Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2006, par StephL

L'auteur : StephL

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 25/8/2006

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 3564 vues

Distance : 158.1km

Objectif : Objectif majeur

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Le récit


Lundi 04 septembre, jour de rentrée scolaire. Je me dis que je suis complètement passé à coté de cet événement. Ma foi, il ne me concerne pas vraiment. Ce matin, je n'ai pas constaté de grosses différences avec les autres jours ; pas de mômes chialant leur mère et traînant leur cartable de 10kg, pas de "djeuns" clopeurs qui tirent la gueule dans un bus même pas bondé… De toute façon ; les aurais-je vu ? Ma tête a mal. Depuis 10 jours, elle cogite sec, elle éprouve des difficultés à raisonner, à faire le point. Elle lutte pour se souvenir. Elle ne tourne pas rond. Devant l'impossible, elle essaie de se focaliser sur autre chose mais rien n'y fait. Le puzzle est incomplet. Ma tête veut savoir ce que j'ai bien pu faire, ce que j'ai pu être les journées du samedi 26 et du dimanche 27 août. La police ne me demande pourtant pas de justifier d'un alibi ! Du moins pas encore, je crois. Serais-je suspecté de quelque chose, de quelque atrocité que mon cerveau refuse de se souvenir ? Etrange question. La frustration est grande de constater la disparition d'un espace temps de deux jours dans mon emploi du temps. Deux jours ont été rayés du calendrier au profit d'un seul….un seul et même jour : vendredi 25 août. Le vendredi le plus long qu'il m'ait été donné de vivre.
Cette journée là, j'ai l'impression de pouvoir en raconter tous les détails, les moindres instants semblent gravés dans ma mémoire. Du moins, je le crois. Il est vrai que je peux émettre de grandes réserves sur ma santé mentale depuis ce jour. Tout concorde pourtant, tout semble clair de mon lever à 8h du matin sous la vue magique du Mont Blanc jusqu'au coucher à 22h le soir, …62h plus tard du même jour !

Ce jour particulier commence par des turpitudes peu habituelles mais nécessaires. Je ne les détaille pas, vous les connaissez bien. Nous avons toutes et tous eu les mêmes ou presque…Enfin j'me comprends !
Une agitation bien spécifique qui caractérise les grands jours. Grand, c'est bien le moins que l'on puisse dire.
Je me souviens d'un Paulo qui m'annonce de sang froid avoir fait Embrun deux semaines plus tôt… Mon sang se glace au moment où j'aperçois quasi-simultanément deux choses : Karine Herry qui range je ne sais quoi dans un sac et une publicité pour le trail des Cadoles. Association qui est lourde dans mon esprit. C'est en tentant de suivre de trop près la trace de la première que j'ai foiré complètement la réussite du second en 2005…

Ensuite tout s'enchaîne, repas, rangements, préparations, re-re-re-vérifications des sacs, marquage à la va-vite. Certains tentent de dormir tandis que d'autres s'agitent dans tous les sens, à l'instar d'un WoodywoodPicker surexcité, dans un chalet de Blanche Neige où les 27 nains auraient un peu trop picolé la veille.
Je me souviens d'un signal, celui qui nous poussa à partir du chalet direction Chamonix dans une certaine précipitation. De toute façon, il fallait se faire une raison… Sur place, le temps s'est encore accéléré, Michel, un collègue est de la partie, plein de gens bizarres partout qui comme des zombies se dirigent tous vers un même point, le triangle de l'amitié, le St Graal de presque une année complète de rêves, de spéculations, d'entraînement, de cauchemars, de doutes, de bosses, de montagnes et encore des bosses (25, le chiffre 25 vient à l'esprit, je n'arrive toujours pas à savoir pourquoi !).
Et pan, 19h, les zombies partent en trombe dans une furie de hurlements, de cris divers et sous les applaudissements d'une foule assoiffée des exploits et des souffrances qu'elle s'attend à observer. Quelle sorte de chairs fraîches peut-il y avoir à s'arracher en amont du peloton pour justifier un départ digne d'un 10km ?
Qu'est ce qui peut fuir la meute comme les gazelles le font des lions ?
Je décide de suivre le troupeau et d'observer ce qui se passe, je ne sais pas pourquoi mais je sens que les choses risquent de durer un peu. Le premier ravito simplement liquide des Houches me rappelle que je n'ai pas pris le gros "4h" que je m'étais promis avant le départ de la horde. Mon estomac acquiesce par un "crouik"… Celui du col de Voza ne permet pas non plus de me remplir la panse. La chair fraîche n'a donc pas été rattrapée. Elle court toujours. Il faudra se contenter de ce que l'on trouve ! Pascal, le "marcheur suisse" aux pas de géant rencontré à l'Annecîme a aussi été trop rapide pour moi à Voza. Impressionnant.

