Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2011, par Le Petit Prince

L'auteur : Le Petit Prince

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 26/8/2011

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

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Distance : 170km

Objectif : Terminer

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UTMB 2011

Un week-end de fin d’été à Chamonix

(j'ajouterai les images en dessous de chaque commentaire en italique) 

Enfin ! Le jour J est arrivé. Nous sommes aujourd’hui le vendredi 26 août 2011, date de départ du fameux Ultra Trail du Mont Blanc (UTMB), que j’espère boucler ce dernier week-end de vacances en une quarantaine d’heures. Et oui ! Trois années se sont déjà écoulées depuis que ce projet a germé au fond de mon cerveau, en automne 2008, juste après cette belle course à pied que fut pour moi les100 kmde Millau.

 

Je ne peux me l’expliquer mais à chaque fois c’est la même chose : la fin d’une course donne vie à une autre, encore plus longue, encore plus folle, encore plus grandiose. Comme si c’était un éternel recommencement, un besoin continu de dépassement de soi pour découvrir d’autres horizons, pour explorer d’autres limites.

 

Cartographie du parcours :

 

 

Pourquoi cette escalade ? Probablement parce que cela me donne des ailes et décuple aussi bien mes forces physiques que mentales, à tel point que je participe maintenant à des épreuves dix fois plus longues qu’à mes débuts de reprise du sport en 2006.

 

Quelle véritable raison m’a poussé à passer de10 kmà 100 km en course à pied? Quelle folie m’a traversé l’esprit pour finalement faire partie de ces 2 300 coureurs qui se présenteront ce soir sur la ligne de départ de cette course magique du Tour du Mont Blanc, durant laquelle nous devrons parcourir à pied, dans un cadre magnifique, une boucle de166 kmen partant de Chamonix, en passant par l’Italie etla Suisse, tout en grimpant et en descendant9 500 mde dénivelé cumulé ?

Mais maintenant, peu importe la réponse, ou plutôt, les multiples réponses à toutes ces interrogations car l’important aujourd’hui, c’est de se sentir prêt à affronter la montagne et ses nombreux cols s’élevant entre 2 000 et2 500 md’altitude.

 

Trois ans de préparation m’ont permis d’accéder au départ de l’UTMB, après avoir participé à plusieurs courses qualificatives:

 

- 2008 : « SaintéLyon » (1 point), course de nuit d’environ 69km avec un dénivelé

               cumulé de 1 500m, départ minuit de St Etienne, arrivée à Lyon à 8h10

- 2009 : « Endurance Trail des Templiers » (3 points), boucle d’environ 115km avec

                un dénivelé cumulé de 4 500m en passant par le Mont Aigoual, départ 4h

                du matin de Nant en Aveyron, arrivée au cours de la nuit suivante à 1h10

- 2010 : « Transjutrail » (2 points), course de jour d’environ 72km avec un dénivelé

           cumulé de 2 800m dans le Jura, départ 5h du matin de Mouthe,

           arrivée à Lamoura l’après-midi à 14h10

+       « Courmayeur-Champex-Chamonix » (3 points), course d’environ 88km

           avec un dénivelé cumulé de 5 500m, départ 10h15 de Courmayeur en

           Italie, passage à mi course à Champex en Suisse, puis arrivée à Chamonix

           dans la nuit à 4h15

- 2011 : « UTCO » = Ultra Trail de Côte d’Or (2 points), course de jour d’environ

                 90km avec un dénivelé cumulé de 2 000m, départ 4h de Chagny,

            arrivée à Marsannayla Côtel’après-midi à 15h10

 

Profil en long du parcours de l’UTMB :

 

 

Je suis encore à peine réveillé qu’une sonnerie retentit vers 8h00 du matin : je viens de recevoir un message électronique sur mon téléphone portable : « Pour cause de mauvaises conditions météorologiques, le départ prévu à 18h30 est reporté à 23h30 ». La journée va être longue… mais ce sont les aléas de la montagne !

