Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2006, par bosco
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Le récit
Ultra Trail du Mont Blanc 2006
Objectifs : 1- terminer
2 - 35h00
Fantasme : Battre Jean Marc
Le Départ
La fameuse musique retentit enfin. Justement, elle ouvre ma série sur mon lecteur MP3, compagnon des entraînements lorsqu’ils sont solitaires. La surprise était donc de taille, l’année dernière, lors de mon premier UTMB. Je l’ai pris pour un bon présage, je me raccrochais à tout, pour me dire que c’est possible, que je vais aller au bout de ce truc de dingue. Cette fois encore, Vangelis et Christophe Colomb nous accompagneront au départ de cette grande aventure qui est la découverte d’un lieu bien inconnu : nous-même.
Tout le monde à les yeux rivés sur l’écran géant…. 7h02 ; mais qu’est ce qu’il attend pour donner le top ? L’hélico est pourtant bien arrivé, et les traditionnelles consignes de sécurité largement commentées. On trépigne tous d’impatience. Pour les 2500 coureurs entassés sur la petite place de l’église, c’est l’aboutissement de mois, d’années de préparation. C’est la réalisation d’un rêve, mais qui pourrait bien tourner au cauchemar. Suis-je suffisamment préparé ? c’est l’heure des doutes. Entre mon mariage et l’arrivée de Laura, j’ai forcément un peu négligé mon entraînement cette année. Les priorités étaient ailleurs. Je compte beaucoup sur un Joker, pour la première fois, j’ai pu passer deux semaines en altitude avant le départ. Est ce suffisant ?
…3 – 2 – 1 – 0… c’est parti. Les premiers mètres se font en marchant, trop de monde. Je cherche des yeux Céline et ma petite Laura, 7 mois. elles sont là quelque part, noyées parmi ces milliers de supporters anonymes qui vont nous porter tout au long de cette course. Stéphane ! Stéphane ! elles sont là !, mais emporté par la masse des concurrents, je ne m’arrête pas pour les embrasser une dernière fois, je le regrette déjà. Leurs grands sourires me resteront à l’esprit pendant les heures de souffrance qui m’attendent.
Promis, je reviens le plus vite possible !
Chamonix - Les Houches : 19H02 - 19h53
Temps de course : 0h53 ; Km 8 ; D+ 187
L’esprit est rapidement revenu à la course. Je discute tranquillement avec Jean Marc avec qui j’ai commencé la course à pied, il y a trois ans déjà. Je sais que même sur ce rythme de sénateur, je suis un peu trop rapide par rapport à mon plan de marche. Mes sensations ne sont pas terribles, j’attends la montée du col de Voza pour rentrer vraiment dans le vif du sujet.
Surtout ne pas oublier d’arrêter le chrono à chaque étape. Ca me permet d’analyser les données par la suite, comparer par rapport à l’année dernière et par rapport aux prévisions. Comprendre mes forces et mes faiblesses, éviter de reproduire les erreurs. Pour avoir porter la ceinture du cardio sur le ventre pendant plusieurs heures en 2005 – pas étonnant que cette montre déconne ! - cette année la ceinture est scotchée sur ma poitrine. En fait, le cardio ne me sert que sur les deux – trois premières étapes, pour me limiter à 130 - 135. Après, la fatigue limite d’elle même l’intensité des efforts, et le rythme cardiaque moyen descend régulièrement.
Premières montées, premières marches. Pas question de gaspiller de l’énergie. Chaque pas, chaque geste sera calculé au plus juste durant toute la course. Le petit pont arrive doucement, signe du premier ravitaillement.
Ravito type « marathon », j’attrape au vol un gobelet d’eau, et c’est reparti.
Les Houches - Col de Voza : 19h54 - 20h58
Temps de course : 1h58 ; Km 13,3 ; D+ 867
J’ai été trop vite, je me retrouve avec le gobelet vide dans les mains, pas question de le jeter par terre, on n’est pas au marathon de Paris ici, je vais donc inaugurer le petit filet à poubelle remis par l’organisation. Très pratique.
Dés les premiers mètres de montée, Jean Marc adopte un rythme trop rapide pour moi, il est hors de question d’essayer de le suivre. Je lui souhaite bonne chance. Je ne le reverrai plus. Au détour du même lacer, le même spectacle fantastique que l’année précédente, la chaîne de montagnes sous le soleil rougeoyant du crépuscule. Une des images forte restée graver dans ma mémoire. C’est toujours aussi beau, encore un signe positif.
Je me cale sur un rythme de 800 m/h maxi, et essaye de m’y tenir. Je regarde fréquemment l’altimètre pour mémoriser le niveau d’effort à tenir. L’erreur classique est de maintenir sa vitesse lorsque la pente augmente, et de se retrouver rapidement dans le rouge sans s’en rendre compte. Je sais que les montées, ce n’est pas mon point fort, et que la plupart des concurrents ont tendance à trop allumer au début, mais je suis quand même très surpris par le nombre de personnes qui me doublent, et je n’ai pas fini d’être surpris !
Le ravitaillement du col se montre, encore beaucoup de monde autour des tables, pour ne pas perdre de temps je décide d’un passage rapide. J’ai encore mes Canelonis Carbonara de l’après -midi en action dans l’estomac, un verre d’eau, un arrêt vidange, et je repars sans prendre le temps de remplir ma poche à eau.
