L'auteur : olivier_coursesextremes
La course : Ultra Trail du Mont Blanc
Date : 24/8/2007
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
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Distance : 163km
Objectif : Terminer
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Après avoir terminé deux marathons des sables (2005 et 2006) et une diagonale des fous (2006), en autant de participations, l'objectif à suivre était l'UTMB.
En terme de difficulté, j'ai évalué que ces trois courses se valent à peu près, mais je dois admettre que l'expérience accumulée (notamment la gestion d'une deuxième nuit blanche à la Réunion) a été un plus indéniable.
Mon niveau ? Je termine ces courses dans le premier quart ou le premier tiers du nombre total des participants. Je n'envisage pas mieux.
SURTOUT TERMINER.
Peu importe les blessures, à raison de 1 à 2 courses par an seulement, je peux me permettre de terminer le raid dans un état lamentable. Marcher ou courir des heures avec une tendinite au genou comme à La Réunion est une souffrance que je parviens à gérer.
Le temps limite étant de 46 h (3,5 km/h) et ayant bouclé le Grand Raid de la Réunion en un peu plus de 40 heures (3,5 km/h), je pouvais viser 40h (4 km/h). A partir de discussions avec d'autres coureurs qui connaissaient les deux terrains de jeu, il semblait que le parcours de l'UTMB était plus roulant que celui de la Réunion.
Ne nous y trompons pas. La participation à une telle course, en tout cas pour ma part, est vécue comme une expérience unique, hors du commun, durant laquelle tout, vraiment tout est orienté vers l'atteinte de l'objectif, FINIR.
Pour cela je ne compte que sur moi-même, aucune assistance, pas de compléments nutritionnels (hors quelques grammes d'isostar en poudre), pas d'assistance médicale prévue (j'ai terminé toutes mes courses jusque là sans aucune assistance, kiné, podologue, médocs).
AVANT LA COURSE
Les nuits qui ont précédé la course n'ont pas été aussi longues que je l'aurais souhaité, ayant eu du mal à m'endormir. Le stress sans doute. Le départ ayant lieu à 18h30, cela me laissait du temps pour buller toute la journée, allongé des heures sur le confortable canapé du hall d'accueil d'un hôtel de Chamonix.
Puis l'heure du rassemblement sonna.
Se ravitailler à la pasta party de l'organisation, buller encore sur l'herbe verte, puis se diriger vers la ligne de départ, bondée très tôt.
Un dernier pipi à l'écart, je suis fin prêt.
L'anxiété me prend.
Il y a tellement d'incertitudes dans un défi de ce genre.
Gestion du temps : ne pas partir trop lentement en raison de la barrière horaire, ne pas s'arrêter trop longtemps aux ravitaillements.
Gestion de l'hydratation : boire un peu tous les quart d'heure non seulement pour s'hydrater, mais lentement afin que l'estomac puisse fonctionner normalement le plus longtemps possible.
Gestion de l'alimentation : les ravitaillements étant situés tous les 8 à 10 kms, il s'agit de consommer de temps en temps une barre céréale ou une barre chocolatée ; j'espère pouvoir avaler des pâtes à Courmayeur (mi course) à et à Champex ; mais à partir de quel moment mon estomac n'acceptera plus rien, comme ce fût le cas à La Réunion, pour les 15 dernières heures de course ?
Gestion du pipi : le stress de l'avant course donne envie de faire pipi un paquet de fois. C'est une toute autre histoire après des heures d'effort. Le risque d'être bloqué au niveau du pipi est bien réel (comme à La Réunion), or c'est un moyen d'éliminer les mauvaises toxines ! Il convient donc de se forcer à faire pipi régulièrement (chaque ravitaillement).
Gestion des courbatures et de la fatigue musculaire : j'avais plutôt bien géré ce problème à La Réunion, avec des étirements jusqu'à la mi course régulièrement.
Gestion des tendinites et entorses : là, il faut serrer les dents. Tout mon entraînement a consisté en fait à ce que fatigue musculaire t tendinite arrivent le plus tard possible, ... le plus tard possible ...
Gestion du sommeil : l'expérience d'une deuxième nuit blanche dans l'effort est une expérience énorme, qui renforce encore le dépassement de soi ; tant mieux pour ceux qui n'en ont pas besoin pour terminer, mais pour l'avoir déjà vécu à La Réunion, c'est un défi supplémentaire ; on parle de mirage du désert, il faut parler de l'hallucination de la deuxième. Exemple, à La Réunion, je me suis cru 10 kms plus loin, ce n'est pas rien.
Gestion des pieds : ça c'est mon point fort ; préparation 20 jours avant par massage avec de la crème anti-frottement, s'enduire les pieds de crème anti frottement le jour du départ, puis changement de chaussette à mi course et à Champex ; objectif ; zéro ampoule ; et cela marche !
Gestion du froid : par chance la météo était au beau fixe, un collant de course, un coupe-vent, et un bonnet auraient pu ne pas suffire, en l'absence de vêtement de type gore-tex. Aucune gestion particulière n'était prévue quant à la température de mes bidons, je ne croyais pas, au contraire des récits d'autres coureurs, que l'eau très froide serait une gêne.
Autre paramètre : les bâtons de randonnée. Je n'en avais pas. Et pourtant, le reportage télé de l'année dernière montre bien que les bâtons sont nécessaires pour terminer.
Plusieurs bémols à cela :
1) c'est une course, et pour moi les bâtons cela fait "randonneur" ; et même si en 40 h on marche beaucoup, il y a aussi de nombreuses heures passées à courir.
2) le premier de l'édition 2006, un italien, n'en avait visiblement pas.
3) à La Réunion, les bâtons de randonnée sont interdits. Bizarrement, certains trailers parvenaient à en trouver en bois, très droits, bien longs.