 

Je descends de ma chambre pour aller me décontracter un petit moment dans la piscine de ce charmant hôtel dans lequel je réside à chaque séjour à Chamonix. Après quelques brasses, j’avale tranquillement un copieux petit déjeuner, puis je retourne dans ma chambre pour me remettre au lit afin de dévorer un passionnant roman policier que j’ai hâte de terminer. A midi, je rends mes clés à l’accueil et me dirige au village UTMB. Sur place, je déguste une salade de pâtes au thon, puis quitte le centre-ville pour trouver un endroit calme à l’orée d’un bois. Je m’allonge sur un banc pour une petite sieste bienfaisante à l’issue de laquelle je reprends la lecture de mon polar. Finalement, je pourrais le finir tranquillement cet après-midi grâce au report du départ. Il faut voir le côté positif des choses. Une journée rallongée passée allongé, n’est-elle pas belle la vie ?

 

 

 

Un deuxième message sur mon mobile précise que la dernière grosse montée de « Tête au Vent » est supprimée et que le retour depuis Vallorcine s’effectuera par la vallée. En clair, je comprends que le parcours est écourté de 2 heures environ (d’après mes estimations) et rogné peut-être de 6km. Décidément, cet UTMB 2011 est bien capricieux. C’est bien dommage mais positivons : la course n’est pas réduite de moitié comme l’an dernier, le départ est toujours prévu à 23h30, et 2 heures en moins finalement, c’est toujours ça de moins à faire, surtout qu’en fin de course, l’ascension de « Tête au vent » que j’ai déjà effectuée en 2010 m’avait paru interminable !

 

Tableau détaillé des barrières horaires et du parcours 2011 modifié en cours  de course (169,9km et 9 700m de dénivelé cumulé au lieu de 166km et 9 500m de dénivelé cumulé pour le parcours habituel) :

 

 

Même sans faire grand’ chose, l’après-midi est passé vite. Le temps a tourné, aussi bien autour de la montre qu’en direction du ciel qui devient de plus en plus menaçant. Je retourne à ma voiture pour prendre mon sac à dos et me mettre en tenue, puis je me dépêche de rejoindre le bâtiment réservé au dépôt des affaires de rechange que je pourrai récupérer à mi-course à Courmayeur. Ouf ! Il est temps que j’arrive à l’abri car la pluie commence à tomber. Après un bon dîner pris à la « pasta party », je vais au gymnase et en attendant l’heure du départ, je m’allonge un moment sur un des lits de camp mis à la disposition des coureurs. L’approche du départ fait monter l’excitation et le stress. Il est maintenant 23 heures. Il faut y aller !

Je me dirige au centre-ville sous une pluie battante. Quelle ambiance et que de monde ! Je suis coincé dans la foule et ne peut accéder au sas d’attente de départ totalement occupé par les ultra-traileurs! Me voilà donc contraint de patienter derrière les barrières séparant les coureurs des spectateurs. Tout à coup, le départ est donné ! Les coureurs, au coude à coude, avancent en marchant lentement. Peu à peu, la place se libère et j’escalade une barrière pour accéder à l’aire de début de course. Attention à ne pas chuter ou se fouler la cheville, ce serait vraiment trop idiot ! Plusieurs minutes se sont déjà écoulées lorsque je franchi la ligne de départ. Les choses sérieuses vont enfin pouvoir commencer…

 

Pluie et froid de nuit, conditions idéales, n’est ce pas ?

 

 

   Les huit premiers kilomètres jusqu’aux Houches ne sont pas particulièrement intéressants du point de vue technique (course dans la foule, sur le plat et sur le bitume) mais c’est l’occasion de pouvoir s’échauffer en trottinant tranquillement, et les nombreux spectateurs, qui nous encouragent sans relâche, nous motivent et nous font oublier le froid et l’humidité. L’ambiance est particulièrement sympathique. Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessus, poncho, capuche et sur-pantalon imperméable sont de rigueur pour faire face à cette pluie incessante.

