Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2014, par ddfutmb

L'auteur : ddfutmb

La course : Ultra Trail du Mont Blanc

Date : 29/8/2014

Lieu : Chamonix Mont Blanc (Haute-Savoie)

Affichage : 2361 vues

Distance : 166km

Matos : Brooks Cascadia 9
Short Classique
Maillot Salomon
Coupe-vent gore-tex Odlo
Sac Salomon Skin pro 10+3
Ceinture S-Lab 2

Objectif : Terminer

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46 h pour rêver

46 h pour rêver.

 

Petite précision d'avant récit : celui-ci est détaillé au mieux afin d'aider des coureurs qui seraient tentés par l'aventure (1ère tentative sans être passé par l'OCC, la CCC et la TDS). Il s'agit ici de ma première tentative sur l'UTMB. J'ai lu TOUS les récits de TOUTES les années figurant sur le site Kikourou. Cela m'a été d'une grande aide. Passages difficiles, astuces, moments idéaux pour relancer, le mental, le sommeil : tout y étaient pour partir avec un maximum d'informations dans cette aventure. Et puis j'ai sincèrement envie de vous faire partager au mieux tout ce que j'ai vécu ce week-end là. Pour tous ceux qui vont lire : et bien bonne lecture:-)

 

Profil de coureur :

26 ans, ayant débuté le trail en août 2011

Terrain d'entraînement : Nord-Pas-de-Calais

Moyen voir bon en montée, Mauvais en descente

VMA : 16km/h

1ère tentative sur l'UTMB

 

 

29 août 2014

 

Jour J : il était temps !! Depuis le 15 janvier et un tirage au sort positif, je sais que je ferais parti des 2 400 finishers potentiels de l'UTMB 2014. Un revirement à 180° pour une personne comme moi, débutant en course à pied depuis 2011.

3ans d'entraînements, de combats, de doutes, de blessures, de « succès ». 3 ans pour arriver sur cette ligne de départ, tant de fois imaginée. Il ne s'est pas passé un seul jour sans que je pense à cette course. Reste à savoir si je serais présent ce jour-là. Parce que les blessures auront été nombreuses cette année : dos, genou, pyramidal et pour finir ischio. Je traîne trop de douleurs sur ce dernier maudit muscle pour m'imaginer franchir la ligne d'arrivée le 31 août avant 15h30.

Mais tous les efforts ont presque payé : renforcement musculaire, repos, étirements et ostéopathe une semaine avant l'épreuve. Je n'ai plus mal en courant, uniquement en étant assis. Mais ça, ça fait 4 ou 5 mois que ca dure, je peux faire avec.

 

5h du matin le jour J : je ne dors déjà plus, le stress est à son paroxysme. Ou plutôt l'envie d'en découdre. De toute façon, je savais que je dormirais mal. Ça fait 6 jours que j'ai mal au ventre. Le stress et l'angoisse pour les uns et les autres. Moi, je sens qu'il s'agit d'autre chose. Un aliment pas digéré ou (trop) de restrictions d'avant course ? Je vais m'avancer sur la ligne de départ avec pas mal de petits doutes. Fort heureusement, la famille est présente : femme, frère, parents, oncle et tante. Tout le monde est présent pour, n'ayons pas peur des mots : l'exploit sportif de ma vie.

 

Je me suis fixé, lors de mes débuts en course à pied en 2011, l'objectif de courir la Diagonale des Fous d'ici 5 ans. L'UTMB était une étape obligée, mais elle est devenue plus que ça. Un accomplissement. Tant d'efforts, tant d'entraînement et de sacrifices. C'est maintenant l'heure d'aller récupérer les fruits de tout ce travail.

 

15h30

 

Je me place à proximité de l'arche avec Ben, mon collègue nordiste. Si je suis inscrit et présent aujourd'hui à Chamonix, c'est aussi en parti grâce à lui. « C'est magnifique » m'avait t-il dit très simplement lors de notre première rencontre, lui, déjà finisher en 2013. Pour le moment, l'endroit est encore semi-paisible. On en profite pour faire des photos et des vidéos. 9 mois d'attente, une grossesse : ca vaut le coup de prendre des souvenirs et d'essayer de profiter même si la pression monte toujours. On s'assoit, on discute, on se lève, on piétine. Ce ne sont pas les deux heures les plus exaltantes du week-end mais cette attente à proximité du sas des champions nous garantit une place de choix au moment où Vangelis viendra faire trembler nos oreilles et vaciller notre tête. On évitera les bouchons et ça, pour une personne comme moi qui vise les 43h de course, ce n'est pas anodin. Car plus je regarde mes plans, plus les barrières horaires semblent se rapprocher.

A moi de bien réussir mon début de course, garder un rythme sans me précipiter et me cramer.


 


17h29

 

Il pleut déjà depuis un bon quart d'heure. En short et t-shirt à mon arrivée, je me vois obligé de sortir la Gore-Tex alors que la course n'a pas encore commencé. Un petit nuage ? Malheureusement, la suite de course nous prouvera que non. Certains gardent leurs tenues d'été, imprudence ? Je n'en sais rien. J'essaie de profiter à fond du moment. Vangelis résonne désormais. Ca fout la frousse. J'ai presque envie de pleurer mais je suis trop heureux pour ça. Je suis au départ de l'UTMB 2014 ce vendredi 29 août. Reste à franchir la ligne d'arrivée dans l'autre sens dans moins de 46h.

 

5, 4, 3, 2, 1 !!! C'est parti !!!!!!!

 

Chamonix ---> Les Houches : 7,9 kms / +118 / -145

 

C'est bon, les fauves sont lâchés ! En début de peloton, nous sommes directement dans le rythme. Nous sommes lancés de plein fouet dans le centre de Chamonix, les supporters étant très nombreux malgré la météo. Ca crie, ca encourage de partout : des pancartes, des panneaux, des applaudissements. J'ai l'impression d'être à quelques mètres d'un sommet hors-catégorie du Tour de France. C'est tout simplement exceptionnel. Je jette mes yeux partout, ma Go Pro balaie également la zone à la recherche de mon Fan Club. Quelques mètres plus loin, les voilà me hurlant leurs encouragements. Je n'ai pas le droit de les décevoir. Eux qui ont traversé la France. Car on ne peut pas faire plus au Nord de la France. Au dessus, c'est la Manche et l'Angleterre. Ils ont pris la route le vendredi matin et n'ont pas prévu de beaucoup dormir hormis la première nuit où il sera difficile de nous apercevoir. Le prochain RDV est à St Gervais mais il faut d'abord passer les Houches et le Delevret. 


La section jusqu'aux Houches n'est pas forcément hyper agréable mais elle a le mérite de nous mettre en jambe et dans le bain de cette course. L'euphorie du départ nous transporte encore, au même titre que tous les supporters encore hyper présents sur ce tronçon. Je garde une moyenne de 10,5 km/h, un peu au dessus de mes meilleurs prévisions mais je ne force absolument pas. Il n'en est pas encore question. Le tracé est facile, aucune difficulté. C'est idéal pour lancer la machine. Après un peu moins de 50', c'est l'arrivée aux Houches. Un petit coca rapide en espérant que les bobos d'estomac soient partis et hop, direction Le Delevret.

 

Les Houches ---> Le Delevret : 5,9 kms / +778 / -22

Cumul : 13,8 kms / +896 / -167

 

Après un début relativement simple qui a permis une bonne mise en route, place à la première difficulté de l'épreuve. Une petite ascension vers Le Delevret : + 778m sur 5,9 kms. Pas une mince affaire surtout pour le nordiste que je suis. Fort heureusement, les nombreuses heures passées sur le Cap Blanc Nez ou les terrils devraient tout de même m'être bénéfiques, au même titre que les nombreuses courses achevées cette année : Bouillonante, Roc La Tour, XL Race d'Annecy, Trail des Poilus, UTTJ en relais. Et puis soyons clairs, je suis quoi qu'il arrive plus efficace en montée qu'en descente. Donc, pas trop le temps de traîner.

Je garde le rythme de début de course et je suis le train. Sans forcer, sans se cramer. Je double, je me fais doubler. Je ne regarde pas trop finalement. Les places ? Je m'en fiche royalement. Ce qui m'importe, c'est le chrono et garder du temps sur les barrières qui ne sont pas énormes sur le premier quart de la course. La pluie continue de tomber, assez fort par moment. Je commence tout doucement à être trempée mais je garde la tête froide et ma douce euphorie de début de course. Pour le moment, tout va bien. Mon ventre tient, ma cuisse va très bien. Il faut en profiter. Le moral est plus haut. J'arrive désormais au sommet de ce premier petit col qui nous a mené à 1739m d'altitude.

