L'auteur : Vince38
La course : Ultra Trail du Mont Blanc
Date : 28/8/2009
Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)
Affichage : 1621 vues
Distance : 166km
Objectif : Pas d'objectif
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Qu’on arrête de me dire que le parcours de l’UTMB est roulant !!! J’ai prononcé cette phrase quelques fois pendant ma randonnée je peux vous le dire. Surtout quand je ne pouvais plus courir.
Retour sur mon histoire, banale aux yeux d’un finisseur de cette course.
Je n’arrive pas à trouver le sommeil. Où plutôt je l’ai trouvé mais il n’est pas resté et m’a abandonné. Il est 00h30 vendredi matin et je ne dors toujours pas. Je ne sais pas pourquoi mais je ne suis pas dans le même état d’esprit que pour la Montagn’Hard. Beaucoup plus stressé, peut-être par l’ampleur de l’évènement qu’est l’UTMB. J’essaie de ne pas trop chercher à comprendre mais moins je dors et plus je flippe. Et comme mes 2 nuits précédentes ont été mauvaises je me dis que je vais en baver.
Du coup je passe un vendredi fébril : je décide de ne pas « m’exposer » à la foule, et on arrive avec mon Papa à 16h30 pour la remise du sac coureur de Courmayeur. Je tente une ultime sieste dans le camping car en attendant le départ. Ce sera une petite erreur car du coup il me sera impossible de rejoindre les 200-300 premières places sur la ligne de départ. Déjà j’arrive à trouver un trou pour m’asseoir et me préserver les jambes c’est bien. Tant pis pour le départ je ne focalisais pas dessus de toute façon.
Jusqu’au compte à rebours final je découvre ce qu’est une course de renommée. Je suis plutôt habitué aux courses autour de chez moi (même si Cham’ c’est très près, il y en a d’autres encore plus près), et tous ces flonflons et ce ramdam me faisaient hésiter à venir courir. J’ai bien retenu l’expression de « foire du trail ». Bon en tout cas j’essaie de garder du recul…
Ma seule expérience sur une course longue étant la Montagn’Hard, je me suis basé dessus pour essayer de prévoir mes temps de passage, tout du moins au début. Et j’ai préféré me donner un bon challenge en partant sur une base de 30h00, en me disant ça va jusqu’à 33h00. Voilà pour le tempo.
Au bout d’une heure et Christophe Colomb un peu derrière on passe enfin la ligne de départ. Il faudra bien 10’ pour trouver un rythme me convenant. Je trouve cette partie pas franchement désagréable car si on est sur le goudron au début, il y a de spectateurs qui nous encouragent. J’ai déjà très chaud et j’ai l’impression d’être le seul à transpirer comme un boeuf.
Au passage aux Houches (km 8), j’ai 5’ d’avance sur mon planning, ça baigne ; par contre j’ai une FC entre 145 et 150 depuis la sortie de Cham’…Je m’y attendais donc je ne bouge pas.
1ère vraie côte vers La Charme. J’essaie de suivre le rythme du peloton, on est à 13-14m/min à ma montre. Mais je trouve que ça va vite et qu’il y a beaucoup de monde à ce rythme !
Un peu de brouillard à la Charme puis j’allume ma frontale pour la descente. Pendant quelques minutes on a droit à un peu de calme : tout le monde est rentré dans la course, donc on est concentré, et il n’y a plus de spectateurs.
Mais rapidement on entend l’ambiance en bas à St Gervais. C’est clair qu’on se croirait au Tour de France ! Tous les gamins tendent leur main pour qu’on tape dedans, j’ai jamais vu ça pour moi.
Et là je n’ai pas 3’ d’avance sur mon timing comme je l’ai cru sur le coup mais 33’ d’avance. Sauf que je ne le sais pas encore (je viens de m’en rendre compte en tapant le CR…) et comme ça va, ben je continue sur ce rythme puisque je crois que c’est le bon (km 21 – Vendredi 21h22 – 2h52 de course – 937 m d+).