Col de Voza – Contamines : 21h01 - 22h34
Temps de course : 3h34 ; Km 24,7 ; D+ 1205
La nuit est déjà là, très noire, pas de lune. Je sors ma frontale du sac, et me la visse sur la tête, je pousse le bouton et surprise …je ne vois rien ! elle est pourtant bien allumée …. Les lunettes ! je n’avais jamais essayé la frontale avec les lunettes ! je ne les portes que depuis quelques mois. Je suis en train de courir en suivant plus ou moins les concurrents autour de moi, mais je ne vois pratiquement pas le sol à cause de la lumière qui se reflète sur les verres. Panique à bord !, pour l’instant ça va, mais je ne peux pas continuer comme ça. J’essaye de mettre la lampe au dessus de la casquette. Ca marche, la visière protège suffisamment pour éviter les reflets, sans créer d’ombres gênantes. Je suis soulagé, et déroule dans la pente à bonne allure. On ne se prépare jamais suffisamment !
Le passage du petit village se fait annoncer par les encouragements des habitants qui portent bien dans la montagne, puis c’est l’arrivée aux contamines. C’est incroyable ! on se dirait au tour de France en haut de l’alpe d’huez. 50 cm pour passer, encadré par des centaines de spectateurs qui vous tendent la main, qui vous encouragent et vous félicitent sur plusieurs centaines de mètres. Attention, pour un peu on se prendrait presque pour un grand sportif. Le sourire jusqu’aux oreilles, je me laisse aller au jeu et tape les mains de quelques enfants.
Bip, pointage, arrêt du chrono, et je prends enfin un peu de temps pour ravitailler et remplir – un peu – la poche à eau. Pas la peine de trimbaler trop de poids pour rien.
Contamines – La Balme : 22h39 - 00h02
Temps de course : 5h02 ; Km 33,1 ; D+ 1778
Un gros dénivelé en perspective, la première grosse difficulté du parcours. En plus, elle est longue cette approche le long de la rivière. Je me force à courir, je sais que c’est sur ce genre de portion plate qu’on peut faire la différence. Je tiens presque jusqu’au bout. J’attaque enfin la montée sur des dalles en pierre, je m’en souviens bien maintenant de cette montée !
Encore une fois je me fais doubler par beaucoup de monde. Pourtant je suis bien aux alentours de 800 m/h, ça me paraît pas ridicule comme progression. Surtout ne pas se laisser entraîner, je reste sur mon rythme. Le temps fraîchit, je suis content d’être parti avec un collant long. Je passe la veste à la Balme ou pas ?
La Balme – Croix du bonhomme : 00h09 – 01h38
Temps de course : 6h38 ; Km 38,6 ; D+ 2551
Le vent est glacial ! Il n’y a plus à hésiter. Le temps d’ouvrir le sac, de sortir la veste, de la passer, en tout 2 mn sans avancer, je suis déjà frigorifié. Faut pas traîner. Heureusement le Bonhomme va me réchauffer. La nuit est sombre, sans lune. Le serpentin lumineux des frontales derrière moi n’en est que plus magnifique encore. Ce bandeau qui s’étale sur des km m’encourage, je vois le chemin parcouru, et me compare à la petite lampe tout en bas, qui doit encore se taper tout ce chemin. Je place ma seconde frontale, une petite tika+, à la ceinture. Largement suffisante au vue de ma vitesse de progression dans la montée. J’économise ainsi ma frontale plus puissante, que je n’utiliserais désormais que dans les descentes.
Et je me fais encore doubler…ça commence à m’agacer un peu.
Le col arrive enfin, et bizarrement il ne fait plus froid. Mais la croix se fait attendre. Des observateurs nous annoncent qu’elle est juste là … ils ont une sacrée bonne vue parce qu’il me faut encore 10 grosses minutes pour l’apercevoir enfin. J’ai hâte de me dégourdir les jambes dans la descente.
Croix du Bonhomme – Les Chapieux : 1h39 – 2h21
Temps de course : 7h21 ; Km 43,9 ; D+ 2551
Je ne sais pas si c’est le fait d’être régulièrement doublé dans la montée, mais dans la descente je lache les chevaux. J’ai confiance en mes quadriceps, j’aime les descentes difficiles et je me sens le pied sûr, alors j’y vais franco. Pourtant c’est vraiment casse g…., entre la boue, les rochers, les ornières très profondes, je passe franchement à coté du chemin pour doubler, et je passe énormément de monde. Je tiens ma petite revanche ! C’est bon pour le moral, mais pas très constructif. Je me fatigue musculairement, et je ne reprendrais en fait que 5 mn à Jean Marc sur cette partie, lui qui est censé être moins bon dans les descentes. A éviter à l’avenir. Le final est plus calme, mais long, on en finit pas de zigzaguer en arrivant à cette première base vie.
Les Chapieux – Col de la Seigne : 2h33 – 4h43
Temps de course : 9h43 ; Km 54,3 ; D+ 3552
Comme l’année dernière il fait froid aux Chapieux, c’est un vrai frigo ici .Mais cette fois je suis mieux physiquement, et donc aussi moralement. La fatigue commence tout de même à se faire sentir. Je me force à manger le plus possible. Pâtes, coca, fromage, saucisson, biscuits, je mélange allègrement salé et sucré. Tout ce qui peut passer est bon à prendre. Mon estomac est encore opérationnel, il faut en profiter, ça ne va pas durer.
Quand je repars, j’ai le même regard envieux sur ce grand feu qui réchauffe les corps et les cœurs, au son d’une musique rock. Surtout ne pas s’y arrêter.