 

            J’entame maintenant, en marchant à l’aide de mes bâtons, une première grimpette de6 kmpour monter 750m plus haut jusqu’au Col de Delevret à 1 776m d’altitude, toujours dans la foule. Durant toute la montée, je ne sais pourquoi, je ne fais que penser à la ligne d’arrivée et à l’immense joie éprouvée lors de son franchissement. J’ai déjà très envie d’y accéder et je me sens envahi par le bonheur que l’on doit éprouver à ce moment là. Ah ! L’euphorie de début de course ! Mais je n’en suis encore pas là et je dois me concentrer sur mes appuis car le sol est très humide.

 

            Une fois le col franchi (il est 1h30 du matin, je suis classé 1 034ème), je dois effectuer, sur un terrain boueux et particulièrement glissant, une longue descente de 7km jusqu’à St Gervais (km 21 / altitude 810m). Cela ressemble plus à du ski de piste avec le célèbre « planté de bâton » d’un débutant maladroit, qu’à de la course à pied. Je sens bien que j’ai perdu beaucoup d’énergie à garder l’équilibre et que le muscle adducteur gauche et le genou droit me lancent quelques petites alertes, mais j’arrive tout de même sans embûche à St Gervais au premier ravitaillement vers 2h40 du matin : cocas, quartiers d’oranges et morceaux de bananes, goûteux fromages de pays et délicieuses charcuteries, soupe au vermicelle, puis café pour terminer. Dix minutes plus tard, requinqué, je repars pour la prochaine étape.

Au cours de celle-ci, la pluie cesse enfin, ce n’est pas trop tôt ! Pratiquement 4h de douche froide dans l’obscurité, ça fait du bien quand ça s’arrête ! A cet endroit, le parcours se résume en un faux-plat montant d’une dizaine de kilomètres jusqu’aux Contamines (km 31 / altitude 1 170m) pour ensuite enchaîner sur la première grande ascension longue de 12km et d’un dénivelé positif de 1 160m jusqu’au Refuge du Col du Bonhomme (km 45 / altitude 2 443m).

 

Lever du jour et traces de neige au Col du Bonhomme

 

 

Au point de passage des Contamines, un contrôle a lieu pour vérifier que chaque coureur possède bien une couverture de survie et un sifflet. En effet, par mesure de sécurité évidente, nous devons être équipés de tout le matériel obligatoire prévu par le règlement de la course. Avant le départ de la course, lors du retrait des dossards, un contrôle strict a déjà été réalisé auprès de tous les participants de l’UTMB et le sac à dos a été marqué car on doit le porter du départ jusqu’à l’arrivée. Une petite heure a été nécessaire pour passer à chaque stand de contrôle afin de présenter tous les accessoires obligatoires suivants :

-          un téléphone mobile

-          un gobelet de 15 cl

-          une réserve d’eau de 1litre minimum

-          deux lampes et un jeu de piles de rechange

-          une couverture de survie et un sifflet

-          une bande élastique

-          une réserve alimentaire (barres énergétiques)

-          une veste à capuche imperméable et « respirante »

-          un pantalon long ou des collants longs de course à pied

-          un maillot chaud à manches longues

-          une paire de gants chauds et imperméables

-          un bonnet

-          un sur pantalon imperméable

-          une casquette ou bandana ou buff

D’autres contrôles pendant course auront lieu pour présenter le téléphone portable et le marquage du sac à dos, ou les 2 lampes frontales et les piles de rechange, etc.  Mais revenons à nos moutons…

 

 

J’aborde la première moitié de la montée du Col du Bonhomme d’un pas rapide et assuré. Je double beaucoup de concurrents, tandis que je lève le pied dans la deuxième moitié pour reprendre mon souffle. Les « petits bobos » dans les jambes me rappellent à l’ordre de temps en temps mais j’essaie de ne pas trop y penser. Je me refais alors doubler par quelques concurrents de tout à l’heure et j’essaie tant bien que mal de me raccrocher aux wagons pour garder le rythme.

 

Le soleil se lève petit à petit. Au sommet du col, il est 7h30 et je suis 869ème. Je range ma lampe frontale. Quel bonheur de retrouver la lumière du jour ! J’ai l’impression de me réveiller après une « bonne » nuit de sommeil !

