Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2013, par tidgi

L'auteur : tidgi

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 30/8/2013

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 2106 vues

Distance : 168km

Objectif : Terminer

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Un long voyage avec soi-même...

 

Fin Août 2011, je franchis l’arche d’arrivée pour l'édition de la CCC.
Ces moments vécus en montagne me donnent alors envie de faire le tour complet du Mont Blanc.
Cet UTMB me faisait regarder avec des yeux ronds – il y a 3 ans encore – ces finishers : de grands malades !!

1 malchance au tirage 2012 puis une priorité 2013 plus tard, et me voilà avec cet objectif majeur.

Un objectif des extrêmes (où comment aller chercher toujours plus loin !) : 168km, près de 10000m de D+ et à priori entre 40 et 45h à passer sur le terrain. Particularité, il me faudra passer 2 nuits dehors, du jamais vu pour ma pomme.

 

Après avoir lancé l’année avec quelques courses locales, en guise de préparation, il y a eu ensuite :

-          Le GR73, réduit à 58km

-          Le trail du Mont d’Or (45km) à Métabief (qui aura vu la victoire d’un certain... Xavier Thevenard…)

-          Le trail de Verbier Saint-Bernard et ses 110km/7000m de D+

 

2 semaines avant, 6 sorties d’1h/1h30 en bord de mer et à jeun permettront un affutage iodé.

Enfin, arrivé en famille 4 jours avant, 2 randonnées de 4h pour découvrir ou redécouvrir le début et la fin du parcours (çà va aider pour le mental sur la fin).

Le temps annoncé quelques jours avant est plutôt clément : j’ai bien fait de n’avoir pas été tiré au sort en 2012…


Retrait des dossards la veille, c'est plutôt bien huilé...

retrait dossard



L'adrénaline des jours précédants la course m'empêchent de bonnes nuits de sommeil.

Le jour de la course, alors que l’occasion de faire la grasse matinée était là, je suis réveillé à 5h pour un départ à… 16h30. Et si je partais sur la CCC du coup ?

Bref, pas suffisamment de sommeil à mon goût avant cette échéance.

 

L’estimation de temps sera entre 35 et 40h : avec les points de passages pour 35, 38, 40h.

Je n’ai pas compté les arrêts. Tant pis, il faudra courir plus vite…

passages

 

 

 


*** Le départ ***

 

Après avoir retrouvé David et François du club,

smon

puis ogo qui partira rejoindre devant Marat et ArnaudB, nous profitons de l’ambiance avant le coup de starter.

thierry départ


Le départ est impressionnant !

Ca prend aux tripes. Cette musique, le public venu acclamer les "gladiateurs" du tour du géant de l’Europe.

Séquence larmes aux yeux...

arche départ


 

 


*** Dans la nuit en direction de Courmayeur ***

 

Nous cheminons dans la rue principale de Chamonix, limitée à droite et à gauche par les spectateurs. Ca fait un peu « Tour de France » aux arrivées d'étapes clés. Les fauves sont lâchés.

J’arrive, à un moment, à voir Annick et mes enfants sur le bas-côté, mais difficile de s’arrêter, entrainé par la masse des coureurs. Bisous et à peut-être aux Houches tout à l’heure ?

 

Devant, çà part plutôt vite. Trop vite pour une distance comme celle-ci. Tout le monde se laisse emporter par le flot des coureurs. Je suis avec François.

 

Les Houches sont passées en moins d’une heure. Je n’ai ainsi pas pu voir mes proches, arrivés trop tard avec le bus.
Dommage, je sais maintenant que je ne les verrais plus avant Chamonix. Un pincement au cœur me surprend. Allez, je dois maintenant me mettre dans la course...


Je ne m’arrête pas au ravito.

Un peu plus loin, un attroupement de traileurs : Kilian Jornet en personne venu nous encourager ? Ca c’est fort !! Combien de temps va-t-il tenir à se laisser tripoter par la marée de traileurs ?

kilian
 

Après ce rapide intermède, j’attaque la première des 4 bosses avant Courmayeur : Le Delevret, à proximité du col de Voza.

J’ai reconnu cette partie en rando famille. Même si on se fait que commencer l’aventure, mentalement çà aide… Surtout qu’un léger mal de ventre se fait sentir ?