Je croise un couple et un enfant d’une dizaine d’année qui m’encouragent. Merci ! que font ils encore là à 3h du mat en pleine montagne ? probablement à attendre un amis coureur. En plus ça caille, chapeau à tous ces supporters qui font aussi le succès de cet événement hors du commun. Certains d’entre eux resteront autour d’un feu et d’un vin chaud toute la nuit, à acclamer et à secouer des Clarines.
L’approche par la route me semble longue, mais j’éteins ma lampe et admire les étoiles. Le spectacle est splendide, je marche dans le noir et profite de ce moment de pure solitude avec la montagne. Et je recommence à me faire doubler !
j’essaye de marcher vite…rien n’y fait, et ça ne va pas s’arranger avec le dénivelé qui s’annonce, 1000 m rien que sur ce col, il faut que je me fasse une raison.
Tiens, une étoile filante, vite, faire un vœu, encore un bon présage ?
La petite descente, puis les choses sérieuses commencent. La grosse galère aussi, j’accuse le coup. Je me cale désormais autour de 650 - 700 m/h. La fatigue se fait sentir, ou plutôt une impression d’inefficacité, et la pente est vraiment raide. Les petites lumières au dessus sont vraiment hautes, faut encore monter tout ça ! maintenant c’est moi la petite lampe tout en bas.
Tout vient à point à qui sait attendre paraît il. Dur à mettre en pratique dans ces conditions. Chaque pas commence à me coûter, et je sens que je commence à puiser dans mes ressources mentales pour évacuer la difficulté physique. Pas bon ! Cette fois je sais ce qui nous attend encore par la suite, mais il ne faut pas y penser, juste se focaliser sur un objectif à court terme, en l’occurrence le col. Il fini par pointer le bout de son nez. Mais j’ai morflé. J’ai vraiment un problème avec les montées.
Col de la Seigne – Refuge Elisabetha : 4h45 – 5h18
Temps de course : 10h18 ; Km 57,5 ; D+ 3552
Le début de la descente est technique, mais je préfère ça à la montée, et je peux enfin avancer. Je double quelques concurrents, ça remonte le moral. Puis le chemin devient roulant, en pente douce, mais c’est long, et j’ai du mal à me motiver pour courir. J’y arrive tout de même.
Je ne reconnais pas tout de suite les lieux, le ravitaillement n’est plus au même endroit. Et cette fois j’arrive de nuit, plus tôt donc que l’année dernière. Je ne cherche pas encore à savoir de combien. Trop tôt. Pour l’instant j’essaye de gérer ma course en fonction de mon ressenti. Les temps et positions, on verra plus tard.
Refuge Elisabetha – Arête Mont Favre : 5h23 – 6h30
Temps de course : 11h30 ; Km 62,8 ; D+ 4017
Après quelques étirements, je repars assez vite du ravitaillement, je ne me sens pas trop mal. Mais je vais vite déchanter. Ce lieu est l’un des plus beau du parcours, et j’ai gardé un très bon souvenir de cet endroit que j’avais passé au lever du jour en 2005. Je cours sans trop de difficultés sur la route plate qui longe le lac, et attaque le col Mont Favre. J’avais déjà galéré à ce stade, et bien je récidive. Pourtant sur le papier il y a moins de 500 m de D+, ce n’est pas le plus terrible. Cette fois je ne m’arrête pas dans la montée – ce n’est que partie remise – mais c’est très dur, et je n’avance pas. Chaque pas devient une épreuve, je suis encore obligé de baisser mes prétentions, moins de 650 m/h. Que les mètres défilent lentement sur l’altimètre. Ne pas regarder la montre, prendre son mal en patience, encore et toujours. Enfin le col, je prends une minute pour admirer le paysage qui est de toute beauté, le jour se lève enfin.
Arête Mont Favre – Col Chécroui : 6h30 – 7h16
Temps de course : 12h16 ; Km 67,3 ; D+ 4042
Le chemin est facile, il descend en pente douce et le paysage est magnifique…sauf que je n’avance plus. Je commence à ressentir le manque de sommeil – ça sera d’ailleurs la seule fois - Le gros coup de barre arrive, j’essaye de tenir jusqu’au prochain ravitaillement, mais je m’écroule littéralement, et m’assoie dépité dans l’herbe. Je m’étais pourtant juré de me ménager jusqu’à Courmayeur, je suis peut être parti trop vite. Je mange une barre et bois un peu. Certains concurrents me demandent si ça va, oui – oui merci, ça va aller ! il faudra bien de toute façon…J’avais besoin de manger. Le réservoir était vide, ça va un peu mieux.
le point de vue est magnifique, mais il faut pas abuser ! il est temps de repartir. Il fait un peu froid au petit matin, je suis quand même à prés de 2500 m d’altitude, j’ai les mains gelés, mais c’est largement supportable.
J’aperçois enfin les remonte pentes, Le col Chécroui est proche, ouf ! ce ravito est particulièrement le bienvenu.
Col Checroui – Courmayeur : 7h26 – 7h56
Temps de course : 12h56 ; Km 72 ; D+ 4042
Le rêve ! du fromage, du saucisson, de la Coppa, du yaourt fait « maison », il y a même du vin !, je n’ose pas demander d’ouvrir la bouteille, d’ailleurs valait peut-être mieux pour mon estomac. Ce petit festin fait des miracles, je me sens revivre. Je caresse un nouvel espoir, arriver à Courmayeur avant 8h00. Je me lance dans la descente, en me préservant tout de même un peu. Les cuisses chauffent, c’est combien déjà l’altitude du ravitaillement ? je rejoins un petit groupe de coureurs dans les rues de Courmayeur, et n’ose pas les doubler sur la ligne. De toute façon je ne suis pas à deux places près. J’arrive effectivement à la base vie avant 8h00, pas trop épuisé, cette petite victoire provisoire me gonfle d’optimisme pour la suite, je vais en avoir besoin.
