Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2005, par amibugs

L'auteur : amibugs

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 26/8/2005

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

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Distance : 158.1km

Objectif : Terminer

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Le récit

- Chamonix ? Pourquoi aller jusque là-bas ? D’abord, c’est quoi l’UTMB ? Il n’y a pas des courses plus proche de chez toi ?

L’Ultra Trail du Mont Blanc, ce n’est pas une course, c’est La Course référence ; il faut l’avoir faite, l’avoir touchée, l’avoir ressentie au plus profond de ses tripes. Aucun mot, aucune parole ne peut décrire et relater cette course. Seules, les images gravées au plus profond de chacun d’entre nous peuvent parler ; seule l’émotion ressentie peut expliquer.


- Quoi ? Courir 155 km et 8500 de dénivelé ? T’es fou ! Vous êtes fous ! Et vous êtes combien à participer ?

2000. Et les inscriptions sont closes depuis début avril ! Et moi, j’ai cette chance ! Mieux qu’un ticket gagnant, mieux qu’un bulletin de loto. Je fais parti du voyage, je suis dans un wagon. Je me fiche du résultat final ; participer, c’est déjà un cadeau, une récompense, une victoire.



Dossard 1051 cette année. Je l’ai ; il est là, entre mes mains, tout brillant. La patinoire de Chamonix est bondée ce jeudi 25 août 2005 après-midi. Coincés en haut des tribunes, les contrôleurs et différents exposants sont un peu à l’étroit. Ce soir, match de hockey… Chamonix- Dijon. Serait-ce un signe prémonitoire pour moi le Dijonnais ?
Le contrôle du sac se fait sans problème ; tout y est. Un passage devant le stand UFO mais Phil et son équipe sont submergés par une vague de coureurs dépensant sans compter… Tant pis, je reviendrai demain.

Vendredi 26. Je suis à Chamonix pour 17h00. Dépôt de mes sacs pour Courmayeur et Champex et direction le stand UFO qui semble ne pas avoir désempli depuis la veille. Dommage, je n’aurais pas l’occasion de serrer une bonne poignée de main à Phil et sa bande…

18h00. Je suis prêt. Dominique, ma sœur, et Gilbert son compagnon m’ont pris en mains se souciant du moindre détail pouvant venir troubler ces derniers moments d’attente. Je suis choyé, dorloté, encouragé. Tous ces mois d’entraînements, de préparation physique, de suivi alimentaire, de sacrifices familiaux s’affichent devant mes yeux ; une pensée émue pour ma femme Florence et mes 3 enfants qui subissent depuis près de 8 mois mes mouvements d’humeur, passant d’un enthousiasme exacerbé à une profonde démotivation.

19h00. Vangélis et l’hélicoptère sont là ! C’est parti. Mon talon d’Achille qui me chatouille depuis le 10 août est sensible mais pas douloureux. La foule est là, bien présente. Les applaudissements, les cris, les bravos n’en finissent pas ; je ne cours pas, je suis porté ; je vole ; je vis à fond l’instant présent, l’esprit vide ; si ce n’est pas ça le bonheur, ça doit s’en rapprocher.

Les premiers pas sur le chemin terreux allant de la sortie de Chamonix à l’entrée des Houches me ramènent rapidement à des sentiments beaucoup plus terre à terre. Ca bouchonne, ça slalome et ça ronchonne. Il faut admettre que près de 2000 coureurs sur cet étroit chemin, plus quelques coureurs sans dossard ( ?), plus des bâtons quelquefois mal fixés peuvent conduire certains à des dépassements verbaux.
L’entrée aux Houches est digne de l’arrivée d’une étape du tour de France. Plus je progresse, plus le nombre de spectateurs augmente ; certains lisent mon prénom sur mon dossard et m’encouragent en le criant. Au ravitaillement, mon comité d’accueil m’attend ; 6 personnes pour moi tout seul ! Je suis le centre du monde. Les bonnes paroles fusent, les appareils photos crépitent ; quelques regards envieux, d’autres désabusés. Je prends le temps, bois deux verres de Coca et allège mon sac du poids des bâtons car la montée du col de Voza se dessine. Il me reste tout de même 4,7 kg à porter dont 1,5 litres d’eau.


