Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2007, par aximus

L'auteur : aximus

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 24/8/2007

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1680 vues

Distance : 163km

Objectif : Pas d'objectif

1 commentaire

Partager :

273 autres récits :

UTMB 2007

Jeudi 23 août :


En voiture vers Chamonix :

Venant du Sud, nous approchons la vallée de Chamonix par le Val d'Arly et Megève. Cet itinéraire nous permet de traverser Saint Gervais qui est une nouvelle étape du parcours de l'UTMB. Je guette les panneaux routiers pour me donner quelques notions des distances et du profil. Je ne trouve qu'une indication vers Notre Dame de la Gorge à plus de 10km. La remontée de la vallée des Contamines promet d'être longue.

J'ai laissé le volant à Lydie avant Grenoble pour dormir un peu et essayer de diminuer le niveau d'énervement inhérent à l'attention que demande la conduite. La méthode paie, je m'endors à Grenoble et ne me réveille qu'après Montmélian. Les enfants jouent le jeu et restent tranquilles. J'espère ainsi récupérer des mes récents déplacement professionnels qui ne m'ont pas particulièrement reposés. Les derniers apéritifs entre copains n'ont pas non plus favorisés ma préparation.

En dépassant Le Fayet, nous nous enfonçons dans la vallée de Chamonix, je cherche le château Saint-Michel dont parle Victor Hugo dans le dernier recueil que j'ai lu sur le Mont-Blanc mais je n'arrive pas à le retrouver. Il faudra revenir avec plus de temps et une carte.


Arrivée à Chamonix :

Nous rejoignons le quartier des Pélerins un peu au sud du village et notre gîte.

Jérôme, avec qui je vais courir, Viviane et les trois enfants sont déjà là. Il est 18h30. Nous découvrons notre dortoir et les lits superposés qui nous ont été assignés. Je choisis le plus isolé en bas et derrière un placard pour favoriser ma tranquillité et celle des autres.

Je me renseigne sur le repas du soir. Jérôme a changé le menu. De fondue bourguignonne on est passé à un plat à base de riz comme les stages « Raid-Light ». On part sur de bonnes bases !

Nous contactons Cyrille C. et passons au chalet lui dire bonjour. Il s'est inscrit au CCC et sa préparation me semble bien légère…Mais il est motivé et confiant. On verra bien.

Nous remontons tous au gîte et passons à table. Nous dégustons un plat Coréen et finissons en grande partie les assiettes des enfants. Est-ce le stress qui nous donne cet appétit ? Cyrille C. et Jérôme me refusent une bière et même du rouge ! J'accepte, le sacrifice est à la hauteur de l'enjeu.

On couche les enfants et je suis directement le mouvement. Je ne sais pas comment je vais réagir au manque de sommeil du week-end. Je tente donc de prendre des provisions. Jérôme déguste une tisane avec les filles et nous rejoint.


Vendredi 24 août


Préliminaires :

La nuit s'est bien passée. J'ai essayé d'en profiter au maximum. Le stress gâche souvent la nuit d'avant course. Mais là ce n'est pas le cas. Est-ce parce que le départ n'est qu'en fin d'après-midi ?

Je me réveille en entendant Cyrille C. qui part au CCC. Le temps de sortir et il a disparu. Il lui manquait des épingles à nourrice pour son dossard. Je pense que la solidarité entre « trailleurs » compensera mon atonie du matin.

Nous prenons un bon petit déjeuner « continental » et passons à la préparation des sacs.

La partie est compliquée par le fait que nous devons préparer trois sacs : le sac à porter sur soi avec son matériel obligatoire et les sacs à retrouver aux ravitaillements de Coumayeur et de Champex.

Que faut-il emporter en plus du matériel obligatoire ? de la nourriture ? Mais les ravitaillements répartis sur le parcours couvriront une grande partie de nos besoins. Des vêtements supplémentaires ? Le météo prévoit un beau week-end mais un ciel dégagé promet des nuits froides. Un complément de pharmacie ? Mes ampoules résiduelles de ma dernière course (6000D) m'engagent à renforcer mon équipement. Nous passons 2 heures avec Jérôme à peser le pour et le contre et à vérifier que nous n'avons rien oublié. Les sacs prêts, nous partons pour Chamonix.

Nous craignons la cohue mais Cyrille C. nous indique un parking dans lequel nous trouvons facilement des places. Nous retirons nos dossards et faisons valider le matériel obligatoire.

Nous partons faire des emplettes dans les magasins de sport. Je trouve une fourrure légère pour remplacer ma carline des années 80 bleu et rose fuchsia puis une casquette aérée.

Nous terminons la préparation des sacs « intermédiaires » et partons les remettre à l'organisation mais trop tard, le local est fermé. Nous le ferons juste avant le départ.

Nous retournons au gîte pour préparer les pâtes. Je mets à chauffer deux casseroles et demande aux femmes si je peux aller me reposer pendant qu'elles les font cuire. Je m'assoupis à peine et me lève pour retrouver les enfants rassasiés et l'eau pour les pâtes des coureurs à peine tiède. Après examen et l'aide du gardien du gîte, nous trouvons le bon fusible et les choses rentrent dans l'ordre. Nous mangeons et retournons faire la sieste. J'arrive à m'endormir, mais Jérôme ne le pourra pas. Je suis satisfait de mon absence de stress.


Préparatifs :

Vers 16h, nous émergeons et nous nous préparons à partir en tenue de coureur. Comme le départ sera donné en fin d'après midi, nous partons en tenue de nuit : T-shirt et collant long. Nous ne mettons pas de crème solaire, ce qui s'avérera une petite erreur ayant été trop optimistes sur notre heure d'arrivée à Courmayeur.

Nous remplissons la poche à eau. Nous avons décidé de ne pas jouer à minimiser le remplissage. Ce sera sûrement un peu plus lourd, mais nous ne manquerons (presque) jamais d'eau.