Je suis parti avec de l’ergysport dans la poche et je vais la diluer à chaque ravito jusqu’à n’avoir plus que de l’eau plutôt que de porter la poudre… Je ne traîne pas comme d’hab’ au ravitaillement, quelques minutes et c’est parti. Je traverse la passerelle au-dessus de la route et je quitte pour un temps la foule. J’essaie de garder un bon rythme sur cette portion pas très « rentable » en dénivelé. Je trottine à chaque faux plat, je relance dès que je peux. Je ne regarde plus mon cardio, je fais tout à la sensation… résultat j’ai toujours 30’ d’avance sur mon temps de passage prévu aux Contamines, mais là je m’en rends compte ! Je décide donc de repartir tranquille en marchant et de gérer mon Bonhomme. C’est là que me rattrape Runstéphane. Rencontrer jeudi sur le stand UFO, il s’inquiète vraiment pour lui en voyant que j’ai 30’ d’avance pour un chrono de 30h00 alors qu’il est parti pour 35h00… Il revient plusieurs fois à ma hauteur alors qu’il vient de me dire « bon ben à dimanche ! ». C’est qu’il se sent bien le bougre ! Mon père m’a rejoint et m’accompagne jusqu’au pont romain. Il m’annonce que j’étais dans les 800 places à St Gervais et dans les 600 aux Contamines… ceci explique cela.
Le passage à ND de la Gorge est sympa même si on a raté le clou du spectacle avec les flambeaux qui sont maintenant quasi éteints. Quelques gouttes tombent mais pas de quoi mettre la veste ; il ne fait toujours pas froid. Mon père retourne se coucher pour me retrouver samedi au Grand Col Ferret. C’est trop loin je n’y pense même pas.
Le ravito de La Balme est vite atteint (km 38,9 – Samedi 00h32 – 6h02 de course – 2009 m d+) : un arrêt toutes les heures et demie depuis St Gervais je me dis ça va c’est cool l’UTMB ! Première soupe, première pause assise devant un feu de bois ; la tentation de rester est grande mais vite je me relance.
Rapidement je me retrouve 2ème d’un grand groupe pour attaquer le col du Bonhomme. On monte à 12-13 m/min, régulièrement. On est au col en 1h00, c’est le rythme prévu pour moi donc je suis content. Par contre rejoindre le refuge derrière est assez long. On est dans la brume et c’est pas facile de toujours bien distinguer les cailloux entre eux, de voir les flaques d’eau : ma frontale éclaire bien le brouillard mais pas très bien le chemin ! A tel point que je n’ai même pas vu le refuge : apparemment éteint, on était dans le noir (km 44,4 – S 2h05 – 7h35 de course – 2782 m de d+ au total).
Je repars encore dans un groupe (je n’ai toujours pas été seul plus de quelques minutes depuis le départ…) : en 5’ dans le brouillard on perd les balises. On sait que le chemin est là mais distinguer une sente d’une autre c’est galère. Automatiquement effet de groupe oblige, lorsque le 1er s’arrête et que tout le monde comprend, chacun se disperse jusqu’à flasher une rubalise avec la frontale et rameuter la troupe. Pour le coup je me dis qu’il vaux mieux rester groupir sinon je risque de perdre plus de temps qu’en faisant du solo. Donc je suis le groupe. Puis on perd la brume pour retrouver de la visibilité, et chacun reprend son rythme, et je me retrouve un peu seul jusqu’aux Chapieux (km 49,8 – S 2h55 – 8h25 de course – 2782 m d+).
J’ai toujours 15-20’ d’avance. Là je m’arrête plus que les 5’ prévues. J’ai trouvé un filon de compote de pomme ! Je repars dans la nuit avec un de mal à allonger le pas vers La Ville les Glaciers. 2 gars me déposent rien qu’en marchant… mais bon je gère mon avance.
