L'auteur : forest
La course : Ultra Trail du Mont-Blanc
Date : 31/8/2018
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 2432 vues
Distance : 171km
Objectif : Pas d'objectif
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Cette course marquera certainement le clap de fin de mon aventure de tout juste 10 ans avec la sphère UTMB. 2 CCC, 2 TDS, et donc maintenant 2 UTMB et les plus beaux souvenirs sportifs de ma vie. Il pleut ce vendredi 31 aout 2018, le ciel encombre les sommets et l’obligation du kit grand froid a été activé par l’organisation il y a quelques heures par SMS. Cette année le show de départ m’a carrément pris les tripes, au point de flirter avec le sanglot ; jamais je n’avais vécu une intensité pareille avant un départ. Figé dans la masse, l’attente du décompte est bercée par cette sacrée mélodie de Vangélis, interprétée par une guitare live audacieuse. La grande classe à mon goût.
18 h pétante, Nathalie lâche les fauves et dans un hurlement de joie collective, 2561 galériens s’élancent dans ce corridor bordé d’une foule immense. Ca hurle, ça chante, c’est l’UTMB les mecs !
Le parcours bien que légèrement modifié depuis mon opus 2014, conserve toujours cette belle offrande de 8 kms roulants jusqu’aux Houches, début des hostilités. Un hélico de la web TV tournoie dans le crachin tandis que nous arpentons les premiers lacets du Delevret. Nous longeons sur quelques kms la piste de la KANDAHAR, haut lieu des descentes de coupe du monde. Les jacassements de nos amis Italiens et Espagnols, communautés abondamment représentées et relativement enthousiastes ont maintenant laissé place aux crépitements des bâtons ! Le sommet arrive vite , 2h05 de course pour 14 kms et 850 D+, on est dans les temps. La descente sur St Gervais, bien que relativement roulante, en partie sur piste de ski, est évidement rendue bien grasse par la météo, et casse gueule à souhait .J’adore l’arrivée dans St-Gervais, c’est une foire sans nom, un public chaud, pas encore refroidi par la lenteur de la plèbe laborieuse, monopole des communes Italiennes et Suisses. 3h05 de course pour 21.5 kms , 1 h d’avance sur la barrière , tout va bien ……..jusqu’à maintenant .Mon dieu que la route entre St-Gervais et les contamines est casse patte , la boue colle aux pompes, à chaque pas tu soulèves 5 kilos de glaise , les montées sont sèches (et humides à la fois ),bref une vraie torture pour les non adeptes de la relance active . Bilan , il me faudra 1h45 pour faire 10 bornes, et arrivée au 32ème km après 4h50 de course . Malgré un petit ravito à base de soupe de pâtes , tucs , coca , je sens bien à cet instant qu’un bon gros grain de sable vient de s’incruster dans le moteur de la deux chevaux ! Je m’efforce de relancer en permanence sur les 4 kms qui mènent à notre dame de la gorge, sur ce faux plat légèrement montant et qui s’achève par le traditionnel brasier des supporters, au pied de la voie romaine du col du bonhomme. Ce coin est toujours aussi sympa et chaleureux, mais marque la porte d’entrée dans les gros dénivelés et une ascension relativement longue vers le refuge du bonhomme. Je sens poindre lentement la galère, et plus précisément un désordre gastrique en train de naitre dans la tuyauterie. Un peu dégoûté, j’atteins le ravito de la Balme à 00h40 pour 40 kms. Bon, l’osmolarité de l’organisme a tenu à peu près 6 h avant de voler en éclat . Comment bordel est-il possible de se déshydrater (diagnostique évident quand on met 5 mn pour manger un seul TUC, la bouche complètement pâteuse) avec la caillante qu’il fait et l’humidité ambiante ? Le constat est d’autant plus alarmant que les boissons isotoniques d’overstim, présentes aux ravitaillements, me provoquent un rejet quasi immédiat. Je ne crois pas avoir déjà bu en 45 ans un truc plus déguelasse encore que la sauce de poisson macéré made in Japan. C’est donc passablement troublé que j’attaque la fin du col du bonhomme . Le brouillard, la pluie et le froid nous accompagnent dans cette ascension, ou pas un mot, pas un murmure ne vient rompre la monotone litanie des souffles trop courts sur ces pentes raides. Un peu dans le gaz, mais surtout dans un froid de canard, j’atteins, épuisé évidemment, le check point du refuge à 2h30 du mat et 8h30 de course. 