Récit de la course : Ultra Trail du Mont-Blanc 2016, par le greg de draveil

L'auteur : le greg de draveil

La course : Ultra Trail du Mont-Blanc

Date : 26/8/2016

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 1919 vues

Distance : 168km

Objectif : Pas d'objectif

6 commentaires

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Le récit

 

 

Compte rendu du dossard numéro 1389 relatif à l'Ultra Trail du Mont-Blanc

 

 

Tout commence par une journée du mois de janvier. Je décide de m'inscrire à l’UTMB au vu des faits suivants :

 

– Je possède le nombre de points suffisants et je ne suis pas sûr de les avoir les années suivantes,

– J'ai une chance sur 10 d’être tiré au sort. C’est déjà mieux que rien.

 

Le fait est que finalement, je suis pas mal chanceux. Je suis tiré au sort et choisi pour cette satanée course. Il ne reste plus qu'à assumer et à m'entraîner pour cela.


Prologue : Les six premiers mois

Je suis hyper motivé en janvier février. Je récupère le plan d'entraînement du vainqueur de l'Echappée Belle. Je réalise mes séances avec envie. Course à pied, gainage, Tabata. Je ne lâche rien. Et puis voilà doucement ça s'en va.

Je supprime le Tabata. Je me blesse deux fois à la cheville gauche en moins d'une semaine d'intervalle. C’est quand même entrainé et avec une cheville abîmée, sans le savoir, que je prends le départ de l’X-Alpine début juillet. Comme on dit : « pas de bras pas de chocolat ». L’abandon fut obligatoire au 63ème kilomètre.

Objectif : remettre tout cela en ordre très rapidement, me soigner, récupérer, relancer un plan d'entraînement sur cinq semaines avant l'échéance. Je suis à ce moment-là en congé pour une période de trois semaines. Première semaine, sortie VTT dans le Luberon puis pour une raison inconnu, blocage du genou droit jusqu'au jeudi. La douleur s’atténue suite à une manipulation que je me suis faite. Sortie CAP, le vendredi soir sous la chaleur, 37°. Ça a l'air d'aller. Je vais passer les deux semaines suivantes à croiser VTT, course à pied et repos avec en point de mire, l'Ascension du Mont Ventoux depuis Bédouin en aller-retour. Un de mes supports psychologique de l’UTMB m’attend au sommetJ.

Ce sera ma dernière sortie longue d’une durée de 4h30 avant le 26 août. Dans 15 jours, je serai fixé…ou presque.

Seul bémol dans tout ça un entraînement un peu léger, mais réalisé dans des conditions climatiques difficiles et un peu trop de poids.

Une certitude, je prendrai la route en direction de Chamonix.


Prémices : le trajet et l'installation.

Départ de la maison à 7h du matin en direction de Chamonix et avec deux passagers que j'ai récupéré sur le site de bla-bla car. Le trajet passe très vite et j'arrive vers 12h30 au camping de la mer de glace. Retrait du dossard vers 16 heures puis préparation de bonhomme : massage, rasage des jambes... L'attente sera longue jusqu'au vendredi 18 heures. Je dors cependant bien la veille mais n'arrive pas à réaliser une sieste avant de prendre le départ. Tant pis. À la guerre comme à la guerre. Je me positionne un peu avant 17 heures sur la ligne de départ histoire de ne pas trop être mal placé. De toute manière je n'ai qu'un seul objectif terminé prendre du plaisir et y aller tranquille mais ne pas me retrouver dans d’éventuel bouchon.

 

 

Première étape : de Chamonix à Saint-Gervais (21 km - 951m D+ - 1168m D-)

18h00, le départ est donné et c’est encouragé par des centaines de spectateur repartis sur plusieurs kilomètres que nous quittons la place de l’église pour nous rendre en direction Des Houches. La course sera longue, je le sais et ne veux surtout pas me griller en suivant un faux rythme. Je reste prudent derrière un groupe de quatre coureurs portugais qui ont l’air serein. C'est au niveau des Houches que je trouve mon pote « la bête », que je perds et revois encore une fois dans la montée du col de la Voza. Notre rencontre sera brève. En tout cas je me sens bien. Je gère l'effort et le cardio, tout ça sous une chaleur de plus de 30°. J’arrive à Saint-Gervais, en même tant que le groupe de portugais, au moment du crépuscule. J'en profite pour bien me ravitailler.

