L'auteur : tikrimi
La course : Ultra Trail du Mont-Blanc
Date : 26/8/2022
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 1400 vues
Distance : 171km
Matos : Adidas Terrex two boa
Objectif : Terminer
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On va dire que cet UTMB a commencé en 2012 en arrivant dans le Pays de Gex. C’est qu’il attire l'œil ce caillou. Partout où on se trouve dans le Pays de Gex, il est planté là… majestueux. C’est aussi en 2012 que je chausse mes premières chaussures marketées pour le trail. Maintenant que j’ai aux pieds des Salomon XA Pro 3D, et que j’habite à la montagne… C'est décidé, je veux faire l’UTMB.
Tout s’est enchaîné assez rapidement: OCC en 2014, CCC en 2015, TDS (ancienne version) en 2016… Il m'aura fallu 6 ans pour franchir la dernière marche.
Elle est quand même très haute cette marche. Pour des coureurs de fin de peloton comme moi, ça veut dire deux nuits complètes dehors, monter en rampant les 10000m de D+, encaisser les 10000m de D- dans les quadriceps et les pieds, préserver autant que possible son système digestif pendant 2 jours. Et il y a un paramètre que l’on ne peut que subir: la météo.
J’ai déjà eu le droit de prendre le départ de l’UTMB en 2019. Tout s’était très bien passé lors de la première nuit, puis je me suis fait assommer par la chaleur du samedi. Interdiction de rentrer en Suisse, je suis arrivé 5 minutes trop tard à la barrière horaire d’Arnouvaz.
J’ai donc eu le droit à une nouvelle chance pour 2022. Il ne fallait pas la gâcher.
Comment faire en sorte de rester en vie pendant maximum 46h30, sachant qu’au final, c’est la météo qui décide? Voici l’équation à résoudre.
Mes forces, je les connais plutôt bien. Quand c’est du roulant (genre Saintélyon), j’avance bien, je descends pas mal (et ce même en fin de course), pas de problèmes biomécanique, et un bon mental.
Mes faiblesses aussi je les connais bien. Je suis complètement à l’arrêt quand ça monte en marche bâtons (je ne pense pas avoir doublé un seul traileur dans une bosse de toute la course). J’ai une vma et une vo2max faible (par rapport à celle des traileurs au départ de l’UTMB… je précise). Et surtout, je ne supporte pas la chaleur.
Pour la météo, pas grand chose à faire, il faudra juste espérer avoir des conditions favorables.
Pour le reste, il va falloir compter sur les gains marginaux pour gagner quelques minutes ça et là afin de se donner de l’air sur la barrière horaire.
Le truc principal : l'entraînement. Je n’ai pas fait plus de volume que d’habitude, mais je l’ai structuré grâce à une application : Run Motion Coach. Quand je compare le programme que j’ai suivi par rapport à ce que l’on trouve dans les magazines où les rando course de 8h se succèdent aux week-end chocs, mon programme était tout à fait abordable. Pas de sorties à plus de 6h, une attention particulière à la récupération, et surtout je sentais les progrès au fil des semaines. J’ai fait beaucoup de séances de côtes avec des répétitions qui allaient de 25 secondes jusqu’à 12 minutes, et c’est assez incroyable l’aisance que l’on peut gagner sur du terrain vallonné avec ce genre de séances.
J’ai également fait du renforcement musculaire avec principalement une routine de 15 minutes de gainage que je fais 3 fois par semaine.
J’ai testé pas mal de protocoles d’alimentation pendant les sorties longues, et ce qui me convient le mieux, ce sont les compotes.
Et enfin j’ai essayé de construire un schéma de course cohérent avec mes forces et mes faiblesses. Pour passer confortablement la barrière horaire d’Arvouvaz, je dois soigner ma descente vers Saint Gervais, soigner mes relances vers les Contamines, courir entre les Contamines et Notre Dame de la Gorge (et oui, ce qui convient à Bubulle… convient à Bubulle), soigner toutes mes descentes, et rentrer dans les ravitos en sachant ce que j’ai a y faire et en le faisant vite. Facile quoi.