Courmayeur – Courmayeur : 7h56 – 8h33
Temps de course : 13h33 ; Km 72 ; D+ 4042
J’ai tout anticipé dans ma tête pour ne pas perdre trop de temps, je veux respecter mon objectif de 30 mn d’arrêt. Il fait beau, encore un peu frais, mais le ciel est bleu, la montée sur Bertone sera chaude. Je m’écroule par terre dans un coin de libre, abandonne mon collant au profit d’un short, et enfile un Tee-shirt léger et sec. J’ai pas très faim, mais je m’oblige à avaler des pâtes, un peu de laitage, tout ce qui peut passer. J’admire le mur d’escalade du gymnase – fantastique – discute un peu avec mes voisins de table. J’appelle Céline :
« Je viens d’arriver à Courmayeur, tout va bien pour l’instant ».
« Je sais ! tu as une demie heure d’avance sur tes objectifs …bravo, continue comme ça »
C’est vrai, j’avais oublié les SMS ! elle peut effectivement me suivre grâce aux messages qui lui sont envoyés à chaque pointage. Apparemment, ça fonctionne à merveille. Bon OK, pas d’euphorie, la route est encore très longue, mais l’objectif de 35 h me semble atteignable. continuer à gérer au mieux le physique, et surtout ne pas craquer.
Contrairement à l’année passée, je ne cherche pas à savoir mon classement. Pourtant, cela m’avait encouragé du fait de ma progression régulière tout au long de la course. Superstitions ? peur d’être déçu ?
Il est temps de repartir, les minutes filent vite quand on se repose.
Courmayeur – Bertone : 8h33 – 9h50
Temps de course : 14h50 ; Km 76,9 ; D+ 4856
Pas de pointage au départ ? je m’étonne et fait demi-tour pour vérifier que je suis bien parti dans la bonne direction. C’est bon, bizarre ! Je rattrape un couple et reste un moment à discuter avec eux. Je suis toujours étonné par le physique des filles qui pratiquent ce sport. Contrairement aux garçons, elles n’ont généralement aucuns muscles apparent aux jambes. Pas de quadriceps ou de mollets saillants, restant très féminines et très fines. Galant, je la laisse passer lorsque le chemin devient étroit et me cale derrière, aux premières loges pour vérifier mes hypothèses anatomiques sur les coureurs d’ultra ! mais il pourrait y avoir une trace de ma forfaiture …un cameramen monte une centaine de mètres au pas de course avec son matériel sous le bras – je ne pourrais déjà plus en faire autant – et nous filme tous les trois à la queue leu leu. Je prendrai peut être le film de la course cette année !
La pente est raide, mais l’arrêt à Courmayeur à été salutaire, il fait beau, le point de vue sur la ville est superbe, je me sens bien malgré la montée très raide à cet endroit. Le rythme est bon et pour une fois, je ne me fais plus trop rattraper dans cette côte.
Par contre j’ai déjà des irritations aux fesses, et c’est beaucoup plus tôt que d’habitude, ça m’inquiète un peu car cela peut devenir rapidement très douloureux. Autrement, aucun problèmes physiques, je n’ai même pas changé de chaussettes à Courmayeur.
Refuge Bertone – Refuge Bonati : 9h55 – 11h03
Temps de course : 16h03 ; Km 84,4 ; D+ 5241
Cette portion est magnifique, mais m’avait parue très longue l’année dernière. La succession de petites montées et de descentes oblige à changer continuellement de rythme. Les fractionnés, c’est pas ma tasse de thé ! mais j’arrive à courir sans trop d’efforts. En fait, je me régale. J’essaye de profiter au maximum du moment présent, et laisse divaguer mon esprit au grès de mes fantaisies. Le paysage est de toute beauté, et je m’oblige à lever un peu la tête pour le contempler. Il faut en profiter car les choses vont se corser après Arnuva, et là, la chanson sera bien différente.
Refuge Bonati – Arnuva : 11h07 – 11h53
Temps de course : 16h53 ; Km 88,7 ; D+ 5337
La descente est facile et je me laisse porter sans difficulté particulière. Soudain, Clac ! le câble en acier qui maintient la guêtre sous la chaussure droite vient d’être tranché net par un caillou. Un bout de câble baladeur menace de m’entailler le mollet gauche à chaque pas. Je chercherai une pince coupante à Arnuva pour résoudre le problème de façon radicale. Sans succès. J’apprendrai par la suite que Jean Marc, qui a le même modèle, a cassé les deux cotés à moins de 10 mn d’intervalle.
Arnuva – Grand col Ferret : 12h05 – 13h33
Temps de course : 18h33 ; Km 93,3 ; D+ 6105
Ce col va une fois de plus tenir sa réputation. Il n’a pourtant pas plus de dénivelé que les autres. Mais il est vrai que l’on commence à avoir des km dans les pattes, et dieu que c’est raide !. J’ai beau faire des petits pas, et y aller doucement, je sens que ça le fait pas. Je n’avance vraiment plus, je suis essoufflé, vidé, je n’en peux plus. Je vois un concurrent s’asseoir sur le bord du chemin, épuisé, je ne vais pas tarder à faire de même. Une jeune randonneuse me félicite – merci, sourire crispé - je ne peux presque plus parler. Elle me laisse passer.