46 kms au compteur, plus d’essence dans le réservoir. Je m’engage rapidement dans la pente, bien aidé par le puissant halo de la Ptzel, pour boucler au plus vite les 5 kms de descente qui nous séparent du ravito des chapieux (51 kms 9h20 de course) . Soupe, coca, saucisson et chocolat dans la panse, me voilà reparti, après 25 trop longues minutes de pause à l’assaut de la ville des glaciers. Ce passage est plutôt agréable à mes yeux , la pente reste douce et surtout le lieu ,très central , permet d’observer le long serpentin de frontales dégringolant du refuge de la croix du bonhomme, derrière nous donc , ainsi que la longue procession s’extirpant de la vallée en direction du col de la seigne . Je pense avoir oublié ma douleur stomacale sur ce tronçon devant un spectacle aussi génial . Autant la première partie de l’ascension m’a parue presque ludique , avec ses ribambelles de frontales et son dénivelé relax, autant je me suis enfoncé dans un marasme généralisé sur la seconde. Ce col m’a semblé interminable et les -10 degrés ressentis au sommet à 6h du mat’ m’ont poussé dans un début de dépression. C’est là que j’ai versé ma première larme, juste après avoir vomit le reste de ravito des chapieux ! Franchement j’ai eu peur, à cet instant, pour la suite de la course. Col de Seigne, 12h20 de course pour 61,5 kms. Je suis groggy et sans jus, d’autant plus que je n’arrive plus à boire cette boisson immonde que contiennent mes gourdes . Commandez-moi un Spritz bon dieu !
Le col est baigné d’un brouillard que vient à peine transpercer l’aube naissante. Il y a 4 ans j’ai assisté au lever du jour au pied de l’arrête du Mont Favre, soit 7 kms plus loin !!! Dans mon marasme ambiant j’ai à peine réalisé que les Pyramides calcaires avaient été zappées cette année pour des raisons de visibilité. Franchement, cette info m’a laissé de marbre, mes préoccupations sont tout autre pour l’heure. Je me traine comme une larve pendant 5 bornes de descente jusqu’au lac Combal et son poste de ravitaillement. 13H05 de course pour 66,5 KMS. J’ai un devoir impératif de boire et bâfrer , ce sera donc coca, pastèque, chocolat et saucisson .Le mélange n’est pas terrible. Après un gros quart d’heure de glande je m’arrache de la tente et reprends mon périple plein comme un œuf.Evidemment, même les moins expérimentés d’entre vous ont compris que le processus de retour à dame nature de ma collation n’allait pas suivre le protocole habituel . Pas deux minutes après mon départ, j’expulse la mixture au milieu du chemin , relativement empreinté ce samedi matin . Avec honte pensez-vous ? Même pas ! Bien dégagé de l’estomac je reprends de plus belle mon run et m’en vais rattraper tous les mal propres qui se foutaient discrètement de ma gueule sur le kilomètre et demi qui nous sépare du pied du Mont Favre ! Je ne bois quasiment plus ,je ne bouffe pas , et même si un court moment d’euphorie me gagne , je me sens comme le commandant du Titanic quelques heures après avoir embrassé le gros glaçon . Je dégaine alors ma botte secrète , la parade de d’Artagnan au milieu de l’embuscade , un vieux bout de banane légèrement pourrie que je sors de la poche ventrale du sac , même la peau s’est barrée !!! Je la gobe . Bon, je ne vais pas mentir, je vais souffrir et m’accrocher comme une bête dans les 400 d+ du Mont Favre et la descente jusqu’au Checrouit que j’atteins avec grande peine, le moral dans les chaussettes, après 15H20 et 74 kms. Voilà le tournant de la course les amis. Changement de protocole en vue, fini la flotte, bonjour la binouze !!!!!!!!!! Non je déconne, en fait je vais me requinquer avec un bol de pasta al pomodoro made in maison vieille (spécialité du ravito de Checrouit) et éliminer définitivement le gazeux de mes boissons. Je repars assez rapidement après avoir chaleureusement remercié le boss du ravito . Je reprends un peu de poil de la bête dans la dégringolade vers Courmayeur, même si le sentier très abrupte et poussiéreux est une véritable horreur. L’entrée dans Courmayeur s’effectue au milieu des vivas d’une foule importante et franchement chaleureuse. 16H20 de course pour 79 kms, pas terrible !