Le chemin vers le col de Voza est large et permet à chacun de suivre son rythme sans se soucier de son voisin ; je m’aperçois pourtant que plus je progresse, plus de longues files indiennes se forment. La nuit commence à tomber, le couché du soleil est magnifique et mérite de s’y attarder quelques secondes avant de reprendre la route. Comme à mon habitude, je ne regarde pas derrière moi ; toujours devant ou latéralement mais jamais derrière.
Par endroit, d’importants raidillons ralentissent l’allure générale et conduisent certains à de courtes pauses salvatrices. Déjà, les premiers soupirs de lassitude se laissent entendre. Je ne ressens aucune difficulté particulière jusqu’à l’arrivée au ravitaillement du col de Voza. De nombreuses tables ont apparemment été rajoutées, ce qui permet un étalement des coureurs et la possibilité de se saisir d’un verre et d’un morceau à manger sans aucun problème. Je profite de cette pause pour enfiler ma gore-tex car la fraîcheur se fait sentir. 2 verres d’eau et 1 de coca plus tard, me voilà reparti, direction Les Contamines.

Pas de souci sur cette portion beaucoup plus descendante que montante. Je trouve interminable le long cheminement à travers les bois avant la descente vers le ravitaillement. La gêne lancinante qui rendait mon tendon d’Achille sensible a totalement disparue. J’ai franchement hâte d’arriver aux Contamines afin de manger et il est déjà 23h30 lorsqu’une foule encore fort nombreuse accueille bruyamment le groupe de coureurs auquel je suis rattaché. Je parviens difficilement à trouver une place sur le plancher dressé pour l’occasion et me contente de quelques biscuits salés, seuls rescapés comestibles présents sur les tables au moment de mon passage. Qu’importe, je ne veux pas m’attarder et quitte rapidement les lieux.

Le parcours est plat jusqu’à Notre Dame de la Gorge puis les choses sérieuses commencent. J’ai devant moi 1250 mètres de dénivelé positif et 9,5 km avant la Croix du Bonhomme. En prendre conscience, c’est déjà un peu mieux gérer la difficulté. Les lumières de La Balme sont en vue ; quelques mètres au-dessus du chalet une guirlande lumineuse se distingue dans la nuit ; cette guirlande blanche s’étire sur plusieurs dizaines de mètres et clignote à intervalles réguliers. Le long serpent étire toute sa splendeur dans la clarté de la nuit et semble jouer à cache-cache avec les étoiles qui apparaissent par intermittence derrière les nuages. C’est beau. Quels autres sports, quelles autres disciplines offrent un tel spectacle ? Nous sommes plusieurs à observer ce tableau pittoresque dans un silence respectueux et admiratif. Dans quelques minutes, nous serons à notre tour dans cette montée, dans cette ascension, à la merci du Bonhomme et à sa volonté de vouloir ou non nous laisser passer. Je profite du ravitaillement pour avaler un gel Bio et deux verres d’eau.
Ce « Bonhomme », j’y pense depuis des mois ; je revis mon ascension 2004, la difficulté à progresser, à monter haut les genoux, à vaincre la lassitude. Commence alors, une longue introspection, un long dialogue intérieur. Comme par miracle je parviens à totalement séparer l’esprit du corps.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, je n’ai plus aucun souvenir de la difficulté physique de cette ascension ; je me rappelle simplement d’une ou deux fois où j’ai levé la tête pour vérifier ma progression. Je me souviens par contre des différentes choses très personnelles qui m’ont occupé l’esprit. Aujourd’hui, je n’ai toujours pas d’explications crédibles. Durant mes entraînements, il m’arrive de ressentir ce détachement entre le physique et le moral, cette extase brève et intense due à la sécrétion d’endorphines. Mais cette ascension a duré plus d’une heure et jamais je n’ai réussi à contenir cet état second durant une aussi longue durée.
Arrivé au col du Bonhomme, je « le » remercie intérieurement d’avoir bien voulu me laisser passer avec autant de facilité.