A l’attaque du Col de la Seigne, je rattrape, un petit groupe qui monte bien. Cette partie est plaisante parce que le chemin est roulant, raide comme il faut. Je suis toujours en tee shirt manche longue ; on sent bien une petite brise mais ça va. Un gars qui descend nous annonce beaucoup de vent en haut. La fin moins roulante est plus longue mais je m’accroche. Sentant le frais arrivé, j’enfile ma veste et mes gants polaires tout en marchant : un peu scabreux avec les bâtons mais avec de l’habitude j’y arrive bien (faut pas s’emmêler les pinceaux). Et 3’ après on voit les toiles de tente éclairées, signe d’arrivée au col. Mais 10 mètres avant on prend une rafale de vent et là je comprend pourquoi tout le monde au col est caparaçonné ! Je fais vite bipé le dossard (km 60,1 – S 4h05 – 9h35’ de course – 3782 m d+) pour plonger plus à l’abri dans la descente vers le refuge Elisabetta et le Lac Combal. Mais j’en perds presque mon dossard dans la descente vers le refuge : heureusement je m’en suis rendu compte et je n’ai pas à courir pour le rattraper ! Arrivé au lac (km 64,6 – S 5h45 – 11h15 de course – 3783 m d+), je me dis que je vais pouvoir me déshabillé mais que nenni ça caille trop ! Je suis pile sur le timing, j’ai donc du perdre pas mal sur ce tronçon.
J’arrive à repartir au tout petit trot. Le jour commence à poindre. Je me régale d’avance de voir le soleil se lever sur la Noire de Peuterey face mythique remplie d’histoires de montagn’hards euh montagnards. Je me déshabille à l’attaque de la montée vers l’arête Mont-Favre. Je monte bien et je reprends du monde. Mais qu’elle paraît loin ! Je vois les tentes 450 m plus haut… et je me concentre sur mes baskets. C’est un parcours plaisant jusqu’au col Chécrouit : pas technique, en balcon descendant (mais donc parfois montant…). Je refais à peine le plein d’eau et j’attaque LA descente de la matinée vers Dolonne. 39’ pour 45’ prévues. C’est dur d’aller doucement avec toutes ces marches. Ce nouveau sentier est vraiment raide.
Je découvre Courmayeur (km 77,5 – S 8h02 – 13h32 de course – 4273 m d+). Je m’installe dans le gymnase pour 25’ de pause. J’attends un peu les pâtes mais bon dans l’ensemble c’est bien organisé. Je n’étais pas sûr de le faire mais je décide quand même de changer mon ensemble slip-chaussettes-chaussures-tee shirt. L’effet à la Montagn’Hard avait été radical. Mais là bof. La montée vers le départ du sentier vers le refuge Bertone est longuette et je n’arrive pas à allonger. Je m’accroche aux baskets d’Eric, lui-même concentré sur sa montée avec de la musique. Il me tire jusqu’à Bertone où j’ai plaisir à m’asseoir. J’ai perdu près de 15’ sur le planning entre mon arrêt à Courmayeur et la montée sur Bertone… je me relance vite car Eric est déjà reparti. Je souffre pas mal jusqu’au Refuge Bonatti. Ce sentier en balcon avec autant de dénivelé montant que descendant me décourage, je n’en vois plus le bout. Je n’arrive pas à m’accrocher aux trains qui passent. Pourtant je ne pers pas trop de temps et je suis rassuré en arrivant au refuge. Je repars en même temps que Gabriel je crois (un Grand Noir en tout cas !) à qui je vais m’accrocher jusqu’au Grand Col Ferret. Moi qui aime plutôt me retrouver seul là je ne peux pas me passer de quelqu’un sinon je crois que ma vitesse chuterait. Peut-être que c’est ce qu’il faudrait ?