4) des milliers de paires de bâtons sur le parcours ont un impact sur le sol : creusement, pierres déplacées, fleurs abîmées, sans compter les coups de bâton aux autres concurrents, et le fait qu'un concurrent avec bâton prend deux fois plus de place que sans, que ce soit pour dépasser ou se faire dépasser.
Bref, une suggestion aux organisateurs.
Puisqu'il y a de plus en plus de demande et que la tendance est au durcissement de la course et des conditions d'inscription, pourquoi ne pas INTERDIRE LES BATONS ?
Retour à la course.
DEPART
18h30, le compte à rebours a commencé sur la musique des chariots de feu, le vacarme de l'hélicoptère qui survole cette marée humaine prête à en découdre avec le programme dantesque, le bruit de la foule surchauffée, ambiance Tour de France, si si ! mais quand faut y aller faut y aller.
5...4...3...2...1... c'est parti ...
Placé bien loin de la ligne de départ, ce n'est qu'après quelques minutes que le premier mètre de course est franchi.
Le flot de trailers est encore congestionné pour plusieurs centaines de mètres dans les rues de Chamonix, c'est tout de même bon de profiter de ces clameurs d'encouragement, de ces vivats.
Il était conseillé par l'organisation que les bâtons de randonnée soit rangés dans les sacs au départ, cohue oblige. Cette consigne n'était pas bien respectée, malheureusement. Nous verrons que ce ne sera pas la seule.
1) CHAMONIX SAINT GERVAIS 20,1 km Dénivelé + 942 m dénivelé - 1 170 m
Enfin il est possible de commencer à courir. Jusqu'aux Houches (8km), le parcours est assez plat, et comme de plus la barrière horaire est fixée à 8 km heure environ, il convient de ne pas tergiverser. Il faut courir.
Les sensations sont correctes, je m'hydrate tous les quarts d'heure. Je parviens également à effectuer un petit pipi avant les Houches.
Le passage aux Houches est salué par des dizaines de spectateurs, c'est enivrant.
Mais la première ascension, celle du Col de Voza, démarre. Position marche. A bon rythme, comme tout le monde d'ailleurs.
A noter l'abandon d'un concurrent qui fait la descente, donc en sens inverse du flot, personne n'aimerait être à sa place.
Surprise, au premier lacet un peu long, je vois que plusieurs trailers, hommes ou femmes, coupent. Le règlement de la course est pourtant clair, il est interdit de couper, sous peine de disqualification. Incroyable, et alors même qu'au début du passage où beaucoup coupent (trichent par conséquent) une bénévole reconnaissable au tee-shirt de l'organisation est postée. Alors que cela veut-il bien dire ? En rejoignant la partie haute de l'intersection, j'applaudis ceux qui terminent de tricher. Tous ne méritent pas les éloges aveugles de la presse.
La montée se poursuit, le coucher de soleil est superbe, quelques photos, la nuit commence à poindre.
Première inquiétude, avant de terminer la montée, je me suis arrêté pour faire pipi mais n'y suis pas parvenu. Sans doute trop stressé par les coureurs qui passaient dans mon dos. J'ai dû repartir bredouille.
Autre inquiétude, un léger point de douleur au talon d'achille au pied gauche.
Enfin le col de Voza, place à la première descente digne de ce nom. Et tout le monde va être servi.
Au passage à La Charme, ma position (mais je ne le saurais qu'après la course) est 2052 ème, en 2h32'56" soit les 14,3 km à 5,6 km/h. Vue que l'organisation estimait que le plus lent devait passer à 21h21, soit en 2h51, la marge est faible.
Je n'épargne pas mes genoux ni mes muscles, il faut descendre à bonne allure, car la barrière d'élimination doit être repoussée le plus vite possible et le plus loin possible, j'en suis alors théoriquement très prêt, en raison de la vitesse faible au départ dues aux embouteillages.
L'arrivée à Chamonix, en pleine nuit, va me donner une indication, 1 700 ème environ, c'est quelqu'un de l'organisation qui le lance. En fait durant toute la course aucun pointage ne m'est fourni, ce n'est qu'après que je prendrai connaissance de mes positions successives. Je pense cependant avoir commencé à doubler quelques concurrents dans la montée du Col de Voza et dans la descente vers Saint-Gervais.
De fait je passe à Saint Gervais (altitude 807 m) 1 974 ème, soit 78 concurrents doublés dans la longue descente, c'est peu, mais comme je pense être moins fort en descente qu'en montée relativement aux autres .....
Temps de passage : 3h29mn soit 6,2 km/h sur la descente et 5,8 km/h en cumulé.
C'est la cohue au ravitaillement, un peu d'eau, quelques sucres, des bouts d'orange, des étirements, et c'est reparti.
Dans Saint Gervais, il est 21h passés, et de nombreux spectateurs sont présents, certains au bord de la route, d'autres attablés en brasserie à déguster une bonne salade savoyarde et descendre quelques bières. Le circuit fait même faire un demi tour dans le village, c'est presque les jeux du cirque.
La première barrière horaire limite n'est qu'aux Contamines, il ne faut pas traîner, il faut aller au combat.
2) SAINT-GERVAIS LES CONTAMINES 9,9 km total 30 km Dénivelé + 521 m dénivelé -168 m
Le parcours est roulant. Dès que cela ne bouchonne pas (parfois) et lorsque la pente ascendante n'est pas trop marquée, il faut courir. J'ai l'impression de continuer à doubler.
Les sensations sont bonnes.
En revanche, ma lampe frontale n'est pas d'une forte intensité, ce que je peux facilement comparer avec les autres points lumineux de coureurs. Les piles qui m'avaient déjà servi à terminer La Réunion sont-elles usagées ? Je décide d'utiliser la deuxième lampe frontale (obligatoire) et de faire le changement au prochain ravitaillement.