Je reste 9 mn dans ce ravito, ou mouroir, c’est selon, du fait de ma pasta party 5 kms plus haut . Gourdes remplies à l’eau plate, et stock de compote constitué je me casse fissa tester en réel le protocole de l’homme neuf . Je n’ai pas d’assistance ni de sac de délestage donc libre comme l’air je m’enfuis, conter fleurette à Bertone. Je vais passer quand-même deux grosses heures dans les 800 D+ de la montée du fait d’un appel réconfortant (bien qu’un peu long) à ma chérie .Rdv à Arnuvaz avec les proches, cooooooool ! Refuge Bertone en vue, 18H30 de course et 84 kms ,Il est 12H30 . Je vais un chouilla mieux mais ce n’est pas le top . Je bois par petites gorgées seulement, mais me délecte de ces pom potes somptueuses pour un palais dégrossi à la bile de traileur ( désolé les filles , c’est pas vraiment la classe). Je ne vais pas refaire le coup d’une description détaillée de la section Bertone –Arnouvaz que beaucoup de coureurs pensent sans grand relief ( hormis évidemment l’approche sur Arnuvaz) mais quand-même agrémentée de 400 d+ pas simples à digérer. Ce balcon suit pendant 12kms l’un des plus beaux remparts montagneux des alpes, l’enchaînement Dent du Géant, arrêtes de Rochefort, et la somptueuse face sud des grandes Jorasses. Entre deux bancs de nuages, ce spectacle est saisissant . Le refuge Bonatti, haut lieu du Val Ferret Italien s’aperçoit de très loin depuis le monotrace du parcours, mais semble reculer au fur et à mesure de l’approche ! Finalement, je l’atteins au bout de 20H15 de course, pour 91,5 kms sans toutefois vraiment m’y arrêter . Mon objectif est de retrouver la famille à Arnouvaz le plus rapidement possible . Il me faudra une grosse heure pour remplir cet objectif, très très réconfortant. Arnouvaz 97 kms pour 21H23 de jogging . J’y retrouve, Dodo, ma femme, Gael le fiston, Tom et Gabin, ses potes venus soutenir le coureur sale et puant que je suis. Alors que je suis prêt à glander un bon moment, ces sagouins me pressent de repartir au plus vite, non sans m’avoir gavé de force à coup de viande des grisons !!!!!! Super les gars, moi qui attendais une belle empathie bien complaisante, me voilà éjecté du cocon familial pour retrouver mon vieil ennemi, le grand col Ferret !
Alors que dans le val, le temps est à peu près correcte, le sommet du Ferret est totalement bouché par une bouillasse noire et peu alléchante . L’orga interdit de prendre la direction du col sans les sur-pantalons étanches et la tenue grand froid . Le contrôle est stricte, je m’exécute. La progression dans le col est assez lente, dans un vent à décorner les bœufs et une bruine fouettant le visage. Il fait sacrément froid cette année. La fin de la montée au col s’effectue dans une tempête de grésil.