En tout cas je retrouve un peu la pêche en descendant sur Arnuva. Par contre mon timing est complètement faux (44’ de prévu, 55’ réalisé) : j’ai l’impression que ça ne descend jamais ! C’est sympa Arnuva, bucolique, pas trop de monde, il fait une bonne température. Et je repars avec Gabriel pour 768 m de d+ vers la Suisse. Il y a de plus en plus de vent en montant. On se perd dans les calculs de dénivelés tellement on veux le sortir ce col ! Enfin j’aperçois mon Papa un peu plus haut ! J’espère qu’il n’est pas trop descendu pour venir à ma rencontre… Sur la fin on se fait atomiser par une féminine qui vient de retrouver ces proches ! On dirait que ça l’a boostée. Tant mieux pour elle, moi je m’accroche. On est toujours à environ 12m/min. Un peu comme au col de la Seigne, je bipe le dossard et je bascule vite dans la descente sans m’arrêté. Il est 13h29, j’ai 36’ de retard.
Je commence au trot tranquille en partant pour 19km de descente vers Issert. Sauf que rapidement ça coince. Gabriel s’envole et je me retrouve avec mon père. Je décide d’appliquer ma méthode Cyrano : 10’ de trot, 1’ de marche méritée. Je peux le faire 2 fois mais là ça remonte. Le rythme est coupé. Ensuite je suis obligé de rester à la marche. Je me fais doubler régulièrement ; ça mine le moral. A La Peule mon père s’en va récupérer son vélo pour me retrouver à La Fouly. Au début d’un des multiples petits canyons traversés, je manque de me mettre un beau saut de l’ange non contrôlé : je dérape sur des gravillons et perds l’équilibre. Je me retrouve à taper le cul par terre, à rebondir (si si !) malgré mes os pointus, et je commence à glisser sur une petite pente herbeuse humide vers le vide ! Je me retiens en attrapant l’herbe avec mes doigts tout en tenant les bâtons : c’était moins une car si l’herbe cassait dans mes mains je filais droit dans le ravin 2-3m plus bas. Plus de peur que de mal. Je repars comme je peux. J’ai pris un bon coup au moral parce que je n’avance toujours pas et ça double… j’en vois plus le bout encore une fois : que Champex me paraît loin !
Juste avant le ravito de la Fouly mon père fidèle au poste patiente. Il est 15h15, j’ai déjà 1h10 dans la vue pour 30h00. Je sais depuis longtemps que je ne les ferais pas. Au lieu des 5’ prévues, je m’arrête près de 30’ : je mange peu. Et pourtant je me rends compte que je n’ai rien avalé depuis Arnuva… pas très malin de ma part. Mais j’attends toujours d’avoir presque faim pour manger. Sauf que je n’ai pas faim. Je sommeille même quelques minutes sur la table avant de repartir. Repartir est un grand mot. Je me traîne. Je suis complètement rouillé. Je gamberge et me dis que j’essaie d’aller à Champex et que j’abandonne. Ma 1ère démarche est de trouver tout ce qui fais que j’ai le droit d’abandonner :
- je suis parti pour faire 30h00 pas 35h00
- j’ai mal et je ne veux pas souffrir pendant tout ce temps (que je ne calcule même pas)
- je reviendrais avec une meilleure préparation (mon œil oui !)
- …
Mon Papa qui a décidé de rester avec moi malgré son vélo pour cette portion jusqu’à Issert reste toujours patient. Je décide avec lui de tirer jusqu’à Champex, et là-bas de faire le point : continuer ou stopper. Autant dire que la montée vers le lac sera juge.
Et puis un coureur (qui court lui) me double en m’encourageant : « aller t’inquiète pas ça va revenir ! » et patati et patata. Je le retiens lui. Parce que un quart d’heure après j’ai un peu moins mal en marchant. Alors j’essaie de courir et j’arrive à trottiner tout doucement sans avoir trop mal. Je ne fais pas non plus des miracles ; je préfère m’économiser en recommençant à marcher, et ça va bien comme ça.