Le chemin de randonnée est très roulant, le sol est parfait, et la nuit étoilée est magnifique.
Un bon bout de temps, un chien suit ma progression, ou bien celle d'un autre coureur, toujours est-il qu'à certains moments il me double, puis se laisse doubler, puis repasse. Cela quasiment jusqu'aux Contamines.
Arrivée aux Contamines (altitude 1160 m), moins de monde qu'à Saint-Gervais, mais toujours autant de cohue au ravitaillement.
Temps de passage 5h17', soit 5,5 km/ sur le tronçon. La barrière horaire est en 6h15, j'ai donc maintenant 1 heure de marge. Ouf.
Côté classement, 1 683 ème, soit plus de 250 positions gagnées, ce qui en 10 km est énorme, mais cela je ne le saurai qu'à la fin. Néanmoins, j'avais la nette impression de courir quasiment tout le tronçon et de beaucoup dépasser.
Pause pipi sans problème, du coca, une moitié de banane, de l'eau pour les bidons, et c'est reparti. ah également, changement de lampe frontale, cela éclaire du coup beaucoup mieux.
3) LES CONTAMINES LA BALME 8 km total 38 km Dénivelé + 556m Dénivelé - 10 m
C'est ensuite le début d'une longue ascension qui va nous mener de 1160m à 2433 m au refuge de la Croix du Bonhomme.
A signaler sur le trajet un coureur enveloppé dans sa couverture de survie, probablement blessé par suite d'entorse sévère, d'autres s'occupent de lui, le flot de coureurs passe, sans broncher.
Au milieu, le ravitaillement de La Balme (altitude 1706m), sorte de refuge, où, comme d'habitude, les bénévoles, malgré l'heure tardive, sont d'humeur joyeuse. L'ambiance est détendue.
Le rythme est encore soutenu, avec de longs passages à courir.
Temps de passage 6h49mn, soit 5,3 km/h sur le tronçon. C'est très bien, la barrière horaire est fixée en 8h15mn, j'ai donc une marge de presque 1h30, un vrai petit pécule.
Classé 1431ème, ma progression se poursuit à très bon rythme, encore 250 coureurs dépassés en 8 km.
Les premiers signes de fatigue apparaissent néanmoins, j'effectue quelques étirements, un coureur me signale que cela va accélérer les crampes, je poursuis tout de même ma courte séance.
Les températures sont plus fraîches, je sors mon coupe-vent.
Les pentes beaucoup plus dures du Col du Bonhomme nous attendent.
4) LA BALME LES CHAPIEUX 10,9 km total 48,9 km Dénivelé + 730 m Dénivelé - 930 m
Là l'ascension est lente, non seulement à cause de la pente, mais aussi en raison des bouchons. Les passages sont étroits. On se croirait sur la route des vacances. Heureusement, à la différence de La Réunion dans la première montée du volcan, peu de coureurs doublent genre sur la bande d'arrêt d'urgence.
Cette lenteur permet également de ne pas trop forcer et d'en garder sous le pied peut-être.
Curiosité, quelques plaques de neige, nous sommes au-dessus de 2000m, et les mauvaises conditions météo de la semaine ont même apporté des chutes de neige.
Les étoiles nous accompagnent toujours, mais pas de possibilité d'essayer d'admirer les étoiles filantes, priorité absolue au sol, il y a des cailloux, c'est glissant, c'est étroit, c'est boueux, parfois il faut s'agripper.
Enfin le col du bonhomme, mais l'ascension n'est pas terminée pour autant, encore près de 2 km vers le refuge situé 100 m plus haut.
Puis la très longue descente, environ 900 m de dénivelé sur 5 km. Là l'erreur devient encore plus fatale, de nombreux endroits sont très glissants.
Le balisage n'est pas toujours aisé à suivre dans cette descente.
Moi qui croyais que les descentes étaient mon point faible, celle-là me ferait presque changer d'opinion. Au lieu de me faire doubler, j'ai l'impression de plutôt doubler.
Pour l'instant mes rotules tiennent, je ne ressens pas de douleur.
Le chalet des Chapieux (altitude 1549m) est enfin visible en bas, j'y parviens en 9h45mn, soit 3,7 km/h sur le tronçon (la montée a vraiment été lente) et un total de 5 km/h.
La barrière horaire étant fixée à 12h, j'ai accru ma marge à 2h15. Comme l'objectif est de mettre 40h au total, la barrière limite étant à 46h, déjà plus d'un tiers d'accompli. Enfin seulement 48,9 km de parcourus sur les 163, je suis donc dans les temps en fait et pas tellement mieux.
Classement 1364 ème, je n'ai que peu dépassé, moins de 100 concurrents.
Le ravitaillement des Chapieux est conséquent, j'y perds un peu de temps, mais me nourrit un peu plus.
L'idée que maintenant le prochain ravitaillement est en Italie est excitante. Les choses sérieuses ont déjà commencé, mais le vif du sujet, c'est maintenant. Bien qu'il soit 4h du matin passés, je ne ressens pas le sommeil. Quelques courbatures, mais sans plus.
5) LES CHAPIEUX ELISABETTA Ravitaillement 14,2 km total 63,1 km Altitude + 1001m Altitude - 515 m
Le début est roulant, je parviens même à courir sur le faux plat, je n'arrête pas de doubler. Les pentes du Col de la Seigne sont terribles, là plus question de courir. Ce sont les lacets de l'Alpe d'Huez, le public en moins, l'aube est proche et la température bien plus frisquette.
Arrivé en haut, ça y est c'est l'Italie ! il me faut récupérer, assis sur une pierre avec une barre chocolatée. Il n'est pas question de tomber en hypoglycémie, et le ravitaillement se trouve en descente, à près de 4 km.