 

Passé cette « bosse », la descente sur Saint Gervais se fait à la chaleur des derniers rayons de soleil.

C’est une descente bien raide par endroits, et le mal de ventre m’empêche de me lâcher : problèmes digestifs en vue ? Cà ne me met pas en confiance tout çà. J’essaie de gérer les secousses de l’estomac.

 

Je reconnais un embranchement que j’avais loupé sur la Montagn’hard 2012, et de fait, étais parti sur le chemin qui descend sur Saint Gervais. Allez tiens, une photo :

chemin vers saint gervais

 

Saint Gervais qui arrive peu après, lieu du 1° gros ravito.

Une superbe ambiance ici ! Elle nous porte. C’est super !

saint gervais

ravito saint gervais

 

Je refais le plein de la poche à eau, j’ai moins mal au bide… Et repars aussitôt en direction des Contamines, lieu de la première barrière horaire.

 

Cette partie est plutôt roulante et les Contamines sont rapidement atteintes (en tout cas dans la tête).

1h d’avance sur la barrière horaire, çà va ! C’est qu’il ne faut pas trainer au début…

La nuit est tombée, je passe en mode nuit avec la frontale, et un habit chaud.

contamines

Curieusement, je tiens (encore) le rythme de 35h. Jusqu’à quand ??

 

Le passage à Notre Dame de la Gorge me rappelle quelques souvenirs de la Montagn’Hard.

Je retrouve Chti’gone, que j’avais aperçu devant moi aux Contamines. Nous cheminons ensemble à présent.

 

Après un joli feu de camp, les choses sérieuses commence avec l’ascension vers le col du Bonhomme, en passant tout d’abord par La Balme.

Dans ma tête, je découpe : c’est 3 bosses à passer pendant la nuit… avant Courmayeur. Sur un terrain que je découvre, qui plus est de nuit. Je vais souffrir un peu...

Je laisse partir Chti’gone dans la montée, que je retrouve au ravito de la Balme. Il repart avant moi.

Côté chrono, je suis toujours dans un temps de 35h, mais très limite. Et je pense que cela ne va pas s’arranger au vu de la technicité du terrain.

 

Je découvre en effet un sentier où la progression se fait plus lente. Le mal de ventre reprend, et les quelques concurrents « malades » sur le bas côté, n’arrangent pas mon mental.

Sans parler de mes difficultés potentielles quand je chemine à plus de 2200m.

 

Par contre, le ballet de frontales dans la montée au col va rester une image marquante de cette aventure : c’est tout simplement grandiose !!

 

Du col du Bonhomme (enfin !), la montée continue jusqu’au refuge de la Croix du Bonhomme, à 2400m.

Et une bosse de faite sur les 3 à passer dans la nuit. Je dois maintenant m’accrocher à la tranche 38h. Si çà pouvait tenir…

 

Je n’en ai pas fini avec la technicité des sentiers. La progression n’est guère plus rapide au début de la descente, pour arriver aux Chapieux.

Ici, un contrôle inopiné des sacs est fait à l’entrée du ravito. Je passe à travers… car les toutes les tables sont prises.

 

Une soupe chaude et c’est reparti sans trainer. Direction le col de la Seigne, 2° bosse faisant frontière avec l’Italie…

 

Je me force à courir sur ce long chemin bitumeux, qui laisse la place à un sentier qui s’élève progressivement, mais qui reste moins technique que celui montant vers le col du Bonhomme.

Et à nouveau ce ballet de frontales… toujours magique ! Et que dire de la lune (en dernier quartier) qui se lève alors…

Le ventre va mieux. Le moral remonte à la faveur de toutes ces "astres"…

 

Le col de la Seigne atteint toujours dans un temps de 38h (allez hop ! 2° bosse check !), la bascule se fait rapidement vers le lac Combal. Situé à 1900m d’altitude, on ne descend pas longtemps avant la 3° bosse.

Je reste frustré de ne pas voir ces paysages environnants avec la nuit. Autour du lac, çà doit surement être joli. En tout cas, je sens l’humidité à l’approche du « check point ».