L’UTMB approche, et je suis prêt. Il y a encore une incertitude sur la météo, mais ça semble bon pour moi (pas de grosse chaleur). J’arrive sur Chamonix au dernier moment pour retirer mon Dossard, et me pose chez Carole tranquillement pour attendre le départ.
Toi Kikoureur, qui est en ce moment en train de lire ce CR pour te projeter sur ton futur UTMB, si dans le fil de la course, tu vois ce genre de message:
Saute sur l’occasion, tu ne vas pas le regretter.
Nous sommes donc trois kikous à attendre chez Carole. Il y a avec moi Thomas (que j’avais déjà croisé sur la LyonSaintéLyon) alias TomTrailRunner et Sébastien (alias PetitManseg). On a un programme très chargé. On discute des courses, des favoris, on fait des pronos, on assiste au briefing de Claire (la fille de Thomas) pour l’assistance… 2 cuillères de poudre hein!!!, Carole rigole bien en me voyant défaire et refaire mon sac de course plusieurs fois, je me délecte des histoires de Sébastien sur les trails anglais et américains (quel dommage qu’il n’écrive pas de récits sur Kikourou), et Carole est toujours aux petits soins pour nous.
Comme en 2019, on regarde tomber la bonne averse avant le départ à l'abri, et on se pointe dans la raquette de départ juste avant le lancement du protocole. Je pars à la fin du peloton (à ma place avec le dossard 2582). Une fois les bouchons du départ passés, ça court quand même bien vite. On est à 11 km/h dans les rues de Chamonix à la fin du Peloton. Je croise Nelly et Yann qui me feront l’assistance à partir de Champex… et c’est parti. Ne pas s'enflammer, ne pas rater les relances, bien boire, manger régulièrement ma compote de patates douces et boucler sur ça. J’ai dû arriver aux Houches dans les mêmes temps qu’en 2019… mais j’ai vidé plus d’une flasque, et c’est bien là le principal. Je croise Zorglub74 en haut du Delevret et je bascule dans la descente sans faire l’erreur de 2019: ma frontale était prête.
Dans la descente, je double beaucoup (livetrail me dit 140 personnes), mais je reste très souple. Et hop, j’arrive à Saint-Gervais à 21h19. 4 minutes de gagnées par rapport à mon temps de 2019… c’est le début des gains marginaux.
Je rentre dans une portion un peu critique pour moi: Saint-Gervais les Contamines. En 2019, je n’avais rien gagné par rapport à la barrière horaire sur cette portion. Pour cette année, c’est ici que l'entraînement doit payer. Je suis concentré sur mes relances (au point de rater Bubulle et Elisabeth), mais ça paye : 21 minutes de gagnées par rapport à 2019, et la barrière horaire est maintenant à 1 heure. Et franchement, je n’ai pas l’impression d’avoir plus forcé qu’en 2019.
Pour la suite, je dois encore garder le bleu de chauffe dans la partie plate entre les Contamines et Notre Dame de la Gorge, avant de sortir les bâtons et de rentrer dans le rang pour monter à la Balme où j’ai gardé mon heure d’avance sur les barrières horaires. Ravito pas super efficace (j’ai galéré pour enfiler mon tee-shirt manche longue), et c’est reparti pour monter au Bonhomme. Le ciel est clair et étoilé, et le ruban de frontales dans la montagne est absolument magnifique.
Autant je me suis fait pas mal doubler pour monter à la Balme, autant là je suis assez surpris de garder ma place dans la file qui monte. Et hop, on arrive au col et je remets le bleu de chauffe. J’ai énormément doublé entre le col et le refuge… juste parce que j’ai eu la lucidité de ranger mes bâtons. Quand ça montre un peu, je reste dans la file les mains sur les cuisses, et dès que y’a l’opportunité de doubler… bim, full gaz. Bon, là comme il y a les abandons à la Balme, et le temps passé au ravito ça ne veut pas dire grand chose mais quand même 184 places de gagnées entre la Balme et le refuge de la Croix du Bonhomme.
Pour la descente, j’ai eu de la chance. Très peu de dépassements à faire. En 2019 j’avais déjà fait une bonne descente (56 minutes mais j’étais dans le trafic), et là je suis descendu en 41 minutes sans avoir eu l’air d’y toucher. J’arrive aux Chapieux à 3h30 frais comme un gardon avec une 1h45 d’avance sur la barrière horaire, et 40 minutes par rapport à ma version 2019.