Enfin je sors d’Issert et j’attaque la montée. Pour la 1ère fois je traîne un train de coureur derrière moi et ça me motive. On en rattrape 2 espagnols qui pourtant marchaient bien devant. On est toujours vers 12m/min. Je suis content ça passe bien. On sort sur Champex et j’ai le moral qui est revenu (km 122,8 – S 18h31 – 24h01 de course – 6899 m d+). Pendant la montée j’ai fait ma 2ème démarche, inverse cette fois-ci : pourquoi continuer ?
- pour finir
- pour ma femme, mes filles, qui ont supportées mon entraînement
- pour mon père, ma mère
- pour que mes 110 000 m de d+ depuis le début de l’année me servent à quelque chose p…ain
- pour voir Bovine de jour
dans le désordre…
Cette liste est plus longue que la 1ère. Donc je continue !
J’essaie de m’arrêter moins longtemps que les 25’ prévues pour enchaîner. Je démarre en enfilant ma veste car le frais arrive près du lac. Je me retrouve très vite, tout en marchant, avec un compagnon, dit « le cabri »… car après nous avoir bien tiré dans Bovine à la montée, il nous lâchera dans la descente et on ne le reverra plus. Bovine monté donc de jour, ouf ! Quasi dès le lac nous avons été rejoins le cabri et moi par un 3ème larron, Philippe, de l’Oise. Philippe avec qui je vais finir la course jusqu’à la Flégère.
Nous avons réussit à monter ce « casse-pattes » à bon rythme, mais c’est vrai que c’est un peu usant toutes ces marches et tous ces rochers. Le leitmotiv de mon association avec Philippe sera « on ne traîne pas aux ravito ». Déjà qu’on marche à cause de moi alors si en plus on papotte aux ravito, on n’est pas rendus ! De toute façon ça caille à Bovine (km 132 – S 21h05 – 26h35’ de course – 7603 m d+). On voit la nuit tombée sur Martigny.
On redémarre par la petite remontée pour nous réchauffer, et on descend sur Trient, lentement quand même car j’ai toujours beaucoup de mal à allonger. Mais comme le chemin est régulièrement technique, on ne pourrait pas courir souvent. On se rassure comme on peut. Au bout d’un moment, dans la forêt, on sent qu’on n’est pas loin du Col de la Forclaz. Et on entend des cloches : j’me dis chouette des spectateurs en pleine nuit c’est cool. Sauf que 3’ plus tard on croise un train de 5 ou 6 vaches noires sur le sentier qui montent à Bovine !! Forcément c’est sur un passage un peu raide, et on ne peut pas s’écarter du chemin. La dernière s’arrête et semble hésiter à avancer ; je manque de lui donner un petit coup de bâton aux fesses pour l’inciter… mais son regard brillant dans la nuit à 50 cm de moi… bref, n’étant pas dans une position confortable, je préfère qu’elle se décide toute seule, ce qu’elle fait 2 secondes après. OUF. On peut reprendre notre descente vers le col où il y a quand même quelques personnes qui nous encouragent. Dernière plongée sur Trient pour retrouver la civilisation (km 138,2 – S 22h47 – 28h17 de course – 7677 m d+). On a pris notre rythme avec Philippe : quelques minutes seulement nous suffisent chacun de notre côté pour nous ravitailler en fromages, parts de tartelette, soupe, eau pour la poche. Ya pas à dire ça fait une émulation : je ne veux pas le retarder plus que je ne le fais dans les descentes, et malgré notre classement au-delà de la 300ème place, on veut bien en grappiller quelques unes. Autre habitude prise : je regarde le parcours qui nous attend au coup par coup, au pied de chaque montée, et en haut de chaque descente. Parce que si je pense à tout ce qui nous reste à faire…
Nous quittons de nouveau mon père qui nous suit grâce à la route depuis le col de la Forclaz. On s’enfonce dans la nuit. La montée est toujours faite à 12m/min environ. Le cœur bat à 130 bpm ; il ronronne on dirait ; plus rien ne peut le faire broncher. Mais je pousse de plus en plus sur les bras avec les bâtons pour compenser mon manque d’allonge des jambes ; surtout la droite. La vitesse est bonne puisqu’on double du monde, au moins 5-6 personnes ; c’est toujours ça de gagner pour la descente ! On pointe peu après le sommet (Catogne km 143 – Dimanche 00h36 – 30h06’ de course – 8455 m d+).
