fait mal ! Je n’arrive plus à marcher. Et là, en une fraction de seconde, tout défile dans ma tête : ça y est, c’est finis, je vais m’arrêter là, à une 10e de km de Chamonix… ce n’est pas possible… Non! Ce n’est pas possible !  « Allez Franck! Avance ! Il faut garder la cheville chaude ». Tant bien que mal, j’avance de nouveau, doucement, puis un peu plus rapidement. Voilà, c est reparti, l’espoir renaît. J’arrive au pied du ravito de la Flégère. Mais? Pourquoi l’on t’il mit tout la haut ? «  ils sont c.. ou quoi il était très bien en bas là. » Je m’emporte un peu, traite l’organisation de 2, 3 noms d’oiseaux, ce qui fait rire une serveuse du restaurant dont je traverse la terrasse.

 

La Flégère, 13h02, 1370e, 43:30:25, 26 places de perdue, 161km, 9733d+.

 En passant le pointage, je plaisante  avec les bénévoles en leurs disant que l’année prochaine  le ravito il faut le mettre au sommet du télésiège, pas au pied. Je ressors de la tente et entame la descente. D’abord  sur une piste 4x4, puis ensuite sur un sentier en sous-bois, j’en ai marre, je veux arriver, je ne veux plus avoir mal, ne plus souffrir, et pafff mon pied bute contre un caillou « mais put… mais qu’est-ce qu’il fout là ce cailloux. ». Je n’avance pas, je me traine, des wagons de coureurs me doublent; «Non mais ! Ils sortent d’où eux ? Ils étaient où tous ce temps pour courir comme des lapins maintenant ? S’il y en a un qui me demande de m’arrêter pour le laisser passer, je lui plante mon bâton entre les yeux! » Le téléphone sonne, c’est mon beau-frère qui me demande où j’en suis. Je m’arrête pour lui répondre, mais  après, j’ai toutes les peines du monde à repartir. Cette fois, se sont les genoux qui sont comme bloqués. Je me revois une nouvelle fois devoir abandonner si près de l’arrivée. 2 mn plus tard, c’est Elodie qui m’appelle. Cette fois je ne m’arrête pas, je réponds en courant et je l’envoie un peu sur les roses « Non mais… comment vous-voulez que j’arrive en bas si  je passe mon temps au téléphone ? ».   Bon allez,  il faut que je me ressaisisse, je recommence à courir, ça fait mal, mais au moins j’avance. Ça durera moins longtemps. Cette descente n’en finis pas, mais enfin je passe la Floria. Ca sent bon. De plus, le chemin 4x4 est plus facile à courir après. Puis je commence à voir des toits de maison et enfin j’aperçois la route goudronnée. J’ai jamais été aussi heureux de retrouver du goudron sur une course. Elodie m’attend là, on va finir ensemble. Je marche,  je profite de cette instant, je sais que je vais finir. Je remercie Elodie, sans elle je n’y serais jamais arrivé. On arrive sur les bords de l’Arve, il commence à y avoir foule. Je recommence à courir avec Elodie a mes cotés. On arrive vers un gros groupe de bénévoles qui ont l’aire surexcités, je les entends prononcés mon nom, je les reconnais certain fond partie avec moi  du bureau d’organisation de la Grimpée du Ruisseau. Je tape dans leurs mains en passant, ils courent jusqu'à la ligne d’arrivée pour me voir finir. Elodie s’enflamme, je suis obligé de lui dire de ralentir, je n’arrive pas à la suivre. Un peu plus loin je vois Hugo, mon fils aîné. Je lui dis de venir avec moi, on se tient tous les 3 par la main. Plus loin, je retrouve ma mère qui me saute au cou, qui me dit qu’elle est fière de moi. Ma sœur, mon beau frère, mon neveux, ma nièces, mon oncle, ma tante tous le monde est là sauf Axel et Mathilde, mes 2 autres enfants qui arriveront quelque min après l’arrivée. Je cours, je n’ai plus mal nulle part, je suis sur un nuage et après un dernier virage, ça y est, je vois l’Arche d’arrivée. Je  la franchie : 45h19mn45sec après l’avoir passé pour la 1er fois, mais dans l’autre sens. C’est dingue de ce dire ça.

                      

La suite sera un enchainement de moment de bonheur partagé avec toute ma famille. Puis on ira boire un coup en terrasse tous ensemble dans un coin un peu plus calme. Je me commande une croute au fromage, quel délice! On restera là plus d’une heure à parler de cette course hors norme, c’est un beau moment pour moi, la vie est belle. Je relâche la pression, j’ai un sentiment de plénitude. Que c’est bon, je voudrais  rester dans cet état toute ma vie. Puis c’est le moment de rentrer à la maison. Elodie, part chercher la voiture, je remonte un peu la rue pour qu’elle puisse me récupérer plus facilement. Ouuuh… que c’est dur… les cuisses sont raides. Je sens mes 2 gros orteils être compressés dans mes chaussures. Je les enlève ainsi que mes chaussettes. Aïe… mes ongles sont en bien triste état et mes pieds sont tous gonflés. J’ai du mal à remettre mes chaussures. Elodie me récupère, je commence à répondre à un sms de félicitation, mais ne le finirais que le lendemain, puisque je m’endors en l’écrivant………….