La suite… et bien ça monte. Je me cale à mon allure, et j’accepte de me faire doubler. C’est surtout dans la tête que ça va se passer maintenant. J’ai encore en tête des endroits précis où dans les Pyramides Calcaire puis dans l'arête du Mont-Fabre je m’étais allongé, assommé par la fatigue et la chaleur. C’est dans la montée vers les Pyramides Calcaires que Benman m'avait repris en 2019. Je vais vivre tous ces points (particulièrement dans l’Arête du Mont Favre puis plus tard dans la montée vers Bertone) comme des petites victoires sur le moi de 2019. Je passe les Pyramides sans la moindre pause. Un peu de trafic dans la descente, et j’arrive au Lac Combal avec une heure d’avance sur mon temps de 2019, et 2 heures sur les barrières horaires… et surtout très frais.
Je sais ce que j’ai à faire en repartant du ravito: courir toute la partie plate vers le début, lentement mais tout le temps pour monter à l’Arête, puis ranger mes bâtons pour soigner ma descente vers Chercouit puis Courmayer. Et hop, encore un plan qui se déroule sans accrocs. Le rangement des bâtons, c’est 15 minutes de gagnées entre l’Arête et Chercouit… et oui, c’est la différence entre courir sans effort et se faire retenir par ses bâtons. Je vais ensuite faire la descente à la même allure qu’en 2019 vers Courmayeur. En 2019, Carole m’avait aidé à ranger mes bâtons avant la descente. Toujours ranger ses bâtons avant une descente (du moins en ce qui me concerne).
Il paraît que la course commence à Courmayeur. J’y arrive avec 1h45 d’avance par rapport à 2019, et 2h45 heures d’avance sur la barrière horaire. Ça va bien, mais rien n’est encore gagné… dehors c’est grand beau, et il commence à faire bien chaud. Si je prends la même fessée qu’en 2019 pour monter Bertone, il ne va pas rester grand chose du petit matelas que je me suis constitué avec mes gains marginaux.
C’est l’heure de vérité. Il faut monter Bertone. Lentement mais tout le temps, lentement mais tout le temps, lentement mais tout le temps. Je me fais doubler, c’est raide, lentement mais tout le temps, je me refais doubler, mais elle finit quand cette montée, lentement mais tout le temps, mais il va se taire un peu cet espagnol qui accompagne son champion, lentement mais tout le temps. Yes, Bertone est là. Là ça commence à vraiment sentir bon. Chamonix, j’arrive. Arnouvaz, même pas je te regarde. Le Grand Col Ferret… pffff, Bovine… mais attends, tu crois me faire peur avec un nom pareil? Le Catogne… ha bon, ça monte ici? Bon, Tête aux Vents me fait encore un peu peur.
Je fais retomber le moment d’euphorie, mais franchement, plus rien ne me fait peur maintenant. Ca commence à se couvrir donc je ne vais pas me faire pendre par la chaleur, puis ensuite la nuit c’est plus frais. Pas de problème ce coup ci avec l’altitude. Je bois, je mange et je pisse. Je prends soin de mes pieds. Et j’envoie et je reçois des coeurs à Namoureuse à chaque ravito. Bref, la vie est belle.
Bon, il faut l’avouer, quand la fatigue commence à se faire sentir, la partie de Bertone à Arnouvaz n’est pas la plus simple. Je commence à laisser filer quelques relances que j’aurais pu faire, mais ça avance toujours très bien (du moins plus rapidement que la barrière horaire). J’ai un souvenir très précis de la dernière pente raide avant de monter à Bonatti où j’étais épuisé et où j’avais probablement laissé filer les 5 minutes qui m’ont manquée à Arnouvaz en 2019… encore une petite victoire.
Bon ben Arnouvaz me voilà 2h25 avant que tu ne commences à refouler tes premier trailers… et du coup 2h30 avant le moi de 2019. Là on ne parle plus de petite, mais d’une grosse victoire. Mais que faire maintenant? Ma version de 2019 va bientôt prendre le bus pour rentrer vers Chamonix. Contre qui est-ce que je vais me battre? La barrière horaire? Franchement, il n’y a plus de match, je sais que je vais aller au bout.