Ayant bien récupéré, j'attaque la descente en essayant d'aller le plus vite possible, mais la fatigue se fait sentir, il faut se ménager.
Le ravitaillement Elisabetta (altitude 2035m) est atteint en 13h01mn, il est 7h01, c'est une belle journée qui démarre. La barrière horaire est encore repoussée, car fixée en 15h30, soit 2h30. Je suis un peu déçu, je pensais que j'aurais plus de marge, c'est un combat permanent contre la montre.
Classement 1225 ème, j'ai gagné presque 140 places, impression que je peux avoir après Les Chapieux, en revanche, pas tellement dans la descente vers Elisabetta.
Déjà une nuit blanche, mais le sommeil est loin, une longue journée démarre. Et dire que dans l'après-midi les premiers vont en finir. Pour moi, ce sera le début de la véritable galère.
Petite discussion au ravito avec un autre concurrent, on échange nos impressions, nos doutes, nos certitudes (si tenté qu'on en ait).
Les pauses pipi se poursuivent sans souci, et ça c'est important.
6) ELISABETTA Ravitaillement Col Chécrouit 9,1 km total 72,2 km Dénivelé + 490m Dénivelé -572m
La remise en route est facile, c'est une ligne droite qui longe le lac Combal. Dans la montée du Mont Favre, le soleil commence à bien chauffer. La chaleur sera-t-elle finalement une difficulté imprévue ?
La montée se fait à un rythme régulier, je me contente de suivre les autres coureurs. Le Mont Favre, qui culmine à 2435m, fait partie des plus hauts sommets de cette course.
Si je ne fais plus de différence avec les autres coureurs, c'est que je commence à ressentir la fatigue de la course.
Arrivé en haut, c'est une descente interminable vers Courmayeur qui débute, on va passer de 2435m à 1190 m, en 9 km !
Dans la descente vers le Col Chécrouit (altitude 1953 m), je me force à courir, il faut avancer. Les muscles de mes jambes sont déjà douloureux, je ressens toujours une petite gêne au tendon d'Achille, mais les rotules ne se font pas trop ressentir, même si j'essaye de me retenir dans la descente.
Le col Chécrouit est atteint en 15h08mn, en 4,3 km/h. Le cumul est encore au -dessus, à 4,77 km/h.
Côté classement, 1156 ème, soit une progression de 30 places. Soit presque rien.
Le ravito est rigolo, c'est le cirque, il y a même un gros serpent. Je confirme le road book, il y a bien une danseuse du ventre. Pas le temps de faire le clown, on y retourne.
7) Ravitaillement Col Chécrouit COURMAYEUR 4,7 km total 76,9 km Dénivelé + 0m Dénivelé - 763 m
La descente est de plus raide, cela travaille bien mes rotules. En bas, Courmayeur, le paysage est magnifique. Y en a qui descendent à fond les manivelles, je me demande bien comment ils font, sans doute que les bâtons aident à alléger le poids sur les rotules.
Les températures grimpent déjà, il est 10h du matin, qu'est-ce que cela va être dans les ascensions de l'après-midi ?
De nombreux randonneurs ou spectateurs nous applaudissent jusqu'au centre-ville, plutôt en français d'ailleurs.
La mi-course, enfin ! Je me sens un peu plus fatigué qu'au Grand Raid de la Réunion à mi-parcours. Ce n'est pas bon signe, il va falloir se retaper un peu.
Cela commence bien, un coureur italien vient me heurter à l'endroit où on récupère les sacs et ne s'excuse même pas, je m'emporte, il s'emporte. Eh beh !
Arrivée en 16h17mn, soit 4h45mn de marge par rapport à la barrière horaire prévue. Vitesse du dernier tronçon 4,08 km/h, je pensais que j'avais effectué la descente plus rapidement que cela. Vitesse moyenne cumulée de 4,77 km/h, c'est super.
Je récupère mon sac et effectue les opérations prévues : je prends des lunettes de soleil en prévision de l'après-midi (je pourrai les déposer à Champex en Suisse), changement de chaussettes, massage des pieds avec la crème anti frottement (aucune ampoule détectée, ça c'est le pied !), massage de mes jambes avec de la crème de massage, rechange des piles de ma lampe frontale, récupération d'autres barres chocolatées.
Ensuite direction la cantine pour un bon plat de pâtes et une compote de pommes.
L'arrêt est quand même long au total, plus d'une demi-heure. A La Réunion, il y avait un pointage à l'entrée et à la sortie de la mi-course, j'avais gagné 200 places en ne restant qu'une demi-heure.
Classement, toujours non connu au moment de la course, 1193 ème. J'ai donc bien perdu quelques places, et ce pour la première fois.
Mon état général ? Pas si bon que cela, je me suis pris en vidéo à la sortie de Courmayeur "malheureusement j'ai depuis plusieurs heures une tendinite au mollet au genou et voire à la base du pied, j'ai failli avoir une crampe aussi en arrivant sur Courmayeur, bref c'est mal barré."
Pas très optimiste pour le moins. Car il reste encore près de 86 km à parcourir, plus de la moitié en dénivelé, et une nuit blanche.
8) COURMAYEUR REFUGE BERTONE 4,9 km total 81,8 km Dénivelé + 814m Dénivelé - 15 m
C'est un véritable ascenseur, cette montée de La Saxe. Et en plein cagnard en plus. Les fontaines de la ville permettent de s'asperger d'eau pour le début. La traversée de la ville est surprenante, Chamonix est si loin, quelques applaudissements sans plus.
La montée est terrible. C'est un pas devant l'autre, l'oeil rivé sur mon altimètre qui permet de bien savoir où j'en suis. Je n'avais pas cet outil indispensable à La Réunion, je vois la différence. Cela permet de mieux gérer ses efforts, et plus particulièrement en ce moment les réserves en eau, très mises à mal par la chaleur.