 



Je pointe 809e, en 1h55'30'' de course. Je suis dans les temps, je suis en forme. Place à la première descente qui s'annonce casse-g..... avec toute cette flotte. C'est parti !

 

Le Delevret--> St Gervais : 7,2 kms / +55 / -1001

Cumul : 21 kms / +961 / -1168

 

Il est temps d'affronter la première descente et sous la pluie. Rien de très enthousiasmant pour moi qui descend assez mal. Principalement par peur. J'essaie tout de même de relâcher les cuisses sans lâcher les jambes dans cette première descente. Il ne faut pas se fatiguer et se détruire les jambes après à peine 20 bornes. Les nombreux récits que j'ai pu lire sur Kikourou m'ont appris que le course ne commence pas à ce moment là mais plutôt au Val Ferret, véritable « juge de paix de l'UTMB » dixit Julien Chorier. J'entame ma descente, avec le frein à main semi-enclenché. Tout va pour le mieux jusqu'à mes deux premières chutes. Pas de douleurs puisque c'est dans la boue. Mais le short blanc est probablement foutu. Je redouble de vigilance. Le terrain est très glissant et la nuit commence à tomber. Je décide par précaution de prendre ma frontale, placée à un endroit très facile d'accès afin de m'éclairer au mieux vers la fin de cette descente, en direction de St Gervais. Je regagne progressivement la partie plane vers le ravitaillement, le sourir toujours collé aux lèvres, ravi d'être en forme en cette fin de journée. Et ce n'est pas ces malheureuses chutes qui vont venir me destabiliser.

J'arrive au ravitaillement, ma famille m'interpelle en hurlant ces encouragements. Je suis ravi, tout est magnifique malgré la pluie. Sébastien Chaigneau avec qui j'ai pu discuté quelques secondes la veille est sur place, à prodiguer des conseils à tous les coureurs. Vraiment sympa de sa part. Moi je commence à me ravitailler et à refaire le plein du sac : eau plate, barres de céréales puis saucisson et gâteau.



 

Je pointe 870e après 2h51'37'' de course. Je suis en avance de 10' sur mon plan le plus optimiste de 41h. Tout va bien !

 

St Gervais ---> Les Contamines : 9,7 kms : + 535 / -200

Cumul : 30,7 kms / +1486 / -1368

 

Après un arrêt de plus ou moins 5 minutes, je pars à l'assaut du Refuge de la Croix du Bonhomme qui se situe au km44,8. Mais la première étape de cette ascension doit me mener aux Contamines, première base de vie de cette UTMB où je recevrais une assistance de la part de ma femme.

 

Pour le moment, il faut entamer cette nouvelle section qui ne donne pas de difficulté majeure sur le papier. +535m sur quasiment 10 kms sur un terrain pas très technique. Pas de quoi être déstabiliser mais le temps ne permet pas d'être aussi positif. Il pleut tel que les sols se gorgent d'eaux. Des flaques se forment, la boue devient omniprésent. Il est impératif de garder cette vigilance qui me caractérise depuis le début de la course. C'est à partir de ce moment là que les premiers moments difficiles apparaissent pour le peloton. Ca commence à râler légèrement même si la barre des 25kms n'a pas encore été franchi.

J'essaie personnellement de rester dans ma course, concentré et en rythme pour tenir mon plan de 43h. Pour le moment pas de problème, je garde une certaine latitude qui me permet d'espérer une suite à court terme sans embûches. Malheureusement, à l'approche des Contamines, sans trop de raisons particulières, je commence à douter.  Et si je ne tenais pas le coup ? Quelques secondes où j'ai un peu divagué dans mon esprit ont suffi pour me mettre le doute. Je sais qu'il n'y a aucune raison de douter mais c'est déjà trop tard. L'idée est dans ma tête. J'arrive aux Contamines dans la foulée.

 

Je pointe 726e en 4h28'48''. J'ai gagné des places sans trop m'en apercevoir. Sans doute dû également aux premiers abandons.

 

Inquiet de ne pas voir ma femme, j'appelle. Elle est bien à l'intérieur du ravito. Je vais pouvoir repartir « à neuf ». Changement de vêtements, chaussettes, passage en mode nuit. Remplir le camel bag de nouveau produits : barres, gâteaux. Un bisou d'encouragement pour la nuit. Je sors du ravito et aperçoit mes parents, mon frère, mon oncle et ma tante. Je m'arrête quelques secondes pour les rassurer : « Tout va bien, on se revoit à Courmayeur » en oubliant de leur dire que j'ai un léger doute dans mon esprit. Il faut partir à l'assaut de la nuit.

 

Les Contamines ---> Notre Dame de la Gorge ---> La Balme ---> Refuge de la Croix du Bonhomme : 11,5 kms : + 1337 / -51

Cumul : 44,2 kms / +2823 / -1419

 

Ca sera donc ma première nuit dehors ! Non, je n'ai jamais fait de course toute une nuit entière. Autant vous dire que ce n'est pas rempli de certitudes que j'aborde cette partie de la course. En plus, sur « le papier », il semble que l'on va en ch...3 cols pour cette première nuit , deux avec la frontale et la lune, le 3e probablement au lever du soleil.

 

Première étape : le Refuge de la Croix du Bonhomme. Une belle montée qui doit nous mener à 2439 m d'altitude. Soit l'altitude atteint à plusieurs reprises pendant quelques randos d'été en Haute-Savoie. Je n'ai pas peur de la difficulté. Pas de la montée. La descente risque cependant de me faire flipper. Mais avant de descendre, va falloir grimper.

 

J'attaque ce premier morceau jusqu'à La Balme tranquillement. Je prends mon ryhtme. Je sais qu'il y a un ravitaillement au km 39 donc tout doux. Je prends mon rythme de croisière tout en essayant de prendre les trains qui passent. Je suis à l'aise dans cette montée mais je suis lent voir très lent. J'ai déjà perdu beaucoup de places suite à mon arrêt de 15 minutes aux Contamines. Et ma dégringolade semble se poursuivre. Cependant, ma montre semble m'indiquer que je suis dans le rythme. Alors on continue...Cependant, je me fais rattraper également par mes maux de ventre. Je peine à avaler quoi que ce soit. Même l'eau n'est pas forcément la bienvenue. Je doute sérieusement. Je maudis ces douleurs. S'entraîner autant de temps pour se faire emmer... par des douleurs à l'estomac le jour de l'UTMB !! Je suis dégouté. Je n'ai pas envie de vomir mais je garde cette impression d'avoir quelque chose dans la gorge. « Ca ne passe pas ». L'eau, le coca, la nourriture...Tout est noué. Ca sent mauvais. Malgré cela, j'arrive tout de même à La Balme.

 

Je pointe 1041e après 6h30'29'' de course. Il est minuit. J'ai perdu quasi 300 places, je ne suis pas au mieux.

 

Ce ravitaillement est terrible. Les coureurs sont en train de manger ou de se réchauffer auprès d'un grand feu. Les conditions de course ont eu de réelles conséquences sur les coureurs. Certains ont les traits tirés, fatigués par cette première partie d'UTMB. D'autres se tiennent la tête dans les mains. Pour simplement fermer les yeux mais il règne clairement une ambiance « négative » sur ce ravito. Ca sent l'abandon à plein nez.

 

Je ne veux pas traîner car il fait froid et que cette atmosphère ne peut me filer que le cafard.

 

Je pars donc en direction du Refuge de la Croix du Bonhomme. Sans trop de problème, je garde une bonne vitesse d’ascension. A mon niveau bien sûr. Je sais que ce n'est pas la grande forme alors je fais au mieux. Les soupes avalées au ravitaillement ne passent pas du tout. Je les garde dans la gorge. C'est vraiment un gros problème à ce moment de la course mais j'essaie de passer au dessus.



 

Après 8h15'43'' de course et 44,8 kms, je pointe au Refuge de la Croix du Bonhomme. Il est 1h45', je suis 1117e. J'ai encore perdu des places mais ce n'est pas ce qui m'inquiète vraiment. Par ailleurs, j'avais prévu d'être à 1h44' au refuge sur mon plan le plus optimiste. Tout est OK de ce côté là.