C’est marrant, je m’étais très bien préparé mentalement jusqu’à Arnouvaz, mais j’ai complètement zappé la suite. La solution était pourtant très simple. Il suffisait d’aller piocher un peu plus profond dans la mémoire pour rechercher le moi de 2015 sur la CCC. Celui qui est arrivé épuisé à Arnouvaz. Qui a monté le Grand Col Ferret en rampant (c’est le dernier à être passé qui franchira la ligne d’arrivée), qui était passé à la Fouly avec 7 minutes d’avance sur la barrière horaire, et 8 minutes à Champex. C’est marrant de parler de soi à la troisième personne. Pas bien fringant le moi de 2015, mais bon, là j’ai quand même 80 bornes et 4600 de D+ de plus que lui dans les pâtes. Y’a match quand même?
Bon, bien il va bien falloir le monter ce Grand Col Ferret. Mais comme c’est raide ce début!!! Je crois que là y’a plus le choix, je passe ces premières rampes et je m’allonge. J’ai besoin de fermer les yeux. Je suis large sur le moi de 2015. Vous l’auriez vu monter le Grand Col Ferret… ça faisait de la peine à voir. Et je ne vous parle même pas de la descente, c’était pitoyable. Je m’en rappelle bien, il avait 2 heures pour descendre, et il a donc dû mettre 1h50.
Ça fait du bien de fermer les yeux 5 minutes, je repars, continue de me faire doubler, mais je ne m’arrête plus jusqu’au col. Je me retourne pour voir où est le moi de 2015… il doit être en train de reprendre son souffle un peu plus bas.
Je commence la descente, et c’est là que ma montre a décidé de s’arrêter. Bon jusque là, je n’ai pas connu le moindre accroc, ce n’est pas bien grave. J’envoie un SMS à Nelly pour lui demander d’apporter une montre à Champex histoire d’avoir au moins l’heure. Je déroule jusqu’à la Peule, puis je me retrouve bloqué derrière un petit groupe à la tête duquel se trouve une mexicaine qui déroule tout son palmarès d’Ultra Traileuse et qui avec ses bâtons occupe la totalité du chemin. Pas bien grave, le moi de 2015 à bien du mal à courir, et le trail dans les Amériques est assez différent de notre pratique. Ces histoires étaient bien sympas, mais je profite d’un chemin plus large pour doubler et filer vers la Fouly.
Mon téléphone qui me sert maintenant de montre indique 1h50 pour descendre à la Fouly. Bon, ben il y a match avec le moi de 2015, on est exactement dans le même temps. Mais vas-y 2015, tu n’as pas le temps de traîner, tu as la barrière horaire au cul. Je te rattraperai plus tard, je vais me poser un peu au ravito. Mais dites, il est cool votre ravito. De la raclette? Heu non merci, mais oui je veux bien un peu de riz dans le bouillon. Ha zut, pas de cuillère. Pas grave, je vais me faire des toasts de tucs au riz imbibés de bouillon.
15 minutes passées au ravito. Je ne vais pas m’éterniser non plus car le moi de 2015 avait quand même couru quelques portions et il est parti avec un peu d’avance. Voyons voir ce que ça donne. Et bien ça court… mais ça court même pas mal. Nan, la relance dans la bosse, faut peut-être pas abuser là… ha si ça passe aussi. On dirait que j’ai mes jambes de la Saintexpress 2021. Laissez passer les coureurs s’il vous plaît!!! J’ai vraiment tout couru ce qui était courable (en rangeant les faux plats montants dans la catégorie de ce qui est courable) jusqu’à prendre le bitum au Praz-de-Fort. Dans les sorties en Groupe du mercredi on a un gimmick “y’a du bitume donc ça court”, mais il ne faut peut-être pas abuser non plus. Les autres font des tics tics avec leurs bâtons sur le bitum, on va se calmer. Sur les chemins je me suis fais vraiment plaisir, alors que sur le bitum, c’est pas la même de courir.
Vers les premières maisons, je croise deux enfants qui commencent à me parler, à me demander ce que je mange et m’explique qu’ils viennent de manger une raclette et me demande si je veux une patate. Je commence par refuser, mais ils insistent et je me laisse tenter. La vache, c’est trop bon. Une patate chaude avec la peau qui a pris le sel… mais il faudrait en servir à tous les ravitos.