Nous préparons nos pieds à la crème NOK. J'hésite à straper mon talon gauche. La peau est encore tendre depuis ma grosse ampoule contractée à la 6000D fin juillet. Je décide de prendre une réserve plus importante d'Elastoplast au cas où… J'enfile mes chaussures « Montrail » qui ne sont plus dans un état très brillant mais qui ne m'ont jamais donné de soucis. Elles sont un peu lourdes, mais suffisamment rigides et surtout très accrocheuses. L'adhérence sur le calcaire de la Sainte Victoire est fabuleuse. On verra bien sur la boue du Mont-Blanc. Je les préfère aux Lafuma qui m'ont ôté un talon ! Ces dernières rejoindront le sac de Champex. Elles serviront si j'atteins ce point et si les Montrail donnent des signes de faiblesse.

Je pense à Cyrille C. qui crapahute déjà depuis 4 heures. J'espère qu'il en garde sous la semelle.


Avant le Départ :

Nous partons pour Chamonix. Les femmes nous amènent en voiture avec les enfants. Le centre ville est de plus en plus dense, nous ne pouvons nous garer à l'endroit prévu. Nous quittons nos proches qui vont chercher une place ailleurs et avec un petit pincement de coeur rejoignons le Gymnase de l'ENSA pour déposer les sacs.

Juste devant l'entrée, j'ai la surprise de rencontrer Cyril B. qui assure la couverture photo de l'événement. J'avais vu son nom sur le Road Book, mais je ne savais pas s'il rempilait cette année. Son beau T-Shirt vert de l'organisation répond de lui-même. Nous échangeons quelques remarques enjouées en comparant l'effort physique d'un tour du Mont-Blanc en voiture ou à pied, sur la difficulté de monter dans un bus… Enfin on rigole bien. Ca laisse le temps à nos proches de nous rejoindre. Nous allons poser nos sacs dans le gymnase. J'admire les voies d'escalade du lieu, mais je reviens vite à ma préoccupation première, l'escalade, ça sera pour une autre fois.

Nous partons tous pour le départ. Cyril B. indique aux femmes la direction de l'office du tourisme pour retirer les Pass de bus. Nous décidons avec Jérôme de nous arrêter juste avant l'église pour guetter les copains. Nous retrouvons Michel P. et ses amis du Speedy Club d'Aix-en-Provence. Je les salue avec grand plaisir. Au cours d'un apéritif Post Escalade en octobre 2006, Michel m'a convaincu que l'UTMB était un objectif possible, jusque là, il me semblait réservé à une élite. A cette date, j'ai décidé de commencer ma préparation pour l'UTMB et je me suis immergé dans la lecture des récits des précédentes éditions et dans l'entraînement. Aujourd'hui, on y est. C'est une première pour moi, une revanche pour lui. Il s'était arrêté à la Fouly l'année dernière en n'ayant plus la motivation pour continuer. Il m'annonce qu'il s'est bien préparé ces dernières semaines avec des dizaines de milliers de mètres de dénivelé à la clef. Pour ma part j'ai tout arrêté après la 6000D, donc depuis 4 semaines. On verra bien.

Nous les laissons s'avancer. Jérôme et moi nous éloignons un peu de la foule pour rejoindre l'église et sa pelouse si attirante. Nous assistons au briefing de course de cet endroit non sans nous demander si une petite prière dans ce lieux ne serait pas salutaire… J'en profite pour m'occuper d'une petite fille qui s'est coincée entre un arbre et le mur de l'église, elle a eu peur et ne s'approchera plus de ce piège.

A cinq minutes du départ, nous nous levons et rejoignons la foule composée de coureurs et d'accompagnateurs. Nos familles sont parties pour nous retrouver à Saint-Gervais.

Nous échangeons encore quelques blagues vaseuses. Le niveau baisse, les coureurs alentour n'ont plus trop envie de rire.


Chamonix - Les Houches (distance à parcourir : 8km)

Le départ est donné à 18h30 et, comme le veut la tradition, sur la musique de Vangélis. Ca me rappelle le départ de la course des Templiers à Nans, à 5 heures du matin. Un départ en montagne en fin d'après-midi fait moins sérieux. Nous descendons les marches puis atteignons doucement la ligne de départ. Nous ne sommes pas pressés, la route sera longue. Il faut un peu de temps pour écluser les 2200 coureurs qui nous précèdent. Je recroise Michel et lui souhaitant une bonne course et je retrouve Françoise et Antranick P. Ce dernier est aussi un peu responsable de ma présence sur l'UTMB. C'est lui qui m'avait convaincu de venir courir en montagne à Serre-Chevalier, la première fois. Le virus ne m'a ensuite plus quitté.

Je leur souhaite aussi bon courage et profite du moment. Je tape les mains des enfants massés derrière les barrières et remercie les adultes pour leurs encouragements. Nous trottinons puis marchons en fonction de la largeur des rues traversées puis l'horizon se dégage et nous commençons à prendre le rythme de la course. L'hélicoptère nous poursuit et nous faisons de grands gestes en prenant garde à ne blesser personne avec les bâtons.

Nous courons en faisant attention à ne pas accélérer, nous sommes bien.


Les Houches - Saint Gervais (heure d’arrivée : 22h. Distance parcourue : 21km)

Sur cette portion commencent les premières montées. Nous devons rejoindre la croix de la Charme. La montée est agréable, nous admirons le point de vue sur l'Aiguille du Midi. Nous surveillons notre rythme pour ne pas accélérer.