Grand col Ferret ,101 kms et 23H40 de course. J’attaque la descente vers la peule, plutôt lentement, c’est relativement décevant d’autant que ce passage est traditionnellement, pour le coureur laborieux ,un vrai moyen de revenir sur des moyennes horaires convenables. J’alterne course tranquille et marche active car je n’arrive pas vraiment à relancer sur ce passage, encore fatigué de l’énorme coup de mou de première moitié de course . Au cours de cette descente, je discute le bout de gras avec un stéphanois, mecs toujours aussi sympathiques, voilà le vrai secret du plaisir sur ULTRA, les rencontres et les échanges .
Nous arrivons au bout de 2 h, enfin, au ravito de la Fouly, 111 éme kilomètre ,25H35 de course. Je saute sur ma nouvelle collation, bouillon de soupe avec du riz. Ce sera mon alimentation favorite jusqu’au bout ! La section Ferret Champex est la plus roulante du tour et ces 21 kms (exclusion faite bien sûr de la montée sur Champex) sont une aubaine pour les traileurs en délicatesse avec les barrières horaires. Très mécontent de ma vitesse et de mon temps, je décide de repartir de la Fouly sur un rythme plus élevé. Il est quasiment 20 H et la nuit s’empare du lieu, la frontale reprend du service. Je relance sans interruption, sur des portions que j’aime finalement bien, sur un grand balcon, à flanc de falaise, ou des chaines, arrimées aux rochers, rappellent le quidam à la prudence. Je ne croise que peu de monde sur cette section que j’effectue d’une traite, à travers les forêts de Praz de Fort et les magnifiques Chalets d’ Issert. J’ai toujours aimé cette section, assez peu fréquentée, et baignée d’une douceur relative . Comme d’habitude, le conte de fée va s’arrêter dès les premiers lacets de la montée sur Champex lac. Je ne comprendrais jamais comment est foutue cette montée. Les 450 d+ qui paraissent sur le papier plutôt anodins, sont toujours interminables, et passablement raides dans la réalité. Champex, situé à 1470 m d’altitude, semble être perché au col sud de l’Everest, si je me fie aux efforts consentis . C’est Bluffant. Je pointe au grand ravitaillement de Champex lac 28h55 après le départ pour 124,5 kms. Mise en place du rituel du finisher, soupe de riz, compote et 30 mn de pause avant d’attaquer, pour moi en tout cas, l’ascension la plus sévère de l’UTMB, la célébrissime Bovine !!! Je quitte le lieu à 23h25, pour longer le superbe lac (de jour) de la station Suisse dans une caillante obligeant une remise en route rapide de la machine. Marche Nordique le temps de sortir du village, et reprise de la course dans les 4 kms de descente, doux préliminaires à la grosse punition Bovine. Quel est le dénivelé exact de cette ascension ? 850 D+ officiellement, mais j’ai toujours du mal à y croire.