Peut-être un peu trop finalement, les morceaux de fromage, Les tucs, bouts de banane et de chocolat, mélangés avec une grande quantité d'eau plate auront raison de mon estomac.

 

Temps de l’étape : 2H42 Repos : 0H03

Temps cumulé : 2H45

Classement : 729

Etat physique : très bon

Etat mental : très bon


2ème étape : de Saint-Gervais aux Contamines (9,7 km - 535m D+ - 200m D-)

C'est donc avec un ventre chargé que je pars à l'assaut d’un petit bout de terre vierge inconnu. Et c'est ce même ventre qui me vaudra un coup de mou jusqu’à l’arrivée du refuge du Bonhomme. C'est une portion que je n'aime pas. Des raidillons suivi de grands plats et avec des descentes tout aussi pénibles, le plus est, avec un ventre en vrac. J'ai dû gérer cette complication intestinale pour rester dans un tempo correct et me permettre d'arriver aux Contamines Montjoie sans avoir perdu trop de place. Ravitaillement que je passe rapidement car il m'est difficile de manger de nouveau. Je me contente de faire le plein d’eau plate.

 

Temps de l’étape : 1H39 Repos : 0H03

Temps cumulé : 4H27

Classement : 806

Etat physique : passable

Etat mental : bon


3ème étape : des Contamines au refuge de la Croix du Bonhomme.

(18,7 km - 1337m D+ - 936m D-)

La première portion de cette étape est assez simple. C'est un genre de plat de quatre à cinq kilomètres nous amenant à une petite chapelle se trouvant juste avant la montée de la Balme.

À ce moment-là il est environ 23 heures et la température est plutôt chaude. Je transpire énormément et ce depuis le départ de Chamonix. Le danger de tout cela et que l'on va bientôt monter en altitude avec un vent qui peux se lever et rapidement nous refroidir. Cette montée jusqu'à la Balme est dure et je suis obligé de parfois poser mes fesses sur un rocher. J’ai le souffle court et le ventre tortueux. L'arrivée à la Balme me satisfait, je suis content d'en découdre. J'ai besoin de m'hydrater, de manger et à partir de ce moment-là je vais adopter une nouvelle stratégie. Thé chaud pour commencer, soupe aux pâtes pour continuer et enfin un peu de solide en quantité légère. C'est donc avec un ventre toujours ballonné que je repars à l’ascension de ce Bonhomme. Cette montée me pèse mais dans le faux plat montant entre le col et le refuge je me retrouve enfin. Le temps s'est grandement rafraîchi et il y a beaucoup de vent au sommet. J'enfile ma veste, je bois, je mange une pâte d'amande et je suis prêt pour la descente en direction Des Chapieux. Pour commencer, une grande pente herbeuse assez pentu puis enfin un chemin de 4X4. Je gère cette descente comme il faut, pas trop vite et pas trop doucement. Ne pas s'emballer, la route est longue.

 

 

 

Je surveille mon cardio et le laisse en dessous de 155. Après cette longue descente sans grande difficulté je me retrouve à 3h00 du matin au 50ème kilomètre, assez frais et sans envie de dormir. Je suis satisfait. Je discute et plaisante avec les bénévoles. Je reste sur place le minimum vital et rajoute à mon régime une compote de pomme.

Après le contrôle du matériel obligatoire je repars pour l’étape suivante.