L’ambiance est bon enfant, les randonneurs se poussent spontanément pour laisser passer cette procession qui souffle en avançant à une vitesse d’escargot. Elles sont loin les foulées énergiques du col de Voza ! Je m’assoie à mon tour, une première fois. Barre énergétique, eau, la randonneuse me repasse, aller ! courage !
Je me relève, et repasse la fille. Je stoppe à nouveau. Cette fois, aux grands maux les grands remèdes, je sors un gel pour les cas d’urgence. Toujours la fille, avec un grand sourire, « le col n’est plus loin, vous avez presque fini !!! » J’essaye de me rappeler … « après il doit rester quand même dans les 70 km…. » Elle est peux être en train de se dire qu’elle a fait une gaffe ! Le gel fait son effet, et la vue de la tente de pointage fait le reste. J’ai dû perdre pas mal de temps, mais ce gros morceau est passé, 800 m de dénivelé de plus au compteur.
Grand col ferret – La peule : 13h34 – 14h00
Temps de course : 19h00 ; Km 96,8 ; D+ 6105
Je suis beaucoup plus à l’aise maintenant, dans cette descente douce, et parviens à courir sans avoir l’impression de dépenser de l’énergie. Je me laisse porter par la pente, et allonge la foulée pour être efficace, l’entraînement paye maintenant. Je double pas mal de monde, même ceux qui courent, en général d’un petit trot peu efficace et plus fatigant que la marche. Le m’amuse à compter les concurrents repris sur cette portion… 23 au total, c’est largement plus que les places perdues dans la montée du col. On se motive comme on peut ! Je vais regagner beaucoup de temps sur cette partie. La leçon de l’année dernière a été claire, on perd beaucoup à ne pas courir sur ces longues descentes douces, ou sur les portions plates. Ma motivation est maintenant d’arriver à Champex le plus vite possible, je me reposerai là-bas.
La Peule – La Fouly : 14h01 – 14h43
Temps de course : 19h43 ; Km 102,2 ; D+ 6116
C’est dur de se motiver pour courir sur les parties plates, mais je garde en tête Champex. La promesse d’un vrai repos me pousse à y arriver le plus vite possible. Et puis je commence à calculer mes temps, il devient évident que malgré mes relatives difficultés dans les montées, le suis de plus en plus en avance sur mes prévisions. A chaque étape je gagne des minutes, et je n’ai pas ce besoin de m’asseoir ou de m’arrêter longtemps aux ravitaillements. J’arrive à La Fouly avec 1h20 d’avance sur mes objectifs, mais je sais que tout peut basculer d’un coup, une blessure, ou craquer, comme à Trient l’année dernière. Je reste donc prudent, et refuse toujours de connaître mon classement. Il paraît que le niveau est plus haut qu’en 2005, j’ai peur d’être déçu. J’aimerais quand même savoir ou se trouve Jean Marc. A ce rythme, je suis sur un temps de 2h sous l’objectif. Dans un tout petit recoin de mon cerveau, se profile l’espoir fou de faire moins de 33h00. Je n’ose pas l’espérer, et reste sur la probabilité d’une baisse de régime après Champex. Je sais combien la seconde nuit sera difficile. Je reste donc prudent sur mes objectifs.
La Fouly – Praz de fort : 14h57 – 15h58
Temps de course : 20h58 ; Km 110,5 ; D+ 6183
La Fouly . La première chose que je vois au fond de la salle, c’est un panneau « Toilettes ». Je viens enfin de trouver une solution au problème qui m’encombre depuis quelques heures. Mais même là, il va falloir que je me dépêche, un autre client impatient tambourine à la porte. Je ne me suis pourtant pas endormi que je sache ! Il est pourtant vrai que me sens confortablement installé.
Je repars après un ravitaillement maintenant standard : mes deux verres de coca habituels. Mon estomac ayant maintenant renoncé à tout travail trop « solide ». Il faudra que je me contente de ce menu jusqu’à la fin.
Les km semblent longs. A droite, je retrouve les chalets typiquement suisse dans leur prairie champètre, on croirait voir une carte postale avec les montagnes en arrière plan. Regarder le paysage c’est bien, mais il faut quand même faire attention ou on met les pieds. Sans être difficile, la corniche domine de haut la rivière. Avec la fatigue, un faux pas est vite arrivé.
Je garde en tête mon objectif du moment , Champex.
Praz de fort – Champex : 16h03 – 17h14
Temps de course : 22h14 ; Km 116,8 ; D+ 6649
Dernière étape avant un repos tant attendu.
Je parviens encore à trotter doucement dans la descente qui m’amène au point bas, avant d’attaquer la montée, une de plus. Les vaches me regardent monter, imperturbables. Il faut dire que je ne dois pas être le premier à passer par là depuis quelque temps. Le chemin n’en finit pas de monter, de descendre, de remonter. Un concurrent est affalé sur un banc, et sembles admirer une superbe vache en train de brouter juste devant lui. Ca va ?? oui – oui ça va…Je serre les dents et continue à monter encore et encore. Je rejoins finalement la route avec soulagement . Plus qu’un km et la dernière base vie est en vue. Il commence à tomber quelques gouttes, j’arrive à point pour me mettre à l’abri.