 

A la vue des traces de neige au sol, la nuit a dû être mouvementée. L’organisation a vu juste : si nous étions partie à 18h30, nous nous serions tous retrouvés dans la nuit en pleine tempête de neige à cet endroit là. J’imagine que les premiers ont dû tout de même rencontrer de sérieuses difficultés…

 

Vue sur les montagnes enneigées depuis le Col du Bonhomme (altitude 2 443m)

 

 

            Et maintenant, il faut redescendre pendant5 kmjusqu’aux Chapieux (km 50, altitude 1 549m), 900m plus bas. Monter, descendre, monter, descendre ces montagnes européennes aux allures de montagnes russes… Cela peut paraître absurde, comme le sort réservé à Sisyphe. Mais paradoxalement, je me sens heureux et libre comme l’air. Je dévale maintenant les flancs de la montagne à un rythme plus soutenu. Je ressens de très bonnes sensations dans la première partie de la descente, et de moins bonnes dans la deuxième partie durant laquelle je ralentis nettement. C’est un peu le même schéma que dans la montée précédente : début rapide, fin moins rapide. Mais comment doser correctement son effort sur ce terrain de jeu, sinon avec une préparation sur place pour appréhender correctement ces conditions extrêmes de dénivelé cumulé? Ma Bourgogne offre aussi de belles combes, mais les dénivelés n’ont évidemment rien de comparables. Et c’est sur ces réflexions que j’arrive à point au ravitaillement des Chapieux (il est 8h15) pour prendre un copieux petit déjeuner : cocas, quartiers d’oranges et morceaux de bananes, goûteux fromages de pays et délicieuses charcuteries, soupe au vermicelle, puis café pour terminer.

 

 

 

Après avoir quitté poncho et sur-pantalon, je rempli mon réservoir de boisson énergisante et mes poches de barres énergétiques, puis je reprends tranquillement mon petit bonhomme de chemin. J’ai à ce moment là environ 2h30 d’avance sur la barrière horaire, une avance rassurante.

 

 

Pâturages et brumes matinales après le ravitaillement des Chapieux

 

 

           

Et c’est reparti pour une autre ascension longue de 10 km avec un dénivelé positif de 1 000 m: celle du Col dela Seigne(km 60, altitude 2 516m).

 

Je cours sous le regard attentif des paisibles vaches qui improvisent à mon intention une harmonieuse symphonie de clarines qui n’en finissent pas de résonner au fond de cette vaste vallée, au plus grand plaisir de mon ouïe particulièrement sensible à l’aube de cette nouvelle journée. Cette mélodie matinale est tout de même plus agréable que la sonnerie de mon réveil ! Mais je dois malheureusement quitter cet endroit reposant pour monter sur la droite un sentier en lacets.

 

Avant la montée proprement dite, il me faut franchir un ruisseau qui a dû fortement déborder cette nuit car, de part et d’autre du chemin, il me faut slalomer entre les nombreuses flaques d’eau que j’arrive tant bien que mal à éviter, sauf la dernière bien évidemment, dans laquelle je pose franchement le pied gauche!

 

Lors de la montée, le vent commence peu à peu à se lever et le ciel à s’assombrir complètement. Quelques flocons apparaissent, de plus en plus nombreux. Je respire difficilement et me sens faiblir. J’éprouve une sensation désagréable de malaise. Il faut malgré tout se ressaisir, il ne s’agit pas de flancher. Tout doucement, au pas à pas, je me rapproche du sommet franco-italien en respirant profondément « en 1 temps » (un pas = une inspiration, l’autre pas = une expiration) pour compenser au maximum le manque d’oxygène en ce milieu hostile.

 

 

 

 

Arrivé tout en haut (il est 10h30 et je suis classé 736ème), derrière moi, la vue est complètement bouchée et le vent est très violent. Je tire mon chapeau aux bénévoles présents pendant des heures, dans des conditions très difficiles, pour assurer la sécurité et l’enregistrement du passage des coureurs.

 

J’aborde maintenant le côté descendant de la montagne, protégé du vent et de la neige. Quel soulagement ! Les changements brusques des conditions climatiques sont impressionnants. Quelques centaines de mètres en dessous du col, et c’est déjà le calme après la tempête ! Maintenant que mon attention n’est plus focalisée sur les éléments extérieurs, je ressens la fatigue, et les douleurs bénignes dans les jambes se sont inversées : adducteur droit, genoux gauche. L’équilibre est respecté ! Par contre, plus embêtant, je ressens une ampoule au pied gauche. Aïe aïe aïe !