Au cours de la montée, Antranick nous dépasse. Il acquiesce quand je lui demande si on est au bon rythme. Nous longeons une piste de ski et rejoignons un col que nous laissons sur la gauche. Nous commençons à identifier des groupes que nous rencontrerons encore plus tard comme ceux en sacs à dos « eastpac », on les croirait sortis du collège. La lune se lève. A la Croix nous passons le contrôle et décidons de nous arrêter pour ranger les lunettes et sortir la frontale. Il fait chaud, nous restons en T-Shirt et sans gants. Nous entamons la descente en courant. A ce moment-là, je pose le pied gauche sur une ornière et me tord la cheville. Je la sens encore quelques minutes puis la gêne disparaît. La pente s'accentue, elle suit une piste de ski légèrement glissante. Nous doublons quelques concurrents avec Jérôme. Nous sommes à l'aise sur ce type de terrain, notre expérience en montagne nous aidant à ces moments-là. Nous courons pendant quelques minutes à la hauteur d'un vétéran qui s'aide d'un bâton ferré qu'il laisse dépasser sur le côté. Je me concentre pour ne pas le recevoir dans les jambes, je trouve ça dangereux. Nous continuons vers Saint-Gervais en rejoignant une route. Jérôme ramasse une trousse à pharmacie. Comme nous sommes en train de doubler, il en profite pour demander si ça appartient à quelqu'un, mais sans succès. Tous le remercient sauf évidemment un abruti de service qui se plaint qu'on le dérange. Il faut de tout pour faire un trail. Je dis à Jérôme de laisser glisser, la trousse ira rejoindre la poubelle au ravitaillement.

Nous arrivons à Saint-Gervais à 22h après 3h30 de course.

Nous remplissons nos poches à eau, goûtons une soupe et faisons une petite provision de fromage et de Tuc que nous mangerons ensuite en marchant.


Samedi 25 août


Saint Gervais - Les Contamines (heure d’arrivée : 00H. Distance parcourue : 30km)

En partant du ravitaillement, nous courons en ville. Pour traverser la rue nous sommes contraints de prendre une passerelle, de son sommet, nous entendons les enfants nous acclamer. Nous descendons les marches dans l'euphorie, échangeons quelques sourires et nous nous enfonçons dans la nuit.

La suite du parcours se passera sur un sentier en forêt. Nous sommes encore nombreux ce qui nous oblige à nous arrêter quelques fois dans des bouchons. Mon téléphone sonne, je décroche et me trouve en ligne avec l'organisation qui m'annonce que nous n'avons pas été pointés, nous devons nous assurer du pointage aux Contamines. Je remercie et me félicite de ne pas avoir trop plaisanté car j'ai cru tout d'abord à une blague et j'ai cherché à qui pouvait bien appartenir cette voix.

Un peu plus loin, un homme est allongé par terre. Quelques coureurs restent avec lui en attendant les secours. Nous continuons et rejoignons le ravitaillement. Nous commençons à prendre nos marques : soupe pendant que l'on remplit la poche à eau puis quelques provisions pour manger en marchant. Nous avons 45mn d'avance sur la barrière horaire, c'est conforme à nos prévisions, tout va bien.


Les Contamines - La Balme (heure : 2h04. Distance : 38km)

Nous remontons une piste et passons à quelques mètres de Notre Dame de la Gorge. Le bâtiment est éclairé, c'est magnifique. Plusieurs personnes nous encouragent à sa hauteur, nous les remercions.

La piste est composée de grandes plaques de pierres, de boue et de raccords en béton. C'est une voie historique vers le Piémont. Nous croisons un 4x4 qui descend. Un autre blessé ?

Nous entendons au loin de la musique et passons à côté d'un chalet ou nous sommes encouragés par une belle bande de fêtards. La bière semble leur tenir chaud. J'en profite pour iodler avec la chanteuse un refrain.

Nous continuons le sentier et atteignons la Balme et son ravitaillement. Je tente de faire remplir mon bidon de soupe, mais c'est paraît-il interdit. Je bois donc deux bols sur place. Un grand feu est allumé, des coureurs se réchauffent. Un bénévole nous surprend : il annonce la barrière horaire dans 25mn. Nous pensions être plus en avance, nous sommes restés 20 mn au ravitaillement, c'est trop long. D'un coup, la barrière va devenir un souci constant, nous faisant perdre l'insouciance du départ. C'est bien une course.


La Balme - Col de la Croix du bonhomme (heure : 4h12. Distance : 44km)

Nous commençons à entrer en montagne. La piste se transforme en sentier. Le rythme de marche s'installe. Nous montons bercés par les conversations d'une équipe d'italiens, ils parlent perpétuellement. Je cherche à comprendre quelques mots, ça fait passer le temps. Nous franchissons le Col du Bonhomme. Le sentier rejoint ensuite la Croix du Bonhomme par des montées et de petites descentes dans un terrain accidenté. J'en profite pour doubler des coureurs qui ont du mal à optimiser leur trajectoire et qui se bloquent dans tous les passages un peu techniques. A la Croix nous nous arrêtons pour une pause et mangeons un peu. Les trois jeunes en east-pack sont là. Ils ont bien marché.


Col de la Croix du bonhomme - Les Chapieux (heure : 5h20. Distance parcourue : 49km)

Nous passons à côté du refuge et entamons la descente. Nous savons que nous avons à faire à un gros morceau et qu'il faudra l'aborder prudemment.

En effet, nous ne sommes pas déçus. Le sentier est raide, souvent mouillé. Les appuis sur l'herbe et sur les pierres deviennent aléatoires. Nous prenons nos précautions et nous nous retrouvons rapidement au dessus des Chapieux. Nous entendons un groupe de rock, on joue Angie, Honky Tonk Women puis Highway to Hell, nous chantons Angie avec Jérôme. Nous empruntons à ce moment des descentes sur herbe mouillée. Je suis bien, j'accélère, je glisse et tombe sur le côté. Trop confiant je recommence et tombe à nouveau. Je termine plus doucement et entre dans les tentes du ravitaillement.

La tente est surchauffée, je prends un bol de soupe et sort écouter le groupe de rock. Je savoure ces deux minutes de repos, je remercie les musiciens. Je retourne dans la tente pour manger un peu plus. Je croise Antranick qui me confie qu'il n'est plus en grande forme et qu'il n'arrive plus à s'alimenter.