Champex – Champex : 17h14 – 18h02
Temps de course : 23h02 ; Km 110,5 ; D+ 6183
Je pointe, et ne vois qu’à peine les visages des belles kiné et autres podologues qui nous accueillent – à en croire les nombreuses remarques sur le forum - Je commence vraiment à être crevé !! j’entends immédiatement mon dossard au mégaphone… 311 ! avant même de comprendre ce qui se passe, je me retrouve avec mon sac assistance dans les bras. Quelle efficacité ! Par contre moi, j’ai le cerveau qui fonctionne au ralenti, comme tout le reste d’ailleurs. J’entre dans la tente et m’écroule sur un banc. Je choisis précisément l’endroit ou de l’eau tombe au goutte à goutte depuis une fuite sur le toit. Je n’ai même pas le courage, ou la présence d’esprit, de me déplacer de quelques cm sur le banc ! au moins, je sais le temps qu’il fait dehors !
Je tombe la tête dans les mains et ferme les yeux. C’est une très mauvaise idée. Immédiatement, je ressens le manque de sommeil, la tête se met à tourner, j’ai l’impression de partir en arrière …je réagis tout de suite, se reposer, oui, mais ne pas se laisser aller.
Je me change, et repasse mon collant. Je prépare ma veste, mais je laisse la polaire au sec, compressé dans son sac congélation. Il pleut, le ciel est couvert, il ne devrait pas faire trop froid cette nuit. Et je veux me garder quelque chose de sec en cas de problèmes.
Je me lève pour aller chercher un gobelet avec de la soupe et un peu de nouilles. Il faut absolument que j’arrive à avaler quelque chose de solide en prévision de la nuit qui s’annonce. Je reviens m’asseoir exactement à la même place, sous mon goutte à goutte ! je mets bien un quart d’heure à avaler mon gobelet, mais c’est passé, c’est déjà ça de pris. Je n’oublie pas cependant mes deux verres de coca.
Je téléphone à Céline.
« C’est génial !! Tu prends de l’avance à chaque étape, tu t’es planté dans tes prévisions ou tu vas vraiment bien ??? ».
Je ne me suis pas trompé dans mes prévisions. L’excellente feuille de route de Rémi Poivert a fait les calculs pour moi. Et deux heures et demi de mieux que l’année passé me semblait déjà un objectif très correct. Mais je me sens vraiment épuisé, et je doute de tenir sur le même rythme jusqu’à la fin.
« Essaye de tenir ton avance ! …. ».
Je ferais mon possible !…
Champex – Bovines : 18h02 – 20h02
Temps de course : 25h02 ; Km 126,1 ; D+ 7353
La pluie tombe bien maintenant, mais emmitouflé dans ma veste, je me sens en confiance.
Je connais la montée qui m’attend, un très mauvais souvenir.
J’ai la hantise de craquer comme je l’ai fait l’année dernière à trient. J’y était resté 2 heures, très agréables du reste, sous les mains expertes de Morphée, des masseuses et des podologues.
Alors j’y vais doucement. D’autant que le chemin se transforme petit à petit en torrent, la montée devient délicate. Le vent est fort au sommet, et c’est un miracle que mes lunettes soient encore sèches sous les trombes d’eaux. La visière de la casquette fait merveille. J’ai tout le bas des jambes trempées, et je sens le vent glacé à travers le collant. Je commence aussi à avoir très froid aux mains, mais mes gants en soie ne me protègeraient pas longtemps sous la pluie. Je préfère donc les garder au sec pour me réchauffer lors d’un ravitaillement si cela devient nécessaire. Comme le chemin est plat, je clips mes battons ensembles – j’ai bien fait de garder les petites rondelles – me les passe sous un bras et fourre les mains dans les poches. Tant que je ne m’arrête pas, je ne me refroidis pas. Là haut, le chemin devient rapidement ruisseau, et je ne comprends pas comment mes pieds peuvent être encore relativement secs. Un groupe se forme, comme souvent dans ces moments difficiles. Nous sommes une petite dizaine à atteindre le refuge.
Bovines – trient : 20h05 – 21h24
Temps de course : 26h24 ; Km 132,2 ; D+ 7427
Le ravitaillement, généralement synonyme de réconfort, se révèle être un véritable enfer. Le vent est froid et très fort en rafales, il pleut, le jour décline, c’est pas encourageant. La traditionnel poêle de pointage ne paraît pas fonctionner, c’est manuellement que l’un des bénévoles procède à l’enregistrement des arrivants. Une partie du groupe va se réfugier directement dans la tente de repos. Je ne sais pas qu’elle est chauffée. J’entends soudain un gars qui crie, « on reste pas là, on se taille ». Je crois qu’il a raison, on sera bien mieux en bas, à Trient. Si on se refroidit, c’est la catastrophe, on arrivera jamais à se réchauffer. Je lance à la volée mon N° de dossard pour le pointage, j’attrape un verre de coca en catastrophe, et me raccroche au petit groupe qui part déjà dans la nuit. Je reste la tête vissée sur les pieds de mon prédécesseur, me protégeant ainsi de la pluie qui tombe violemment avec les rafales de vent. Le rythme me convient, je n’irais probablement pas aussi vite tout seul. J’ai définitivement abandonné l’idée de garder mes pieds au sec, et ne cherche plus vraiment à éviter les flaques.