 

 

Ascension du Col de la Seigne sous la neige (altitude 2 516m)

 

 

 

Ça tombe bien, j’arrive en bas de la descente au ravitaillement du lac Combal (Km 65 / altitude 1 970m / il est 11h10) où se trouve un poste de soins dans une toile de tente chauffée. Je m’y arrête. Je fais sécher mes vêtements et je m’allonge sur un lit de camp pendant qu’une sympathique soignante m’applique de l’éosine et de la crème sur les pieds. Le gauche est plein de vilaines crevasses, mais l’ampoule, déjà percée, est insignifiante. J’essaie de dormir un peu mais je n’y parviens pas.

 

Une petite demi-heure plus tard, je reprends mes vêtements bien secs, et je repars avec des pieds tout neufs au poste de ravitaillement pour prendre le déjeuner dont vous connaissez maintenant la composition. Etonnant non ? Et c’est pourtant la vérité : je n’ai plus de réflexion pour savoir quoi manger, c’est devenu un besoin et un automatisme incontournable. Que ce soit le matin, le midi ou le soir, chaque repas reste à peu près le même, au niveau du contenu comme au niveau de la quantité.

 

 

 

 

 

 

Lorsque je repars, il est midi et je suis alors 1 045ème. Je me suis arrêté pratiquement une heure et j’ai perdu plus de trois cents places au classement général ! Mais je n’ai pu faire autrement. Mon erreur est d’avoir continué à courir dans une chaussette mouillée après franchissement de ces satanées flaques d’eau alors que, pour éviter ces problèmes de pied, seulement deux minutes m’auraient suffi pour enfiler une paire sèche de rechange que j’ai dans mon sac à dos ! Je le sais pourtant mais la flemme est parfois plus forte que la raison !

 

Après la pluie, le beau temps, sous le soleil d’Italie

 

 

Même sans dormir, la position allongée m’a fait le plus grand bien. Je me sens léger et jovial. Le soleil est maintenant présent et la température est douce. Un vrai bonheur que je savoure kilomètre par kilomètre. Oubliées les petites douleurs musculaires, la nuit blanche, et la fatigue générale. Je profite de cet état de grâce durant toute cette magnifique ascension du Mont Favre qui offre de magnifiques vues sur des paysages à couper le souffle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ascension du Mont Favre

 

 

 

 

Ascension du Mont Favre, vue de derrière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Glaces Italiennes

 

 

 

 

Le Mont Blanc a mis son chapeau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vallée vue depuis l’arête du Mont Favre (km 69, altitude 2 435m, 13h20, 1 024ème)

 

 

 

Et depuis le Mont Favre, j’entreprends la descente jusqu’à Courmayeur, non sans oublier de me restaurer au refuge ci-dessous où une délicieuse polenta est proposée. Quel plaisir de goûter àla Dolce Vitaà l’Italienne. Après une micro-sieste de 5 minutes dans l’herbe, je repars pour ma course folle.

 

 

Ravitaillement à l’Italienne au Col Chécrouit (km 73, altitude 1 956m, 14h05, 1 049ème)

 

 

 

 

 

En bas, la ville de Courmayeur  (km 78, altitude 1 200m)

 

 

 

Dans la descente de Courmayeur, je commence à éprouver de sérieuses difficultés à dérouler correctement les jambes. Mais je fais abstraction de cette faiblesse et je continue sans fléchir, car c’est à cette prochaine étape que j’ai prévu de me reposer sérieusement.