 

Temps de l’étape : 3H55 Repos : 0H15

Temps cumulé : 8H37

Classement : 877

Etat physique : bon

Etat mental : bon


4ème étape : des Chapieux au lac Combal (16,4 km - 1229m D+ - 813m D-)

Ce sera l’occasion de passer la frontière italienne au niveau du col de la Seigne. Cette ascension de près de 1000 mètres de dénivelé n'a rien de dure mais est plutôt longue. Elle commence par une route goudronne où il serait presque possible de courir, la pente ne devant pas dépasser 7 ou 8 %. Le ciel est complètement dégagé avec une magnifique voute céleste. Le dernier croissant de lune apparaîtra en approchant du col. Le vent aussi sera présent et ce dès la moitié de l'ascension. Un vent froid et puissant, de face, qui me glace le corps et me gèle les mains. Je ne souhaite pas m'arrêter, récupérer mes gants qui sont au fond du sac. J’utilise mon buff pour me protéger alternativement les mains. Cette montée n'en finit pas et un premier signe de fatigue apparait.

Je m'arrête deux minutes malgré ce mauvais temps à l'abri d'un rocher pour manger une barre concoctée par Marie. Je rattrape toutefois les gens que j'ai laissé filer et m’abrite derrière un petit bout de femme pas plus haut que trois pommes. À croire qu'elle ne subit rien en short minimaliste. Elle avance, c'est France. Enfin la bascule. Cependant mes jambes sont raides et après analyse, je pense que c'est ce fichu vent qui a bien ralenti ma progression. La nouveauté de cette année c'est le passage du col des Pyramides Calcaires, qui porte bien son nom, et avec 300 mètres de dénivellation. Une montée raide, très minérale avec des plaques de neige est une descente tout aussi difficile jusqu'au lac Combal. La beauté du paysage me captive. Il y a tellement longtemps que je n’avais pas vu une mer de nuage entourée de pic et d’arrête en feu. Il est six heures trente, le jour est levé, il fait froid et je me sens cuit.

 

Temps de l’étape : 3H57 Repos : 0H15

Temps cumulé : 12H45

Classement : 836

Etat physique : passable

Etat mental : bon


6ème étape : du lac Combal à Coumeyeur (13,0 km - 468m D+ - 1243m D-)

La brume se dissipe et je reprends la route en direction de l'arrête du Mont Favre. Je sais que cette pente est raide pour l'avoir gravi une fois et descendu deux. Je me le rappelle en refusant de m'arrêter, en m’engageant dans un rythme régulier. Petit pas, petit pas, je me dis. C'est une méthode qui marche tout le temps. Elle n'est pas rapide mais elle permet d'atteindre son but. La brune à maintenant totalement disparue lorsque j’arrive au sommet. Je prends quelques photos souvenir pour des concurrents et profite de la vue. Je me retourne, réalise un panoramique à 360° et mémorise ce moment-là.

La descente jusqu'à Coumeyeur sera longue. Mais jambes ne suivent plus, mais le moral est là.

 

 

 

Je salut et félicite des concurrents de la PTL que je croise avant le col Chécrouit.

Le bas de la descente est terrible, des petits lacets dans une grande pente. Ça passe moins bien qu’en 2013. Je tape fortement dans ma chaussure gauche et commence à avoir sérieusement mal à l'ongle du gros orteil. Je serai bientôt au gymnase où un sac d'allégement m’attend. J'ai tout ce qu'il faut pour pouvoir me soigner.

Il fait grand beau temps, il commence à faire chaud et c'est sous un tonnerre d'applaudissements que je pénètre dans le gymnase pour une halte plus longue que prévue.

Il est difficile lorsque l'on est seul de gérer l'intégralité de ses besoins dans des moments tel que celui-ci. Oter ses chaussures et chaussettes, se crémé les pieds. Strapper ses ongles, refaire son sac, manger, boire etc... J’ai décidé de dormir lorsque j’en ressentirai le besoin et ce n'est toujours pas le cas.

C'est donc le cœur léger et les jambes un peu moins lourdes que je me relance sur les chemins italiens.

 

Temps de l’étape : 3H01 Repos : 0H50

Temps cumulé : 16H36

Classement : 939

Etat physique : moyen

Etat mental : bon


7ème étape : de Coumeyeur à Arnuvaz (17,4 km - 1201m D+ - 610m D-)

A peine 18 km et 1200 m de D+ à faire sous la chaleur, sans air ou presque. 5 heures de marche avec 15 minutes de sommeil après le refuge Bonnati, à l'ombre d'une bergerie.