Un petit groupe s'est formé dans la montée, il y en a un qui se propose de passer devant pour mener le petit grupetto, un autre s'exécute, mais prend un peu d'avance, alors je lance pour rigoler "on a dit passer devant, pas décrocher", cela en fait rire un.
Enfin le refuge Bertone (altitude 1989 m). Je suis à la limite du coup de chaud. Et la vitesse n'a pas été bonne, 2,79 km/h. La moyenne générale chute à 4,5 km/h. C'est inquiétant.
Pourtant au classement je suis maintenant 989 ème, à mon avis la progression provient de mon arrêt à Courmayeur, pas de ma progression vers le refuge Bertone.
Je m'asperge abondamment d'eau. L'ombre est rare, il n'y a plus de place pour en profiter. Un concurrent est allongé sous une couverture, le corps en plein soleil, il n'a pas l'air bien. Remplissage des bidons, il va falloir gérer l'eau au plus serré. C'est la mi course en nombre de kms.
9) REFUGE BERTONE - REFUGE BONATTI 7,5 km total 89,3 km Dénivelé + 385m Dénivelé - 354 m
Au fur et à mesure de la progression on aperçoit le Grand Col Ferret, point culminant du parcours, un monstre d'ascension, qui marque par son sommet le passage en Suisse.
Avant cela, alternance de marche rapide et de course. Il y a de nombreux randonneurs qui rendent le passage difficile. Certains concurrent coupent à nouveau le parcours sur quelques mètres. Les passages sont étroits, difficile de doubler avec tous ces bâtons.
Une douleur au pied gauche commence à se faire de plus en plus sentir, c'est sur le côté, comme si le frottement continu de ma chaussure en était à l'origine, sur la malléole.
Arrivée au refuge Bonatti en 19h46, en 4,31 km/h, le rythme est correct. Classement 992 ème, je n'ai en gros rien perdu ni rien gagné, ce qui est conforme à mes impressions de course. Barrière horaire en 24h30, ce qui me fait presque 5 h de rab.
Le soleil tape fort, la chaleur use les organismes.
10) REFUGE BONATTI - ARNUVA 4,3 km total 93,6 km Dénivelé + 96m Dénivelé -347 m
Les 100 kms approchent.
Je parviens en bas de la montée du Grand Col Ferret en 20h57mn, 3,67 km/h sur le tronçon, ce qui n'est pas terrible puisqu'il y a beaucoup de descente. En fait comme le tronçon est court (4,3 km), le ravitaillement a pour incidence de faire chuter la moyenne sur le tronçon.
Car au classement je serais maintenant 953 ème, j'ai quand même gagné 40 places, c'est donc que j'ai avancé.
Qu'est-ce qu'il fait chaud. Heureusement des nuages arrivent autour du Col Ferret. En plein après-midi, les températures se calment quelque peu.
Le ravito est expédié.
11) ARNUVA - GRAND COL FERRET 4,6 km total 98,2 km Dénivelé + 768 m Dénivelé - 0m
La montée est raide de chez raide. Encore un ascenseur. La progression est lente, mais constante.
Un énorme lacet. Tout le monde coupe. Sauf moi. J'entends un commentaire derrière moi "y en a qui sont fous" je ne me retourne pas, sûr de ma bonne attitude. Là encore, le gain pour ceux qui coupent est nul, car la pente plus faible de mon sentier me permet d'avancer plus vite. Bon.
Montée en 2,91 km/h, cela fait chuter la moyenne générale à 4,36, cela se rapproche dangereusement de 4 km/h. Il fait bien moins chaud en haut (altitude 2537 m), je passe au sommet en 22h32mn, il est 5 heures de l'après-midi. Classement 901 ème, gain de places de 50 environ. Sauf qu'en réalité s'il y a plus de 50 abandons de coureurs devant moi je n'en ai pas dépassé des masses en course.
Pas de ravito, au boulot ! Et nous sommes en Suisse, bye bye l'Italie.
12) GRAND COL FERRET - LA FOULY 8,9 km total 107,1 km Dénivelé + 11m Dénivelé - 955 m
Le passage des 100 kms, mythique ! Plus que 63 km ! Le ravitaillement de La Peule se trouve à 3,5 km, à une altitude de 2071 m.
Ma cheville gauche me fait de plus en plus mal. Ma rotule gauche également. Je rentre dans le dur.
Dans les portions de descente pas trop raides, je parviens à courir, en appliquant une technique de pas chassés descendant.
Pause pipi + aux toilettes de La Peule, bien le drapeau Suisse.
La descente se fait plus raide, elle est même glissante ... aie aie .. chute ... je tombe .. heureusement pas de casse, je me relève et repars. Il va falloir être vigilant, je pense que ce sont mes douleurs qui ont eu raison de moi sur ce coup là, à force de me crisper.
Heureusement j'atteins un plat descendant , qui longe une rivière. Des portions sur le bitume. Une bénévole sur le forum écrit qu'elle a vu des concurrents monter dans des voitures. Bravo.
Le terrain de jeu est propice pour avancer, en l'absence de dénivelé, les douleurs au genou gauche et à la cheville gauche peuvent être surmontées en courant. Mais jusqu'où ?
J'arrive au ravitaillement de La Fouly (altitude 1593m), peu avant 19h, en 24h21, en 4,87 km/h, cela relève un peu la moyenne générale à 4,4 km/h. J'ai de la marge. Position 885 ème, stable.
Le ravitaillement est copieux, mais je manque d'appétit. Surtout j'ai décidé de mettre une genouillère et une chevillère à ma jambe gauche pour tenter de contrer les douleurs de plus en plus vives.
Très mauvaise surprise, l'os de la malléole de mon pied gauche a triplé de volume. A force de faire le tour du Mont-Blanc dans le même sens, le pied est en moyenne incliné d'un côté, et la pression de la chaussure sur l'os a fini par provoquer une réaction traumatisante.