 

Refuge de la Croix du Bonhomme ---> Les Chapieux : 5,2 kms : + 0 / -885

Cumul : 49,4 kms / +2823 / -2304

 

C'est l'heure du jugement. La première « vrai » descente de la course et de nuit. Je mets ma frontale au maximum de sa capacité, avec un champ large. Et c'est parti.

 

Je me cale dans des petits groupes afin de suivre les pas devant moi. Je reproduis au mieux les gestes des concurrents qui me précèdent en posant le pied aux mêmes endroits. Je suis dans le rythme. Mais ce qui devait arriver arriva. Je chute après m'être coincé le pied entre deux rochers. Une bonne torsion de la cheville. Pas suffisant pour hurler mais ce qu'il faut pour s'inquiéter quelques instants. Je suis à terre depuis quelques secondes, je fais rapidement le bilan, fais tourner ma cheville. Ca semble aller. Les concurrents s'arrêtent un à un pour me demander si tout va bien. Je suis agréablement surpris d'autant de considérations sur mon état de santé. Epreuve soi disant individualiste, l'UTMB vient de prouver qu'il contenait des coureurs dénués d'une conscience et d'une réelle solidarité. Je me relève et entame la suite de la descente avec un relatif frein à main. Il faut essayer de se relâcher. Plus facile à dire qu'à faire mais finalement, je me prends au jeu et parvient à garder le contact avec le groupetto devant moi. Je ne suis pas trop mal. Le fait de courir me permet également de faire progressivement « descendre » les aliments précédemment avalés. Ce n'est pas encore la grande forme mais je tiens le coup. Fin de la descente vers les Chapieux, nouvel arrêt, changement de piles au stand PETZL et arrêt au ravitaillement.

 

Finalement, cette descente est abordable, même pour des coureurs moyens en descente. Technique et raide par moments, elle possède l'avantage, à cet instant de la course de resserrer un peu le peloton et de suivre des coureurs meilleurs que soi.

 

Je pointe 1147e donc pas tant de places de perdu que ça malgré ma chute. Il est 2h43 du matin après 9h11' de course. Je fais le plein, réponds à quelques questions d'études sur le sommeil (j'ai accepté de faire parti de l'étude en ayant retiré mon dossard). J'embarque des cookies, refais le plein et me rends compte que j'ai perdu ma flask dans la descente. Il faudra faire uniquement avec la poche à eau désormais. Pas une catastrophe.

 

Les Chapieux ---> La ville des Glaciers ---> Col de Seigne : 10,3 kms : +958 / -10

Cumul : 59,7 kms / +3781 / -2314

 

Après avoir jeté un œil sur mon téléphone (où j'ai des photos du profil de course pour chaque tronçon), je sais que la prochaine montée va faire mal aux dents. Le Col de Seigne et ses (presque) 1000m de dénivelé positif. Ca va être long et dur. Je n'imagine juste pas encore à quel point je vais souffrir.

 

La mise en route est tranquille en sortie de ravitaillement. Je reprends mon chemin sur un bon rythme de marche, sans forcer sur cette portion bitumé. Je sais que la montée va être difficile donc je ne veux pas perdre de force sur ce premier tronçon. Assez rapidement, les premiers pourcentages se font sentir. Rien de surprenant mais ça « pique » tout de même. Les jambes répondent bien mais comme après le ravitaillement de La Balme, la nourriture ne passe pas. Je suis fatigué, je n'assimile plus grand chose et mon corps tire la première sonnette d'alarme. Mon cerveau y passe également. Je rentre de plein pied dans un très mauvais moment.

 

L’ascension sera pour moi un long chemin de croix. Cette montée est longue, très longue, interminable. Les gens autour de moi semblent souffrir également mais ça ne me console pas. Même si je ne suis pas tout seul dans la galère, ca devient très dur sur tous les plans. Au niveau physique, mon souffle est court. Au niveau mental, plus grand chose pour me raccrocher à quoi que ce soit. L'arrivée n'est qu'une chimère. Elle s'éloigne de plus en plus. J'ai vu trop grand, je ne suis pas de taille. Je traîne ma peine encore et toujours dans cette montée, certains coureurs dorment sur le côté avec leur couverture de survie. J'ai envie de faire la même chose mais serais-je capable de redémarrer après ça ? Pas sur et même pas sur du tout. Je suis au fond du gouffre mais je creuse encore.

 

Après 2h40' d’ascension, j'arrive enfin au sommet. Je suis 1119e,  j'ai gagné quelques places. Ce moment de course semble avoir été un trou noir pour un bon nombre d'entre nous. Il est 5h23 du matin. Je suis toujours au plus mal malgré la fin de cette terrible montée. Dans ma tête, ca résonne. C'est le chant du signe. Celui qui va me faire arrêter à Courmayeur. J'étais prêt à souffrir mais pas dans ces proportions. Mon estomac ne veut plus, ma tête ne veut plus, ce que pense mes jambes n'a plus d'importance.

 

 

Col de Seigne ---> Lac Combal : 4,4 kms kms : +0 / -532

Cumul : 65 kms, +3781 / -2846

 

C'est donc toujours au plus mal que je début cette descente vers le lac Combal. Il fait toujours bien nuit même si on devine que le soleil débute son extraction de la pénombre. Je poursuis ma descente sans entrain, sans grande envie, je mets un pas devant l'autre.

 

Je n'ai toujours pas digéré les aliments des Chapieux, je commence à m'endormir en marchant. Je décide de m'arrêter et de m'asseoir sur un rocher. Je mets ma tête dans mes mains et entreprend de dormir quelques minutes et de refaire le point ensuite. Dans ma tête, à ce moment précis, il y a 90% de chance que j'arrête les frais à Courmayeur. Rien ne va, pas le peine de s'achever définitivement. Mais un coureur m'interpelle alors que je pose à peine ma tête dans mes mains : « Ne t'arrête pas là, tu vas attraper froid ». Je sais qu'il a parfaitement raison et malgré mon état plus que limite, je décide de reprendre mon chemin.



 

Après quelques nouvelles minutes de marche, j'atteins le ravitaillement du Lac Combal. Il est 6h18' du matin, après 12h46'51'' de course. Je suis 1186e. Je stagne plus ou moins. C'est aussi la confirmation que la nuit a semble-t-il été difficile pour beaucoup de monde. Mais le soleil se lève et demain est un autre jour.

 

Lac Combal ---> Arrête du Mont Favre : 3,9 kms : +457 / -10

Cumul : 68,9 kms, +4326 / -2856

 

Le ravitaillement du Lac Combal se passe « normalement ». Je refais le plein du sac et décide de manger quelque chose de simple. J'ai mangé quelques cacahuètes il y a quelques minutes qui m'ont fait le plus grand bien. J'ai l'impression  d'avoir nettoyé l'organisme. Je n'ai plus rien dans la gorge, mon thorax refait le plein d'air, mon estomac semble plus léger. Le lever du soleil semble me faire également  le plus grand bien même si il est encore trop tôt pour un excès d'enthousiasme.

 

Je reprends ma route direction l'Arête du Mont Favre, dernière montée avant la terrible descente vers Courmayeur et notre 2e base de vie.

 

Au fil des minutes, je retrouve la vigueur de la veille. Il n'y a pas vraiment de raison même si d'un point de vue général, mon corps va mieux et forcément, ma tête aussi. Je reprends espoir, le soleil qui se lève sur le Lac Combal et les montagnes face à nous offre un spectacle magnifique. J'essaie vraiment de profiter de ce moment et retrouve même l'envie de faire des photos. Petit à petit, je parviens de nouveau à matérialiser la ligne d'arrivée demain à Chamonix.

 

J'avance encore et toujours, mètres par mètres, toujours plus convaincu. Avant la descente vers Courmayeur, j'en suis désormais sûr : je vais aller au bout de l'UTMB. Il n'y a aucune prétention, la 2e partie de course après Courmayeur est très difficile et la prochaine nuit s'annonce également compliqué. Mais j'en suis certain : si j'ai réussi à me sortir d'un tel trou noir lors de cette première nuit, je ne peux qu'aller au bout. Il m'est désormais impossible de ne pas aller au bout de cette magnifique aventure. La journée va être belle, je vais en profiter, une dernière nuit avant l'arrivée et direction Chamonix ! Je suis en train d'en rêver.