Finalement ce faible repos me permet de me sentir bien et de retrouver un peu de jambes. Comme quoi s’arrêter n’est peut-être pas une perte de temps. J’arrive à Arnuvaz en trottinant et suis de nouveau dans le ton de la plaisanterie avec certain bénévole qui m’aide en même temps. Il y a 4 ans, je me suis stoppé ici après une ultime tentative dans le Grand Col Ferret. Cette fois ci, il faut que ça passe.

 

Temps de l’étape : 4H49 Repos : 0H16

Temps cumulé : 21H41

Classement : 985

Etat physique : moyen

Etat mental : bon


8ème étape : d’Arnuvaz à La Fouly (13,9 km - 902 m D+ - 1088 m D-)

Cette pente herbeuse et raide et en plein soleil également. Je lève la tête et pourtant il ne faudrait pas. L'inclinaison du sentier me perturbe et me fatigue l’esprit. Je n'en veux pas plus aujourd'hui qu'il y a quelques années. Je suis là pour me battre et au vu de l'avance sur les barrières horaires, je m’accorde un nouveau somme de 15 minutes. Bienfait du corps et de l’esprit. A mon levé je me lance. Je vide mes bidons très vite. Il fait très chaud et j’avance dans les pas d’un autre galérien que je relaierai un peu plus tard. L'aide dans l'adversité. Le sommet arrive enfin et profite de la vue sur la Suisse. Je cherche le col de la Fenêtre, passé quelques semaines plus tôt. L'orage est attendu et mieux vaut partir au plus rapidement. La descente se passe plutôt bien jusqu’à la Peule ou le plein d’eau peut être effectué. Je m’attends par la suite à rejoindre la Fouly par la route, et se sera finalement un chemin en balcon, nous faisant faire du yoyo pendant 5 km, avant de nous plonger brutalement dans le fond de la vallée. Encore quelques hectomètres et je serai enfin à ce nouveau point de contrôle.

Je suis usé, vidé, lessivé tant physiquement que moralement. Mon ventre n'est plus qu'un nœud gordien et j'appelle la maison pour obtenir du réconfort. J’en ai durement besoin. Marie me parle avec sérénité, me rassure sur mes capacités d’aller au bout, me dit que je vais y arriver, que je dois refaire du jus et juste penser à l’étape suivante. Et moi je l'écoute, en larme...Aller Greg, rentre dans ce ravito et refait toi une santé...Je bois de l'eau, trop, trop vite et trop froide...Et vomis par spasmes puissants, intenses.

 

 

 

Je resterai finalement presque 1h30 sur place en passant par le centre médical, par une phase de demi sommeil, par des appels au secours avant de repartir quelque peu alimenté, dans un temps plus que menaçant (gros orage et pluie côté France) et la nuit tombant. Il est presque 21H00 et m'engage dans cet univers hostile, prêt à affronter mon mental. Je n'ai à ce moment qu'un but, arriver à Champey le Lac.

 

Temps de l’étape : 3H47 Repos : 1H26

Temps cumulé : 26H49

Classement : 1022

Etat physique : mauvais

Etat mental : très mauvais


9ème étape : de La Fouly à Champey le Lac (14,0 km - 455m D+ - 690m D-)

Je ne suis plus depuis un petit moment dans un esprit de performance, mais dans celui de l’aboutissement. Et je vais y rester.

La nuit tombe très vite et l’orage arrive. Il y a comme un regroupement naturel qui s'opère. Nous sommes une dizaine à marcher ensemble, comme si le nombre fait la force et nous inhibe de cette peur provoquée par les grondements sourds et ces terribles lumières se prolongeant plusieurs secondes. Dans la forêt cela prend une dimension particulière. Tout cela est proche de nous mais nous serons épargnés d’une pluie «hallebardesque». Certes nous furent mouillés, mais pas détrempés. Mais ce parcourt humide et peu difficile en reste long. Le ventre est presque vide. Des nausées reviennent. Je ne supporte plus l'eau plate et les diverses barres énergétiques.