 

La montée de la dernière bosse (Arête du Mont Favre) coïncide avec la fin de la nuit. Se dévoile alors le Mont Blanc de Courmayeur (enfin je pense), sur lequel vont commencer à poindre les premières lueurs du jour.

L’endroit est empreint de sérénité…

Mais côté chrono, je ne tiens plus les 38h puisque d’après les temps sur le papier j’aurais du mettre 1h depuis le lac Combal. Une fatigue s'installe en fin de nuit…

 

Dans la descente vers le Col Chécrouit, je n’arrête pas de regarder ce Monte Bianco de plus en plus illuminé. Et dire que mon téléphone ne veut pas prendre de photo (la faute à une carte SD non reconnue car trop secouée).

Tant pis, à défaut de photo, ce sera pause pipi de luxe devant cette montagne (!). Juste avant de rejoindre – et de passer rapidement – au col Chécrouit.

 

Courmayeur est là, en bas. Il y a juste 800m de D- à faire sur 4/5 km !!

 

Et en effet, la pente s’affole. Les sentiers en lacets, dans une espèce de sable, donne un côté ludique à cette descente. Les chaussures changent aussi de couleur !!

Nous sommes un petit groupe à cheminer à bonne allure. Les quadris chauffent !

 

Courmayeur est atteint avant 8h. Soit ½h d’avance sur le temps 40h (sans compter la pause).

 

Bilan de cette nuit : un terrain bien plus technique que ce j’ai pu entendre ou lire, un léger mal de ventre qui m’a finalement laissé tranquille, un lever de jour qui fait du bien…

 

Ici, je vais alors pouvoir me poser un peu : changement de chaussettes, tee-shirt, révision de la mécanique, alimentation, vidange pour calmer ses maux de ventre qui m’auront parfois contrarié dans la nuit…

Je souhaite repartir pour une "CCC" dans un esprit (et un corps) serein.

 

 

 


*** Une journée italienne sous le soleil et sur des sentiers connus ***

 

 

En repartant, je m’aperçois que presque 1h est passée, j’aurais dit seulement 10 minutes. Incroyable ce rapport au temps dans les ravitos…

Ça ne va pas arranger mon espérance de temps de 40h. Je compte sur des chemins plus connus (et de jour) pour espérer reprendre du temps… On verra…

 

La montée vers Bertone me fait rentrer dans l’usine à souvenirs (CCC 2011), nous n’étions en effet pas passés par la Tête de la Tronche lors de cette édition.

J’avais été surpris d’être déjà au refuge, ce qui est encore le cas ici (et me fait espérer quand je vois que je reviens sur un temps de 40h, d’après mes notes).

 

Les bénévoles profitent d’un soleil bien présent. La journée va être belle.

Je ne traine pas car il n’y a que du liquide.

 

Allez ! Direction Bonatti.

 

Je serpente au-dessus de la sortie du tunnel du Mont Blanc, puis le long du Val Ferret.

Mentalement, ça devient long et Bonatti n’arrive pas aussi vite que je le souhaiterais.

Du coup çà commence à gamberger…

 

Bonatti est finalement atteint en haut d’un petit coup de cul (Ah ! Je me souviens bien de celui là).

Une petite soupe et c’est reparti !

 

Sauf que… une certaine lassitude me gagne. Fatigue ? Chemin qui parait monotone ?

Le paysage est pourtant grandiose, surtout sous ce soleil (çà change d’il y a 2 ans, lorsque l’orage menaçait…).

Je sens ces jambes moins alertes. Les descentes sont plus douloureuses (merci les quadris).

 

J’arrive ainsi à Arnuva, juste dans le temps 40h, mais sans compter l’arrêt au stand.

Il y a beaucoup de monde ici, çà remet du baume au cœur.

Ce ravito est important… avant la montée au col Ferret. Je prends le temps de faire refroidir ces quadris. Banane, orange, remplissage de la poche à eau.

 

Il y a 2 ans, cet épouvantail qui est la montée au col avait été bien gérée, en tout cas j'avais démystifié...

Là, j’ai quand même plus de bornes dans les pattes. Et çà se sent. Je suis bien plus fébrile. Un vent de plus en plus frais balaye les sentiers. Couche supplémentaire obligatoire car avec la fatigue, je me refroidis…

 

Le Grand Col Ferret est atteint en moins de 2h. Je ne traine pas au sommet pour basculer de l’autre côté, en Suisse.