Le ciel est dégagé et les étoiles bien visibles. Le quartier de lune ne permet pas une visibilité bien lointaine et je ne parviens pas à distinguer la découpe des montagnes qui m’entourent. Le vent frais et intense achève de me sortir de ma torpeur. Le long chemin qui mène jusqu’au refuge de la Croix du Bonhomme se parcourt avec déjà une pensée pleine d’appréhension sur la descente vers Les Chapieux.
Il est 03h10 lorsque j’attaque cette longue descente glissante. Je suis confiant et déterminé. Cependant, des nausées régulières viennent entacher mon moral encore intact. Je fais le point sur mon alimentation depuis le départ et me rends rapidement compte qu’avec quelques morceaux de bananes, de biscuits salés et sucrés et un gel, je suis très loin d’avoir les ressources suffisantes pour aller encore bien loin ! De plus, les 5 ou 6 verres d’eau et de coca ingurgités depuis Chamonix ne me rassurent guère sur mon état physique. Enfin, je n’ai pratiquement pas touché à ma poche à eau qui doit contenir encore plus d’un litre d’eau. Vite ! Je dois me dépêcher d’arriver aux Chapieux et me refaire une santé.
Les premiers mètres se passent aisément, le planté de bâton se déroule parfaitement… Jusqu’à une belle pierre bien plate en dévers, au milieu de ce qui reste du chemin et qui me commande de surtout pas mettre le pied dessus ! Entraîné par mon élan et dans l’impossibilité de trouver un autre appui, j’entreprends une sorte d’entrechat suivi d’un simili de freinage et… pose lourdement mon pied gauche sur la dite pierre. J’en suis quitte pour une belle gamelle, l’avant bras gauche très douloureux et une réelle réflexion sur mon aptitude à vouloir imiter les meilleurs ! Finalement, je me résous à adopter un petit train-train bien pépère et correspondant plus à mes capacités de descendeur. De nombreuses autres alertes sans conséquence viendront me rappeler que descendre, ça s’apprend et que j’ai encore beaucoup à apprendre !
Les premières lumières du ravitaillement sont maintenant visibles. Le long serpent lumineux qui me précède est au fond de la vallée et semble me narguer de toute sa longueur. La descente est moins pire que l’année dernière mais demande beaucoup d’attention et de concentration. La musique est maintenant bien audible et le chemin devient plus carrossable. Mes nausées sont de plus en plus fréquentes et mon ventre vient se mêler à la fête en émettant quelques gargouillements dignes d’un siphon bouché. Je crains le pire ; la réalité dépassera mes craintes. Mon moral se joint à mes difficultés physiques pour rejoindre le fond de mes chaussettes. J’ai beaucoup de mal à progresser, mes foulées deviennent automatiques et je ne les commande plus.
Les lumières des Chapieux m’éblouissent, la musique me casse les oreilles ; je veux en finir de cette étape, je veux m’arrêter d’avancer, je veux m’asseoir ; je suis à bout. Détresse. Je suis au fond, inutile d’insister, l’envie n’y est plus.
Je rentre sous la tente qui grouille de monde. Beaucoup de visages décomposés. D’autres sont souriants ; fatigués mais souriants. Un quart de banane et deux compotes plus loin, je trouve un coin de table, m’y affaisse et tente avec grande difficulté d’ingurgiter ce maigre ravitaillement. C’est dur, très dur. Rien ne passe ; je me force, insiste pour avaler. Un verre de Coca et d’eau viennent compléter ce festin. Un participant vient s’asseoir à côté de moi, renverse son café sur mon sac et ma jambe, s’excuse et s’en va ! Dans d’autres circonstances, cela m’aurait sans doute agacé. Mais étant donné son état apparemment comparable au mien, cela me laisse quasi indifférent. Je suis proche de la larve humaine ; il faut se ressaisir.
Direction les toilettes. Il y a la queue et la majorité des coureurs s’y attarde longuement pour se vider du peu d’énergie qui leur reste encore. Les bruits scatologiques font partie intégrante de l’ambiance… Mon tour arrive enfin et comme tout le monde ici présent, je me vide à mon tour. Je ressors… soulagé !