 

Mais en attendant, j’achève cette dernière ascension de la « nuit ». Il est 7h45' du matin, je suis 1222e après 14h13'20'' de course. Le classement n'est pas terrible, qu'importe. J'ai retrouvé ma tête, mes jambes et cette fois, c'est pour de bon !

 

Arête du Mont Favre ---> Col Chercruit ---> Courmayeur : 8,7 kms : +11 / -1233

Cumul : 77,1 kms / +4249 / -4089

 

Ah la descente vers Courmayeur...J'en ai tellement lu dessus qu'elle me faisait déjà peur avant d'y être. J'aborde cependant cette partie de jour, avec un esprit retrouvé. Et ça change tout. Je me laisse transporter et je suis un groupe qui donne le rythme. Je parviens a suivre les traileurs devant moi même si quelques fusées me doublent ça et là.

 

Dans le bon mouvement, je parviens à rallier le Col Chercruit en position 1214. J'ai gagné quelques places dans une descente, je peux me le faire tatouer sur les bras !!! Je continue ma progression avec les lacets avant Courmayeur. Pas une mince affaire, les cuisses chauffent mais je suis en forme dans ce début de journée. Il faut dire que le soleil est présent, la température est bonne et il me tarde de retrouver toute ma famille au ravitaillement. Une base de vie pour se changer, se reposer et manger des pâtes. J'en salive déjà à l'avance. Je cours, je continue encore et toujours sur ce terrain certes très raide par moment mais propice à la course car pas forcément hyper technique. J'accélère même un peu par moment, je pourrais reprendre des forces à Courmayeur, je force donc le pas. Après quelques derniers virages serrés, je retrouve tout à ma joie : mon père, mon frère et mon oncle. Je suis ravi de les revoir après cette nuit où rien n'aura été facile. Je savoure d'autant plus ce moment. Ma femme est déjà au ravitaillement, je fonce jusqu'au prochain arrêt. Quelques photos et vidéos plus tard, je suis dans la base de vie. Ma femme est là, la vie est belle.



 

Il est 9h20 du matin, je suis pile à l'heure sur mon plan le plus probable : 43h. Je suis 1163e, ce qui indique une vrai bonne descente. Ce bon moment s'est clairement matérialisé au classement. Après 15h50 de course, je fais donc mon premier gros arrêt.

 

Coumayeur---> Refuge Bertone : 4,9 kms : +816 / -32

Cumul : 82,4 kms / +5065 / -4121



 

Avant de reprendre la route vers Bertone, un bon arrêt s'impose. Même si j'ai retrouvé la forme et l'envie de me dépasser, il ne faut pas oublier que la nuit a failli m'avaler et m'enlever à mon rêve de finisher. Il faut donc recharger les batteries. Ces derniers mois, j'ai pris beaucoup de temps pour préparer cette course dans les moindres recoins et l'assistance était une nécessité absolue pour moi.

J'avais ainsi confié à conjointe des documents avec tout ce dont j'avais besoin spécifiquement à chaque arrêt : vêtements, boissons, alimentation, crème NOK, eau de Cologne (pour me réveiller au mieux en sortie de ravito), nouvelle montre, mp3, crème solaire...Tout ce qu'il faut. Finalement, j'aurais du juste dire à ma femme, je te laisse faire !! Tout est absolument parfait. Tout est préparé aux petits oignons par ses soins, je n'ai pas besoin de demander. Je mets à peine 10-15 minutes pour être de nouveau propre et prêt à l'emploi.

Cependant, je n'oublie pas la 2e partie de cet arrêt : repos et repas. Je m'allonge donc 12 minutes sans trouver le sommeil alors que j'aurais tué pour un oreiller 3h plus tôt. Je me lève, engloutis (c'est bien le terme!) une assiette de pâtes aldente, reprends mon sac et file vers le sas de départ vers Bertone. En partant, et après cet arrêt de 47' (pour 1h prévue), je n'oublie pas de remercier tous les membres de ma famille, présents et en forme pour cette nouvelle journée. Ma femme a été juste impeccable et je la remercie également. Désormais, place aux sentiers.

 

Je pars donc à l'assaut de cette 2e journée avec pour petit-déjeuner, l'ascension vers le refuge Bertone. Pas une simple affaire mais je me dis, qu'après cette nuit et le Col de Seigne, je ne peux pas avoir pire. Après quelques centaines de mètres de route, je rejoins le début de l'ascension. Le résultat ? C'est raide !! Très raide par moment. C'est donc un début de journée en fanfare...Il est 10h30, il commence qui plus est à faire chaud mais ça, on ne va pas s'en plaindre.

Je baisse donc la tête et grimpe à la force des jambes, des bras et des bâtons. Je m'arrête de temps à autre pour reprendre mon souffle. Cette montée est beaucoup plus terrible sur le terrain que sur le papier. Tout le monde autour de moi semble souffrir. Ce n'est pas forcément technique mais après un peu plus de 17h de course et un peu moins de 80kms, ça commence à piquer sérieusement sur les organismes. La fatigue nous guette.

Personnellement, je me sens bien et j'ai la conviction que je vais aller au bout. Cependant, cette montée reste très difficile : +816m sur 4,9 kms, tout est dit. Après 1h30 de montée depuis Courmayeur, je parviens à rallier Bertone, avec un grand soulagement, il faut le dire.

 

Il est 11h30 ce samedi matin, je pointe 1098e après 18h05'03'' de course. Un petit ravitaillement en boisson qui fait beaucoup de bien, et pour tout le monde. La montée a séché beaucoup de coureurs. Chacun tente de reprendre son souffle et ses esprits.

 

Refuge Bertone ---> Refuge Bonatti : 7,3 kms / +280 / -244

Cumul : 89,8 / +5433 / -4365

 

Une partie plus ou moins plate, ça fait plaisir ! Mais finalement, cette partie n'est pas plus simple que les autres. Car aux petites montées / descentes succèdent rapidement des faux-plats. Il n'est alors pas évident de définir une tactique : courir, marcher... ? Suivant mon état de forme, j'essaie de profiter des parties plates pour relancer la machine déjà un peu gripper par toutes ces heures de course. Mais j'essaie tout de même. Par moment, je sens que je ne peux plus appuyer sur l'accélérateur donc je marche. Rapidement mais je marche.

De temps en temps, je cours. Je me dis que 100m par ci, 100m par là, c'est toujours ça de pris. Je me fais pas mal doubler sur cette partie mais je double également. On sent qu'il y a un petit flottement à sur l'attitude à adopter pour les coureurs. Certains gardent le rythme de marche et d'autres s'acharnent à courir dans ces faux-plats. Finalement, c'est une partie assez longue. Le paysage est magnifique cependant donc on en profite. Le soleil est radieux et il fait chaud. Je continue de boire, beaucoup et de manger. Je me sens bien mieux de ce côté-là donc j'en profite tout en évitant d'avaler n'importe quoi. Une rechute est vite arrivée. Et je veux garder cette forme aussi longtemps que possible. Car si je garde le corps et que la tête fonctionne, rien ne pourra m'arrêter hormis une blessure. Mais je n'y pense pas. Je garde Bonatti en objectif numéro 1 puis un peu plus loin, la descente vers Arnuva.


 


Après 19h41'05'' de course, je rejoins ENFIN Bonatti. Il est 13h12, je suis 1078e. Je stagne au classement certes. Je vois le verre à moitié plein et me dis que finalement, je garde le rythme. Au ravito, je refais le plein du sac et du bidon. Je me rafraîchis également la tête sous l'eau et repars pour la descente vers Arnuva, avant la terrible, je le sens, montée vers le Val Ferret !

 

Refuge Bonatti ---> Arnuva : 5,2 kms / +105 / -334

Cumul : 95,1 kms / +5538 / -4699

 

Après un bon arrêt de 5 minutes à Bonatti, je décide de vite filer, direction Arnuva où m'attendent mes troupes !! C'est donc avec un grand sourir que je reprends les sentiers vallonés vers Arnuva. A l'image du tracé Betone – Bonatti, le parcours Bonatti – Arnuva présente un profil intéressant pour la course, même lente. C'est donc avec un rythme certain que j’emboîte les coureurs devant moi. Mais je ne suis pas dans une période faste. J'ai du mal à enchaîner. Qui plus est, je perds beaucoup de temps en logistique. Tour à tour, j'ai froid, j'ai chaud, je mets mon pull, je l'enlève. Tout ces petits arrêts de 2 à 3 minutes me font perdre beaucoup de temps et de places alors que le terrain devrait m'être profitable.