            

                                          le lendemain, celle là je l'ai bien mérité.

26 commentaires

Commentaire de begouz posté le 16-09-2014 à 17:47:10

félicitation sapi74 !
petite correction à effectuer :
Le col de la Seigne, 5h54, 1435e, 12 :22 :46, 135 places de gagner (quand je vous dis que je suis bien monté)

Commentaire de Renard Luxo posté le 16-09-2014 à 21:26:46

Quelle abnégation, dans cet état à Bertone je n'aurais jamais eu le courage d'aller au bout ... C'est étonnant à quel point on passe tous (sauf Kilian bien sûr) par les mêmes moments de doute, en particulier cette seconde nuit "diabolique" ! Bravo Sapi, quelle aventure !

Commentaire de bubulle posté le 16-09-2014 à 21:52:39

C'est bizarre comme je reconnais certaines sensations dans la gestion de la douleur...:-). Il est super, ton CR, Franck, et je suis quand même drôlement content qu'on se soit vus......3 secondes pendant cette semaine là...;-). Malgré les milliards de vannes que je fais régulièrement sur les xxxxx74 sur Kikouroù, y'en a quand même des tas que j'aime drôlement bien....et tu comptes parmi eux. On est devenus cent bornards la même semaine, dis donc, l'air de rien.

A se croiser donc, un de ces quatre, genre sur une coursette de début juillet dans le même secteur....et évidemment autour d'un génépi...;-)

Et tes photos "avant/après", rien à ajouter d'autre que de l'admiration devant ce que tu as réussi en 4 ans...;-)

Commentaire de sapi74 posté le 17-09-2014 à 13:21:20

cent bornard la même semaine et peut un 2e fois le même jours l'année prochaine du coté de st nicolas de véroce qui sait ;-)

Commentaire de Matchbox posté le 16-09-2014 à 21:56:15

Magnifique récit et très belle course, bravo !
Je me suis régalé en te lisant et j'espère pouvoir vivre cette même aventure l'année prochaine.
Je te souhaite une fin d'année aussi riche que ce que tu viens de vivre.

Commentaire de sapi74 posté le 16-09-2014 à 22:13:55

merci bubulle, le pire c'est que j'ai même pas bu de génépi a l'arrivée je vais être obliger de le refaire.

matcbox , je te souhaite bonne chance pour le tirage au sort et pour la course , mais vue comme tu a gérer ces 2 dernières anneés la TDS je me fait pas de soucis pour toi.

Commentaire de Arclusaz posté le 16-09-2014 à 23:18:19

Magnifique !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
la vie est belle quand on sait se la rendre belle.

merci pour cette leçon. Je suis fier de te connaître.

Commentaire de sapi74 posté le 17-09-2014 à 13:17:43

merci laurent, je suis fier aussi de faire partie de cette kikoumunauté.

Commentaire de Bert' posté le 17-09-2014 à 01:41:29

Un grand grand coup de chapeau !
Un 1er Bravo pour tout le chemin parcouru depuis 2010...
Un 2e Bravo pour t'être sacrément bien accroché pendant la course
Un 3e Bravo pour cette délicieuse façon de raconter tes péripéties
Enfin, ce déroulé de course m'a rappelé pas mal de souvenirs similaires de 2013... ;-))

Commentaire de sapi74 posté le 17-09-2014 à 13:19:43

j'ai penser a toi et a ton récit de l'année dernière pendant la traverséé vers la flégère, ça aide de savoir que d'autre en son passer par là eux aussi.

Commentaire de poucet posté le 17-09-2014 à 04:14:34

Que de chemin parcouru depuis 2010, quelle métamorphose et quelle volonté pour venir à bout de cette course mythique ... ça force le respect !!! Bravo Franck !!!
@+++ Poucet

Commentaire de sabzaina posté le 17-09-2014 à 06:37:41

Merci Sapi, j'ai vibré tout le long de l'UTMB en te suivant fébrilement sur le live et ton CR relate bien cette belle aventure
Bravo!

Commentaire de Japhy posté le 17-09-2014 à 07:28:58

"J'ai changé, je suis un sportif maintenant"...putain cette phrase, elle est simple et tellement forte en même temps, même si tu étais déjà un sportif quand je t'ai vu à la STL 2012.
J'ai pris mon temps pour lire ce CR très riche, émouvant, l'histoire de votre course à Elodie et à toi, et ton papa qui veille sur toi;
Et puis alors les 100 000m de D+ depuis le début d'année, y a pas de secret en même temps...
Bravo sapi, tu peux être sacrément fier de toi.