Il est temps de monter vers Champex. Je sors mes bâtons… et laisse passer les randonneurs. C’est de bonne guerre, ils ont laissé passer les coureurs avant. La montée se passe à mon petit rythme sans la moindre pause. Le moi de 2015 avait mis 2h50 pour faire la Fouly Champex… je viens de lui mettre 20 minutes, et comme la barrière horaire sur cette section est une heure plus large sur l’UTMB que sur la CCC, me voici à Champex avec 4 heures d’avance sur la barrière horaire.
A Champex, j’ai retrouvé mon assistance avec Yann et Nelly… et Guillaume. Je ne m’attendais pas à le voir dès Champex. Ça fait trop du bien. Je crois bien que c’est à ce moment là que j’ai switché dans ma tête. Les combats sur la barrière horaire et mes deux moi sont gagnés. Oui je pourrai peut-être encore changer d’objectif et aller me battre avec les moins de 40 heures. Mais pour quoi faire? 40 heures ne représentent pas plus pour moi que 35 heures ou le temps limite de 46 heures 30. Ce qui me fait vibrer depuis 10 ans c’est de faire le tour du caillou dans le temps imparti. Je suis trop bien dans cette deuxième nuit qui commence, et je veux juste en profiter. Il reste une sorte de marathon avec 3 bosses à faire en 18 heures, ça devrait aller.
Je prends mon temps au ravito, et pour la première fois la nourriture a un peu de mal à passer. Je ne sais pas si c’était l’Orangina ou les pâtes bolognaises qui m'ont un peu dérangés, mais pas grave. Je fais un strip tease intégral dans le ravito pour repartir presque propre et sec vers l’alpage de Bovine avec la montre GPS de de Yann.
Je cours vers le plan de l’Au, mais je commence à transpirer. Hola, je viens de me changer… je vais faire comme tout le monde: marcher. Et bien la montée vers Bovine… mais quelle horreur. C’est la troisième fois que je la fais en course, et à chaque fois c’est abominable. Et pour couronner le tout, la montre de Yann décide que ce que je fais ce n’est pas vraiment du trail mais une pause… et se met donc en pause automatique.
Ok, je vais te montrer ce que c’est une vraie pause à la prochaine belle pierre.
Bon, ça fait du bien de fermer les yeux une nouvelle fois. Je termine la montée, puis range mes bâtons et go Trient. Prépare toi Guillaume j’arrive. C’est quand même super cool d’avoir une assistance. Bon, pour performer, je crois que c’est comme pour tout, il faudrait s'entraîner, mais là on est plus dans la performance, mais juste dans l’échange. Et ce qui se passe la nuit dans au ravito d’un Ultra avec Guillaume… y reste.
La petite inquiétude sur la nourriture à Champex était une fausse alerte. Tout passe bien, et je commence à éclater un paquet de Haribo.
Direction Vallorcine via le Catogne. Cette montée ne me fait pas plus peur que ça. Elle est régulière, et le moi 2015 avait un bon souvenir le la descente vers Vallorcine. Le moi de 2015 était en pleine bataille avec les barrières horaires. C’est peut-être pour ça qu’il avait aimé engager dans la descente, car là, j’ai surtout peur de me faire une cheville, mais ça descend quand même relativement bien. Le jour commence à se lever. C’est la toute première fois que je passe deux nuits complètes dehors. C’est quand même quelque chose de voir deux fois le soleil se lever en n’ayant pour seul occupation entre ces deux moments de juste mettre un pied devant l’autre.
Je retrouve à Vallorcine la team ravito au grand complet. Plus ça va, plus je prends mon temps au ravito. Au début, je rentrais dans les ravitos en sachant exactement ce que j’avais à y faire. Remplissage des flasques, soupe, coca, des fruits, et crémage des pieds et des points sensibles… cette fameuse histoire des gains marginaux. Là, ça fait presque 30 minutes que je papote, et au moment de repartir, je me rends compte que je ne me suis même pas crêmé les pieds. Comme disent les jeunes, j’m’en balec, je suis déjà à Vallorcine alors que ça va repartir de Trient pendant encore 1 heure. J’ai presque 4 h 30 d’avance sur la barrière horaire. Tu peux aller me chercher un petit digestif Guillaume? Prends ce que tu trouves, je ne suis pas difficile.