 

Mais je manque clairement de lucidité dans cet après-midi, je m'en rends compte. Je décide d'enlever ce maudit sweat, de le ranger au fond de mon sac et de ne plus m'arrêter jusqu'à Arnuva, quitte à avoir un rythme faible. Mais régulier. Je profite de la fin de ce tracé non technique et de la belle descente pour relancer et rattraper les quelques minutes perdus ça et là en logistique. J'aperçois enfin mon père et décide de finir en courant avec lui à mes côtés sur les quelques derniers mètres. Je rejoins enfin le ravitaillement d'Arnuva.

 

Il est 14h29, je suis 1121e après 20h57'40'' de course. J'ai encore perdu quelques places sur ce tracé mais rien de vraiment surprenant. Mais d'un point de vue général, je me sens bien. Fatigué certes, comme tout le monde mais la machine fonctionne. Moralement, je me sens très bien avant la montée vers le Val Ferret, point charnière de la course selon moi. Car si j'arrive en haut du Val Ferret, ensuite c'est de la descente pendant 18 bornes et une montée vers Champex pour attaquer la 2e nuit. C'est un déclic bête dans ma tête mais Champex, c'est pour moi l'endroit à atteindre pour devenir finisher. Si j'y suis en début de soirée, rien de ne pourra m'arrêter. En tout cas, c'est ce que je pense...



 

Arnuva ---> Gand Col Ferret : 4,5kms / +754 / -15

Cumul : 99,5 kms / +6204 / -4714

 

 

Cette fois-ci, on y est. Le Grand Col Ferret. L'étape décisive si on arrive au sommer. Car après on descend longtemps, ce qui détruit les cuisses mais nécessite moins de force. Ce n'est que mon avis. Et psychologiquement, c'est mieux de descendre et de se dire qu'on pourra éventuellement relancer que de monter, en plein cagnard et souffrir.

 

C'est donc après une pause de 10 minutes que je reprends la route vers ce magnifique col. Après avoir fait les premiers mètres post-ravito avec ma conjointe, nous sommes rapidement mis dans le bain. +754m sur 4,5kms, ca va souffler dans les bronches. Mais je me dis que c'est le dernier (énorme) coup de cul du week-end. Oh l'erreur mais on y reviendra... J'attaque d'un bon pas ce sentier. En fait, l'ascension est difficile mais assez régulière. En tout cas, c'est ce qu'il me semble. Je n'ai bien sur plus la forme du début mais je garde toujours une petite force dans les jambes et ce qui me caractérise finalement bien, une régularité certaine. Je ne vais pas vite mais j'avance encore et toujours. Je me dis que finalement, tout cet entraînement depuis début octobre montre ses résultats. J'ai beaucoup bossé, près de 3000 kms pour 65 000m+ et 55000M-, + du vélo et un peu de natation. Je ne sais pas si c'est trop ou pas assez. Peu importe. Dans ma tête, je sais que j'ai fait de gros efforts et que je n'aurais pas pu faire plus. Ca c'est une certitude absolue. Il faut jongler avec le travail, la vie de famille, la fatigue et l'envie. J'ai tout donné. Je ne pourrais jamais avoir de regrets sur l'entraînement.

 

En tout cas, j'avance encore et toujours dans cet ascension, qui à l'image de bertone présente quelques pourcentages très importants. Je me sens bien, il fait un peu chaud mais je préfère ça au déluge. Je prends quelques photos, le paysage est somptueux. C'est maintenant que tu sais pourquoi tu t'es battu ces derniers mois, pour voir tout ça. Quoi qu'il arrive, profite. Malgré mes quelques arrêts photos et vidéos, je grappille des places et double bon nombre de coureurs m'ayant doublé en début de montée et au ravito précédent. Même mes pit-stop « besoins naturels » ne ralentissent pas ma progression au classement. En tout cas, je double encore et toujours. Et après 1h30 d'ascension (c'est quand même pas trop mal, non?), je rejoins le sommet du Val Ferret, venteux, frais, mais juste magnifique !

 

Il est 16h08', il est temps de descendre jusqu'à Praz de Fort. Après 22h36'41'' de course, je suis 1037e. A peu de chose près, j'ai gagné 100 places dans cette montée. Je ne sais pas si ma montée a été rapide. Mais en tout cas, elle a été plus rapide que celle du groupetto où je me trouvais.

 

Grand Col Ferret ---> La Peule ---> La Fouly ---> Praz de Fort ---> Champex-Lac : 23,4 kms / +703 / -1763

Cumul : 122,4 kms / +6907 / -6477

 

C'est bon, les 100kms sont franchis. Moi qui n'a jamais dépassé les 91 kms très précisément. J'avais un peu peur de cette barre fatidique des 100 bornes mais rien...En fait, après cette course, j'ai même tendance à penser que 80, 100 ou 120 kms, ca ne fait pas une grande différence. Pourvu qu'on est la tête et les jambes.

 

En tout cas, tout tourne normalement pour moi. Les jambes sont certes douloureuses mais c'est tout à fait supportable, le moral est au beau fixe. Atteindre le sommet du Val Ferret est pour moi une petite libération car dans ma tête, dans l'avant course en tout cas, je pensais que le plus dur était fait.

Même si c'est vrai, les difficultés vont se rappeler très rapidement à moi et tout d'abord cette très très longue descente vers Praz de Fort. J'ai, par moments, beaucoup de mal à relancer sur ces sentiers techniques. Par conséquent, j'essaie de marcher aussi vite que possible mais ca ne vaut pas une course. Je tente de relancer mes jambes de tant à autres mais ça reste difficile. En fait, la longue descente jusqu'à La Fouly puis Praz de Fort sera presque un chemin de Croix. Je ne suis pas spécialement fatigué, mais je n'avance pas. En tout cas, j'ai cette impression et c'est très désagréable. Je n'ai plus vraiment de contrôle sur rien, ni sur la course, ni sur mes jambes. Ne reste que ma tête pour me dire d'avancer encore et toujours. Heureusement qu'il me reste ça.  Par chance, et après plus de 24 heures à courir et marcher presque seul, je me fais un compère de route.

Un français, assez en forme malgré des douleurs aux pieds. Après avoir échangé quelques instants, je lui propose d'aller ensemble jusqu'à Champex, histoire de se tirer l'un l'autre. Il accepte ma proposition et je m'en réjouis. On va pouvoir discuter et faire passer le temps un peu plus vite.

 

Il est 18h05 lorsque nous rejoignons le ravito de La Fouly, je suis 1073e après 24h33 de course. Le classement est quasi inchangé. Je me sens encore pas trop mal et la perspective de rallier Champex à court/moyen terme me réjouit. Parce qu'il ne me restera qu'une dernière nuit avant le rêve de toute une année...

 

Après un repos d'un peu plus de 10minutes, mon acolyte et moi-même reprenons la route vers Praz de Fort, dernier morceau de cette descente de 18 bornes. Nous débutons par une bonne marche puis bientôt nous essayons de courir en se relançant chacun notre tour. C'est finalement assez efficace. Il est très probable que seul, je serais en train de marcher. Mais on est toujours plus fort en groupe. En tout cas, c'est mon avis. Nous avançons à un rythme très raisonnable et doublons pas mal de personnes. Cela nous réjouit. Nous marchons, nous courons, nous discutons de tout et de rien. On partage autant avec un proche car on est tous les deux « en galère ». « Ni une, ni deux », on se retrouve à Praz de Fort, charmant petit bout de commune à travers la Suisse. Le bitume nous fait un peu mal, mon collègue semble souffrir pas mal sur cette surface à cause des nombreuses ampoules. Mais il tient à garder le cap. Après un dernier petit effort, nous achevons ces derniers mètres de descentes et de route. Nous sortons tous les deux notre frontale. La nuit commence tout doucement à montrer le bout de son nez. Inutile de prendre des risques. Désormais et c'est un soulagement, place à la montée vers Champex-Lac.




Après avoir été rejoint par un petit groupe, nous débutons notre ascension vers Champex-Lac, 3e base de vie de cette UTMB où j'ai prévu un arrêt de plus ou moins 1h, histoire de recharger les batteries avant la nuit.  Moins de 500m de dénivelé positif sont prévus sur cette montée de 5 kms. Rien d'insurmontable au regard des cols déjà passés. Mais la fatigue est présente. Il s'agit pour tout le monde de rester concentrer la nuit tombante. Sur ce terrain pas très technique, nous emboitons le pas de coureurs montant à un train raisonnable. Pas du 5/kmh mais presque. Nous ne courons plus sur les parties plates cependant. Il semble désormais que cela soit impossible pour nos corps usés. J'attends de meilleurs moments car je sais que je n'ai pas encore utilisé toutes les cartouches. A moi de courir au bon moment, avec ce qu'il me reste dans les jambes. En attendant je souhaite rejoindre Champex en un seul morceau et si possible, aux alentours de 22h maximum. Pour être à l'heure au regard de mon plan sur 43H.