J’aime les descentes délicates. Mais celle-ci me semble ne plus finir. Devant, celui qui ouvre la route fait un boulot formidable. Sous sa cape verte qui vole avec le vent, il me fait penser à un fantôme, je le vois à peine, alors qu’il n’est même pas à 10 m devant moi. Le gars intercalé entre nous n’a toujours pas allumé sa frontale. Mais comment il fait ?? Avec la mienne j’ai déjà du mal à y voir quelque chose, alors sans rien ! Les racines et les rochers se multiplient. On ne voit pas bien ou on met les pieds, les chevilles doivent improviser à chaque pas
Je me sens bien. Peut être l’adrénaline du coup de mauvais temps ? L’impression de faire quelque chose de difficile, mais de bien gérer la situation ? J’arrive à Trient avec mes deux ouvreurs. Deux bénévoles sont là, au milieu de la route, sous la flotte, pour nous indiquer le chemin. Je suis admiratif devant leur détermination à nous aider et à tenir leur place ! Il y a encore une descente raide dans la boue et le noir, un de mes acolyte a des problèmes avec sa frontale, je l’attends. On se retrouve tous les deux en train d’arranger son élastique quand la pluie tourne à la grêle ! ça tombe dru et les rafales de vent redoublent. Ca ne durera que quelques minutes, mais la violence de l’orage me met sur mes gardes. Nous sommes en haute montagne. Il faut rester prudent, surtout dans l’état physique ou on se trouve à ce stade de la course. Qu’en sera t ‘il en haut du prochain col ?. La dernière descente est une vraie patinoire, et mon compagnon reste sans lumières. J’ouvre le chemin, et un troisième lui éclaire les pieds. Heureusement, la fin de l’étape est proche.
Trient – les Tseppes : 21h36 – 22h39
Temps de course : 27h29 ; km 135,3 ; D+8062
L’orage m’a un peu secoué. Pas physiquement, sur ce plan là je vais étonnamment bien, mais Je me pose des questions. Est-ce bien raisonnable de remonter là haut dans ces conditions ? Pour avoir beaucoup pratiquer la voile, je sais qu’on ne joue pas avec le mauvais temps. La frontière entre le moment ou tout va bien, et celui ou la situation dégénère est ténue. En montagne c’est pareil. J’entends quelqu’un qui dit vouloir abandonner, que ce n’est pas raisonnable de repartir dans ces conditions.
Et là je vois deux gars qui se montent des véritables lampadaires sur la tête ! au moins 24 leds, une lampe grosse comme une soucoupe, avec les batteries dans le sac. Je me dis qu’ils peuvent être des compagnons de route efficaces ! Je les attends un peu, mais ils prennent beaucoup de temps à préparer leur harnachement. Comme je suis toujours un peu lent dans les montées, je décide de partir seul. Avec un peu de chance, je les retrouverai là-haut.
L’orage est passé, et les conditions redeviennent bonnes, la montée se fait finalement sans encombres.
Les Tseppes – Vallorcine : 22h46 – 0h09
Temps de course : 29h09 ; km 142,4 ; D+8215
Cette fois le ravitaillement est accueillant, avec un feu de bois dont je profite quelques minutes. Comme je ne ressens pas le besoin de trop m’arrêter je repars assez vite, seul. Au milieu de nul part, de nuit, sous la pluie, avec 140 bornes et 8000 m de D+ au compteur, il vaut mieux avoir la moral !! ma frontale trouve rapidement ses limites quand le brouillard se met de la partie, et il m’arrive de ne même plus voir le chemin sur lequel je marche. Mais je ne tarde pas à retrouver mes deux lampadaires ambulants, il faut dire qu’on les voies de loin ! Leurs loupiotes sont impressionnantes. Alimentées par des piles Lithium de 130 gr seulement, elles ont 10h d’autonomie ! fabuleux. La descente patinoire vers Vallorcine est fidèle à ce dont je me souviens.
Je n’avais jamais vu ces bâtons minuscules, qui se plient façon arceau de tente, avec un élastique dedans. Quand je vois comment je sollicite les miens dans la descente, je ne serais pas rassuré avec ces tiges minuscules. Pourtant, ceux de mes amis de galère plie, mais ne rompt point. je me casse la figure deux fois. Comment font ceux qui n’ont pas de bâtons ? J’ai l’impression d’aller relativement vite, mais par la suite, les chiffres me diront le contraire. La petite équipe à trois fonctionne à merveille. A ce stade de la course, le moral joue pour beaucoup dans la vitesse de progression. C’est plus facile en discutant.
Vallorcine – Argentière : 0h14 – 01h25
Temps de course : 30h25 ; Km 148,8 ; D+8436
Je ne ressens pas le besoin de me reposer, et je n’ai qu’une hâte, en finir. On repart tous les trois, moi et mes deux « lampadaires ». Ils tentent de rallier Chamonix en moins de 32h, je les laisse donc me lâcher dans le col des Montets. Toujours mon problème de montée justement. Je les rejoindrai en fait un peu avant Argentières. L’objectif leur a semblé irréalisable, et ont finalement levés le pied. Je ne me rappelais pas de tout ces tours et détours avant le dernier ravitaillement, mais le moral est au beau fixe. Sauf accident, je suis certain maintenant de finir dans un temps inespéré. Je marche donc seul à allure commando, une grosse pierre me rappelle que même sur ces sentiers redevenus relativement roulant, il faut quand même rester attentif. Bref, je m’étale de tout mon long dans les cailloux.