Nous repartons vers le col de la Seigne.


Les Chapieux - Col de la Seigne (heure : 8h42. Distance : 59km)

La montée commence par de la route jusqu'à la Ville des Glaciers. Le jour se lève, nous éteignions les frontales. J'observe en passant la falaise de Séloge à une époque interdite pour cause d'éboulement. Il reste quelques portions où il est interdit de se garer mais l'escalade est autorisée. Nous marchons bien, mais nous nous faisons doubler par quelques coureurs.

Nous empruntons ensuite le sentier qui a été agrandi sur toute une première partie et qui ressemble à présent à une piste. C'est la mode. Nous nous arrêtons avec Jérôme un peu avant le col pour ranger notre frontale et nous équiper de nos lunettes et de nos casquettes. Je reprends la marche d'un pas un peu plus vif et il me rejoint rapidement au col de la Seigne. Nous mangeons une barre en admirant le versant Suisse du Mont-Blanc. Antranick arrive, il n'est pas plus en forme que tout à l'heure, il va manger un peu et attendre Françoise. Je remarque aussi la présence d'un des jeunes du groupe « eastpack », le trio s'est semble-t-il éparpillé.

Nous basculons en Italie.


Col de la Seigne - Refuge Elisabetta (heure d’arrivée : 9h29. Distance parcourue : 63km)

La descente vers le refuge se passe bien. Nous sommes décidément mieux en descente qu'en montée. Nous rattrapons quelques concurrents et courons un peu sur le plat. Nous rejoignons rapidement le ravitaillement. Nous reprenons nos habitudes : soupe, biscuit, remplissage de la poche à eau. Un de mes voisins demande de la soupe dans sa gourde, il ne peut plus boire d'eau sans vomir immédiatement.

Je commence à souffrir du pied gauche, j'ai trop serré la chaussure par peur des ampoules et le dessus du pied est très douloureux sur le plat et en descente.

La barrière horaire est annoncée et après un petit tour aux toilettes, nous partons avec juste 10 mn d'avance. La pression monte. J'en profite pour croiser Françoise qui est étonnée de me voir encore là, elle arrive juste, a passé le contrôle et s'arrête pour manger.


Refuge Elisabetta - Col Chécrouit (heure d’arrivée : 11h54. Distance parcourue : 72km)

Comme l'heure tourne, Jérôme me propose de nous séparer. J'accepte et accélère un peu pour rattraper mon retard. J'arrive à courir le long du lac Combal. C'est agréable de dérouler ainsi, même si les pieds me rappellent ma condition. Je gravis ensuite le Mont Favre et double quelques coureurs. Le moral est au beau fixe, comme le ciel qui commence à me brûler la peau. Je regrette de ne pas avoir pris de tube de crème. J'imagine que c'est encore plus dur pour Jérôme, au teint clair. Je le cherche du regard mais ne le vois pas. Je cours, mange et marche jusqu'au Col Chécrouit.

Je me ravitaille encore en admirant l'énorme serpent blanc avec des tâches rousses qu'une femme a posé au milieu des enfants. J'ai cru à un serpent en plastique mais il bouge ! Est-ce un boa ? Personne ne semble affolé. Je fais de même et demande quelques renseignements sur la descente dont j'ai beaucoup entendu parler dans les forums : ils me confirment qu'elle est raide et pénible. Je repars.


Col Chécrouit - Courmayeur (heure : 12h51. Distance : 77km)

Je suis un sentier sur une piste de ski en plein soleil, puis un autre en forêt beaucoup plus agréable. A l'arrivée à Courmayeur je traverse un jardin d'enfants et des buvettes. Je suis les balises jusqu'au ravitaillement. Mon arrivée n'était pas attendue, le sac personnel n'est pas à proximité. Je me mets à l'ombre et un bénévole va me le chercher rapidement. Je cherche ma famille, je ne vois personne et me dirige vers le point de contrôle. J'ai un moment de tristesse, ont-ils pu venir ? On s'était donné rendez-vous. Je contourne le bâtiment et les aperçois un peu plus loin, je suis soulagé. Ils ne pourront pas m'accompagner au ravitaillement qui est réservé aux coureurs. Je monte les marches et jette mon dévolu sur des pâtes et de la soupe aux vermicelles. On est en Italie non ?

Je mange avec des Suisses du Valais (ou du moins je le suppose d'après leur accent) qui sont d'une humeur très agréable après ces 77 km de course. J'aperçois Agnès (je crois) qui m'avait déposé au 50ème km du Tour des Glaciers de la Vanoise, elle semble blessée aux genoux.

Je m'accorde un peu plus de temps sans me méfier de la barrière horaire. Je passe au vestiaire pour me changer et récupérer des affaires dans mon sac personnel. Je suis surpris quand on annonce 15mn avant la barrière. Je me change en vitesse, je ne trouve pas ma crème NOK et ramasse un tube vide par terre. Bien exploité, il m'évitera bien des désagréments. Je quitte la salle avec mes 2 sacs et mon tube de NOK pour rejoindre en courant le point de contrôle que je franchis avec quelques maigres minutes d'avance. Je rejoins Lydie, Viviane et les enfants et je choisis l'ombre d'un arbre pour poursuivre ma pause. Je ne vois pas les minutes passer. Je m'occupe de mes pieds. Je protège mon talon gauche avec 3 bandes d'elastoplast, le pied droit va bien. Je me crème enfin. Je choisis les barres énergétiques à prendre pour la suite. La prochaine montée au refuge Bertone en plein soleil va être rude. Je change mon road-book ou du moins je le crois, je suis finalement reparti avec celui de Chamonix-Courmayeur qui ne me sera d'aucune utilité. Je me décide finalement à partir avec 30mn de retard. Je n'ai pas de temps à perdre pour atteindre Bertone. Je quitte ma famille pensant ne plus les revoir avant la France.