 

Finalement, après une bonne montée, nous rejoignons Champex-Lac à 21h22', après 27h50'27'' de course. Je suis désormais 997e. Ce qui n'est qu'une demi surprise. Et même si le classement, je m'en moque le plus sincèrement du monde, c'est tout de même un signe positif que de passer sous la barre des 1000. Mon compère et moi nous nous félicitons l'un l'autre d'être parvenus à Champex. Nous nous séparons d'un commun accord, il souhaite reprendre la route rapidement, alors que je veux prendre mon temps. On se souhaite bonne chance.

 

Cet arrêt est une nouvelle bénédiction. Mon équipe est une nouvelle fois aux petits soins. Ma compagne me donne des vêtements propres, chaussettes, crème NOK, elle me masse les jambes (avec son statut de kiné, on est pas loin du Nirvana...), je mange des pâtes, j'essaie également de fermer les yeux quelques instants sans trop de succès. Après 40' de repos et la pose d'un strapping sur ma cheville droite (la torsion en descente du Col du Bonhomme amène une réelle instabilité), je décide de reprendre la route. J'avais prévu d'arriver à 22h, finalement, c'est l'heure à laquelle je quitte cette base de vie. Je suis très satisfait même si je perds quelques minutes. Il fait plus froid que prévu donc je rajoute une couche de vêtements. Toute ma famille m'accompagne un bon kilomètre pour me parler et faire des photos. Tout le monde m'encourage, mon frère notamment qui insiste.

 

Mon oncle et ma tante sont d'une gentillesse implacable et n'arriverais pas à me « gueuler » dessus, mes parents même chose et ma compagne, elle me pousserais mais n'accepterais pas que je continue quoi qu'il arrive. Mon frère, je voulais qu'il vienne car je sais qu'il ne compatirais pas avec mes bobos. Sur tous mes ultras, il a toujours été là pour me dire : « Tu te bouges, tu la boucles, et t'avances ». Il ne montre pas d'empathie et c'est ce que je lui demande avant chaque ultra. « Si je commence à montrer des signes d'abandon, tu me remontres les bretelles ». Sur un ultra dans les Ardennes, mon premier ultra, il avait été sans pitié lorsque j'étais arrivé en piteux état au km50, ne sachant plus trop parler ni articuler : « Tu remplis ton sac, tu t'étires et tu te bouges le cul. Tu t'es entraîné pour aller au bout, alors tu y vas » ! C'est radical mais j'en ai besoin.

 

Mais ce n'est pas utile aujourd'hui. Depuis ma « résurrection » en fin de nuit dernière, je sais que j'irais au bout. Et mon moral tient bon. Pour moi, la deuxième nuit n'est pas le signe d'une souffrance. Mais d'une dernière étape avant la « consécration ». Je l'aborde donc en toute sérénité et ça, ça change absolument tout. Je suis remonté comme une pendule à l'heure d'aborder cette première montée vers Bovine. Rien ne m'arrêtera, c'est ma conviction la plus profonde.

 



Champex-Lac ---> Bovine : 9,9 kms / +751 / - 246

Cumul : 132,3 kms / +7658 / -6723

 

 

En route pour la dernière nuit ! Le début du tracé vers Bovine est long et pas forcément intéressant. En fait il se résume à une longue partie plate de plus ou moins 2,5 kms. On marche tous cependant même si le peloton s'est largement étiré et que nous ne sommes plus aussi nombreux que lors de la première nuit. En regardant le dénivelé et la distance, je ne comprenais pas le problème avec Bovine. Beaucoup de récits faisaient référence à cette montée où il ne faut pas regarder en l'air sous peine de voir les frontales tout en haut, très haut et trop haut. Et après ces 2,5 bornes de plats, je comprends que ce rapport dénivelé/distance est faussé. On entame donc notre montée, assez technique par moments avec des ruisseaux large où il faut jongler sur les bouts de roches qui dépassent. Personnellement, je me sens bien même si la pente est raide par moments. Et effectivement, regarder les frontales, en haut et au loin est assez décourageant mais ce n'est pas grave me dis-je. Pour moi, cette montée, c'est l'avant dernière avant le Graal. Je ne compte pas la tête aux vents car c'est la dernière et je sais que je vais la savourer et que l'euphorie d'une possible arrivée sera déjà en train de me guetter. Toujours se rassurer, encore et toujours.

Après une montée d'un peu plus de 2h30, je rejoins le sommet. Je rejoins la Giete à 1h07' du matin, je suis 923e après 31h35'22'' de course. Je suis en forme et content d'en avoir terminé cette montée. Place désormais à la descente de nuit vers Trient, 3e base de vie. Le fait d'avoir 3 bases de vie la seconde nuit est d'ailleurs une excellente idée et une bonne opportunité de se ressourcer pour les coureurs de niveau « classique » comme moi. Voir la famille est également toujours important.

 

Bovine ---> Trient : 6,6 kms / +144 / - 811

Cumul : 138,9 kms / +7802 / -7534

 

Nouvelle descente vers Trient cette fois-ci. Et la conclusion est rapide sur ce tracé : les kikoureurs avaient raison. Le terrain est assez technique : cailloux, racines, rochers. C'est donc avec beaucoup de vigilance que je descends, déjà très prudent par nature dans cette exercice. Celle-ci est donc longue et périlleuse pour moi sachant que les piles de ma frontale s'affaiblissent à vue d'oeil. Flemmard, je ne veux enlever mon sac une nouvelle fois et aller chercher la 2e fontale au fond de toutes mes affaires. J'accède donc à ma pochette et remplace les piles de ma frontale une à une. Me trouvant dans la totale obscurité pendant quelques secondes. Une belle idée de mer..Mais quand on a pas dormi depuis plus de 30h, le cerveau ne fonctionne plus correctement. On a tendance à perdre en lucidité, c'est clairement le cas sur cet épisode.

Après mon arrêt, je reprends la route avec l'objectif de ne plus m'arrêter avant Trient. En reprenant un rythme correct, je rattrape et double le petit groupe qui m'avait doublé quelques minutes plus tôt. Je me sens pas si mal même si la fatigue devient réelle. Les cuisses souffrent désormais en descente mais c'est toujours largement supportable. Après quelques parties plus plates et une nouvelle relance de ma part, j'atteins Trient.

 

Il est 2h22' du matin, je suis 923e (encore!) après 32h51'18'' de course. Selon mon plan de 43h, je devais arriver à 3h10'. Je suis dans les temps, tout va bien. En fait, les barrières horaires, il y a longtemps qu'elle ne m'inquiète plus. J'en suis franchement heureux !

 

Trient ---> Catogne : 5 kms / +816 / - 85

Cumul : 143,9 kms / +8618 / -7619

 

 

Après 30 minutes de pause où je n'ai une nouvelle fois pas réussi à fermer les yeux, je reprends la route. Être fatigué mais ne pas réussir à dormir, ça sent mauvais pour la suite. J'aurais aimé dormir, même un quart d'heure. Mais bon, c'est que je peux encore rester éveiller me dis-je.

 

La montée vers Catogne est l'image de Bovine, raide, longue et difficile compte tenu de nos états physiques dégradés à ce moment de la course. Je commence doucement la montée et rapidement, je me rends compte que je suis en train de m'endormir. Je peine vraiment à avancer, je m'arrête très régulièrement pour poser ma tête sur mes bâtons, des micro-siestes de 10 secondes,  15 secondes. Je pense même à un moment donné m’asseoir sur un rocher mais la forte présence d’araignées (je flippe..) m'en dissuade rapidement. J'avance donc de manière très irrégulière et très lente. Je suis au bout du rouleau. La personne devant moi ne semble pas au mieux non plus. Nous en venons à discuter, le pauvre n'a plus d'eau. Je lui propose de se servir dans mon camel-bag, ce qui l'accepte volontiers. On sympathise rapidement et décidons d'avancer ensemble. Nous avons tous les deux besoin de compagnie et cela se sent. On discute et forcément, je pense moins à dormir. L'ascension reste cependant assez longue et difficile et il fait assez froid malgré plusieurs couches de vêtements.