Commentaire de Jean-Phi posté le 17-09-2014 à 08:31:50

Alors là je suis scotché ! Quel magnifique CR ! Et que de chemin parcouru au propre comme au figuré. Tu peux être fier de toi comme doit l'être Elodie, l'est certainement ta Maman et aussi sûrement ton Papa depuis tout là haut. On sent que pour toi cette course représente un Graal qui te paraissait encore inaccessible il y a peu. Et tu l'as fait et superbement bien fait ! Super fier de te connaître et de te voir réussir ton défi ! Bravo !
A très bientôt j'espère, il faudra que je retourne en montagne un jour...

Commentaire de Benman posté le 17-09-2014 à 10:50:46

Merci pour ce partage. Tu féliciteras également Elodie, car son dévouement est très fort. Avant tout, un très grand bravo à toi. Tu nous as fait vibrer sur le live. Le récit de ton exploit et de ta souffrance prend vraiment aux tripes.
Cette course finalement est tout sauf facile, à lire les récits sur des trucs toujours plus durs, on en banalise même ce qui est déjà terrible. Quand je repense la facilité avec laquelle tu m'avais doublé en fin de course un jour de début juillet, et les difficultés que tu nous narres ici, je sais qu'il y a encore un monde entre la pratique de gens ordinaires comme moi et ce que tu viens de réaliser. waouh.

Commentaire de sapi74 posté le 17-09-2014 à 13:24:48

on a chacun ses qualités, le plus important c'est de faire de son mieux a chaque fois.mais début juillet j'était vraiment dans un bon jours comme ca arrive quelque fois sans trop savoir pourquoi ce jour là et pas un autre.
merci.

Commentaire de philtraverses posté le 17-09-2014 à 20:45:23

T'es un grand sportif et je vais redire ce qui a déjà été dit plus haut: tu peux être fier de toi. Superbe récit, très émouvant à tous points de vue, sportif et surtout humain. Bravo et merci pour ton récit.

Commentaire de Philippe8474 posté le 18-09-2014 à 10:00:25

Chapeau!
Magnifique!
Bravo à toi!
Et à ta femme, ta famille! Quel bonheur de partager cette arrivée avec ceux que l'on aime.

Commentaire de millénium posté le 18-09-2014 à 16:48:03

tiens je crois reconnaître la main qui tape dans la tienne à Courmayeur ! BRAVO l'ami , beau récit et..belle course !

Commentaire de Mams posté le 20-09-2014 à 10:47:56

Très beau récit! Comme quoi il est des déclics qui changent une vie!!
Je suis impressionnée par ton courage, vu que j'ai aussi bien senti mon releveur, avec une bien plus courte distance, alors sur l'UTMB... Chapeau et bon rétablissement!

Commentaire de Fimbur posté le 20-09-2014 à 22:22:14

Bravo à toi pour ta course,
ce sont des très bons souvenirs que de s'être retrouvé à Vallorcine.
Tu m'as scotché à la Tête aux vents, tu étais si facile à la montée.
Sans le releveur, t'aurais réalisé un temps canon

Bonne récup (la tendinite est toujours bien présente pour moi)

Commentaire de sapi74 posté le 21-09-2014 à 16:54:29

merci j'étais persuadé que tu allais me rattraper avant la flégère ou dans la descente après vu la vitesse ou j'allais. puis après il faut avouer que je t'ai un peut oublier avec l'émotion de l'arrivée jusqu'à ce que je vois ta femme sur le ligne d'arrivée qui ma dit que tu avais bien également. félicitation a toi. un jour on se verras plus de 5 mn sur une course c'est promis.

pour moi la tendinite commence à allez mieux depuis 2 jours j'ai même fait 2h de vtt hier mais je sens que ce n'est pas loin de revenir si je force trop.

Commentaire de Bérénice posté le 29-09-2014 à 20:35:48

Un seul mot: impressionnant !
Bravo pour l'exploit et le récit si vivant. Je t'avais suivi sur le site même sans te connaître et j'etais contente de te voir passer les étapes les unes après les autres.
Je ne peux aussi m'empêcher de m'interroger: pourquoi faire des trails qui provoquent autant de souffrance ? Je comprends la motivation mais je me dis aussi qu'il y a une certaine dose de folie !
Bonne continuation et garde ton énergie !

Commentaire de sapi74 posté le 29-09-2014 à 21:38:34

merci a toi, quand tous ce passe bien c'est vraiment jouissif d'avoir ce sentiment de dominer son sujet, après quand ça se passe moins bien je trouve la motivation dans le dépassement de moi même de me dire que je suis capable de le faire malgré tout.
mais oui tu a raison sans un peut de folie on ne ferais pas cela.

Commentaire de AldeBleau posté le 21-12-2014 à 10:26:52

Bravo Sapi pour cette belle course, et merci pour ce chouette récit, humble et émouvant...
Et comme dit le philosophe "Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit..."

Commentaire de Bruno Kestemont posté le 25-07-2017 à 15:45:13

Bravo pour cette determination et merci pour ce récit très réaliste et plein de modestie et d'humour. Une belle inspiration pour mon prochain premier UTMB dans ce genre de condition (à la limite de la barrière horaire).

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