Je transporte depuis plusieurs heures, et même depuis le départ un mélange de noix et une compote de pomme. Il me semble qu'il est temps de les goûter et de faire disparaître cette sensation plus que désagréable. Je suis à ce moment-là dans la forêt en direction de Champey le lac. Cette montée n'est pas trop dure, surtout au départ où le chemin a été tracé par un bulldozer. J'ai par la suite l'impression d'être dans un labyrinthe. Je pense alors à Thésée affrontant le Minotaure comme moi j'affronte mes esprits. Le sable blanc sur le sol mélangé à de la terre, les souches et branche traînant sur le sol laisse apparaître dans cette noirceur des formes défiant les limites psychédélique. Je soupçonne les endorphines de me jouer des tours. En tout cas le physique et le mental vont bien, peut être grâce à mon chi, et j'arrive à Champey avec une envie de coca et d'eau pétillante. Je m'alimente correctement et en ressort, deux heures avant la fermeture de ce poste, sans me poser la moindre question.

 

Temps de l’étape : 3H14 Repos : 0H28

Temps cumulé : 30H28

Classement : 1212

Etat physique : bon

Etat mental : bon


10éme étape : de Champey le Lac à Trient (16,5 km - 895m D+ - 1057m D-)

Il ne pleut plus et le temps est frais. La première partie est en faux plat descendant avant d'arriver sur La Giète. J'ai depuis le départ ressentie une douleur à l'arrière du genou droit et sous le pied. Je soupçonne la naissance d'une tendinite et au pied gauche l'éclosion intra cutanée d'une ampoule. Je m'arrête pour me soigner en glissant entre mon pied et la chaussette un Compreed. Je n'y pense plus et j'arrive devant cette montée que je pensais difficile. Dès le départ je n'ai plus de fatigue, je n'ai pas sommeil, mon ventre va bien et je suis derrière les concurrents, tranquille en ayant l'impression de maîtriser la puissance de ce corps qui ne doit pourtant plus en avoir beaucoup. Je vois au ralenti, je suis comme monsieur Thomas A Anderson alias Néo possédant une force intérieur inconnu, capable d’évoluer avec grâce dans un monde abrupte.

Je suis plus dans le Pacman mania qu'ailleurs, et c'est avec goût que je dévore une colonne d'asiatique venu conquérir les blancs sommets français. L'arrivée au refuge de la Giète me fait toutefois du bien. Il y a du coca et ce sera jusqu'à la fin ma boisson préférée, avec l'eau pétillante.

La descente jusqu’à Trient est longue et compliquée. Le sol est détrempé et les pieds glissent énormément. J’ai chuté une fois mais sans conséquence. Je vais plutôt vite dans cette portion. Je ralentis d'autant plus qu'une nouvelle douleur se fait sentir au niveau de mon talon droit. Et me voilà bien barré à quelques 35 ou 40 km de l'arrivée. Du col de la Forclaz jusqu’à Trient, je resterai prudent et compterai beaucoup sur mes bâtons pour alléger mes appuis. La descente est compliquée et je me demande comment cela finira. Cependant je ne me pose aucune question sur mes capacités de boucler ce tour.

La nuit s’achèvera dans quelques heures. Lors de mon arrivée sur Trient, je passe plus de temps à me frayer un chemin dans cet espace trop petit au rapport du nombre de « courcheurs » présent sur place, et de leur accompagnateur qui bloquent les passages. Mike l'américain s'affale sur la table, et s'endort face à moi. Je n’ éprouve pas ce besoin. Je ressors de cet endroit avec des bananes coupés que je mets dans un plastique. C’est la seule chose avec la pâte d'amande qui passe encore.

Catogne ! tremble, car me voilà.