 

Il est 4h42' du matin lorsque nous atteignions Catogne. Nous pointons, je suis 910e après 35h10'33'' de course. Un feu a été réalisé par les bénévoles, c'est une bénédiction. Je me réchauffe quelques instants pendant que collègue profite pour remplir ses bidons. Malheureusement, j'ai de nouveau une très forte envie de dormir. Je me dis que je ferais ça à Vallorine avant la dernière montée/descente.

 

Catogne ---> Vallorcine : 5,3 kms / +33 / - 797

Cumul : 149,2 kms / +8651 / -8416

 

La descente vers Vallorcine ? Un calvaire...Longue, raide, technique, tout ce que les mauvais descendeurs comme moi détestent. J'ai l'impression de revivre la descente vers Trient, mais avec un état de fatigue beaucoup plus avancée, une lucidité en berne et une vue qui diminue. En fait, je peine réellement à garder mes yeux ouverts. Sur un terrain aussi difficile, cela est très risqué. J'essaie tout de même de suivre mon compère et les deux-trois coureurs qui ont rejoint notre petit groupe. Histoire de ne pas descendre seul.

 

Je préviens d'ailleurs mon acolyte que je m'endors progressivement. Il est extrêmement compréhensif et me parle très régulièrement tout en menant la descente. Je le suis donc au pas près. Ma cheville instable me cause quelques frayeurs, j'ai clairement perdu en stabilité. Mais le pire arrive...

 

Place aux hallucinations. Cette fois-ci, c'est bon, je deviens définitivement fou. J'avais lu ça sur tous les récits, la tête qui part en c.....Des coureurs ont vu (dans les récits que j'ai lu) : des dragons, des manèges, des monstres... Moi je ne fais pas dans le classique non plus : des portes de garage se dressent devant moi comme pour me bloquer. Ca dure un petit moment avant que ce ne soit des chiffres et des lettres qui sortent des pierres et rochers au sol. Je deviens totalement barge mais je m'accroche aux pas de mon collègue. C'est hyper difficile mais il faut rallier Vallorcine pour dormir à ce moment là. Ne pas se laisser décrocher. Après avoir résisté, la récompense. On aperçoit enfin la fin, le bruit du speaker à la base de vie et toute mon équipe de soutien présente. Ils sont là, à 6h du matin en forme pour m'encourager. Je suis tellement heureux qu'ils soient là, je ne pourrais jamais les remercier d'autant de soutiens !

 

A 6h19' du matin et en 917e position, nous rallions enfin Vallorcine ! Enfin c'est vraiment le mot !! Car cette fin de 2e nuit blanche a été très difficile. Moi qui n'avait jamais fait ne serait-ce qu'une seule nuit en courant...Après 36h46'49'', nous sommes donc à la dernière base de vie. A peine rentré dans la base, j'aperçois me femme. Pas beaucoup d'échanges, je l'informe que je vais dormir immédiatement. Je n'en peux plus. Je veux un lit !!!!

 

Vallorcine ---> Col des Montets ---> Tête aux vents : 7,7 kms / + 857 / - 0

Cumul : 156,9 kms / +9508 / -8416

 

 

 

Après un bon moins de 20 minutes de sommeil, ma femme vient me réveiller. Je me suis endormi à la vitesse de l'éclair. J'ai l'impression d'avoir dormi 2h lorsque je me réveille. C'est bon signe. Je parviens à m'extirper du lit très facilement, je n'ai pas plus de douleurs qu'avant mon repos. Je suis très content. Je décide ainsi de rejoindre la ravito pour prendre un bon café, un ou deux trucs à manger pour me poser. Je discute avec tous mes proches, je les rassure. Tout va très bien. Des bobos par-ci par là mais comme tout le monde à ce moment de la course j'ai envie de dire. Je jette un œil au profil de cette dernière montée/descente avant l'arrivée à Chamonix. Ca s'annonce difficile mais j'ai hâte d'y être en réalité. J'en suis sur, je vais savourer ces derniers efforts avant la libération. Mon collègue de Catogne se repose un peu et nous décidons de repartir ensemble pour les dernières péripéties du week-end. Mes proches m'encouragent une dernière fois, ma femme me dit qu'elle est fière de moi, mon frère me dit tout simplement : « Ne lâches pas maintenant ». Qu'il se rassure, ce n'est pas mon intention. Je suis gonflé à bloc pour finir l'aventure.

 

Nous reprenons donc la route avec Christophe et nous discutons tour à tour de nos parcours respectifs pour en arriver là. C'est toujours intéressant d'échanger et de prendre des conseils de coureurs expérimentés. Nous parlons, parlons jusqu'à ce qu'un pointeur ne vienne nous pointer. « Pourquoi n'attendez vous pas que l'on vienne jusqu'à vous ». Sa réponse ? Sidérante : « Des coureurs ont coupé et ont pris leurs voitures pour aller plus haut et arriver plus vite ». Je ne ferais pas de commentaires là-dessus. Je trouve cela tellement affligeant que les mots me manquent.

Nous débutons enfin notre ascension. Et à l'image de la nuit, ce n'est pas une partie de franche rigolade. C'est raide, long voir très long et assez technique par moments. En fait, ce sont par moments de gros blocs de rochers qui barrent votre route. J'ai par moments l'impression de grimper des escaliers 4 marches à la fois. Les jambes commencent à avoir du mal à monter, mon adducteur droit commence à légèrement siffler. C'est très dur et éprouvant physiquement. Et à l'image du Col de Seigne de la première nuit, on a l'impression de ne jamais en voir le bout. Dès qu'on passe un petit sommet, on en voit un autre un peu plus haut. Les coureurs sont loin, très loin et je me dis que si j'avais du monter ça de nuit, cela aurait été très compliqué. J'essaie tout de même de garder le sourire mais les forces commencent à manquer. J'interpelle Christophe qui me lâche progressivement. Je lui demande de poursuivre seul car je ne suis pas capable de tenir son rythme. Je fatigue trop en le suivant, je n'ai pas trop le temps de prendre des photos et de profiter finalement. Je le remercie vivement pour son soutien de la nuit, il me rend la pareille avant de reprendre sa route pendant que je me pose quelques secondes sur un rocher. Je m'arrête un bon 5 minutes et prend le temps de lire quelques textos reçus pendant les dernières 40h. C'est une vrai bouée de sauvetage de sentir autant de soutiens. Je savais que je recevrais quelques textos mais là ca dépasse tout entendement. Famille, amis, collègues de boulot. Tout le monde a pris quelques secondes pour envoyer des encouragements. C'est juste incroyable. Même à 3h du matin. Le suivi live trail sur facebook a également tourné à plein régime mais ça je m'en rendrais compte 2 jours plus tard.

 

En tout cas, je suis motivé, encore et toujours pour achever cette grimpette. J'atteins la Tête aux vents à 9h43 pour 10h11' prévu sur mon plan de 43h. Tout est Ok, je 972e. J'ai perdu du temps mais si on ne s'arrête pas là pour profiter, prendre des souvenirs, on ne s'arrête jamais. Je suis content d'avoir gardé cette lucidité de me dire : « Tu y es depuis 40h mais profites tout de même ». Le sommet de la tête aux vents, baignés par le soleil, au dessus de la mer de nuages, ca restera gravé à jamais.



 

Tête aux vents ---> La Flégère---> CHAMONIX : 10,8 kms / + 110 / - 1202

Cumul : 167,7 kms / +9618 / -9618

 

La montée, c'est terminée !!! Je suis heureux mais je déchante rapidement quand je vois le début de la descente. C'est très technique. On rencontre simplement les mêmes roches qu'en montée, avec également un peu de bout ce qui n'est pas évident pour les appuis. D'ailleurs, je tombe une bonne fois mais fort heureusement, sans me faire mal. Un coureur prends de mes nouvelles mais tout va bien, c'est sympa. L'esprit trail encore et toujours. Mais je rame tout de même, c'est très difficile. Je sens qu'il ne me reste plus grand chose dans les jambes. Chaque appui est une souffrance dans cette descente. Heureusement, il fait jour ! Car cette descente de nuit doit être un véritable enfer !!