 

 

Montagnes italiennes

 

 

 

 

Enfin, j’arrive péniblement à Courmayeur, où de nombreux spectateurs nous accueillent chaleureusement sous un tonnerre d’applaudissements et par des paroles d’encouragement. Cela met du baume au cœur, mais mon périple est loin d’être terminé. Il est 15h15 et je suis 1 115ème au Km 78. Je me sens vraiment fatigué mais je suis soulagé d’avoir déjà parcouru cette première moitié de parcours que je ne connaissais pas du tout, où alors seulement « sur le papier ». J’avais prévu d’arriver ici même vers 16h30 sur ma feuille de route. Je me demande si je n’ai pas abordé cette partie un peu trop « rapidement » lors de la descente glissante vers St Gervais et lors du franchissement du Col du Bonhomme. Mais finalement, j’ai maintenu une avance de 2h30 sur la barrière horaire malgré mon arrêt forcé au Lac Combal. Je connais en grande partie la deuxième moitié de l’itinéraire que j’ai déjà parcouru l’an dernier (sauf que j’étais « frais » au départ de Courmayeur) et je suis partagé : rassuré car je ne me dirige pas en terrain inconnu, mais avec de sérieux doutes sur la suite car je suis épuisé et je sais que ce qui m’attends n’est pas du gâteau ! J’apprends par d’autres concurrents que le parcours est encore modifié : nous passerons par Martigny. Je ne connais plus que la première moitié de la deuxième partie. Je suis légèrement inquiet, même si les barrières horaires me semblent moins serrées. Je dois manger pour reprendre des forces et m’allonger pour dormir un peu. Mais je n’arrive même pas à somnoler. Après trois quarts d’heure d’arrêt, je me suis tout de même reposé. Il est 16h00 lorsque je poursuis ma route.

 

A la sortie de la ville, je m’aperçois que j’ai oublié de faire le plein de ma poche à eau. Quelle erreur ! La fatigue m’a fait perdre de la lucidité au ravitaillement de Courmayeur. Mais par chance, je passe juste à côté d’une fontaine. Ouf ! Mon besoin hydrique est satisfait immédiatement.

 

J’effectue la montée jusqu’aux refuges Bertone (km 82, altitude 1 989m, je suis 1 024ème), puis Bonatti (km 90, altitude 2 000m, je suis 1 001ème), sans grande difficulté (je suis meilleur « grimpeur » que « descendeur ») et dans de bonnes conditions car le soleil est toujours au rendez-vous et la température est agréable à 2 000m d’altitude. En revanche, la descente sur Arnuva me pose beaucoup plus de soucis. J’ai mal au tibia de la jambe gauche. Il faut trouver, en fonction de l’inclinaison de la pente, la position du corps et la vitesse de course qui entrainent le moins de douleurs, et il faut souvent se forcer à accélérer légèrement car se n’est pas en évoluant plus lentement que j’ai moins mal en descente. Plus facile à dire qu’à faire en relief particulièrement accidenté !

 

J’arrive à Arnuva (km 95, altitude 1 769m, je suis 1 032ème) vers 20h30. On nous annonce zéro degré et des vents violents au grand col Ferret. Je me change en conséquence avant d’attaquer cette ascension très raide d’un dénivelé positif de 770m sur 4km, ce qui correspond à une rampe moyenne de 18%! La nuit tombe et je « tape maintenant dans la butte ». Dur dur ! Je pensai que je ne ressentirai pas de douleur en montée grâce aux bâtons, mais je crois que j’ai encore plus mal que dans la descente précédente ! J’essaie différents appuis pour le pied gauche, côté intérieur, extérieur, pointe, talon, sans pour autant soulager mon mal au tibia. Pourtant, je n’ai aucune inquiétude. Au contraire, je ressens une intense motivation et une euphorie grandissante grâce à laquelle j’avance au même rythme que tout un groupe de participants, dans le seul but de me rapprocher inexorablement du sommet, frontière entre l’Italie et la Suisse.Quede barres énergétiques j’avale durant cette mémorable étape ! Au grand col Ferret ((km 99, altitude 2 537m, je suis 978ème, il est 22h30), une équipe de secours est en poste. J’en profite pour demander des soins. On me fait entrer dans une petite camionnette aménagée et chauffée. Un médecin m’examine. C’est une tendinite. Il me fait un strapping  à la cheville gauche et me donne 2 cachets de paracétamol pour diminuer la douleur au tibia. Encore merci à cette équipe médicale.