 

Temps de l’étape : 4H30 Repos : 0H27

Temps cumulé : 35H26

Classement : 1073

Etat physique : moyen

Etat mental : très bon


11ème étape : De Trient à Vallorcine (10,3 km - 849m D+ - 882m D-)

Je prends du temps pour arriver au pied de cette ascension qui n’est pourtant pas loin. Un couinement me gêne. Je pense qu’il se situe au niveau de mon sac et se sera au bout d’un moment que je découvrirai que cela vient d’une de mes chaussures !

Le jour se lèvera prochainement et la douceur arrive avec. J'ôte une couche de vêtement. Mes diverses douleurs ne me perturbent pas trop dans les montées et je suis surpris de cette force me permettant de réaliser les 800 mètres de dénivelé en près d'une heure. Cela me permet de doubler par mal de monde. Mais à quoi bon ...

Dès que j'aborde les parties roulantes, mon corps me rappelle les douleurs qu'il traîne. La descente est très glissante et j'en profite pour découvrir les bienfaits d'un plat du dos sur le bord d'un coteau. Elle est longue, pentu par moment, enraciné, pierreuse, je la subis et elle sera pour moi un chemin de croix. C'est presque à la force des bras que j'arrive à Vallorcine.

La première chose que je cherche en rentrant sous le chapiteau c'est le centre médical et m’y dirige immédiatement. J’explique mes douleurs, et je suis pris en charge par un jeune médecin qui s'occupe de me masser le tendon d'Achille pendant une bonne dizaine de minutes avant de me strapper. Le podologue quant à lui cherche à me vider l'ampoule et me préviens que cela va faire mal. Effectivement cela pique un peu et c’est avec une grimace peu chevaleresque qu’il comprend que je préfère un plan B. Ce sera donc coussinets de coton enveloppés dans du Strap. Bon ça ira …  et de toute manière je n'ai plus le choix : il me reste 19 km, sept heures pour les faire et piano piano, ça ira au bout.

J'en ai marre de la soupe et de tout le reste d'ailleurs. il est neuf heures je me prends un petit déjeuner, café, gâteaux, je bois du thé. Cela manque cependant de croissants ou des pains au chocolat. J'embarque des bananes avec moi avant de repartir pour la dernière étape.

 

Temps de l’étape : 3H01 Repos : 0H51

Temps cumulé : 39H18

Classement : 1016

Etat physique : mauvais

Etat mental : très bon

 

 

 

Dernière étape : De Vallorcine à Chamonix. (18,5 km - 967m D+ - 1202 D-)

Il est presque 9h30 et la rosée du matin s’évapore doucement sous cette chaleur arrivante. La montée jusqu'au col des Montets est simple et se fait avec la fraicheur de la rivière. Par contre l'ascension de la Tête au Vent est réellement raide. Ça cogne de nouveau terriblement, les douleurs reviennent avec la chaleur et je fais avec. C'est lorsque des accompagnateurs, frais, sautillant de rocher en rocher, nous doublant avec grâce et facilité que je comprends que nous sommes réellement lents. Je vais comme je peux en fonction de mes souffrances dans cette univers chaotique et, sur ses sentiers difformes, ressemblant à un parcours des 25 bosses et ne facilitant vraiment pas ma progression. Je profite de ces moments, du paysage face au Mont-Blanc, sous un ciel complètement découvert.

J’ai mal et j’ai hâte d’en finir…

A la Flegère je sais que la descente fera mal mais que j’ai tout mon temps pour atteindre mon objectif.

Je ne mange plus, je n’y arrive plus, n’en ai plus l’envie et surtout, ce n’est plus devenu une nécessité. Je laisse donc ma banane dans le sac et l’affiche sur mon visage.

Il fait chaud dans ce chapiteau et assis avec une bouteille d’eau pétillante, je regarde les concurrents arriver. Tout le monde à l'air bien fatigué et c'est dans un ultime effort que je me redresse pour aller terminer cette épreuve. La descente sera à l’identique de ce début de journée, douloureuse.

Mes sentiments sont ambivalents : heureux d’en découdre car je ne peux vraiment plus poser les pieds au sol et triste de voir une fin à cette épique randonnée, jalonnée de sensations particulières.