Des frissons de chaleurs m'envahissent en traversant les Contamines dans ce fantastique couloir de spectateurs en délire, je hurle comme un âne un "Couuucouuuu" dans les oreilles de Mme B qui n'a rien vu, pas grave, impossible de m'arrêter ! Chaleur également de la première soupe, mais toujours rien pour caler l'estomac… Refuge de Nant-Borrant, musique techno, feu de joie, la chair fraîche n'est pourtant pas là. Il faut continuer. Ça monte, ça monte, toujours rien ! Je me décide à accélérer le pas, sans quoi les premiers ne me laisseront rien. Un WoodyWood toujours excité passe par là. Je ne mange pas du Pivert, c'est pourtant digeste mais je l'imagine beaucoup plus tendre lorsqu'il est bien cuit et là, il est frais comme du tartare.

Les Chapieux, 2h, toujours pas la chair promise, mon estomac commence à se faire de la bile…Il se demande s'il aura une fois ce qu'il attend ! Surtout que WoodyWood vient de s'envoler... Sa cuisson demande donc plus de patience que je ne l'imaginais. Il m'échappe et je me fais rattraper par un vilain coup de bambou à quelques encablures du sommet du col de la Seigne. Sûrement le démon des lieux, le même qui nous avait mis dans la tempête de neige 2 semaines plus tôt lors de la reco. Cette fois, déçu de me voir franchir son col, il me balance un vent glacial dans le dos pour m'éloigner de son secret au plus vite… Je ne me retournerai pas. De toute façon, à quoi bon tenter de voir la tête du démon, il a déjà le contrôle de mes yeux qui se ferment tout seuls. Je ne lui céderais pas le contrôle de mes jambes. Elles avancent, guidées vers le soleil, elles ne semblent pas vouloir s'arrêter. Elles ne courent pas, mais elles avancent !
6h30 à l'attaque du Mont Favre, les rayons orangés du soleil balayent d'une part les pentes enneigées et rocailleuses du versant italien du Monté Bianco et d'autre part la fatigue qui me tenait compagnie depuis un certain temps. La montée se passe bien. Je m'amuse à viser des gens, à m'imaginer devant et hop, le rêve est "instantanément" exaucé. Le rêve des uns est le cauchemar des autres. A la descente, une douleur à la jambe, tendinite du jambier droit se réveille et commence à faire des siennes. Le démon du col de la Seigne avait un sous-fifre au col Chécrouit… Salut tout le monde, tout le monde me repasse, et je me repasse le film de l'Annecîme et ses 25km parcourus en serrant les dents…
Yves, en forme, me double, je lui explique. Nous revivons la même scène que fin mai. J'ai les nerfs qui montent.
L'estomac n'a plus la priorité, il a tenu jusque là, il tiendra bien jusqu'à Courmayeur. Les deux morceaux de Coppa, lui suffiront bien pour assurer les 5 kilomètres de descente aux enfers.
Je n'envisage pas une seule seconde le scénario que j'avais voulu pour finir l'Annecîme (plus fort que la douleur !), appliqué aux 90km séparant Courmayeur et Chamonix. La descente sur Courmayeur est très pentue, elle met mon tendon en tension, ça fait mal. Ma vitesse chute vers le ridicule, à peine plus rapide que celle d'un concurrent qui m'annonce s'être démonté le genou. Sacrée consolation ! Le moral tombe dans les ténèbres. L'abandon ne fait que remplir mon esprit. Les heures d'entraînement, les sacrifices, les gens que j'ai bassinés avec cette course, ceux que j'ai prévenus au dernier moment, ceux à qui j'ai parlé de ma certitude de pouvoir aller au bout… Tout se bousculent dans ma tête et contribue à faire grossir les boules au fond de la gorge. J'ai les cuisses mais pas les tendons… Pourquoi, n'ai-je pas été consulté après l'Annecîme ? Qui seront les spectateurs de ma défaite à Courmayeur ?
"J'en ai marre, ça me fait ch… j'vais péter un câble…" sont les mots qui m'ont traversé l'esprit tous les dix mètres. "Ce n'est qu'une course mais là ça me fait... Pas déjà, pas à Courmayeur … mais à quoi bon aller plus loin avec une douleur que je ne supporterais pas jusqu'à Cham ?"
Seuls la fatigue extrême ou la blessure pouvait me faire abandonner…et bien c'est fait !!! Et merde merde merde re-meeeeerde !
Je mets les lunettes de soleil au moins pour cacher la haine qui me rempli les yeux.
Je crois qu'un des photographes s'est abstenu de shooter quand il a distingué mon visage, comme s'il avait perçu mon regard à travers les lunettes.
Quel est le con qui joue des percus en bas ? Pourquoi le fait il ? Pourquoi cette ambiance de fête ?
Vous ne voyez pas que ce n'est plus le jour de fête, rangez-moi tout cela !
C'est long, c'est long, allez vivement le bas que j'en termine, c'est intenable. J'irai voir un médecin pour la forme pour qu'il me guide sur une éventuelle solution pour l'avenir. Mais basta !