 

Autant la descente vers Arnuva était difficile, autant celle-ci devient carrément épique (là ce sont quadris et ischios qui ont fondu…).

Je voudrais bien me lâcher mais il n’y a pas moyen.

J’en profite alors pour faire un peu de tourisme visuel : en face, sur un autre versant, le col Fenêtre (grimpé lors du Verbier Saint Bernard début Juillet). Je distingue la nette absence de neige qui avait valu un paysage grandiose.

 

Mais je ne rigole pas dans cette descente, m’obligeant à m’arrêter à mi-pente.

Le chemin ne descend pas à La Peule, comme sur la CCC il y a 2 ans. Nous serpentons sur les hauteurs et çà devient trrrrrrrrrèèèès long.

La fatigue, les jambes en feu, le chrono qui tourne (je suis maintenant en plus de 40h) me font douter sur le plaisir que je suis sensé prendre sur les courses.

Et arrivent des pensées comme « j’arrête les ultras », « pas l’aller-retour SaintéLyon en fin d’année », « pas capable de tenir un temps », « j'en avais pas autant ch... sur la Montagn'Hard ! »

Je me dis surtout que j'aurais dû arriver plus frais : ai-je vraiment bien récupéré du trail de Verbier ? Pourquoi ces 6 "petites" sorties d'affilée 15 jours avant ? Pourquoi ces 2 randos de 4h une fois sur place ?

Bref, je me rends compte que je suis en train de me mettre une pression ridicule alors que j’ai la chance d’être ici :

-          Il fait beau

-          Nous allons avoir le droit de faire l’intégralité du parcours (demandez aux participants des dernières éditions !)

-          Bien que fatigué, je suis bien, je sais que je peux aller au bout…

 

Avec ce mental qui me joue des tours, j’arrive déjà avec surprise à La Fouly (nous ne sommes pas passé dans La Peule).

J’ai toujours du retard sur le temps 40h mais il reste stable.

 

 


*** Passage progressif en mode guerrier pour ne pas dormir ***

 

Il n’y a pas trop de monde (je m’attendais à pire). Je recharge les batteries et j’entends alors le speaker qui annonce que la place s’anime de plus en plus.
Cela signifie-t-il que le "gros du peloton" arrive ? En tout cas, çà me rebooste.

 

En sortant du ravito, je dois d’abord passer au poste médical.

Ah oui, depuis la descente, un doigt de pied me fait mal : début d’ampoule ? En tout cas, je ne souhaite pas la trainer plus longtemps et pense la faire percer. Un ami avec qui j’ai cheminé sur la CCC 2011 (et qui se reconnaitra s’il lit ce récit) en sait quelque chose…

Il s’avère que c’est juste un frottement : un petit pansement et l’on peu continuer. L’occasion de discuter un peu avec les 3 bénévoles médecins.

 

J’arrête la musique qui passait dans les oreilles depuis la nuit dernière. Et c’est sérieusement que je repars vers Champex.

J’aime beaucoup cette partie. En plus de l’avoir fait il y a 2 ans, j’y suis passé dans l’autre sens il y a quelques semaines pour le Verbier Saint Bernard.

 

Je suis avec un groupe de 3 allemands. Nous avançons plutôt bien.

Sur le côté, je remarque quelques concurrents faisant la sieste dans l’herbe. Le bruit de l’eau n’est pas loin.

Pas con comme idée : il vaut mieux dormir un peu tant qu’il ne fait pas trop froid, dans un endroit bucolique plutôt qu’en haut de Bovine dans la nuit et le froid de l’altitude. Ceci dit attention à la barrière horaire à Champex… C’est bien tentant mais…non, j’avance tant que je peux… Si je veux recoller aux 40h…

 

Après avoir passé le petit bistrot de Praz de Fort, je ne peux m’empêcher de lancer « eh ! vous étiez déjà là il y a 2 ans quand nous passions pour la CCC ». Pensez donc comme ils sont bien avec leur bière pendant que nous allons attaquer la montée vers Champex !