A partir du plan de l’au, nous attaquons la montée sur un sentier large et peu pentu au début. Cette mise en bouche terminée, je vais redécouvrir la douloureuse expérience d’une trace interminable, pierreuse à souhait, et d’une inclinaison que j’avais oubliée. Des torrents de flottes dévalent le sentier et chaque pas est un vrai combat pour mes petites guiboles bien entamées. Même les bâtons semblent perdus au milieu de ce hamas de rochers et de racines. Je vais mettre 3H25 mn pour effectuer le tronçon de 12 kms entre Champex et Le pointage de la Giète au km 136 (32h48 de course). Je n’ai pas spécialement sommeil lorsque j’entre dans l’étable du ravito de la Giéte, mais surement par flemme je vais m’accorder un petit som’ de 15 mn, enroulé dans une couverture de survie et dans un froid polaire. Soupe de riz, banane et hop je dégage peu après vers des contrées moins hostiles. La bascule vers Trient, dernier port Suisse avant le retour à la maison, est violente et relativement glissante . Rien de neuf au programme en somme ! J’arrive à Trient vers 4h30 du matin ,34h30 de course et 141 kms. La barrière horaire à ce poste est à 8 h, donc sauf gros craquage, ou amputation d’une jambe c’est réglé pour la veste finisher ! Je m’étais juré de moins glander aux ravitos, mais passe encore 25 mn à discutailler le bout de gras avec le premier venu et à déguster ma petite soupe de riz. Le mode course m’a complètement quitté et suis entré dans le mode aventure. C’est bien aussi mais c’est plus long ! Une fois de plus je salue tout le village, et reprends le chemin, nouveau d’ailleurs, de la célèbre ascension aux Tseppes. Après Une mise en jambes tranquille, le chemin monte directement dans la pente. Un mur !!!! J’ai dû prendre de l’élan pour pouvoir grimper un premier tronçon, coté 7b par la fédération française d’escalade. Et bien les gars, les perceptions, après 140 bornes ne sont plus du tout les mêmes. Déjà difficile en temps normal cette côte, est devenue une épreuve incroyablement longue et pentue. Mon altimètre, tout juste activé pour la belle Catogne, semble arrêté . Jamais une progression, dans l’histoire de l’UTMB, n’aura paru plus lente. D’ailleurs je ne communiquerai pas la vitesse fournie par l’orga sur la portion Trient /Catogne !! Une véritable honte pour le monde du trail . Loin de moi l’idée de me flageller, mais je n’ai doublé personne dans cette montée, pas même les gars à l’arrêt, c’est dire ! Je vais devoir rattraper tout ce petit monde dans la descente . Catogne en vue les enfants , 36h27 et 145 bornes au compteur ,le jour s’est levé dans la montée , tandis que la brume se dissipe au-dessus du barrage d’Emosson , formidable tableau s’offrant à mes yeux fatigués . C’est unique de pouvoir contempler ces montagnes sur ce promontoire à 7 h du matin . Assez prétentieux, je dois l’avouer, mais également pressé d’en finir, je relance le pas de course dès les premières inclinaisons négatives de la pente. Je manque de me vautrer plus d’une fois sur ce chemin pentu tapissé de petits cailloux bien vicieux. Frustré, c’est un comble, je ralentis ! Le versant nord de la vallée, théâtre de notre descente sur Vallorcine est encore bien emmitouflé dans sa grande fraicheur matinale lorsque je déboule, au milieu des supporters courageux, et bien habillés, sur le dernier vrai poste de ravitaillement avant la terre promise. Vallorcine, 152kms en 38h08. Putain ça commence à sentir le houblon ! Je reste encore plus de 20 mn sur ce poste, sans grande raison, quel manque de lucidité ! Je sais les 4 kms jusqu’au col des montets ascendants, mais relativement roulants, c’est ainsi qu’en mode nordique je tente de tenir un petit 5.3 km/h sans jamais être doublé et au prix d’un bel effort. Il y a encore une quinzaine de jours ,j’étais dans les pentes de la tête au vent pour démystifier cette drôle de montée que j’ai toujours eue du mal à escalader . Hélas , après un récent éboulement dramatique ,cette portion a été supprimée au détriment d’un passage via tré le Champ , que je ne connais pas ,mais dont les perspectives me paraissent plus réjouissantes . Et bien avec du recul, croyez-moi bien, je regrette profondément le chemin de la tête au vent !!!!! Ce tracé, qui doit nous emmener au dernier pointage de la Flégère semble monter de façon régulière, sur une longue portion certes, mais sans le vice du chemin historique. Que nenni, c’est bien une dernière gâterie de haut vol que nous a concocter l’organisation Poletti. Il est parfois difficile d’expliquer au lecteur, non coureur, pourquoi quelqu’un peut mettre plus de temps en descente qu’en montée. Il suffirait pour cela de venir voir la portion entre le 160éme et le 162 ème kilomètre de ce passage « réunionnais ». Le petit groupe constitué de naufragés, burinés par l’épreuve du temps, va mettre peut-être une heure pour effectuer à peine 2000 m linéaires dans ce dédale de rochers et de racines. Le temps s’écoule, mais pas les kilomètres. Et que dire de la montée, plein cagnard, vers ce ravitaillement de la Flégère qui n’arrive pas ? Bref, comme toute bonne fin d’Ultra-trail qui se respecte, la perception du gueux fatigué semble fausser de façon caricaturale la réalité des choses. Mais que c’est lonnnnnng !