Courmayeur - Refuge Bertone (heure d’arrivée : 15h47. Distance parcourue : 82km)

Je pars en pensant être le dernier. J'ai appris ensuite que j'avais croisé Jérôme et que nous aurions pu, peut-être, repartir ensemble. Comme je pensais qu'il avait abandonné, je n'avais pas envisagé cette option.

Je rattrape un coureur, David, avec qui nous discutons de notre condition. C'est lui qui avait demandé de la soupe au refuge Elisabetta. Il me confirme qu'il n'est pas en grande forme. Nous rattrapons encore un coureur qui envisage de se baigner dans un lavoir. On le laisse et on poursuit. Nous sortons de la ville et croisons de plus en plus de coureurs qui abandonnent. Près d'un pont, quatre autres prennent le frais. L'un m'avoue qu'il ne faut pas s'arrêter ! Je tente de les faire repartir mais ils ne sont plus décidés. Je suis son conseil et je continue. Je commence ma montée à mon rythme et décroche petit à petit David. La chaleur est supportable et je monte à un rythme correct. Je suis suivi par Francis de Toulon qui nous a bien fait rire à La Balme en annonçant à la cantonade que cette année il était venu avec des bâtons et qu'il allait faire péter le chrono !

J'arrive au refuge Bertone, je pointe, je bois une soupe, je remplis ma poche à eau et je repars avec un groupe de coureurs.


Refuge Bertone - Refuge Bonatti (heure d’arrivée : 17h38. Distance parcourue : 89km)

Nous basculons en face Nord en admirant le panorama sur le Mont-Blanc. J'en profite, à la demande d'un de mes compagnons, pour nommer quelques sommets : Peuterey, Dent du géant, Jorasses. Comme le terrain est roulant, je commence à courir. La prochaine barrière est à Arnuva, il ne faut pas la rater. Je quitte mes compagnons du moment. Je marche sur les portions montantes et cours sur les descendantes. Je ramasse par terre une mitaine de vélo. Elle est propre et a dû être perdue il y a peu. Je l'accroche à la ceinture et l'oublie. Je double un coureur en répondant au téléphone à Jean-Yves D. qui me demande des nouvelles. J'apprends que j'ai gagné 200 places à Courmayeur, je lui fais remarquer que ce sont principalement des abandons. Je continue puis constatant que mon rythme ralentit, je mange une barre et me fais doubler par le coureur dépassé précédemment. La barre fait effet et je le rattrape. Nous discutons. Il m'annonce qu'il habite Vitrolles. Je réponds qu'étant de Peynier, je connais naturellement cette ville. Nous discutons de vélo et de trail jusqu'à ce que j'apprenne qu'il connaît Antranik et qu'il a accompagné Françoise jusqu'au refuge Elisabetta. Nous nous suivrons jusqu'au Grand Col Ferret. Jacques, puisqu'il se prénomme ainsi, ne me donne aucune indication sur la position du refuge Bonatti et il a raison, il est au bout du monde ! A chaque creux de vallée je m'attends à le voir surgir, mais il faut continuer. Le sentier balcon m'impose des relances pour lesquelles il est de plus en plus difficile de mobiliser mon énergie.

Finalement, en haut d'un petit raidillon nous l'atteignons.


Refuge Bonatti - Arnuva (heure d’arrivée :18h42. Distance : 94km)

Au ravitaillement, on nous incite à ne pas nous endormir pour ne pas rater la barrière d'Arnuva. J'avale une soupe et je repars. On nous annonce un petit sentier balcon que je vais trouver bien long puis une descente dans la vallée. Je précède Jacques qui me questionne sur la mitaine portée à ma ceinture : elle lui appartient ! Je la lui donne avec plaisir, en effet, je comptais peu retrouver son propriétaire. Nous amorçons la descente et je distance Jacques qui me rattrapera à toute allure près du ravitaillement. Pour un marcheur, il court bien !

Je rentre au ravitaillement pour entendre presque aussitôt que la barrière est toute proche. L'affaire sera rapidement bouclée. Je pointe et m'arrête quelques mètres plus loin pour enfiler mon collant..


Arnuva - Grand col Ferret (heure : 20h58. Distance : 98km)

La nuit tombe avec sa fraîcheur. Je m'équipe de ma frontale sans l'allumer immédiatement et je commence la montée annoncée avec 770m de dénivelé. Je sais que c'est un des derniers gros morceaux du parcours, je fais le dos rond et j’avance. Je me trouve lent, mais je pense que ma vitesse se stabilise. Je me concentre sur la nourriture et l'hydratation, je sais que toute erreur se paie sévèrement. Au refuge Elena, je croise un coureur assis et j'arrive à le convaincre de me suivre, au bout de quelques pas, il m'annonce que je marche trop vite et renonce définitivement. Je n'insiste pas. Jacques me rattrape, me conseille de reprendre une de mes pâtes de fruit qui a fait merveille lorsque je l'ai doublé. Il me demande si j’ai quelque chose pour tenir la deuxième nuit. J'avoue que je n'ai rien à part de la « Sporténine » et il me donne une vitamine C (merci Jacques !) que je vais croquer avec des amandes et des noix diverses. Le mélange n'est pas à conseiller, pour avaler la mixture, je dois prendre de l'eau dans la bouche, mâcher le tout et avaler ce que je peux. L'opération doit être renouvelée plusieurs fois et je confirme, c'est meilleur assis avec de la bière !

Mais la recette est bonne car j'arrive à suivre le rythme de Jacques.

Nous sommes rattrapés par le fermeur, mais nous ne sommes pas les derniers. Il nous donne quelques indications pour rejoindre la Fouly, plus bas en Suisse et nous conseille de ne pas nous attarder au col. Nous suivrons ses précieux conseils.