 

Cette montée, je la refais dans la tête, elle passe toute seule… Et me voilà à Champex, avec à peine 5 minutes de retard sur mon temps 40h (qui ne tient pas compte des arrêts je le rappelle). Ce qui veut dire que je tourne en moins de 40h actuellement. Plutôt bon signe.

 

Ici, encore plus qu’à La Fouly, je m’étonne du peu de monde à se servir (certes il y a du monde à table mais ce n’est pas la cohue que j’ai connu à la CCC).

Je prends le temps de me ravitailler, remplir la poche à eau, prendre 2 cafés... et passer en mode (pré)nuit.
Une nuit qui sera la 2° pour moi, levé depuis 5h du matin hier. Il va falloir bien la gérer car çà devient une inconnue pour à ce niveau là.

 

Dans ma tête, je découpe à nouveau le parcours : 2 bosses (que je ne connais pas) avant d’arriver à Vallorcine. Puis après le col des Montets, ce sera la rando faite en famille 3 jours avant l’UTMB (çà sentira bon, même s’il restera la Tête aux Vent).

 

Allez. C’est donc avec un mental regonflé que je commence cette 2° nuit. Un seul mot d’ordre : rester dynamique (avec la musique qui va bien dans les oreilles)… avec çà je ne devrais pas m’endormir !

 

La montée de Bovine se fait en groupe, je suis avec quelques espagnols et nous prenons le relais tour à tour. Ca grimpe bien par endroit mais curieusement, je ne sens pas de douleur.

 

Arrivé sur les hauteurs de Bovine, la vue sur Martigny est magnifique avec ce découpage des rues (çà me rappelle Verbier vu du col des Milles à 1h du matin).

Ici, je suis quasi dans le chrono 40h. C’est du sérieux jusqu’à maintenant, de quoi alimenter le mental.

 

Après la traversée de quelques champs de… bovins (légèrement dérangés par ces bipèdes qui n’ont vraiment rien d’autre à faire que de crapahuter en pleine nuit à 2000m), j’effectue la descente vers le col de la Forclaz. Je me retrouve seul car j’ai laissé le groupe, mais j’en rejoins d’autres.

A cet endroit il y a 2 ans, un terrible orage s’abattait sur nous !


La descente sur Trient est plus raide, mais passe plutôt bien (j’ai du retrouver des quadris sur le bas côté à priori). J’atteins le ravito à minuit, toujours dans le temps 40h.

Pendant la pause (pendant laquelle je n'oublie pas de prendre 2 cafés), j’échange avec un concurrent, qui comme moi, pensais arriver à faire 35h.

Le speaker annonce l’arrivée du 800° au moment où je m’apprête à partir. Je réalise que je grapille encore des places, en plus de me sentir de mieux en mieux. Incroyable !

Allez, plus qu’une bosse avec Catogne et je serai sur un terrain connu. Des frissons me parcours le dos, pensant à une arrivée à Chamonix en famille…

 

Je sais mes supporters derrière leur écran, à me suivre en live, et j’en suis fier pour eux. Car ils m’encouragent…

 

Allez ! On attaque Catogne. Je rejoins vite un petit groupe car je ne souhaite pas grimper seul. Ici ce sont des allemands, des espagnols et des belges (qui parlent une langue qui n’est pas juste celle de l’autre côté de la frontière). La montée en devient tellement mécanique que j’ai un terrible coup de barre à mi-pente. Une furieuse envie de dormir me fait dévier plusieurs fois de la trace. Eh ! Oh ! Réveil !

Ben quoi ? C’est la 2° nuit et on aimerait dormir OK ?!!

 

Ah ! Enfin Catogne. On va pouvoir basculer sur Vallorcine.

Une fois encore je me retrouve seul, après avoir lâché le groupe. Je n’ai pas vraiment envie de faire du tourisme, je ne regarde pas mon plan de route. On verra çà en bas.

Cette descente est ponctuée de quelques dépassement de concurrents, souvent en groupe, difficile pour certains…
Ces places gagnées dopent une fois de plus ce mental, qui ressemble à une chaudière dans laquelle les buches sont ces kms qui défilent, ces concurrents que je dépasse…

Mais sur quelle planète je suis là ?????

 

Du bruit en bas ! Vallorcine ! Un bout d’écurie !