Je m’écroule à la Flégère après 41h40 de course et 163 kms. Il fait chaud, pas le temps de sympathiser avec les bénévoles, je redécolle avec la grâce d’un Albatros Arthrosé. Je vais flirter avec les 6 km/h dans cette descente, presque de quoi chasser la buée, installée depuis plusieurs heures sur mes Bollé. Chassez le naturel et ce dernier revient au galop, je vais effectuer une grande partie de la descente avec un petit gars de Lille, avec qui nous devisons sur les sujets les plus variés. Cette dernière étape de course est sublime car chaque rencontre est prétexte à congratulations et accolades des plus chaleureuses. Un Japonais me tape dans le dos tandis que je le félicite pour son immense périple et sa performance. Quel bonheur de voir tout ce petit monde, le sourire béat, les yeux rougis, habité par une vraie joie d’en finir, mais surtout d’être là, ensemble, après tant d’efforts. Mes propos, un peu niaiseux, j’en conviens, reflètent quand-même bien le genre d’émotions et de sentiments qu’entraine cette course épique et unique. Je déboule dans Chamonix comblé, fatigué, émerveillé mais sans les larmes d’il y a quatre ans . Le bonheur est intacte, et le privilège d’arriver à la mi-journée, garantit un bain de foule surréaliste, qui n’existe sans doute nulle part à ce modeste niveau de pratique sportive. Je savoure d’autant plus que je suis bientôt rejoint par ma bande d’ados, autant excités par l’arrivée du Daron que par la perspective du snack de mi-journée , qui tambourine dans leurs estomacs d’affamés . Il est 12h58, ce dimanche 2 septembre, 171 kms au compteur, le soleil brille, et je file embrasser Dorothée sur cette sacrée ligne d’arrivée de la plus célèbre course d'Ultra trail au monde.
YM dossard 2712 ,42h57 .1127ème
Merci Dorothée,Gabin,Tom et Gael .Nolwenn ou étais-tu ?
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3 commentaires
Commentaire de coureurenscene03 posté le 11-09-2018 à 14:25:25
Merci beaucoup Yannick pour ce beau compte rendu de ta course, à la lecture j'ai été à nouveau replongé dans l'ambiance....pour moi aussi la montée de Bovine a été difficile et la première chose que j'ai demandé au speaker à mon arrivée ...c'est de supprimer pour l'an prochain la petite grimpette, puis la descente casse pattes avant la montée finale vers la Flégère....
Cela devrait rentrer dans l'ordre, si la météo permet le passage à la Tête aux vents..
Encore BRAVO pour ces 6 courses réussies à Chamonix
Commentaire de serge14 posté le 11-09-2018 à 22:03:14
Bravo Yannick. Tu es aussi brillant baskets aux pieds que crayon à la main pour raconter ta course. Très beau récit. Merci pour nous faire partager ta passion et nous faire rêver avec tes récits. Tu as maintenant un sacré palmarès au niveau des ultra trails et a vécu des moments inoubliables au fil de tes exploits. Chapeau !
Commentaire de keaky posté le 25-01-2019 à 13:41:55
Récit 5 étoiles !!! Merci pour ton retour et bravo pour ta persévérance ;)
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