Je découvre cela avec inquiétude. Je suis loin de l'arrivée, et je comprends maintenant mieux pourquoi j'ai si mal au pied gauche.
La tactique, arriver le plus vite possible au gros ravitaillement de Champex (km 122), à15 km d'ici, éventuellement obtenir des soins médicaux, car à ce stade, je ne vois pas comment parcourir 56 km dans ces conditions.
13) LA FOULY - CHAMPEX LAC 14,7 km total 121,8 km Dénivelé + 533 m Dénivelé - 649 m
J'ai vite compris. Je m'arrête au bout de 20 mètres. J'ai deux fois plus mal avec chevillère et genouillère. Par compression de l'endroit où cela fait mal. Je les retire vite fait bien fait.
Je décide alors de me faire mal.
Dès que le terrain est roulant et sans trop de pente, et globalement jusqu'en bas de la montée vers Champex, je me force à courir.
Je sors mon téléphone mp3 et m'isole du monde extérieur dans une bulle de dance music. Les spectateurs peuvent bien applaudir, je réponds d'un signe mécanique, mais je n'entends rien.
Ce que j'entends, ce sont mes musiques préférées, des musiques au rythme infernal. Qui me poussent à avancer, à me dépasser, à contrer ces douleurs qui me lancent.
Je suis venu pour cela, je suis servi.
Le soleil s'est couché, la luminosité est de plus en plus faible, et c'est dans cet amalgame, une sorte de course contre la montre dans la course, que je progresse, à un rythme indécent pour mon état, doublant des concurrents qui m'avaient doublé auparavant.
Dès que la pente est plus raide, la douleur, les douleurs se font plus vives, plus incisives.
Je suis seul à comprendre, seul à savoir. A chacun sa course. La mienne est suffisamment éprouvante.
Je parviens à Issert (altitude 1055m), point de départ de la montée vers Champex. Là, la nuit est vraiment tombée, je suis content, j'ai bien avancé, je range la musique, sors la lampe frontale, et repart en marchant.
A ce stade de la course, je suis parfois seul dans ma progression, et, très franchement, le balisage n'est pas terrible. Il faut être vigilant, repérer les maigres signes. Après plus de 26 h d'effort, cela n'aide pas.
Sur le sol, ma lampe éclaire le passage de dizaines d'araignées.
Champex n'est pas loi, mais ce qui devait arriver arriva, rejoignant une route, le road book dit "quand vous rejoignez la route qui arrive à Champex vous pouvez facilement en couper les lacets jusqu'à l'abord du lac" ah bon, parce que n'ayant pas repéré un signe je me suis mis à poursuivre la route, heureusement quelqu'un m'appelle derrière et me dit de couper dans le bois. Le road book ne m'aurait donc même pas été d'une aide si je l'avais sortir de mon sac ! Merci l'ami.
Arrivée à Champex (1477 m d'altitude) en 27h32, 10h du soir, 4,61 km/h sur le tronçon, c'est dire que j'ai effectivement avancé à bonne allure avant la montée. La moyenne générale est toujours à 4,4 km/h.
Classement 856 ème, en légère progression encore, sans doute les abandons. La barrière d'élimination est loin, 5h30.
La fatigue est là. Je récupère mon sac et commence par me restaurer. Mais l'appétit n'y est pas, je ne parviens pas à avaler mon plat de pâtes. A table, un coureur vient voir un de ses copains, pour lui dire qu'il y a un médoc en noir qui file quelque chose d'efficace contre la douleur. Cela m'interpelle. Apparemment le truc bien c'est que lui file quelque chose que les autres ne filent pas, je l'ai compris comme cela. Passons ! Vive l'eau claire.
Direction le coin médical, où c'est la cohue. Je m'assois en dehors, et décide de faire au plus vite mes propres soins. Changement de chaussette, changement de tee shirt, massage des pieds. Y a pas grand chose à faire, la malléolle de mon pied gauche est toujours triplée en volume, et le genou gauche est HS. Faut repartir. Faut avancer, peu importe la douleur, cela ne sert à rien de prendre du confort au ravitaillement.
14) CHAMPEX LAC - BOVINE 9,2 km total 131 km Dénivelé + 704m Dénivelé - 194m
Alors il est environ 10 h du soir lorsque je sors de la base de ravitaillement. Dans un sale état. Après quelques minutes, un coureur me rejoint et nous passons un bout de chemin ensemble. Un troisième nous rejoint, puis nous quitte. C'était lorsque les pentes n'étaient pas encore trop fortes.
Mais la montée vers Bovine (1987 m) propose des pentes très raides, avec de nombreux passages plutôt techniques sur des cailloux, je hurle intérieurement de douleur, car mon genou et mon pied sont sollicités dans de telles conditions.
Je dis au coureur qui m'accompagnait jusque là que ce n'est pas la peine de m'attendre, car je suis à la traîne. De fait, beaucoup me doublent, je dois laisser passer.
Serrer les dents, regarder son altimètre pour espérer que le sommet arrive vite.
Mais je redoute le pire, la descente. Si la descente est du même tonneau que la montée, je suis vraiment très mal barré. Le coureur avec qui j'étais m'avait dit que la descente devrait être plutôt agréable, il s'agirait d'une piste de ski de fond. J'espère qu'il disait vrai. Piste de ski de fond ou pas, toute présence de roches, cailloux, bouts de racines d'arbres, forme des aspérités sur le sol qui fait que tout contact avec ma jambe gauche se transformera en douleur vive. Pas après pas ... . Alors oui je redoute la descente.