A travers les Dolonnes, je tire une gueule de 100 pieds de long, les gens stoppent leurs encouragements quand ils voient ma tête. Je dois leur faire peur. Ont-ils peur que je leur plante un de mes bâtons en plein cœur ?
L'aurais-je fait ? Et la police dans tout ça ? Mon alibi ?
Arrivée à l'entrée du parc, les connaissances sont là. Anne Marie, Fred, un des deux Yann qui a déjà stoppé sa course à mon étonnement, il y a même le Woodywood qui repart sur Bertone. J'annonce avec une boule énorme au fond de la gorge et les larmes du battu que je vais jeter l'éponge. Impossible pour moi de continuer ainsi.
Fred qui sans ses blessures répétées serait de la partie, a alors les mots et le regard qu'il faut, ceux qui tuent d'un coup tout négativisme facile de ma part. Dans le genre : "Il est hors de question d'arrêter comme ça, il y a des médecins, des anti-inflammatoires, du temps, tu ne peux pas arrêter, etc. " Si c'était mon père, je lui dirais "oui papa !" Le cauchemar des uns est le rêve des autres.

Je la ferme, d'façon… et je rentre récupérer mon sac en évitant de trop montrer mon état. Il est 9h30.
Un massage, une piqûre d'anti-inflammatoire (aïe), un repas, un vrai (ce n'est pas la tour d'argent non plus !), avec de quoi caler cet estomac qui avait sagement attendu, et revoilà un homme "frais", neuf, dans des habits courts qui fleurent bon la lavande !
Les recommandations du médecin sont claires. "Attenzionne, vous risquez de ne plous rien sentir, allez doucement, soutout dans les descentes, le mal est touillou là !" OK, le mal est insidieux mais les démons qui me poursuivaient auparavant sont encore attablés au bistrot et je veux les fuir avant qu'ils n'aient fini leurs bières !
Je repars discrètement dans les rues piétonnes et me chauffe dans le début de la montée sur Bertone. Un type me parle du Gd Ferret qu'il compte voir sur les coups de 18 h. Hum, c'est pas trop de mon goût ! Désolé mais moi, j'aimerais le voir avant. Surtout avant que les nuages alors bourgeonnant ne déverse leur flotte.
Bertone, parait que ça monte, que c'est raide. Me fous des détails, je fonce, en côte rien ne peux plus m'arrêter. Désormais, chaque pas supplémentaire est du bonus. Je ne viserai qu'à prendre le maximum de plaisir et là, ça signifie Gaaaaazz ! Je veux être au grand Ferret le plus vite possible. "Pardon", "merci", "c'est bon, ne bougez pas ", "pardon", "merci", je double, je double, je les bouffe, ce n'est pas du Woodywood mais cette nourriture semble bien cuite. Refuge Bertone. Déjà ? Même pas digéré les pâtes de Courmayeur, je me tire. Du plat ! Interdiction de courir, j'allonge la foulée, joue des bâtons comme jamais. J'arrive presque à suivre ceux qui courent. Jusqu'à Arnuva, je dévore tout ce qui marche devant moi et qui n'a pas le courage de courir... Je suis un dangereux criminel, un cannibale ? Que fait la police ?