La descente qui suit sur Vallorcine est un peu longue. En plus on s’arrête un coup pour Philippe ; j’en profite pour continuer sans trop forcer et me ravitailler le temps qu’il me rattrape. Au ravito (km 147,7 – D 1h54 – 31h24’ de course – 8465 m d+) ; comme d’hab’, on ne traîne pas. On se retrouve avec un gars qui est en train de rendre son dossard à une bénévole qui va le découper : direct avec Philippe on lui arrache presque les ciseaux des mains. La pauvre ne sait plus quoi faire. Le coureur semble spectateur, il ne bronche pas. On lui braille dessus de ne pas abandonner maintenant. Là il nous montre le numéro de son dossard, 214, preuve qu’il a finit l’année dernière. Il nous explique qu’il a mal, qu’il n’a pas le temps car il a un train à 8h00 demain matin, et qu’il connaît la suite et pense que ce sera trop difficile. Sa décision est prise, on ne le fera pas changer d’avis.
Là-dessus on repart. Les feux de bois à l’extérieur nous inciterais bien à rester mais il nous reste encore un peu de chemin à faire ! Comme après chaque ravito, je regarde le parcours, distance et dénivelé. Le gros morceau de fin de nuit arrive. Et je « redérouille » la machine : après chaque arrêt il me faut bien 10’ pour relancer les jambes endolories. Mais je cale mon pas sur celui de Philippe et on ne perd pas trop de temps. Au col on voit mon père pour la dernière fois avant Cham’ ; je l’entends parler de marches, de se réserver. Philippe lui répond qu’on a finit et qu’on va gérer la montée tranquille. Tu parles !
La der’. Juste avant la route on se fait doubler par un groupe qu’on recolle pile au début du chemin. Philippe reste derrière. Mais je sens que ce n’est pas notre rythme. Je le colle et je vois qu’il hésite une fois ou deux à démarrer. Au bout de quelques lacets, à la faveur d’un élargissement du sentier, il enclenche le turbo ; heureusement j’étais prêt ! Je lui emboîte le pas. On double les 6-7 gars comme des trombes. Le trou derrière est très vite fait : on doit être à 13m/min avec des pointes à plus. Le cœur ne bouge pas, le souffle non plus. Je m’accroche ; mais la jambes droite à de plus en plus de mal à réussir à monter le genou à chaque marche. J’essaie de ne pas toujours monter le genou gauche pour ne pas trop compenser non plus. Je pousse sur les bâtons. Je pousse encore et encore. Heureusement les bras ne lâchent pas ! Avec Philippe on marche à l’altimètre. On ne regarde pas le chrono. On sait à quelle altitude on doit monter et on se motive dessus. Mais ça n’en finit pas ! Et je repense au gars qui à abandonner à Vallorcine : je me dis qu’il savait ce qu’il faisait… si t’es cuit, la montée à la Tête aux vents est une horreur. On voit les frontales plus haut, toujours plus haut. Enfin on bascule sur le sentier en balcon. Philippe se croit à la Tête aux vents justement. Surprise quand on voit le contrôle un bon quart d’heure plus tard ! (km 155,2 – D 4h27 – 33h57’ de course – 9340 m d+)