Grand col Ferret - La Peulaz (heure d’arrivée : 21h46. Distance parcourue :102km)

Jacques m'incite à partir devant. Je descends plus vite que lui, je ne le reverrai plus. J'ai vérifié par la suite : il a terminé dans les temps, bravo !

J'adopte une marche rapide à la limite de la course, je m'aide des bâtons pour amortir des chocs et ma vitesse. Je commence à avoir mal sous le talon droit, mais ça reste supportable. Le pied gauche me laisse tranquille. A part ces désagréments, je suis bien et je double quelques coureurs. Je me fais doubler par le fermeur que je retrouverai à la Peulaz. Je mets moins de temps que l'heure annoncée au Col. Je bois un coca, un café et je repars. J'aime la descente. Je n'ai pas sommeil. J'ai 1h45 avant la barrière à la Fouly, pour une descente annoncée à 1h15. Je commence à me dire que je rattrape mon retard. Le moral est bon.



La Peulaz - La Fouly (heure : 23h03. Distance :107km)

La descente est raide et boueuse, ça ne me dérange pas. Dans un passage plus technique dans les rochers, je double une femme tétanisée qui enchaîne les chutes. Elle est proche de deux hommes que je m'apprête à doubler aussi lorsque je m'aperçois qu'ils s'en vont. Je remonte vers la femme et lui propose mon aide. J'apprends qu'elle est espagnole et je baragouine quelques mots pour lui expliquer que je marcherais à côté d'elle en lui tenant le bras ou la main pour prévenir les chutes. A trois reprises nous rejoignons une piste et je commence à accélérer, à trois reprises je l'attends pour l'aider. Arrivé en fond de vallée, je me fends d'un Ultimos Adios et commence à courir sur le plat. Je rattrape quelques concurrents qui marchent. Je les incite à me suivre en courant. Ils y parviennent. Nous bifurquons vers un sentier pour rejoindre une berge du torrent qui descend la vallée. Il fait nuit noire, je distance mes poursuivants et me prends au jeu des balises. Je me dis que c'est sympa qu'ils aient organisé un jeu de piste pendant la course. Sur la berge, je ralentis l'allure pour ne pas me blesser et suis rattrapé par un de mes compagnons avec qui nous partageons nos doutes : nous avons peur d'avoir dépassé la Fouly et de nous diriger vers Champex. Nous rejoignons la route et constatons rapidement que nous avions tort de nous inquiéter. Nous atteignons le très agréable ravitaillement de la Fouly qui respire le calme et la gentillesse des bénévoles. Je plaisante avec deux jeunes femmes et prends quelques renseignements sur la suite. Comme j'ai perdu mon road-book, je discute. J'accomplis mon rituel et quitte le ravitaillement 15mn avant la barrière horaire.


Dimanche 26 août


La Fouly - Champex (heure d’arrivée : 2h51. Distance parcourue :122km)

La suite est moins intéressante. En pleine nuit, je guette les lumières des frontales et les bruits de bâtons sur les pierres. Nous empruntons un sentier balcon dans la forêt. Je poursuis en tentant de garder mon rythme. Je suis doublé par Isabelle, une jeune femme blonde, je la perds rapidement de vue, quelle énergie ! Je rattrape un petit groupe et me retrouve coincé par un attroupement. Un homme est étendu par terre, ces compagnons ont prévenu les secours. Il est conscient mais a les jambes tétanisées, il ne bouge plus. Il n'est pas nécessaire de rester trop nombreux autour de lui, nous continuons. Je double Isabelle qui n'avance plus ! Elle me confirme que ça va. Je suis rejoint par un petit groupe : un couple de jeunes et une personne plus mûre. Les jeunes parlent de l'investissement en entraînement que demande un telle course et annoncent que, s'ils rejoignent l'arrivée, ils arrêteront là. Leur interlocuteur rétorque qu'il court sa 4ème édition. Il ne semble pas décidé à renoncer. Nous sommes tous différents. Nous atteignons Praz le Fort ensemble par l'intermédiaire d'une moraine (ou d'un talus tellement il est rectiligne) qui traverse la vallée. Je m'interroge croyant me diriger vers l'Est alors qu'il est grand temps de tourner à l'Ouest pour rejoindre la France. Je comprendrai plus tard en regardant la carte que nous avons traversé un affluent !

Après Praz-le-Fort, 30 minutes de route sont nécessaires pour atteindre la montée vers Champex. Je suis doublé par Isabelle qui court. Je n'y arrive pas et me dit qu'il faut garder de l'énergie pour les montées qui nous attendent et en particulier les 460m vers Champex, puis Bovines.

Nous empruntons un bon sentier. Je marche seul rencontrant de-ci de-là des gens endormis, des malades qui vomissent toutes les 10 mn, d'autres qui simplement se reposent.

C'est aussi le moment où mes hallucinations commencent. Tout bout de rocher, de racine, tout tronc d'arbre me rappelle un animal, un visage, une écriture, des formes humaines ou des bâtiments. Je m'en amuse et me dis que cette épreuve induit des sensations bien créatives. A d'autres moments, je suis surpris par la zone d'ombre que laisse ma frontale à mes pieds et je trébuche en pensant que ce noir est du vide ou bien je me demande pourquoi je n'arrive pas à baisser ma paupière inférieure.

J'ai aussi des flashs, comme des rêves pendant lesquels je me demande qu'elle est la finalité de notre présence sur ces sentiers. Je cherche une raison utilitaire. Je me dis que ces forçats doivent tirer une remorque ou transporter quelques fardeaux. Puis je reviens à moi et constate que nous ne faisons que nous déplacer d'un point à un autre (qui en plus sont les mêmes !), c'est bien vain, mais j'avais bien des raisons de venir, je continue donc.

Le sentier monte, mais descend aussi. J'ai l'impression qu'on nous balade dans un sentier « découverte des champignons ». Des panneaux que je ne prends pas le temps de lire me le confirment. J'arrête de m'énerver et je suis les balises.