Il ne faudrait pas grand chose pour que je jette l’éponge. Mais non, je vais repartir, je dois repartir. Cela fait 40 minutes que je suis à ce ravitaillement ; je dois partir maintenant ou je n’aurais plus le courage ni la force. Je pointe mon nez dehors, il fait froid et je grelotte. Mes dents claquent, je ne vais pas bien. L’idée d’abandon est bien présente. Non, je dois continuer. Je parcours quelques mètres et soudain, le bus en partance pour Chamonix vient me narguer, comme s’il voulait me contraindre à baisser les bras. Il se gare à côté de moi, là à un mètre ; je le sens, je le touche presque. Cruel dilemme. Alors que je suis frigorifié, j’imagine la douce chaleur de ce bus et les sièges moelleux et confortables. Non, je dois avancer. Ce bus est un test, un défit à ma capacité morale à réagir. Je suis nase mais tu ne m’auras pas. Je rentre la tête dans les épaules, plie l’échine, prends un bâton dans chaque main malgré le terrain plat et recommence à avancer. Chaque mètre parcouru est une victoire. J’entends parler autour de moi mais ne vois personne. Seul le pic de mes bâtons dans la route bétonnée résonne dans mes oreilles. La musique s’éloigne peu à peu mais j’ai toujours la possibilité de faire demi-tour. A deux reprises, je croise un participant qui retourne au ravitaillement. C’est dur. Très dur. Je dois aller le plus loin possible jusqu’à ce que je sois dissuadé de revenir sur mes pas.
La route goudronnée se termine ; le dénivelé augmente sensiblement et j’aperçois au loin sur les hauteurs les coureurs qui me précèdent. Le jour se lève, une nouvelle étape commence. Petit à petit, mon esprit se tourne vers Courmayeur. Pourtant, je ne suis qu’à 5 km des Chapieux, mais c’est gagné, je ne ferais plus demi-tour. Mon avenir est devant moi. Je relève enfin la tête, sort les épaules et admire ces magnifiques montagnes qui m’entourent et qui m’ouvrent leurs bras. Je suis physiquement à bout, très mal hydraté, très mal alimenté, mais je suis heureux. Tout fléchissement moral est immédiatement contré par une constatation simple : « regarde autour de toi, tes acolytes, ils sont aussi fatigués que toi. Alors vas-y avance et profite de l’instant ». A plusieurs reprises, cette réflexion me permettra de continuer à avancer, toujours et encore.
La montée vers le col de la Seigne est longue et semble sans fin. Chaque geste, chaque pas devient machinal, je suis robotisé. Malgré la fatigue, je me refuse obstinément à marquer la moindre pause. J’avance. Pas plus ou moins rapidement que les autres ; nous sommes une trentaine à se suivre, sans parole, sans bruit autre que celui de nos pas. Parfois, le cri d’une marmotte résonne et rappelle au zombie que j’ai l’impression d’être que la vie est bien là, toute proche, à portée de main, à portée de foulées. Soudain, tout là haut, presque invisible, un groupe de chamois semble se promener, se suivant, bien ordonné ; ce spectacle me ravigote. Je m’apprête à en aviser mes compagnons de route, mais m’aperçois avec stupeur que ces braves chamois semblent avoir des bâtons pour progresser ! Damned ! Ces chamois ne sont autres choses que des traileurs comme moi ! Si petit, si loin, si haut ! Cela a l’avantage de m’indiquer le chemin… Je me marre tout seul et cette malencontreuse confusion me permet de retrouver un peu d’énergie et de positivité. L’heure qui suit n’est qu’ascension et j’ai franchement hâte d’atteindre le col. Plus le sommet approche, plus le nombre de participants arrêtés est important. Petite pause alimentation ou hydratation, stop pipi ou petit roupillon, chacun a une bonne raison de marquer le pas. Je m’apprête à mon tour à stopper