On marche toujours. Philippe devant et moi derrière à suivre comme je peux. Les descentes de marches deviennent vraiment douloureuses. J’ai très mal à la pliure de la cuisse droite. Au contrôle on a récupéré un 3ème larron. Il se cale derrière moi. Je suis donc bien encadré, ça motive. Mais j’en peux plus. Je suis concentré sur ma douleur. On finit par voir au loin les lumières de la Flégère. Mais le chemin pour l’atteindre est long, et ça remonte, et ça descend, … chaque fois que je bute mon pied sur un caillou, j’étouffe un cri de douleur ; ça me prend toute la cuisse. Je commence à monter les marches la jambe droite tendue sur le côté. Quand on arrive à la tente du ravito je suis presque en train de chialer (km 158,7 – D 5h13 – 34h43’ de course – 9404 m d+). J’explique que j’ai une grosse inflammation au psoas iliaque et je trouve une infirmière qui m’emmène à côté. Je dis à Philippe de finir sans moi car je ne suis pas sûr d’arriver à descendre. Sous la tente d’à côté 2 lits sont occupés. La fille m’indique une chaise longue… pas sûr que je puisse en ressortir. Je m’affale dedans. Elle me tend une couverture bien chaude. Le piège ! Je la jette presque par terre sa couverture en braillant que je ne veux pas rester 10 ans ici ! Là-dessus elle va chercher des anti-inflammatoires (je manque quand même de m’endormir dans ce laps de temps de 10 secondes en posant ma tête dans la chaise longue) ; un cachet et de la pommade qu’elle me passe sur le haut de la cuisse. J’arrive à m’extraire de cette foutue chaise longue et pars manger un morceau de fromage. Je quitte le ravito en boitant. En une dizaine de minutes, les médocs font effet. J’arrive à allonger un peu plus sans trop souffrir. Je me fais doubler par des gars qui arrivent encore à courir les chanceux. Je les maudits en fait. Un peu plus bas je me décide à courir un chouille vu que ce n’est pas trop technique et peu pentu. En plus le jour se lève, je n’ai besoin de la frontale que dans les parties en sous-bois. Sur la dernière partie de chemin je retrouve mon Papa ! Il me dit que Philippe n’est pas loin devant car il s’est arrêté encore une fois. Je sers les dents pour finir en courant. Les zigzags passent bien, au moral. Il y a quand même quelques personnes qui sont là pour attendre leur coureur et qui encouragent malgré l’heure matinale pour un dimanche. Je franchis la ligne seul sans trop d’émotions pour une fois ; Papa est là pour les photos. (km 165,8 – D 6h54 – 36h24’ de course – 9404 m d+).
Voilà la boucle est bouclée ! J’ai remplis mes 2 objectifs majeures de l’année : la Montagn’Hard et l’UTMB. Ma saison est terminée et je vais faire le point.
Evidemment si j’avais suivi le bon rythme dès les Houches… mais bon je me console en me disant qu’il y a 7 ans quand j’ai entendu parlé de cette course par Michel Cercueil, je me croyais incapable de la bouclée. Moi qui ramait en 6h00 sur un trail de 38 km et 2400 m d+…
Sauf que mon travail en volume à quand même payé : j’ai quasiment 3 fois plus de dénivelé aujourd’hui (120 000 m env) que sur toute l’année dernière (44 000 m). Et 50% de durée d’entraînement en plus : 220h en 2008, 320h aujourd’hui. Donc pour moi la progression est énorme.
Le planning 2010 est encore à faire. Revenir, découvrir le caroux, la Drôme ?...
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2 commentaires
Commentaire de frankek posté le 04-09-2009 à 20:54:00
bravo pour ton enchainement. récuperé bien. prends le temps de bien recuperer.
Commentaire de HERVE GAP posté le 16-09-2009 à 20:27:00
Un beau récit , tu l'as bien mérité cette ligne d'arrivée
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