Ou la vache, il est corsé ton truc. C’est pourtant la deuxième fois que je me l’envoie au petit matin, mais ça racle un peu le fond de la gorge. Comment tu appelles ça déjà? Tête aux Vents? Ben c’est du costaud. Comme prévu, je monte Tête au Vents en rampant, ça double de tous les côtés, mais ça monte sans pause, et c’est bien ça le principal. Et le panorama là haut, c’est quand même la classe internationale.
J’appelle Namoureuse pour lui dire que je n’ai plus qu’à descendre sur Chamonix, mais au moment de repartir, un voyant s’allume. Plus de pression dans les pneus. Ha la vache, mais comme c’est long cette portion de Tête aux Vents à la Flégère quand on ne peut plus courir. Un panneau annonce 1h15 pour les randonneurs… il semble que je vais devoir finir comme ça. Ça fait vraiment mal de courir maintenant, même sur les chemins. Après m’être fait doubler dans la montée, ça continue sur un truc qui a plutôt un profil descendant. Je débranche le cerveau… il faut que ça se termine. J’en oublie même de faire un coucou à la caméra du ravito à la Flégère.
La Flégère -> Chamonix. Pile je marche, face je ne cours pas. Mouai, on va quand même essayer de trottiner. C’est pas bien brillant, mais ça avance clairement plus vite qu’en marchant. Comme tous les traileurs, c’est un déluge de félicitations que je reçois dans la descente. Nan mais sérieux, 1h30 pour descendre de la Flégère. Ça fait plus de 40 heures que j’enchaine les belles descentes, et là c’est vraiment frustrant de ne pas réussir à faire la dernière. J'entends Chamonix qui approche… ou alors c’est moi qui m’approche de Chamonix, mais ça serait étonnant car je fais vraiment du sur place. Je retrouve mon équipe d’assistance de choc qui est restée sur le pont toute la nuit, et Namoureuse. On traverse Chamonix main dans la main. Petite pause auprès des Sambaloelek en espérant y croiser Séverine (Namoureuse y a quand même croisé une collègue), et juste avant de franchir la ligne j’échange quelques mots avec Massimo. Sub 24 et 29ème au scratch… une machine de guerre.
Me revoici sous l’arche 42 heures et 43 minutes après l’avoir quittée. Incroyable. I did it!!!
Ca peut paraître un peu étrange, mais ce tour du Mont-Blanc j’en ai rêvé, et pourtant, la décharge emotionelle habituelle de fin d’ultra n’était pas là. C’était du moins assez loin de celle que j’avais connue la dernière fois que j’ai passé une ligne d’arrivée à Chamonix lors de la TDS 2016.
J’ai passé une très bonne première partie de course avec des jambes extraordinaires et un plan de course exécuté de manière chirurgicale, une deuxième nuit dans l’échange avec une équipe de ravitaillement au top, et une arrivée partagée avec la femme de ma vie.
Qu’est-ce qu’il m’a manqué pour avoir ma dose tant recherchée? Probablement que je n’ai pas connu le moindre bas pendant la course. Il m’est bien sûr arrivé d’être à l’arrêt dans les fortes pentes ou d’avoir des moments où la fatigue s’est faite sentir, mais ça avait été mentalement anticipé, et déjà vécu plusieurs fois en course.
Pendant cet UTMB, mon cerveau était une machine de guerre. Les seuls impondérables ont été une panne de montre et des pieds abîmés pour la dernière descente… ça va, pas trop compliqué à gérer. Pendant la course, même si j’ai toujours été en avance sur mes meilleures prévisions, je ne suis jamais sorti de ma zone de confort. Le voici le thème de mon prochain ultra: “sortir de sa zone de confort”.
J’espère que ça n’a pas été trop long à lire. C’est sorti d’une seule traite sans aucune préméditation.