J'attaque le grand col Ferret avec la même détermination, la chair promise me donne la bave aux lèvres et la course avec les nuages continue. "M'auront pas, je passerai avant que le démon du Ferret ne sorte de sa sieste !" Pari réussi, à ma grande satisfaction, je pointe à15h41 (hum 18h qu'il disait !) et à peine un regard en arrière, il ne faut pas moisir …mais, aïe, c'est quoi encore ! Damnation, le vilain ne dormait que d'un œil, il vient de ma planter une flèche de contracture dans la cuisse droite. L'enfoi… !!
Je l'ai sous-estimé. Il me touche à bout portant, trois mètre après le col, dès que j'ai le dos tourné, le traître ! Il faut filer avant qu'il ne rebande son arc et atteigne l'autre jambe. La Suisse me tend les bras – elle - ,je ne veux pas la faire attendre. Une descente en douceur, pas encore de folie, je ravale ma salive. Elle est suffisamment longue pour réveiller le venin du démon de l'Annecîme qui sommeille le long de mon tibia. Alors du calme ! Un drôle d'ange mécanique me passe en crabe au dessus de la tête dans un bruit de turbines hallucinant, je lève mes bâtons en signes de V tout en courant. Gaffe où tu mets les pieds babe, la gamelle d'un kéké sous l'objectif, ça le fait moyen…Je ne concours pas à Vidéogag, pas aujourd'hui. J'ai déjà évité Mireille Dumas de justesse à Courmayeur.
A la Peule, je retrouve, non sans une certaine fierté, quelques visages de zombies qui m'étaient presque familiers au moment où j'ai subi l'attaque du démon de Chécrouit. Drôle. Une partie de mon retard serait-il comblé ?
Je me rapproche de la chair, je la hume… ne traînons pas. 17h30, arrivée à la Fouly. Le temps de pointer et les damnés des lieus nous crachent dessus tout ce qu'ils peuvent. Ils veulent jouer avec mes nerfs, ils savent que j'ai un coté sucre ! Passage aux stands, je découvre alors ce qu'est réellement une contracture sous les doigts experts et puissants des charmantes Kinés. Je repars boosté par une horde de supporters "personnels". Merci à eux, mais j'en ai oublié de goûter la raclette… Mon estomac fait la moue. Qu'il ne s'inquiète pas, je lui promets 3kg de tartiflette à Cham.
La montée sur Champex ne se fait pas aussi rapide qu'escompté. Le tibia refait des siennes, l'effet de la piquouze disparaît petit à petit et la fatigue commence à revenir accompagnant l'obscurité. Ma compagnie du moment, une femme dont je préfère ne pas imaginer l'âge et pourtant beaucoup plus fraîche que moi, m'annonce participer à son premier trail…Eh bé, j'en connais qui se sont posé des défis plus faciles ! A Champex, elle a même refusé son sac en s'esclaffant : "Mon sac ? Nan veux pas, pas b'soin, pas l'temps !" ... Oulà, moi, je prends le mien, merci !