Argentière – Chamonix : 01h30 – 03h21
Temps de course : 32h21 ; Km 158,1 ; D+8639
De la raclette ! ils sortent de la raclette au ravitaillement ! j’adore ça, mais là, c’est largement dépasser les capacités d’adaptation de mon estomac ! Il faut dire que les bénévoles, eux, vont y passer toute la nuit., et pourront se réconforter. Moi j’espère bien être couché dans deux heures. Et c’est reparti pour les 10 km les plus longs de toute la course. Le chemin est beaucoup plus mauvais que dans mes souvenirs. Il faut dire qu’à mon dernier passage il faisait déjà jour à ce moment là. Il recommence à pleuvoir, mais je ne suis pas à ça près. Je discute avec Stéphane et Bernard, dont le lampadaire montre des signes de faiblesse. C’est interminable. L’état du terrain et notre état physique nous empêche de courir. C’est plutôt ambiance marche forcée. La dernière montée tant attendue arrive, c’est le signe que Chamonix approche. Mais la descente finale se fait attendre encore et encore. Je mets le cerveau sur position off, et me contente de suivre mécaniquement le rythme de Stéphane qui semble tout content de cette petite ballade dans les bois. C’est son premier Trail, je suis admiratif. 2h47 au marathon ! nous ne sommes pas sur la même planète …
Le plan au départ, était que j’appelle Céline avant l’arrivée, pour qu’elle puisse m’accompagner sur la ligne. Passer l’arrivée avec ma fille dans les bras, c’est le rêve absolu ! Mais j’arrive beaucoup plus tôt que prévu, en plus il pleut, il fait froid. Je me dit que je vois mal Céline réveiller la petite à 3h du mat pour la sortir sous la pluie, et satisfaire un plaisir égoïste. A 7 mois, on peut pas dire qu’elle sera fière de son papa ! Après mûre réflexion - c’est pas le temps qui me manque pour ça - et la mort dans l’âme, je renonce à une partie de mon rêve, je les retrouverais donc toutes les deux à l’hôtel. Je n’appelle pas. Grave erreur !
C’était sous estimer ma femme. A la réception du SMS d’argentière, elle calcule mon heure probable d’arrivée, réveille la petite, et descend m’attendre sur la dernière ligne droite, à deux pas de l’hôtel. Laura tout sourire dans les bras.
Pas de chance, je viens de passer il y a à peine 2 mn !
J’arrive enfin en vue de l’arrivée. Derniers virages au petit trot, nous laissons Stéphane passer devant, il à été le meneur depuis longtemps. Je vois, avec une pointe de jalousie, ses deux filles et sa femme le rejoindre pour terminer les derniers mètres avec lui. Très sportivement, il réclamera l’égalité.
C’est un plaisir immense qui m’envahit lorsque Céline me rejoint à son tour sur la ligne, avec notre fille dans les bras, Laura.
Post scriptum
C’était mon troisième grand raid en trois ans de course à pied, La diagonale en 2004, et pour la seconde fois l’ UTMB. J’ai toujours terminé, mais cette fois largement au dessus de mes prévisions. J’attribue cette réussite, bien sur à l’entraînement, quoique quelque peut négligé cette année, aux conseils avisés de mon collègue Jean Marc qui lui, possède une solide expérience des épreuves les plus folles – il finit sans surprises devant moi – mais surtout à deux autres facteurs :
D’une part, le fait d’avoir passé deux semaines en altitude juste avant la course. J’étais à 1500 m, avec des entraînements jusqu’à 2500. Je pense que l’influence est énorme, d’autant que je suis sujet à l’ashme d’efforts.
D’autre part, je me rends compte que j’attribue assez peu de place à la dimension humaine de l’épreuve, pourtant exceptionnelle pendant cette course. Toute mon énergie est centrée sur moi, et rien que sur moi. J’y vais pour la performance, et je me bats pour moi, contre moi. Mon unique but est de gérer au mieux ma course. Le temps final, bien que source de motivation importante, ne vient qu’après le fait de finir en ayant l’impression d’avoir fait le moins d’erreurs possibles, d’avoir optimisé au mieux mes capacités. Je regarde peu le paysage, ainsi que les gens qui m’entourent. C’est sûrement dommage, je rate probablement beaucoup à ne pas rencontrer davantage les autres coureurs, les bénévoles, à m’imprégner de l’ambiance fantastique de cette course. Mais c’est ma façon d’aborder ce défi, j’y vais d’abord pour me dépasser. Cette épreuve est pour moi l’occasion de faire un voyage d’introspection physique, et mental Extraordinaire.
C’est l’occasion de remercier Jean Marc, pour ces conseils et son soutient pendant nos longues heures d’entraînement partagées. Sans lui, rien de tout cela n’aurait été possible. Laura, pour ses sourires et son éternel bonne humeur qui rend heureux ; et surtout ma femme, Céline, pour sa patience, sa compréhension et son soutien au quotidien.
Un mot particulier également à tous ces bénévoles qui passent la nuit dehors, par tous les temps, pour se mettre à notre service et qui en plus, nous encouragent.
Marseille, le 3 septembre 2006
2 commentaires
Commentaire de devey posté le 10-09-2006 à 17:41:00
bravo pour ta course et ton recit
Commentaire de Philippe8474 posté le 11-09-2006 à 10:18:00
Bravo et belle performance pour ta course.
J'apprécie particulièrement ta conclusion. C'est vrai que sur une course comme ça, je me replie un peu sur moi comme tu le décris très bien. Ca me fais plaisir de voir que je ne suis pas le seul à réagir comme ça. Et surtout que c'est notre façon de vivre cette course!
En tout cas encore bravo et merci pour ton CR.
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