Attention à la descente, l’herbe est humide. Je trouve le moyen de courir jusqu’à la ligne de décompte correspondant à l’entrée dans le ravito.

Je refais le plein de la poche, une soupe, un coca, orange, banane... 1 café.

Et le chrono alors ? Ouaouh ! Je suis en avance sur mon temps 40h… Je vais arriver à rentrer dans cette fourchette 35h(prétentieux)-40(c’est déjà mieux).

Je prépare mon téléphone pour appeler Annick, quand je vais repartir en direction du col des Montets. Si elle me suit, elle ne devrait pas dormir (en même temps… il est 3 heures !). Bingo ! Je reçois un SMS !

 

C’est la 1° fois que je l’entends au téléphone depuis le départ de Chamonix. Et çà fait un bien fou (allez hop, une buche dans la chaudière !).

Elle est étonnée de ma voix : « tu as l’air d’aller bien, je ne te sens même pas fatigué ». « Si ma chérie, mais il y a un truc de dingue qui me fait tenir… ».

Elle m'apprend que David et François ont du abandonner. Dommage. Je reste de fait le seul de SMON en lice.
Pas de pression pour autant, je sais sauf blessure que j'irai au bout...

« A toute à la Flégère ? »

 

Je rattrape un anglais qui veut finir en 40h. En le dépassant, je lui dis que çà devrait le faire.

C’est avec la bananeque je passe au milieu des bénévoles au col des Montets. Merci à tous ceux qui nous ont rendu cette course agréable… Vous êtes des chefs !

 

A présent, j’attaque la rando/reco faite le mardi en famille. Et ce sont avec ces images que je vais cheminer maintenant.

Je lève la tête. Que d’étoiles ! Ce ne sont pas des étoiles… mais des frontales ! Tout là-haut ? Oui, oui ! Même pas mal !!!

 

Une autre image qui restera : après 300m de montée, un concurrent redescend, livide.

Je lui demande si çà va. Pas de réponse. Je redemande. Hagard, il va rejoindre les bénévoles en bas. A-t-il craqué en voyant cette dernière bosse, et ses frontales là-haut ?? Je ne saurai jamais.

 

Pour ma part, je continue. Dans ma tête, nous sommes mardi, il fait jour, il fait beau et je marche avec mes enfants. Mon 3° râlait à cause de ces GROS cailloux qui entravaient sa marche. Il aura droit à l’arrivée à « j’ai eu envie de râler comme toi, tu vois »

 

Quoiqu’il en soit, j’atteins la Tête au Vent, toujours en avance sur mon temps 40h. Je me mets à rêver d’un 39h, c’est jouable au vu de notre temps de rando faite en famille.

Sauf que… nous avions atteint la Flégère plus rapidement. C’est un autre chemin que l’orga nous fait prendre, et il me parait interminable. C'est sans arrêt des genoux qu’il faut monter haut parfois, si je ne veux pas trébucher.

 

J’ai à nouveau mal au doigt de pied. Le pansement doit frotter. Allez, on tient.

Derrière moi, arrive une balle : c’est mon anglais de tout à l’heure ! Encore plus pressé d’en finir que moi. Il voulait 40h, il en aura pour 39h, tant pis pour lui…

 

Ouf ! Me voici à la Flégère.

Le jour s’est levé, je ne pense pas pour autant à ranger la frontale. Un coca, un rapide salut aux bénévoles, et çà repart.

Non sans avoir appelé Annick pour lui dire que j’arrive dans 1h30 : « réveille les enfants ! ». Les pauvres !


Mais en sortant de la tente, je vois le panneau « Chamonix 8km ».
8km ? avec que de la descente ?

« Allo, Annick ! Euh, il va falloir que tu partes de suite, je pense que je serai là dans 1h et non pas 1h30. Je t’appellerai à la Floria ». Que de pression un dimanche matin : réveiller les 3 gones, et partir des Houches pour Chamonix…

Mais je ne peux pas passer la ligne seul, comme çà. Je n’ai pas eu d’assistance sur tout le parcours, ce partage, je veux le faire avec mes proches maintenant… Quitte à m’arrêter 200m avant la ligne, le temps qu’ils soient là !

Du coup, pour lui laisser le temps d’arriver, je laisse filer les plus en forme dans la dernière descente.