Enfin nous quittons la forêt, le ciel étoilé s'offre à nous. Le ravitaillement (léger) est là, j'y parviens en 31h05mn, soit 9,2 km en près de 3h30, du 2,6 km/h, la vitesse la plus faible depuis le début. Même la montée vers le sommet du grand Col Ferret était plus rapide. Ce qui fait chuter la moyenne générale à 4,2 km/h.
Classement 746 ème, j'aurais gagné 110 places depuis Champex ? Ouais, sauf qu'il faut y mettre un tas d'abandons, et un arrêt au stand rapide. Sur le terrain, je me suis plutôt fait dépasser. Et c'est cette seule impression qui compte, en l'absence d'infos sur le classement en pleine course.
15) BOVINE - TRIENT 6,2 km total 137,2 km Dénivelé + 74 m Dénivelé -761 m
"Le corps n'est plus que douleur" disait le reportage télé de l'édition 2006, c'est si vrai. Je dirais plutôt dans mon cas succession de douleurs vives, je préférerais une douleur constante.
Je suis en plein dans la deuxième nuit blanche (1h30 du matin), jusque là je n'ai pas eu à lutter, peut-être l'effet bénéfique des douleurs vives.
Avant d'entamer la descente, la course se poursuit sur un plateau. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas couru (km 117), et là j'espère courir à nouveau dans des portions de descente planes et de pente faible.
La vue sur la vallée du Rhône offre des multitudes de points lumineux, la civilisation n'est pas loin, l'arrivée non plus ?
Puis la descente commence. Très vite, la déception, accompagnée des douleurs vives à répétition, me met à mal. Je traîne la patte. Comment faire pour ne pas avoir mal ? L'idée de marcher à reculons me traverse l'esprit, mais je continue ainsi. Au ralenti, de nombreux coureurs me doublent, certains me demandent si cela va. Pas vraiment.
Je n'en peux plus, la malléole qui a triplé de volume à mon pied gauche me fait trop mal. Je finis par m'arrêter sur un côté, je sors mon couteau suisse.
Une idée m'est venue (et c'est pas évident parce qu'en pleine deuxième nuit blanche, avoir un tout petit peu de lucidité n'était pas garanti), celle de couper le côté gauche de ma chaussure gauche pour éviter tout frottement avec ma malléole. Voilà c'est fait. Je repars, et cela marche ! Mon pied gauche ne me fait plus mal, il n'y a plus que le genou gauche qui me fait mal à chaque pas. j'ai divisé la douleur par deux !
Je repars plus vite, le moral un peu regonflé, et prend sur moi pour allonger le pas et courir sur des portions amies.
Autant dans la montée de Bovine il y avait du monde, autant maintenant je passe de longues minutes seul. Autant dire que je fais très attention aux marquages, de peur de me tromper de chemin.
J'aperçois le bas de la vallée, le prochain ravitaillement n'est plus très loin. Je traverse une route, ou plutôt je la suis même, puisque je ne fais que suivre un concurrent devant moi. Sauf qu'au bout de 200 mètres, une voiture qui allait en sens inverse s'arrête. Le conducteur en descend, un suisse, qui nous demande ce qu'on fait là, il pense qu'on est sorti du parcours. Et il a raison; Il nous accompagne (à pied) jusqu'à l'intersection qu'on a loupée. Cela fait deux fois que je me suis égaré en quelques heures. Le moral en prend un sacré coup, avec l'accumulation de la douleur au genou. Je suis énervé contre la faiblesse du balisage.
C'est dans ces conditions morales désastreuses que j'arrive au ravito de Trient (altitude 1300m), en 33h12mn, soit en 2,92 km/h. La vitesse de la descente a été aussi faible que la montée vers le Col Ferret, c'est dire.
Classement 773 ème, j'ai vraiment perdu beaucoup de places.
Il est 3h30 du matin au ravito, et c'est pourtant l'effervescence. Sono et disc jockey. Incroyable; Sauf que je n'ai vraiment pas le moral. Je me sens épuisé, le sommeil me gagne, je suis marqué par la douleur ressentie. Un bénévole me demande si je veux quelque chose, mais ma réponse est négative. La souffrance m'a mis d'humeur massacrante, je prends juste le temps de me restaurer un peu, je n'ai plus vraiment faim, il n'y a pas de place pour s'asseoir. Le mieux est de s'attaquer à la suite au plus vite.
16) TRIENT - VALLORCINE 9,5 km total 146,7 km Dénivelé + 788m Dénivelé -828 m
Dans cet état, je ne pense même pas à l'abandon. Tout ce à quoi j'aspire, c'est combattre les kilomètres qui restent à parcourir (26 km), car chaque pas est un combat.
Je retrouve le coureur qui m'avait accompagné après Champex, il a dû prendre plus de temps au ravito et m'a dit que finalement je n'ai pas trop perdu.
Avant de démarrer la montée vers Catogne (2011 m), dernier sommet important, il y a un petit muret à descendre. Le passage de ma jambe gauche me fait hurler de douleur, douleur que je n'ai pu réprimée et qui est sortie de ma bouche. Un autre concurrent qui passait me dit "ce n'est pas humain de souffrir comme cela".
L'ascension vers Catogne est difficile, mais au moins comme cela monte j'ai moins mal au genou. On verra dans la descente. en revanche, c'est une lutte de tous les instants contre le sommeil. J'ai tellement envie de m'arrêter, de me poser, et de fermer les yeux. et si c'était là, avec ce tronc d'arbre ? Non, il faut continuer.
Le road book évoque le chalet des Tseppes au cours de l'ascension. Il ne faut pas comprendre, mais Tseppes m'a fait penser à Mongolie, et sur le chemin, j'ai crû voir une maison de type mongole. Une belle hallucination. Il n'y avait rien. La deuxième nuit blanche, en plein dedans !
Dans la descente je luttais contre la douleur de mon genou, là c'est une lutte au couteau contre le sommeil dans cette montée assez raide et longue où le rythme est forcément lent.