Pour le générique de fin (désolé pour ceux qui vont manquer), un énorme merci à Guillaume, Nelly et Yann, c’est incroyable ce que vous avez fait pour moi. Merci encore une fois à Carole pour l'accueil d’avant course. Je n'oublie évidemment pas les Crapast, tout comme Franck un ancien collègue avec lequel j’ai commencé de traiiiiiiiiil, et Namoureuse, je t’aime.
See you next year…
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11 commentaires
Commentaire de Arclusaz posté le 01-09-2022 à 19:27:08
Un immense bravo Christophe !!!!!!! quel maitrise, la victoire de la maturité. le prix à payer de cette maturité c'est le relatif manque d'émotion à l'arrivée. Ce récit te permettra de revivre plein de fois cette magnifique réussite. L'émotion tu vas l'avoir maintenant et pendant des années à chaque relecture. Reste une piste d'amélioration possible qui te permettra de passer sous les 30 heures : tu sembles aimer les bobs, le chabob est fait pour toi !
Commentaire de bubulle posté le 01-09-2022 à 19:33:06
Bion, maintenant faudrait voir à revenir sur cette Swisspeaks 170 qui avait un petit côté inachevé, ça serait-y pas une bonne idée?
Grand bravo pour cette course, Christophe....mais tu devais savoir qu'on était avec toi par la pensée, à défaut de se voir en vrai pendant la course!
Arvi!
Commentaire de Zorglub74 posté le 02-09-2022 à 07:27:18
Bravo pour ta course tout en maîtrise mais également pour les moyens et les séances d entraînement que tu as mis en face pour te mettre en situation d y arriver....ce n est pas rien crois-en quelqu un qui n arrive pas a se contraindre au moindre protocole en terme de sport mis à part se faire plaisir avec du volume. Maintenant que tu es dans le pays de Gex il n y a aucune raison pour que tu ne progresses pas en montée....et en hiver tu as le ski de fond pour les bras voir le ski de rando pour t entraîner avec des enclumes aux pieds....bonne suite
Commentaire de flblanc posté le 02-09-2022 à 08:26:46
Félicitations pour ta course et ce récit très bien écrit !
Commentaire de centori posté le 02-09-2022 à 08:37:01
je suis épaté par cette gestion. surtout la lucidité qu'il faut pour mettre ça en place et ensuite l'exécuter.
Commentaire de NRT421 posté le 02-09-2022 à 14:30:28
Merci tikrimi. Non seulement ton récit se lit tout seul, mais en outre j'y ai trouvé quelques idées que je m'en vais recycler sans vergogne pour mon propre usage.
Bravo et bonne récup.
Commentaire de Mazouth posté le 02-09-2022 à 16:03:17
Super récit ! Bravo pour cette belle victoire, avec plein de petites victoires inside. Et il y a plein de petits trucs qui font écho à mon expérience sur l'EB84, comme le fait d'écraser mon moi de l'année dernière par exemple, et aussi l'espèce de satisfaction "froide" à l'arrivée alors que j'imaginais aussi ressentir une grande émotion. Je partage tes explications à ce sujet, et c'est peut-être aussi parce que ça fait des heures qu'on sait qu'on finira la course, alors le cerveau banalise le truc (ce con là !). Ou alors c'est que tu es devenu une machine, Tikriminator !
Commentaire de Mams posté le 04-09-2022 à 14:12:43
Amazing ! Quelle gestion dès l'entraînement et pendant toute la course !
Un bel exemple pour tous les JALBHACs, ça fait rêver.
Quel sera le prochain défi ?
Commentaire de RayaRun posté le 05-09-2022 à 13:25:49
Bravo d’avoir éliminer le Jalbhac de l’équation pour finir… Avoir du confort, c est aussi avoir du plaisir mais c est vrai que lutter contre les limites et les contraintes pour terminer, c est souvent ce qui te donne de l émotion à l arrivée quand tu as échappé au dragon de la BH…
Bravo pour ta réussite !
Commentaire de Philippe8474 posté le 06-09-2022 à 16:32:31
Bravo! Superbe!
Commentaire de Twi posté le 13-09-2022 à 20:25:54
Récit passionnant et super inspirant pour tous les habitués au JALBHAC, dont je suis.
Vivement que le récit soit dans le Tomme 3 du bouquin Kikouroù, que je puisse arracher les pages et les emmener dans mon sac pour les coups de moins bien ...
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