J'atteins enfin Champex et remonte près des maisons jusqu'au ravitaillement. Il est presque 3 heures et il me reste encore 45 kilomètres à parcourir. Ce n'est pas le moment de flancher.

En approchant du bâtiment, je retrouve Lydie, Viviane et Jérôme. Je suis surpris, bougon et me demande si je vais réussir à être agréable pendant ma pause. Il faut de l'énergie pour être agréable !

Finalement j'en profite bien, Lydie va me chercher de la soupe. J'ai pris l'habitude d'y tremper du pain, mais il n'y en a plus. Je sors un sandwich du sac personnel et consomme un des morceaux avec la soupe : c'est bon !

Jérôme remplti ma poche à eau et je m'occupe de mes pieds. Le droit me fait assez mal. J'ouvre la chaussure, extrait le pied et commence le découpage de l'elastoplast. J'en colle sur toutes mes ampoules pour que ça tienne jusqu'à Chamonix : le talon, le petit et le gros orteil. Je badigeonne de crème NOK et enfonce le tout dans la chaussure. Devant ma difficulté à l'enfiler, Jérôme m'indique que j'aurais pu mieux la desserrer. Je suis trop fatigué, je n'ai pas la force de répondre.

Nous prenons rendez-vous demain (aujourd'hui) à Trient. Jérôme m'accompagnera pour la suite.

Je laisse mon sac à Lydie et repars juste avant la barrière horaire.


Champex - Bovines (heure d’arrivée : 06h41. Distance parcourue :131km)

Je connais la réputation de la montée de Bovines. Je me dis que c'est la dernière montée pénible. Celle des Tseppes sera aussi haute mais moins dure. Nous longeons le lac de Champex. Je marche pour m'économiser. Je vois partir l’un des Suisses du Valais rencontré à Courmayeur. Nous nous éloignons de la ville. La piste descend, un coureur me souhaite bonne chance en me dépassant. Faut-il vraiment de la chance ? Est-ce si terrible ?

Je m'arrête un peu plus loin pour une pause technique. Je n'arriverai pas à attendre le jour et j'ai oublié d'aller aux toilettes à Champex. Mes inquiétudes se confirment : il est très dur de s'isoler en pleine nuit quand sa lampe attire tous les regards. Je parviens néanmoins à m'en sortir honorablement.

Finalement la pente s'inverse et commence à monter. Je vois des lumières au loin, je ne comprends absolument pas la topologie du terrain. Tout s'éclairera avec le lever du jour et la sortie de la forêt.

Je prends mon mal en patience et monte une pente soutenue parsemée de gros blocs et de racines. J'appuie comme un sourd sur mes bâtons et me retrouve dans certains cas en train de faire de l'escalade. L'humidité s'y met rendant l'exercice encore plus acrobatique. Dire qu'ils sont passés ici sous la pluie l'année dernière ! Je croise toujours des hypoglycémiques et des dormeurs. Je continue jusqu'au jour où je débouche enfin hors de la forêt. Je rejoins un sentier balcon. Je n'arrive pas à courir, je profite du paysage et du lever de soleil sur la Valais. Je cherche Martigny, j'aperçois Sion plus loin. Je pense à mon copain Marcel qui construit des horloges à Sion.

J'arrive ensuite à Bovines, pointe et bois un café.


Bovines - Trient (heure d’arrivée : 8h20. Distance parcourue :137km)

La suite semble débonnaire, une légère montée puis une descente vers Trient. Un bénévole nous dit que nous sommes larges pour Trient. Il ne faut jamais croire un bénévole, pourtant je le sais, mais j'avais tellement envie d'entendre ça. Je repars sur un rythme randonnée, mais soutenu. Je me coiffe de ma cagoule. L'air est vif.

Certains de mes compagnons se plaignaient de la descente, je la trouve pour ma part très agréable. Il est vrai que quelques racines et blocs de pierre parsèment le sentier, mais ça n'a rien à voir avec Bovines. Je suis tranquille jusqu'à ce que je me fasse doubler par un coureur qui me conseille de me méfier de l'horaire. Dès lors, la pression remonte et j'accélère la cadence. Grossière erreur, j'avais pris le col de la Forclaz pour Trient. Il reste 2 km !

Nous logeons un canal puis empruntons un sentier, je cours jusqu'à Trient où j'arrive 25 mn avant la barrière. Dans la dernière ligne droite, j'entends les enfants qui m'encouragent. Ils m'accompagnent jusqu'au ravitaillement. Ils sont tous là, je commence à me dire que je vais y arriver. Il n'y a plus qu'une grosse montée puis des petites bosses. Je n'ai pas trop le temps de m'attarder. Je mange, je recharge ma poche et je reprends le chemin. Jérôme m'accompagne.


Trient - Vallorcine (heure d’arrivée : 11h43. Distance parcourue :147km)

La montée commence très vite. Grâce au jour, je ne crains plus de m'endormir et le moral va bien.

Nous nous arrêtons au soleil pour nous changer. J'enlève ma fourrure dans laquelle je commençais à transpirer et passe un short. Je poursuis à une allure tranquille mais sans perte de temps inutile. J'ai encore des hallucinations. Des panneaux indicateurs qui disparaissent, des chalets fantômes. J'ai aussi des troubles d'équilibre. Me retourner pour voir un concurrent provoque un début de chute que je rattrape avec un bâton. Je m'aperçois que je ne suis pas le seul à faire ça.

Nous montons rapidement avec Jérôme et atteignons la frontière puis la descente vers Vallorcine. Nous rattrapons des coureurs. Décidemment, le rythme de marche rapide avec amorti aux bâtons est efficace dans le contexte présent.

Nous passons sur une piste de ski bleu qui ralentit notre progression. Je me plains auprès de Jérôme, mais je suis exaucé immédiatement après, par l'apparition d'un bon sentier bien moelleux et efficace. Nous courons et rejoignons un faux pla,t montée qui me force à marcher. Au passage à niveau, je vois les barrières descendre. J'accélère pour passer avant la fermeture.