 Je repars dans la nuit froide pour une longue descente de 11km. Je parviens à la négocier sans trop de souffrance, en retrouvant le plaisir de dévaler les chemins balisés de repères fluorescents.

 

Au point de ravitaillement suisse de La Fouly(km 110, altitude 1 598m, je suis 1 045ème, il est 1h30), je m’attarde juste le temps de m’alimenter et de m’hydrater, puis je continue encore et encore ma route. La nuit commence à devenir longue. Et je me surprends souvent de voir au loin, dans l’obscurité, sur le bord du chemin, un curieux animal tapi ou une créature fantastique ; et au fur et à mesure que je m’en rapproche, ce ne sont que les contours d’un rocher, d’un buisson ou d’un arbuste. Comme une sorte d’étonnantes hallucinations ou de rêves « cauchemardesques ». Délirium trémens ? Il n’y avait pourtant pas de gnôle dans ma gourde ! Vite, il est temps que je retrouve un groupe de coureurs. La solitude nocturne ne me convient pas du tout. Après ces étranges interprétations des ombres environnantes, me voici maintenant confronté à une bagarre épouvantable : la lutte contre le sommeil. J’aurai dû m’astreindre à m’allonger au moins une petite heure àLa Fouly! Mais je n’ai pas envie de m’arrêter maintenant en pleine nuit à même le sol, enveloppé dans ma couverture de survie. Alors je résiste et je prends mon mal en patience. Je n’ai jamais été confronté à pareille épreuve. Continuer à avancer, malgré une envie infernale de dormir, jusqu’à ce que le cycle de sommeil soit passé.

 

Promenade matinale. Après Champex et La Fouly, la foulée n’est plus ce qu’elle était

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Champex, (km 124, altitude 1 477m, il est 5h00, je suis 809ème), je m’accorde une « bonne nuit » de 15 minutes, assis, le visage enfoui dans le creux du bras posé sur une table. Je réalise que j’ai parcouru les trois quarts du circuit et qu’il ne me reste « plus » qu’environ 42km, soit un maratrail, pour terminer mon périple. Je repars en courant le long du lac, observant les reflets moirés de la surface et écoutant le clapotis de l’eau contre la berge. L’atmosphère est particulièrement calme à ce moment où la nuit laissera tranquillement la place à un autre jour…

Le soleil est au rendez-vous en cette nouvelle journée, et c’est particulièrement bon pour le moral. D’autant plus qu’il m’en faut encore car les chemins descendants que je dois emprunter jusqu’à Martigny sont tracés dans la pente la plus raide, traversant régulièrement les lacets de la route menant à cette bourgade. Mes bâtons me sont d’une grande utilité pour amortir les chocs. Mais lorsque je vois les quelques descendeurs me doubler à une allure deux fois plus rapide que la mienne, c’est un peu rageant. Et oui ! Je préfère mille fois grimper que descendre, à cause de cette fichue tendinite !

A Martigny (km 137, altitude 499m, il est 9h00, je suis 710ème), je traverse le bourg encore endormi en ce dimanche matin. Après une boucle effectuée autour d’une petite vigne à flanc de coteau, je redescends de l’autre côté du village et, comme pour les chemins d’entrée, les sentiers de sortie sont aussi tracés dans la plus forte rampe. Ces allers-retours en boucle, et en montées – descentes, commencent à m’irriter sérieusement. D’autant plus que je m’aperçois que je suis obligé de faire demi-tour car j’ai encore une fois de plus oublié de remplir ma réserve d’eau alors qu’il fait de plus en plus chaud et que je suis en bas d’une longue montée. Je sollicite un habitant du village qui me donne deux bouteilles d’eau minérale et me propose du coca. Un grand merci à lui et à ses nombreux compatriotes qui, tout au long de la traversée de la partie suisse du parcours, proposent gracieusement boissons et friandises aux coureurs, entre les ravitaillements de l’organisation de l’UTMB.