quelques minutes pour reprendre mon souffle quand je vois deux coureurs de part et d’autre du chemin. A droite, je reconnais Phil (Chef UFO !), affalé sur un rocher, le sourire jusqu’aux oreilles, contemplant avec délice la beauté des paysages. A gauche, Cyril, assis sur une pierre, coudes sur les genoux et ses mains serrant sa tête. Gros passage à vide, fatigue, ventre en vrac et impossibilité d’avaler quoi que se soit ; ces symptômes me rappellent étrangement les miens. On discute de tout et de rien, on oublie quelques minutes que l’on est à 2400 m d’altitude, qu’il est approximativement 06h45 et que l’on est dans un état physique légèrement avancé… Mon visage doit être bien marqué par l’épuisement car Phil veut absolument me refiler un gel, à mettre sous la langue… Il n’a pas tort. Je n’ai rien avalé depuis Les Chapieux, ni solide, ni liquide. Le corps a des ressources que l’on ne soupçonne pas. Cette rencontre inattendue a l’avantage de me re-motiver pour la suite et c’est d’un pas décidé (à peu près décidé…) que nous reprenons la route tous les trois. Nous jouerons au yoyo jusqu’au col de la Seigne, se séparant, se rejoignant, se motivant mutuellement et prenant bien garde de ne laisser personne sur le bord du chemin.
Le col de la Seigne est en vue. Quel soulagement ! Le paysage est magnifique et à cet instant je suis sur que nous sommes les maîtres du monde. Les bénévoles nous encouragent et nous félicitent d’être arrivés jusque là. L’hélicoptère vient de se poser et un caméraman filme tous les coureurs présents à cet instant.
Une pause s’impose. Je parviens à avaler une compote de pommes et quelques gorgées d’eau et nous repartons direction le prochain ravitaillement au refuge Elisabetta chez nos amis italiens. Mes deux compères partent comme des balles dans ces chemins descendants qu’ils affectionnent particulièrement. Piètre descendeur, je ne les suis pas et garde mon rythme lent mais régulier. Je suis impressionné par le sursaut de forme de Cyril qui semble avoir des ailes et qui carapate comme un chamois. Malgré leur avance, je ne les perds pas de vue et tente de les conserver dans ma ligne de mire. Quelques centaines de mètres plus loin, je rejoins un groupe de coureurs à l’arrêt dont mes deux compagnons de route. Cyril, assis sur le sol, s’est foulé la cheville et semble désabusé. Après les premiers soins d’usage, nous repartons tentant de le réconforter et atteignons groupés le refuge Elisabetta. Je mange avec grande difficulté un morceau de banane et une vache qui rit ; pourtant, il n’y a pas de quoi rire ! Même difficulté pour boire et je me contente d’un verre de coca et un d’eau. Il n’est pas question de s’attarder et nous repartons toujours groupés avec en tête la prochaine grosse difficulté, la montée vers l’arête de Mont Favre. Je me souviens parfaitement des paroles de Phil : « c’est pas long, mais c’est raide ! »… Ça promet. Le calme précède la tempête et la longue ligne droite le long du Lac Combal illustre parfaitement cet adage. Phil et Cyril avec sa cheville douloureuse, courent d’une bonne allure jusqu’au pied du long raidillon qui nous attend. Je préfère marcher et garder le peu d’énergie qui me reste pour cette grimpette.