 

Je rejoins enfin la Flégère, il est 10h50'. Plus d'1 heure pour faire 3,6kms de descente, c'est assez clair. J'ai été très lent dans cette descente mais qu'importe. Je suis à la Flégère, dernier ravitaillement avant l'arrivée et j'ai bien l'intention d'en profiter. Je bois un coup et je m'assois. Un bénévole aperçu aux Chapieux m'interpelle par rapport à ma pastille sur le sommeil. C'est un gars du Nord-Pas-de-Calais ! Très sympa, on parle quelques instants, on échange sur ma fatigue et sur mes hallucinations pour son étude. J'accepte également de remplir son test d'1 minutes : faire des figures géométriques par rapport aux chiffres du dessus et de leurs formes respectives. Avec 20 minutes de sommeil en 2 jours, c'est très compliqué. Avant l'épreuve, j'avais remplis 3 lignes. Là ? Même pas 2...C'est dire l'état de fatigue ! Mais on rigole tous et c'est le principal. Mais avant de partir le bénévole m'interpelle et me lance un objectif : « Mon gars, tu étais 992e en arrivant, bouges toi pour être en dessous des 1000 me balance-t-il hilare ». Comme un con, je tombes dans son jeu:-)

 

Je commence à courir en sortant du ravito et croise mon collègue de La Fouly qui souffre des pieds. Je lui propose de finir ensemble mais après seulement quelques mètres, il me demande de le lâcher. Il n'en peut plus. J'avance donc en courant mais après un kilomètre, je me dis que ca ne vaut pas le coup de se faire mal.. Je prends le temps de me changer, de rallumer la Gopro, de faire des photos. L'odeur de l'arrivée est hyper présente et je suis déjà euphorique à l'idée d'y être. J'imagine quelle célébration je pourrais faire mais je décide de laisser ça au feeling. Vivre et profiter, c'est le principal. J'ai cependant quelques larmes qui coulent en pensant à la fin de l'épreuve et à tous les sacrifices de ces dernières semaines. Les moments difficiles de la course aussi mais tout le bonheur que cela me procure. Je sèche ça rapidement.

 

Je reprends un léger footing car le terrain est propice à la course, des petits cailloux toujours mais en faux plats descendant et sur un chemin large. Je peux courir, je n'ai plus mal, j'ai l'impression de faire mon footing du dimanche matin. C'est assez incroyable. Mais j'en profite et j'avance. A contre sens, les randonneurs commencent déjà à nous féliciter. On sent qu'ils sont contents pour nous. Ce n'est pas des encouragements balancés en l'air pour la forme. Sûrement des personnes du coin qui connaissent l'importance de l'UTMB pour les traileurs. On m'annonce encore 3 à 4 virages pour arriver dans la ville, j'appelle mon frère pour l'informer de mon arrivée prochaine. Je raccroche et j'aperçois un petit panneau « Chamonix, 25 minutes ». Ca doit être de très longs virages...En fait, en un peu moins de 10 minutes, je rejoins la route, direction le centre de Chamonix pour l'arrivée.

 

Mon frère est là, il filme, tout est génial. J'essaie d'en profiter un maximum et de prendre un maximum de souvenirs. Les gens nous congratulent, j'aperçois des restos, des bâtiments, des boutiques aperçus 2 à 3 jours plus tôt. Tout est magnifique, le soleil est radieux. Je continue ma progression, toujours en courant, mon père nous rejoint, j'avance encore. Je rejoins la route qui nous a permis de démarrer l'aventure il y a à peine deux jours mais cette fois-ci à contre sens. Je vois le virage avant les derniers 100 mètres sous l'arche. Mon frère et mon père s'écartent d'eux même pour me laisser vivre ça. Pour eux, c'était mon moment.


 


Je fais ce dernier 100m en gardant ma petite foulée, les gens me tendent leurs mains pour une petite tape. C'est génial, j'ai l'impression d'être un héros, éphémère mais héros quand même. C'est finalement comme ça que je franchis la ligne d'arrivée. En tapant dans les mains à ma gauche, puis bâtons en l'air.

 



Ca y est, il est 12h23 ce dimanche 31 août 2014. Après 42h51'49'', je suis FINSHER de l'UTMB !


 


Et après ?

 

Je suis heureux comme jamais, me femme me sert dans ses bras tout en pleurant. Même chose pour ma mère. Mon père, mon frère et mon oncle ne pleurent pas mais me serrent également très fort. Ils sont heureux pour moi. C'est un instant tout simplement magique.

Je quitte la ligne d'arrivée pour récupérer ma polaire et faire une photo devant le panneau finisher avec l'image officiel en fond. Je me mets à terre les bras en l'air, je suis fier de moi. 9 mois d'attente et de sacrifices pour ce moment, je savoure.



 

Après avoir échangé avec toute ma famille, je refais une photo devant le panneau mais avec ma polaire cette fois-ci.  Après une nouvelle demi-heure, de repos cette fois-ci avec un bon rafraîchissement à la main, nous décidons de reprendre la route vers notre chalet à St Gervais. L'UTMB 2014 est terminé pour moi, l'aventure fut magnifique. Vivement la prochaine !!!

11 commentaires

Commentaire de Renard Luxo posté le 12-09-2014 à 21:20:04

A mon tour de commenter ... Non di dju, j'avais dit que je ne craquerais plus, mais tu m'a mis la petite larmichette avec ton récit ! Bravo et chapeau Loïc, ton abnégation soulèvera encore beaucoup de montagnes ... (et chuuuuut, la "Diagonale", elle ne perd rien pour attendre !)

Commentaire de ddfutmb posté le 13-09-2014 à 10:05:30

Merci beaucoup, je n'ai pas craqué et c'est vrai que j'en suis content. Quand on est au plus mal, c'est sur qu'il faut essayer d'attendre des meilleurs moments! La Diagonale, effectivement, on aura sa peau un jour!!!

Commentaire de Mokiloque posté le 13-09-2014 à 11:08:48

Super ton récit ! J'ai commencé à courir en 2012 avec un objectif UTMB d'ici 2016 (CCC 2015 si tout va bien) alors forcément ça fait rêver !

Tu peux être fier de toi, c'est une super course et tu m'as mis les larmes au yeux à moi aussi.

Encore BRAVO !

Commentaire de ddfutmb posté le 13-09-2014 à 12:29:58

Merci. Tout est possible, j'espère que tu auras la même chance que moi au tirage. C'est une super aventure et encore deux semaines plus tard, j'y pense sans arrêt. C'était incroyable. N'hésite pas à te lancer. Bon courage pour la suite.

Commentaire de c2 posté le 13-09-2014 à 17:32:28

Bravo pour ce récit d'une longueur à la mesure de l'épreuve. Beau rendu des différents états d'esprit par lesquels tu es passé au fil des heures, bien et moins bien.

Belles préparation et gestion de l'intendance ne laissant rien à l'improvisation compensant tes éventuelles petites inquiétudes du saut dans l'inconnu.

Puisque que tu les as tous lus, puissent mes 3 récits de cette épreuve t'avoir apporté un petit quelque chose.

Commentaire de ddfutmb posté le 13-09-2014 à 19:40:13

Merci, effectivement, tous les récits m'ont été utiles. Que ce soit des tops coureurs ou des coureurs de mon niveau, il y avait toujours quelque chose à retirer. Même des gens qui n'ont pas fini l'aventure. Et surtout de ces récits là j'ai envie de dire.
J'ai fait au mieux en préparation physique, mentale et logistique. Mais je suis contient d'être passé une "belle porte". Si Courmayeur est 15 kms plus tôt, l'aventure s'arrête peut-être là...

Commentaire de Marielle13 posté le 14-09-2014 à 07:21:17

bravo c' est génial :-)

Commentaire de ddfutmb posté le 14-09-2014 à 11:03:34

Merci :-)

Commentaire de Natou posté le 16-09-2014 à 09:57:15

Un grand grand bravo à toi pour avoir mené à bien cette magnifique aventure !!
Un très beau récit où l'on peut revivre chaque instant de cette course.
Cela m'a fait remonter le temps d'une année :D
Savoures, récupères bien et continues à te faire plaisir !

Commentaire de ddfutmb posté le 18-09-2014 à 10:54:41

Merci beaucoup. J'en profite tous les jours, en me replongeant dans mes souvenirs et en regardant mes photos. Ca va durer un petit moment je pense :-)

Commentaire de eddievedder posté le 20-04-2015 à 16:04:06

Quelle aventure ! Quelle(s) émotion(s) et quel mental ! Bravo !!!

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