Aahhh le fort de Champex ! Le "magnifique" souterrain, avec sa chaleur réconfortante, ses bancs confortablement capitonnés, ses sanitaires étincelants de propreté, l'hospitalité volubile de ses surveillants, un lieu de vie qui invite vraiment à y passer du temps… L'absence de mes supporters habituels se fait un peu ressentir, ils ne tarderont pas. Ils verront bien que ma motivation n'est plus exactement la même. En effet, l'envie de repartir dans la nuit, le froid, la pluie n'est pas énorme. 120 bornes que j'avance après quelque chose que je saisis de moins en moins. Pas question d'abandon, non-non, juste que l'avance horaire est confortable et que j'en ai marre de la "solitude". Celle-ci n'est pas comblée par les rencontres éphémères.
Sur place, ils m'annoncent que le gruppetto des potos sera là dans une heure… Banco, tant pis pour "ma" course, je les attends. Aucun d'eux n'envisage d'arrêter, c'est du très bon qui se profile, nous pourrons nous raconter des blagues suisses pour nous tenir en éveil (suisses car elles sont plus loooongues, pardi !).
Sous la tente, l'ambiance est bonne, le service impeccable. Repas, massages, discussion avec le médecin. Il ne semble pas détecter chez moi un état mental déficient. JE suis trop fort ah ah ah ! Je crois que le démon ici est beaucoup plus vicieux qu'on se l'imagine, il agit par le bien ! Par le bien-être des lieux et de ses "habitants", il agit en douceur, vous vous laissez gentiment emporter dans l'apathie et vous vous retrouvez hors course sans avoir vu le temps passer. 4h30 de pause sans même avoir dormi… Oups !! Ohé, ohé, tout le monde est prêt, rassasié ? Les massages et les siestes sont terminés ? Il est 2h , on y go !
Nous sommes désormais 6 pour affronter les 40 derniers millions de millimètres. Astrid, Alex, Fida'a, Nicolas, Philippe et bibi.
Ça papote dur, pendant les premiers km. J'essaie de savoir ce qu'il en est de la chair fraîche. En vain, sur ce sujet, je me heurte à un mur de silence et de non-réponse. Veulent-ils tout garder, ne rien partager ?
Me croient-ils fou ? Dans la nuit, je n'arrive pas à lire leur regard.

Bovine n'a pas besoin de démon, la réputation devance le lieu.
Isolés au départ, nous nous retrouvons très vite au milieu d'une longue file de frontales. La montée est laborieuse, en à-coups. Pas marrant et impossible de doubler. Cependant, ce n'est pas vraiment utile.
Dans ces conditions, cette côte devient interminable… C'est ainsi que je repense au Vilain et à ses sbires.
L'un d'eux, non content de nous ralentir au maximum, a décidé que le re-plat serait pour moi l'occasion de tester ma résistance au sommeil. Tu parles d'un jeu ! Il m'écrase les paupières de ses gros doigts, et quand ceux ci sont ouverts, il me balance une sorte de brouillard malsain qui m'empêche totalement de focaliser mon regard dans le faisceau de ma frontale. Les yeux ne sont plus synchronisés. L'effet est terrible. Impossible de visualiser correctement le sentier. Il faut livrer bataille pour ne pas en sortir.
La lueur du ravito approche, c'est un premier élément de délivrance. Le café, obtenu de "haute lutte" contre les autres zombies sera le second. La lucidité n'est pas au top mais les discussions autour des barrières horaires nous propulsent dans la descente. Les dégâts de la montée encore bien présents, le démon de la combe des Faces gagnera Astrid bien avant que le soleil ne pointe le bout de son nez. Elle est atteinte par d'étranges visions, auxquelles s'ajoute le trouble de ses larmes d'énervement et de fatigue. Aucun antidote sous la main, il faut continuer. Alex se charge de veiller sur elle. J'imagine comme la descente peut paraître longue, d'autant plus avec un sentier qui devient lui aussi mobile. Fallait pas manger la maison des Schtroumpfs !