J’arrive à Chamonix. La route des Nants est déserte. Par contre, en arrivant le long de l’Arve je suis porté par les applaudissements et ce jusqu’à la ligne d’arrivée.

Dans la rue Joseph Vallot, je regarde ma montre. Presque 15H00. Je me mets à trottiner puis à courir, en inhibant mes maux, pour passer sous les 45 heures initialement fixé et pour ne pas rater le fameux « bouzin » de 15 heures.

Je passe sous l’arche et d’un coup, tout s’arrête. Je ne me rends pas compte de ce que je viens d’accomplir. Je suis comme un boxeur qui a trop pris dans la tronche : groggy.

Je récupère ma belle veste de finisher et vais m’isoler à l’ombre, sur du gazon pour déguster une bière plus que méritée.

Et c’est à ce moment que je constate l’étendu de ce que je viens accomplir. Les textos de félicitation fusent de toute part. J’ai l’étoffe du héros.

 

Temps de l’étape : 5H41

Temps cumulé : 44H59

Classement : 1212

 

Epilogue :

Trois semaines après, j’ai repris la course à pied et ai bien récupéré, mais mon tendon d’Achille me fait légèrement mal.

Toutes personnes connaissant mon aventure me félicite de ce que j’ai accompli. Ca me colle au corps…

En fait, c’est moi qui remercie et félicite toutes les personnes qui m’ont encouragées ou suivies tout au long de ces 45 heures avec une mention spéciale à Marie qui envoie des encouragements à 03H36…

Mon Tonton JL qui ne m’a pas lâché d’une semelle et qui a sans doute plus sué que moi ! The B qui poste à 06H28 le dimanche matin (il fait ses dents Raphaël ?)

Super Philippe 728 et Jean Phi qui m’ont ravigoté.

Maman qui j’en suis sûr a dû être inquiète comme pas deux.

Loïc, mon cousin, héros d’il y a 3 ans.

Juju, silencieux en course mais présent dès l’arrivée.

Et à tous ceux que j’oublie ou qui sont restés anonyme.

 

MERCI.

6 commentaires

Commentaire de Tonton Traileur posté le 20-09-2016 à 16:55:14

BRAVO, BRAVISSIMO mon Greg, tu l'as bien mérité ton sac poub... pardon, ta polaire finisher :-)
... et je ne suis pas peu fier d'y avoir (très modestement) contribué. Bon, maintenant, va falloir songer à arroser ça dignement, passeque la base de tout ça, c'est quand même l'hydratation, hein ?...
à bientôt.

Commentaire de le greg de draveil posté le 20-09-2016 à 17:29:47

y a plein de pub dans le centre de Paris et je ne suis pas 7 ou 8 pinte pret, hein!

Commentaire de PhilippeG-641 posté le 21-09-2016 à 10:52:28

Super ton récit Greg, bien écrit, avec des références...
Si je comprends bien c'est un peu grâce à Tonton que tu termines: sacré Tonton ;-)
Sinon je suis bien content d'avoir suivi ton épopée car je ne donnais pas cher de ta peau après ton arrêt sur l'X-Alpine mais tu possèdes de bonnes ressources :-)
Bonne course à Crosne.
@+
Philippe

Commentaire de le greg de draveil posté le 21-09-2016 à 20:07:48

A Philippe, j'ai une ostéo terrible, une superbe masseuse de tuina qui m'ont remis sur pied, un Tonton présent, une femme merveilleuse mais aussi eu une terrible volonté d'en découdre. je n'etais pas sur de prendre le départ fin juillet, c'est pour dire...

Commentaire de Laurent V posté le 21-09-2016 à 14:23:43

Récit au combien émouvant qui donne toute sa dimension humaine à cet exploit. Bravo pour tout et merci de partager cette épopée.

Commentaire de le greg de draveil posté le 21-09-2016 à 20:00:58

Merci Laurent pour ce petit commentaire sympa. Au croisé des chemins parisiens peut etre?

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

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