Je n'oublie cependant jamais de bien m'hydrater et de consommer des barres chocolatées de temps en temps.
Enfin le sommet. La frontière franco suisse n'est pas loin. La descente vers Vallorcine commence, et les premières lueurs du jour arrivent. Encore quelques minutes et je n'aurai plus besoin de ma lampe frontale. La descente est moins difficile que la précédente, je me force à courir, malgré la souffrance toujours présente de mon genou.
Je ne vois pas comment maintenant je ne pourrais pas rallier Chamonix. Le tout maintenant est de savoir dans quels délais. Vais-je tenir l'objectif de 40 h ? Je pense à tant de choses.
J'arrive à Vallorcine (altitude 1260m) peu avant 7 heures du matin en 36h46mn, à une vitesse de 2,66 km/h. La moyenne générale est maintenant passée juste en deçà de 4 km/h, 3,99.
Classement 776 ème, j'ai peu perdu de places.
Le ravitaillement est court, il faut que j'accélère le rythme.
17) VALLORCINE - CHAMONIX 16,7 km total 163,4 km Dénivelé + 379m Dénivelé -396 m
Jusqu'à Argentière (6,4 km), je marche à bon rythme et parviens à courir après le col des Montets vers Argentière. C'est le dernier petit ravitaillement. Je pensais qu'il me restait 15 km, en fait il n'en reste plus que 10,3 pour franchir la ligne d'arrivée.
C'est à nouveau une très belle journée, il commence à faire chaud.
Je cours mais certains passages me font marcher.
Des spectateurs annoncent 6km ... puis 3 km ... puis un bon 2 km ..., il fait de plus en plus chaud. Je ne me suis pas assez hydraté, je commence à souffrir de cette chaleur, heureusement que la ligne d'arrivée n'est pas loin.
Je cours, je double, on me double. Les faubourgs de Chamonix sont là, il ne reste que quelques centaines de mètres, je vais parvenir à terminer en moins de 40 H.
Je ressens une fierté immense, une excitation incroyable à l'approche de cette ligne d'arrivée tant convoitée. Les douleurs présentes sont accessoires maintenant, elles sont dépassées par le bonheur de l'apothéose de l'arrivée.
Il est peu après 10 h du matin, il y a foule. C'est à chaque fois, des félicitations, des applaudissements, des encouragements, des regards admiratifs. Je ressens une telle fierté et une telle joie, elles dépassent la douleur cumulée, je remercie et sourie à tous ceux qui m'accompagnent sur ces derniers kms par un regard, une parole, un geste.
Plus que cent mètres. Devant moi deux coureurs, je ne veux pas les dépasser, derrière moi un coureur italien a sorti son drapeau.
La ligne d'arrivée m'est promise, les deux rangées de spectateurs applaudissent à tout rompre. La dernière ligne droite, l'église de Chamonix juste derrière. Je lève les bras au ciel, il y a tant de choses vécues en un peu moins de 40 heures.
Je franchis la ligne d'arrivée, radieux, inondé de joie.
39h46mn, 757 ème, 4,11 km/h, grâce à un dernier tronçon à 5,6 km/h.
Ce n'est que l'après-midi, en venant assister, claudiquant, à la remise des prix, que cette foule, que cet air des chariots de feu, me feront complètement craquer, et me voilà, fondant en larmes, extériorisant toute l'émotion vécue depuis deux jours et plus encore.
Récupération : aucune ampoule, la tendinite au genou a disparu au bout de 3 semaines, la malléole de mon pied gauche est toujours enflée après 6 semaines.
J'espère que par ce récit, vous qui préparez peut-être de telles courses, vous aurez pu récupérer des informations qui vous aiderons.
Je vous remercie de m'avoir lu.
Bon courage et bonnes courses.
Olivier
ajouté le 15 octobre : énormes mercis à vous 5 pour vos commentaires enthousiastes et chaleureux
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6 commentaires
Commentaire de Geronimo posté le 09-10-2007 à 21:13:00
Je ne sais trop quoi dire devant un tel courage, un moment quand tu as sorti ton couteau suisse j'ai même craint le pire ! je pense que dans ces conditions peu auriant été au bout.
Alors un immense BRAVO!
Commentaire de frankek posté le 09-10-2007 à 22:28:00
ton courage, ta tenacitée et ton expèrience des grands raids sont parvenus à bout de ce tmb! chapeau et bravo pour ton récit...
Commentaire de agnès78 posté le 14-10-2007 à 13:26:00
un beau récit qui me fait revivre plus d'un mois après les émotions de l'UTMB. Bravo pour ton courage et ta ténacité : je suis admirative! J'espère que la récup s'est bien passée.
Bonnes courses
bises
agnès
Commentaire de titifb posté le 14-10-2007 à 15:36:00
Bravo pour ce superbe CR Olivier. Quand on le lit on se dit : Tant de douleurs, de souffrances, est-ce que ça vaut le coup. Et puis on lit : "Je lève les bras au ciel, il y a tant de choses vécues en un peu moins de 40 heures.Je franchis la ligne d'arrivée, radieux, inondé de joie." Alors, oui, ça vaut le coup.
Remets-toi bien.
Commentaire de Khanardô posté le 14-10-2007 à 21:35:00
Tu parles si on t'a lu... !
L'an prochain j'espère bien y être à mon tour, alors autant te dire que ton récit, je le relirai certainement encore plusieurs fois !
Bravo et merci.
Alain
Commentaire de corto posté le 09-11-2007 à 12:20:00
Salut,
merci pour ton CR.
Effectivement j'ai eu la chance d'être tiré au sort (hier) pour la version 2008).
Donc la certitude de participer, et ton CR m'ai super utiles pour eviter certain déboire.
J'espere que tu as pu récuperer.
Merci
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