A Trient, il fait enfin jour. Il est 7h passé, Astrid à bout et Fida'a tout blanc ont décidé de s'arrêter dormir quelques minutes. Nous n'avons plus beaucoup d'avance sur les barrières horaires. Les Tseppes ne sont pas là pour nous rassurer. Décision difficile mais, sur le moment, jugée nécessaire donc "assumée", nous scindons le groupe en deux. Alex attendra sa sœur et nous repartons avec un Fida'a de nouveau "coloré".
Dernière vraie montée du parcours, je décide de m'amuser un peu et de voir ce qu'il me reste dans les guiboles, je mets les gaz ! Je n'en reviens pas de constater la patate qu'il me reste ! Aux Tseppes, nous avons regagné de l'avance sur la barrière. Nous n'avons plus qu'à nous laisser couler jusqu'à Vallorcine. Surfer jusqu'à Vallorcine serait plus juste tant il y a de boue sur ce qui ne ressemble plus guère à un sentier mais plutôt à un couloir de glaise humide. Ceux qui l'ont fait de nuit sous l'eau, ont dû bien s'amuser ! C'est sur les 100 derniers mètres avant le télésiège que je manque de me rétamer et de me tordre méchamment la cheville. Satané relâchement ! Satan ? Encore lui, en personne ? Ah ah tout s'explique.
Il a voulu me faire une dernière farce de derrière les fagots, mais là je crois qu'il vient de perdre l'ultime bataille. Il va devoir capituler.
Le temps de répondre à l'appel d'un de nos supporters et le duo fraternel nous rejoint avec une fifille qui a retrouvé tout son sourire. Cette fois, nous finirons à 6, aucun doute possible, c'est dans la poche.
En roue libre, mais position de descendeur jusqu'à Cham.
Argentière sera la dernière occasion pour nos supporters de nous encourager en course.
Je me souviendrai aussi longtemps de ce morceau de pain sur lequel on m'a délicatement déposé de la raclette fondante encore tiède. Pour les papilles, c'était comme pour une première fois…

La partie finale est longue, la petite montée aux balcons se savoure comme un digestif de conclusion à ce qui fut un sacré festin.
14h30- L'avant dernier kilomètre se fait avec une bonne partie de nos suiveurs et nous effectuons le dernier en trottant sous les acclamations des spectateurs. Le retour au bercail des zombies. Je vous laisse imaginer ce que l'on peut ressentir en franchissant cette ligne à six, bras dessus, bras dessous ! En chair …et en os !
Pour un vendredi, ce fut une journée bien remplie. Je m'attendais à disposer de tout un WE pour récupérer,
Il n'en fut rien. Le samedi et le dimanche ont été effacés de mon agenda et depuis mon esprit est bancal, je n'arrive pas à faire le point. Le démon du doute, de l'interrogation, de l'Après est bien le plus puissant de tous.
Un autre sujet me turlupine, je ne comprends vraiment pas ses histoires d'hallucinations !
Z'en ont tous et moi rien …

(SMS envoyé par mon estomac : j'attends tjs ma tartiflette ! c pour qd ?)

6 commentaires

Commentaire de BENIBENI posté le 13-09-2006 à 16:48:00

Salut, j'epère que t'as retrouvé la mémoire. Ton récitest vraiment captivant et doté d'un humour que je trouve bien cool . Pour une course mythique, il fallait bien un récit mythique ! tchao

Commentaire de béné38 posté le 14-09-2006 à 12:21:00

Ouf ! Ca c'est un récit qui dépote! Bravo pour avoir vaincu le démon !!!
Béné38

Commentaire de aie mac posté le 14-09-2006 à 17:00:00

un sourire de la première à l

Commentaire de aie mac posté le 14-09-2006 à 17:02:00

ben zut, il y a encore de la boue sur mon clavier.
je disais donc, un sourire de la première à la dernière ligne. bravo... à vous 6 ;-)
aie mac

Commentaire de aie mac posté le 16-09-2006 à 13:32:00

dis donc, le démon devait encore t'accompagner à l'arrivée. et il n'était pas impressionable (au moins sur la pelloc):
sur la photo, vous n'êtes pas 6, mais 5...
;-)
aie mac

Commentaire de StephL posté le 19-09-2006 à 19:07:00

A moins qu'on l'ait bouffé ! ?
Il me semble que j'avais faim.

Cela restera t-il un mystère ?

:-b

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