Il est 09h00 ce matin du 27 août quand j’attaque, anxieux, la montée vers Mont Favre. Pour être raide, c’est raide ! Je retrouve l’atmosphère de la montée vers la Seigne, une file indienne de coureurs sans bruit, sans parole, seuls dans l’effort. Sport solitaire et collectif ; qu’un seul d’entre nous flanche et aussitôt quelques mots réconfortants viennent à son secours. J’ai chaud et marque une première pause pour retirer ma Gore-tex que je porte toujours. Ca monte, ça grimpe, ça n’en fini pas. Passé ce col, il ne restera que du plat et de la descente pour rejoindre Courmayeur ; je ne m’en réjouis pas car dans mon état de fatigue morale et physique avancé, descendre n’est guère plus plaisant que monter. Cependant, ce sommet est un objectif et l’atteindre et le passer sera un obstacle supplémentaire franchi. Je marque une nouvelle pause dans cette ascension jusqu’à ce qu’un groupe de randonneur me signale le sommet à 200 mètres. Aussitôt dit, aussitôt reparti ! Il me faudra tout de même une vingtaine de minutes pour parcourir cette distance qui en fait, devait faire largement au-delà des 200 mètres prévus…
10h35, j’y suis. Enfin ! Une fois de plus, un regroupement s’opère entre nous 3, direction Courmayeur. Je marche, ils courent, je ne les reverrais plus. Je n’attends plus qu’une chose, arriver à Courmayeur. La foulée est machinale, un pas, puis un autre et les kilomètres se succèdent. J’ingurgite un quart de banane et un verre de Coca au ravitaillement du col Chécrouit et reste 5 minutes, assis, inerte, les yeux dans le vague ; je suis vraiment out. J’envoie un sms de détresse à mes proches qui m’attendent à Courmayeur. La musique est forte et vient troubler le calme de ces magnifiques montagnes.
C’est reparti pour les 5 derniers km et ses 800 mètres de dénivelé négatif. Cela fini de m’achever. Courmayeur est en vue depuis longtemps mais j’ai l’impression que jamais je n’y arriverais.
Dernière difficulté : la descente dans la forêt, entre les arbres. Le sol est recouvert d’une terre sableuse assez agréable sous les pieds. Mes pas sont moins lourds et ma démarche me semble plus aérienne. Deux coureurs me passent et sans réfléchir, je m’accroche à eux. Mes automatismes de coureurs reviennent rapidement et je prends même du plaisir à dévaler entre les arbres. Quelques gouttes d’eau de pluie me rafraîchissent le visage et je suis maintenant convaincu que ces derniers mètres se feront en courant. Du goudron, des maisons, des voitures, des passants, le ravitaillement est proche. J’aperçois, quelques dizaines de mètres avant le gymnase de Courmayeur, ma sœur et son ami et d’un coup de baguette magique, la douleur s’efface. Je sais depuis longtemps que je ne dépasserais pas Courmayeur cette année mais cela n’a aucune importance. Je considère que c’est déjà miraculeux étant donné mon déficit hydrique et alimentaire que je sois arrivé jusqu’ici. Ma bouche est asséchée, mes papilles à vifs ; impossible d’avaler quoi que ce soit sans une douleur intense et insupportable. Ce n’est qu’au repas du soir que ces douleurs se dissiperont et me permettront de m’alimenter correctement.
Pas de doute, je reviens l’année prochaine avec comme ferme intention de finir la grande boucle. Le rendez-vous est pris ; j’ai trouvé un compagnon de route et de galère. A deux, nous irons deux fois plus loin. Allez Seb, on y croit !

Bilan :
17h36 de course dont 1h33 de pause.
Pouls moyen sur l’ensemble de la course, pause comprise : 140 pul/mn
Perte de poids : environ 3,5 kg dont 1,5 kg repris dans les deux jours.
Mon Garmin Forerunner 201 s’est arrêté après 16h03 de course. (Autonomie prévue : 15 heures)
Chaussures Diosaz raid 500 parfaites, accroche remarquable, bonne stabilité, aucune ampoule.

Un hommage tout particulier à tous les bénévoles et organisateurs. Bravo à vous tous pour votre entrain et votre dévouement.

Des commentaires, des interrogations : stephane.benit@free.fr

1 commentaire

Commentaire de joy posté le 16-09-2005 à 10:36:00

Bravo et bon anniverssaire a toi.
JOY

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