 

Dans la montée de Martigny

 

 

Que dire de cette ascension que l’on pourrait nommer « kilomètre vertical » ? Un dénivelé positif important (1 000m ?) sur un sentier sans lacets ni paliers sous le soleil qui commence à chauffer de plus en plus. C’est là que le mental m’a fait défaut et que le dégoût et la colère ont pris le dessus. Jamais plus de périple comme celui-ci ! Pourquoi ce dénivelé si important à cet instant? C’est dans cet état d’esprit que je continue tout de même à monter, non sans quelques pauses. Le découragement commence à me quitter peu à peu, car à force de patience, j’atteins tout de même le sommet de cette épouvantable grimpette sous un soleil de plomb.

Après un court arrêt pour reprendre mon souffle, je repars tranquillement en compagnie d’un coureur espagnol parlant parfaitement le français. Sa bonne humeur est communicative et nous nous encourageons mutuellement, malgré les douleurs que nous ressentons au niveau des quadriceps, pour effectuer la descente sur Trient (km 145, altitude 1 300m, je suis 764ème) où nous arrivons vers midi, toujours avec environ 2h30 d’avance sur la barrière horaire.

 

Il faut maintenant entamer la montée sur Catogne. C’est au cours de cette ascension que je me suis relâché totalement durant de multiples micro-siestes, et que je me suis mis dans la peau d’un promeneur ayant conscience de la chance qu’il a de pouvoir profiter de cette belle journée et de ces paysages superbes. Tant pis si de nombreux coureurs passent leur chemin devant moi. Une fois Catogne atteint (km150, altitude 2 027m, 14h30, je suis 881ème), je ne me pose plus de question, de plus en plus près du but. Même si c’est très dur physiquement, même si je ne peux plus courir comme je le voudrais lors de la descente sur Vallorcine, un seul mot d’ordre : ARRIVER.

A Vallorcine (km 155, altitude 1 260m, 15h45, je suis 883ème), je reprends du paracétamol, et après un bon goûter, j’entreprends la dernière partie. Une petite montée jusqu’au col des Montets (km 157, altitude 1 461m), une petite descente jusqu’à la rivière qui coule vers Chamonix, et c’est la « dernière ligne droite », sur le plat, enfin ! Mais je ne veux plus courir pour avancer. Il me reste donc environ 3h30 de marche. Une éternité ! Alors j’essaie de trottiner, puis de courir. Je ne ressens plus aucune douleur. Je maintiens une allure que je ne croyais plus pouvoir retrouver. Et cela me donne une force mentale inespérée.

 

Catogne ? ou Col des Montets ?

 

 

Quelle joie de retrouver la sensation et le plaisir de la vitesse (relative certes) juste avant de terminer cette course!  Tout le plaisir du trail retrouvé en fin de parcours après avoir traversé toutes ces épreuves : la pluie et le froid dans la nuit, la neige et la tempête, la douleur et l’épuisement, le doute et le découragement. Une force insoupçonnée m’envahit et je cours sur les derniers sentiers comme un fou, surexcité à l’approche du but. Après l’entrée à Chamonix, sous les acclamations de la foule, le franchissement de cette ligne d’arrivée tant attendue est un pur moment de bonheur ! Cette course restera pour moi une aventure extraordinaire que je ne serai pas prêt d’oublier. Un rêve devenu réalité !

 

Arrivée à Chamonix à 18h22 au bout de 42h53’43’’ d’épreuve,

Je suis classé 758ème sur 2 300 partants et 1 133 arrivants 

 

3 commentaires

Commentaire de fulgurex posté le 15-05-2012 à 15:55:54

AH! depuis le temps que j'attendais que tu viennes le mettre ici ce CR...
je te remercie de n'avoir pas écrit que le plus dur de ta préparation était la Sainté où tu m'as supporté pendant 8h10... ;o)
Mais surtout, je te remercie de m'avoir projeté dans cette aventure "Trail" en 2008 pour faire cet UTMB. Sauf qu'aujourd'hui, je ne l'ai pas encore bouclé, moi...
Mais, tu me connais, j'irai un jour pour faire 42h53'42" ;o))

Commentaire de Jean-Phi posté le 15-05-2012 à 16:18:35

Merci pour ce chouette CR !

Commentaire de intuitiv posté le 15-05-2012 à 18:05:59

Classe ! grosse classe !!

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