 

Je prends le temps : un pipi, je range la frontale. Et je descends en faisant TRES attention à toutes ces racines qui jonchent le sentier… Mais surtout… je savoure chaque mètre de cette descente, j’ai l’impression de n’avoir mal nulle part.

 

Déjà La Floria !

Allez, le dernier coup de fil à ma chère et tendre : elle est déjà en place. Mes 2 grands m’attendent sous l’arche du dernier kilomètre et ma chérie avec le 3° à l’arrivée.

Manquerait plus que le petit dernier, resté chez ses grands-parents pour que la fête soit complète…

 

Je regarde ma montre. A savourer cette dernière partie, les 39h viennent de passer. Finalement je ferai un peu de rab… Mais quel rab !!!

 

Au loin mes 2 grands au niveau de l'arche du dernier kilo.

1 km

Génial ! Nous partons tous les 3 en direction de l'arche d'arrivée.

Chamonix se réveille doucement (c’est dimanche, çà sent la grasse mat’). Nous sommes là tous les 3 à papoter pendant que je remercie ceux qui me félicitent. Un moment fort, mais curieusement aucune larme aux yeux.

Avant le dernier virage, je me surprend à exulter "Debout Chamonix !"

Puis au loin la ligne d’arrivée, que je passe victorieusement avec mes 2 gones. Je retrouve alors Annick en camérawoman et mon 3°...

Un sentiment de plénitude m’envahit : çà y est, je suis finisher !
L’un des «  gladiateurs » acclamé comme d’autres il y a maintenant 39h est revenu victorieux de la campagne... Mais il n'y aura pas de larme aux yeux. 

Au vu de l’heure matinale, l’endroit fait intimiste, au rythme des arrivées espacées.

Un air de déjà vu quand j’arrivais quasiment à la même heure pour la CCC 2011.

 

Merci Annick et mes 3 gones d’être là, tout simplement. Vous m’avez manqué vous savez !

famille



Encore quelques photos après réception de la polaire rouge, et en route pour un repos bien mérité.

arche

polaire

 

J’aurais tenu 54h sans dormir.

J’arriverais ensuite à ne dormir que 2 heures pour commencer…

 

Merci en tout cas à tous ceux qui m’ont suivi, encouragé, cela m’a bien porté… vraiment. Très sincèrement...

 

 

En résumé, je découperais cet UTMB en 3 parties :

  1. Une nuit à découvrir des sentiers parfois techniques, tout en essayant de gérer le côté digestif
  2. Une journée italienne sur des sentiers plus connus, où le mental fait des hauts et des bas
  3. Une fin de journée et une nuit en mode warrior pour ralier l’écurie


 

L'un de mes fils m'a demandé si je voulais recommencer...
Pourquoi ? Quelle chance nous avons eu avec cette météo, et avoir fait l'intégralité du parcours (alors que les parcours de repli ne m'enchantaient pas du tout).
Je suis tout simplement comblé. Que demander de plus ?

 


 


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// L’UTMB en chiffres  //

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168 km, 9800m de D+

 

2469 partants

1686 arrivants (plus de 30% d’abandons)

 

651° en 39h12

 

54h au total sans sommeil...


live

 

dossard



17 commentaires

Commentaire de franck de Brignais posté le 17-09-2013 à 22:18:48

Que te dire ? C'est tout simplement incroyable. j'ai eu la chance de te croiser à une de tes courses de prépa (à Cruet, tu faisais la grande, je faisais la petite...), quand j'ai vu le programme de courses que tu as tombé pour préparer cet UTMB... j'ai juste pensé que c'était infaisable... Mais tu l'as fait !! Félicitations finisher !! Qu'est ce que je ne donnerai pas pour envisager un finish de cette course...

Commentaire de ogo posté le 17-09-2013 à 22:38:03

Chapeau Thierry ! Tes mots sont pour moi chargés de sens, je revis à travers ton récit les émotions et les doutes qui ont ponctué ma course. Bonatti qui se fait désirer, l'arrivée interminable sur la Fouly... Ton finish est exemplaire... quand le mental permet de repousser les limites ! Ta préparation rondement menée y est sans doute pour quelque chose.
Un très grand bravo... et à l'année prochaine pour la TDS ;)

Commentaire de Ponpon posté le 17-09-2013 à 23:08:12

Bravo Thierry !! Désolé encore de ne pas t'avoir attendu sur le parcours, le temps m'était compté !!!
Effectivement les ampoules c'est une vraie plaie, souviens toi les balcons d'Argentières il y a 3 ans, ça me connaît !!