Je retrouve Cyrille C. au ravitaillement ainsi que toute la famille. Je retrouve aussi Isabelle et son compagnon qui me communique sa bonne humeur et me décrit Chamonix en liesse pour nous accueillir. Je suis heureux.

Je reste concentré sur mon ravitaillement et je quitte la tente.


Vallorcine - Chamonix (heure d’arrivée : 14h29. Distance parcourue : 163km)

Cyrille m'accompagnera quelques kilomètres. Il est content, presque autant que moi ! Je le félicite pour sa CCC réussie malgré son peu d'expérience de ce genre d'épreuve, et en plus il s'est fait plaisir. Nous marchons vite, mais je n'arrive plus à courir dans la montée. Du moins je n'essaye pas, je crois que j'en n'ai plus la force.

Au col des Montets, je retrouve Luc, Valérie et leurs enfants. Nous échangeons quelques nouvelles, ou plutôt je donne des miennes et je les quitte pour terminer l'aventure.

Nous descendons rapidement à Argentières. Nous rattrapons pas mal de coureurs qui marchent tous !

A Argentières, je retrouve mon copain photographe Cyril B. Il me tire le portrait à plusieurs reprises, je prends la pose en jetant un mouchoir dans une poubelle puis il me libère. Je le retrouverai à l'arrivée.

Nous continuons en marchant. Jérôme m'annonce qu'il reste une montée de 150m pour rejoindre les Lavanchers. Mon moral tombe, je mange pour me préparer. Finalement, nous suivrons le balcon nord et n'aurons que quelques raidillons à surmonter. Ce sera plus facile que prévu, mais plus long ! La vallée n'en finit pas, je ne m'étais jamais rendu compte de son étendue jusqu'à ce jour. Après les Lavanchers, nous rejoignons la plaine et je commence à courir, persuadé (comme Jérôme) que nous sommes proches de la fin. Cet épilogue sera bien plus long que prévu, mais je tiendrai le rythme jusqu'à l'arrivée. Je double des coureurs, ce qui me conforte dans mon effort. Je croise le compagnon d'Isabelle qui m'encourage puis je reconnais Chamonix. Je sais que la fin est proche. La haie d'honneur s'épaissit. Les coureurs qui ont terminé m'encouragent. J'y ai toujours été sensible, ils ont terminé leur course et pourraient passer à d'autres choses. Je n'ai pas d'émotion débordante comme j'ai pu le lire dans certains récits de courses, mais je suis heureux. J'arrive un peu à contre-temps. Le célèbre coureur Dawa se fait prendre en photo avec mes prédécesseurs, je passe « en douce » pour en terminer au plus vite et pour ne pas les déranger.

J'arrive dans le dernier virage, les gens sont adorables et m'accompagnent par des applaudissements et des cris. Je tourne et je vois la dernière ligne droite. Le présentateur est en train d'accueillir d'autres coureurs. Je m'arrête et attends mon tour. Il me pose quelques questions que je ne comprends pas, je balbutie quelques mots en oubliant de rester devant le micro puis je retrouve Cyril B. qui me prend encore en photo, me félicite et va me chercher une bouteille d'Arvie : royal. Je vais retirer mon cadeau « finisheur », ils n'ont pas ma taille, j'en prends un pour Lydie.


Arrivée


Je sors du sas et je retrouve Michel. Il est tombé en descendant à Saint-Gervais et s'est luxé l'épaule. Il a dû abandonner à Courmayeur. Dommage, il avait une revanche à prendre sur l'année dernière. Sa femme Claire a aussi abandonné sur le CCC. Ils sont sympas de venir m'accueillir à l'arrivée. Michel est en grande partie à l'origine de ce défi, je lui en suis reconnaissant. Nous discutons, nous partageons nos impressions puis mes douleurs aux pieds se réveillent. Je ne peux plus tenir debout. Nous partons au Centre de soins voir un podologue, mais je ne peux pas entrer car je ne suis pas douché. Je trouve à proximité de l'eau et une bouteille pour me rincer les pieds. Ca fait du bien. Je retourne au Centre et m'installe dans la queue. Je ne suis pas le seul à avoir les pieds abîmés. A mon tour, je m'allonge sur une table et commence à faire un bilan avec l'apprentie podologue : gros et petits orteils du pied droit. Ampoule sous le talon droit, mais non traitable : elle n'est pas assez gonflée. Mon talon gauche s'en sort bien. Lors de l'examen j'observe que ma malléole gauche est gonflée. Je me souviens de ma douleur avant Saint-Gervais, je me suis fait une petite entorse. J'aurai droit à un strapping dans les règles.

Nous quittons Chamonix pour revenir au gîte. Je prends une douche en m'allongeant par terre pour ne pas mouiller les pansements. Viviane avoue qu'elle a failli me chatouiller les pieds qui dépassaient de la cabine mais elle a résisté, c'était plus sage. Je me relève péniblement pour remonter sur mes tongues.

Je me couvre chaudement (je me méfie des contre-coups) et m'apprête à déguster la bière dont je rêve depuis si longtemps ! Elle est merveilleuse même si sa température me glace. Mon métabolisme doit être bien faible. Luc et Valérie nous joignent, nous trinquons et nous passons à table pour le menu « Spécial Raid-Light » arrosé de Côtes du Rhône. Je revis.

A 21h30 je prends congé et m'écroule sur mon lit. Je n'entendrai plus personne jusqu'au matin. J'émerge vers 8h, le lundi. J'ai envie de repartir. Etait-ce un rêve ?


Le 31/08/2007






1 commentaire

Commentaire de frankek posté le 02-03-2009 à 20:23:00

bravo pour ton tour !
c'est une belle aventure mais difficile a boucler !! alors encore bravo.

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.08 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !