L'auteur : JL61
La course : Ultra Trail du Mont Blanc
Date : 24/8/2007
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 3815 vues
Distance : 163km
Objectif : Pas d'objectif
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8 janvier 2007
7h58 allumage de l'ordi à peine réveillé
8h00 ça y est c'est fait, je suis inscrit à la 5 ème édition de l'Ultra Trail du Mont Blanc
6 mois plus tôt lors de ma participation à la 4ème édition je m'étais pourtant juré de ne
plus faire ce genre de course. Trop dur, trop long, trop tout.
Et pourtant à partir de ce 8 janvier, plus un seul jour ne passera sans que je pense à cette course.
Un accident stupide survenu 3 semaines avant la 4ème édition m'avait laissé un gôut de revanche.
Je voulais refaire cette course dans de meilleures conditions physiques, sans blessures.
Ca va être loupé.
21 et 22 juillet
Nous participns avec Alain au Tour du Beaufortain. Un trail superbe sur 2 jours et crac...
la cheville se tord. Ca fait mal et c'est pas bon pour l'UTMB dans 1 mois!
24 aout 2007
la journée est longue à attendre l'heure de départ fixée à 18h30.
18h30 la musique de Vangelis nous libère sur le parcours et 2300 tarés traversent Chamonix
sous les encouragements.
Suite à mon entorse, c'est avec beacoup de réserves que j'aborde cette course. Plus question
d'espérer améliorer mon temps de l'année dernière (40h). Avant ma blessure, dans mes meilleurs
prévisions, j'envisageais boucler les 163 km et 8900m de dev+ en 38H. Maintenant, j'éspèrais
simplement terminer. Ce serait déjà trés bien.
C'est donc toute en prudence que j'aborde les premiers km. Chaque pas est posé à un endroit précis
afin d'éviter toute complication et douleur à ma cheville meurtrie. Les montées se passent bien
et sans trop de douleur. Il en est tout autre des descentes qui m'obligent à soulager au maximum mes
appuis, mais ainsi à fatiguer les cuisses, et solliciter les genoux.
km 14 La Charme
passage au sommet à 1800m d'altitude en compagnie de Michel Polleti, organisateur de la course.
Son opération du genou il y a quelques mois ne lui a pas permis de se préparer au mieux pour cette
édition. La descente vers Saint Gervais sur une piste de ski ultra raide va réveler mes
premières douleurs. Elles ne feront que d'amplifier.
km 20 Saint Gervais
Il est 21h et j'allume la frontale à l'entrée du village.
Gosse ambiance, les spectateurs encouragent les coureurs.
Ravitaillement, 2 verres de coca, une pincée de raisins secs et je repars.
J'entend quelqu'un m'annoncer que je suis 378ème. J'ai du mal à croire à une aussi belle place
et je pense qu'il se trompe.
Le chemin s'élève doucement vers les Contamines; Je sais qu'après, les choses sérieuses vont commencer
avec le col du Bonhome, une longue montée qui va nous élever de plus de 1200m
Je passe La Balme à minuit pile en compagnie de l'incroyable Werner Schweitzer. Il est minuit Dr Schweitzer!
km 43 Croix du Bonhome 2479m d'altitude
la montée a ét dure mais s'est bien passée. Je sens que la forme est là. Ma grosse inquiétude concerne
les decentes où je ne suis vraiment pas à mon aise, complètement stréssé de peur de me tordre encore
la cheville. Et dans la decente infernale vers les Chapieux, je vais être servis : un plongon de 900m
de dev- empruntant des sentiers ravagés et ravinés, pleins de trous et de pièges.
Les genoux me font mal. Je serre les dents à m'en fair péter l'émail. Je me traine lamentablement,
et plus de 60 coureurs me doublent dans cette descente interminable et hyper raide.
km 50 Les Chapieux
2 verres de cocas, quelques carreaux de chocolat et un bol de soupe plus tard, je repars
à l'attaque de la ville des Glaciers par une route montante où il est pratiqeuement impossible
de courir. Je double quelques courreurs. La nuit est splendide, des millions d'étoiles nous
recouvrent; En levant les yeux à la verticale, on peut voir les frontales des coureurs
qui nous précèdent sur les pentes du col de la Seigne. Leurs lumières se prolongent dans
les étoiles en se confondant dan le ciel.
1000m de dev+ plus tard, j'arrive au sommet du col de la Seigne. La descente qui va suivre
sera pire que les précedentes. Les 2 genoux me font trés mals et une tendinite au niveau
du tibia fait son apparition. Je sais maintenant à quoi correspond la fameuse tendinite du
releveur. Encore un cinquantaine de coureurs m'auront doublés dans cette descente. Je me dis
que cette fois ça va être trés difficile d'aller jusqu'au bout. Il y a encore beaucoup de
difficultés et je ne vois pas comment je vais supporter ces douleurs aussi longtemps.
km 63 Refuge Elisabetta
un bon ravito et mes premiers anti-inflamatoire.
La grimpette qui suit nous amène à l'arrète Mont Favre à 2435m d'altitude. Le soleil se
lève entre les montagnes et glaciers. Splendide.
Tant que ça monte, ça va. Je redoute terriblement la prochaine trés grosse decente vers
Courmayeur. Et ça ne loupe pas, c'est un chemin de croix remplit de douleurs. Je me
demande à ce moment où est le plaisir d'une telle course. Abandonner à Courmayeur serait
certainement la meilleure solution.
km 77 Courmayeur, samedi 8h24, 482ème position
Arrivé péniblement à la base d'accueil, je m'autorise quelques minutes de réflexions avant
de prendre une décision sur la suite à donner à cette course. Je me rechange, mange un peu
et finalement décide de repartir. Je ne suis pas venu ici pour abandonner. Je pense à tous
ceux qui me soutiennent et ça m'aide. Et re-anti-inflamattoire. Dans la montée
vers refuge Bertonne les genoux me laissent un peu en paix. A force de réflexion,
je réussis à comprendre pourquoi ce releveur me fait mal. En essayant d'économiser les mouvements
de ma cheville, j'ai trop sollicité les tendons et muscles du tibia. Je m'efforce donc
de reprendre un déroulé plus ample du pied et ça fonctionne. La douleur du releveur s'estompe
parfois. Ca me redonne un peu le moral.
km 82 refuge Bertone
ce beau est acceuillant refuge se situe 800m plus haut que Courmayeur. Un arrêt court et c'est
reparti en direction du refuge Bonatti. Ces chemins en balcon sans gros dénivelé me
conviennent bien et ne font pas trop mal. J'en profite pour courir le plus que je peux.
Je double quelques coureurs.
km 89 Arnuva
Je regarde ma montre car je sais que c'est ici que se situe la maotité du parcours en temps.
Il est 13h, ça fait 18h30 de course. Je finirais donc en 37h. Vus mes problèmes, ça me semble peu
probable. Rien que de penser encore courir pendant autant de temps m'effraie, j'essaie de penser à
autre chose.
C'est d'ailleurs peut-être la clef de la réussite d'une telle course : ne pas se fixer sur l'objectif
final mais découper la course en succession de petits objectifs. Chaque ravito, chaque refuge est
un objectif atteignable. Diviser pour gagner en quelque sorte.
C'est ici que commence la plus grosse montée de la course qui nous emmène au Grand Col Ferret
à 2537m. Exténuant et chaud, le soleil ne nous quitte pas. On dirait que le temps pourri
du mois d'aout a fait un break juste pour nous laisser aprécier cette course et ces fabuleux
paysages. Je dépasse quelques coureurs mais d'autres me doublent aussi.
Ensuite une longue descente vers la Fouly, douloureuse, aie aie aie
km 107 la Fouly
A partir d'ici, c'est un long chemin assez plat-descendant jusqu'a Pras de Fort. J'en profite
pour courrir le plus que ma forme me le permet. Je fais la connaissance de David, un américain
venu tester l'UTMB. J'ai du mal à comprendre son accent bien trempé. On discutera jusqu'à Champex
ce qui nous permettra d'avaler plus facilement la grosse montée vers la 2ème base d'accueil.
km 122 Champex samedi 18h40
Beau village Suisse au bord d'un lac. Je me précipite vers les tables de massage pour essayer
de me refaire une santé. Et oh surprise, qui est-ce que je vois arriver ? Alain et Bruno venus
me réconforter, allertés par Lise (ma petite femme chérie) sur mon moral en berne (normal on est en Suisse).
Je passerai plus de temps que prévu avec eux. Soit 1h30 de pause avant de partir à l'assaut
de Bovine tout requinqué par ces retrouvailles avec mes pottes.
J'allume la frontale dès les premieres pentes de Bovine. Une montée qui ne laisse pas indifférent :
des blocs de granit à escalader, un chemin recouvert de racines et de blocs de pierre. Ca fait
mal aux cuisses. Je trace le chemin devant 3 coéquipiers de fortune; Il ne vaut mieux pas faire
cette montée seul dans la nuit. Le temps est clément et j'arrive en T-shirt au sommet de Bovine
avant d'entamer la descente (trop longue) vers Trient. Mes jambes ne sont que douleurs; les genoux
me brulent, la tendinite me nite; Je me traine de plus en plus. Mais je ne suis plus le seul.
D'autres semblent souffrir autant que moi et de moins en moins de courreurs me doublent dans les
descentes.
km 137 Trient dimanche 0h01
à partir d'ici je sais qu'il n'y a plus qu'une seule trés grosse montée, les Tseppes. Tellement
grosse la montée, que je me demande si ils n'ont pas décidé de nous rallonger le parcours; C'est
interminable. Mais quand il ya grosse montée, il ya malheureusement grosse descente. Elle est
aps piquée des vers la descente vers Vallorcine et c'est avec une joie non dissimulée que je parviens
au ravito de Vallorcine.
km 147 Vallorcine
Encore une gentille montée vers le col des Montets. De rapides calculs m'amènent à croire que je
suis en avance de 2h sur le timing fixé au départ; je décide d'appeler Lise qui a prévu de partir de
Chatillon à 4h30 pour la prévenir de ce changement de planning. Je serai déjà arrivé depuis longtemps lorsqu'elle
arrivera à Chamonix. Elle décide donc sagement de ne pas venir; Tant pis, j'aurais tant aimé
passer la ligne d'arrivée avec Agathe et Paul main dans la main. J'y ai pensé toute la nuit.
4h13 mon téléphone sonne. Oh surpise, c'est Alain : l'homme qui tombe à pic. Après le fameux
et incontournable "T'es ou ?" je lui apprend que je suis à 5mn du gîte de Montroc où il m'attend.
Le parcours de l'UTMB passe au pied du gîte.
Il saute dans ses baskets et je le retrouve au bord du chemin. Magique! On ne se quittera plus jusqu'à
l'arrivée. Alain en meneur d'allure ne cessera de me motiver à courir. Je n'en peux plus mais
je parviens à m'arracher gràce à lui. On double des dizaines de courreurs à l'agonie qui ne
parviennent plus à courir. les malheureux, ils n'ont pas Alain eux. Je ne pense plus qu'à une chose :
la ligne d'arrivée, mon esprit est détaché de mon corps, je ne sens plus de douleur, un seul objectif,
courir pour arriver le plus vite possible à la ligne d'arrivée. La plénitude du courreur d'ultra
qui touche au but ultime.
km 163 Chamonix dimanche 6h20
le jour se lève au moment ou je franchis la ligne.
Je plane, je vole, heureux, un état second m'envahit.
j'ai encore appris ce que voulait dire aller "jusqu'au bout de soi-même".
35h46mn de course. 378 ème place. Je n'en reviens toujours pas.
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4 commentaires
Commentaire de Khanardô posté le 09-09-2007 à 22:51:00
Hoooooooo...
Avoir mal dès St Gervais et continuer, c'est très fort ça...
Remets-toi bien, merci pour ce récit et bravo pour ta persévérence !
Alain_très_impressionné
Commentaire de agnès78 posté le 10-09-2007 à 13:06:00
FELICITATIONS pour avoir bouclé le tour!
Bravo pour ton courage et ta ténacité!
Merci pour ce beau récit plein d'émotions
Bonne récup pour les genoux
à bientôt sur les chemins
agnès
Commentaire de lolo' posté le 10-09-2007 à 17:04:00
Encore bravo pour cette perf
Et si une petite blessure était un gage de réussite ?
;-)))
pace e salute
lolo
Commentaire de seapen posté le 31-10-2007 à 17:11:00
Endurer, endurer, endurer sans fin est le lot de celui qui participe à cette course et essayer de ne pas finir comme un chien. En plus s'y ajoutent les pépins, pour toi le genou qui peut rendre la course galère, sinon encore plus problématique. Celà ressort dans les récits que j'ai pu lire auxquels s'ajoute le tien. L'intérêt reste toujours fascinant à suivre le coureur dans ce qu'il veut nous faire découvrir pendant ces deux jours.
Je te remercie de m'avoir emmené sur ces chemins de montagne et fait partager tes sensations et émotions, constats et mots d'humeur.
Reste quand même que tu as été très performant. Bravo.
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