Et l'orage entre Martigny et Trient... que du bonheur !!!

Bravo encore pour ta course, à bientôt mon compagnon. !

Commentaire de Arclusaz posté le 18-09-2013 à 00:10:14

quelle belle course ! et quelle belle famille !

Bravo mon grand, t'as fait un truc de dingue, savoure, savoure, .....

Commentaire de sabzaina posté le 18-09-2013 à 07:01:58

Très beau récit, merci pour ce partage et bravo pour cette course rondement menée

Commentaire de Taldius posté le 18-09-2013 à 08:18:55

Bravo. C'est un accomplissement pour chaque traileur qui se respecte. Je suis heureux pour toi un bien beau récit.

Commentaire de zeze posté le 18-09-2013 à 11:55:53

Vraiment Bravo, quelle gestion de toute ta saison pour y arriver. un week end derrière mon ordi à te suivre à distance cela donne envie. j'ai eu un deuxième point à la nuit des cabornes, j'ai le droit de tenter le tirage au sort de la CCC ....

Commentaire de langevine posté le 18-09-2013 à 12:42:47

j'ai avalé chacun de tes mots, je pourrais les lire et les relire !
Un gros bravo Thierry, je suis vraiment heureuse pour toi de cette belle victoire sur toi et tes démons de la deuxième nuit! ;-) des bisous et à bientôt dans les Monts d'or, tout doux, tout doux ! :-)

Commentaire de Gibus posté le 18-09-2013 à 14:09:48

Chapeau, chapeau. Quelle joie tu as d'être finisher.

Commentaire de totoro posté le 18-09-2013 à 15:36:03

Bravo à toi Thierry ! Il en te reste plus que la TDS à faire et tu auras sûrement droit à la polaire triple-finisher ;-)

Commentaire de Jean-Phi posté le 18-09-2013 à 17:27:14

Ca a l'air si simpl eà te lire. Toujours en mode "relativisons". Tu es vraiment un grand ultra trailer ! Bravo Thierry, tu as fait un truc énorme !!! Chapeau !

Commentaire de lalan posté le 18-09-2013 à 20:19:34

On sent la patience dans tes mots, jamais de panique. Tu es le maître !!!!
Les enfants doivent être fier de leur papa. Bravo à toi. C'est un honneur de courir à tes côtés en fin d'année l'ami.

Commentaire de fildar posté le 18-09-2013 à 20:33:20

Tidgi c'est la force tranquille, rien ne l'arrête encore un ultra très bien géré.
Bravo à toi !
C'est quoi le programme 2014 ?

Commentaire de snail69 posté le 18-09-2013 à 21:25:43

Et bé ! Quelle gestion impressionnante ! Je suis vraiment admiratif devant un tel exploit. Bravo Thierry;

Commentaire de ch'ti Gone posté le 18-09-2013 à 23:01:17

Belle maitrise de course, tu as su gérer les inévitables difficultés rencontrées pendant ce genre de périple.
Dans ton récit, on sent une très forte envie de réussir mais aussi une capacité à te dire que ce n'est qu'un jeu...le chrono on s'en fout! l'important c'est d'arriver au bout l'esprit rempli de bons souvenirs. Le petit bout de chemin fait ensemble vers le bonhomme en est un pour moi, j'espère que c'est réciproque

Commentaire de LtBlueb posté le 20-09-2013 à 07:30:25

Très belle gestion de course. J'ai crains en te lisant que tu te mettais la pression un peu tôt en situant ton classement très tôt dans la course. Mais visiblement cela t'a servi ! En tout cas cela confirme que tu étais prêt pour le jour J. Bravo !!

Commentaire de TomTrailRunner posté le 18-04-2016 à 18:20:17

Tu es le 1er des récits que je lis en commençant gentiment à me préparer pour 2016 : que de belles choses à y puiser....
Respect en tout cas

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