Récit de la course : Ultra Trail du Mont Blanc 2007, par Pat78
273 autres récits :
- Les récits de 2023 (3)
- Les récits de 2022 (4)
- Les récits de 2021 (7)
- Les récits de 2019 (12)
- Les récits de 2018 (6)
- Les récits de 2017 (13)
- Les récits de 2016 (8)
- Les récits de 2015 (10)
- Les récits de 2014 (15)
- Les récits de 2013 (19)
- Les récits de 2012 (7)
- Les récits de 2011 (15)
- Les récits de 2010 (6)
- Les récits de 2009 (21)
- Les récits de 2008 (27)
- Les récits de 2007 (36)
- Les récits de 2006 (37)
- Les récits de 2005 (15)
- Les récits de 2004 (5)
- Les récits de 2003 (7)
Et c'est reparti pour un TOUR !...
Jour J
12h30, nous filons récupérer nos dossards et satisfaire aux formalités du premier contrôle. Pas de bousculade et de la bonne humeur chez les bénévoles, les choses commencent bien. Nous allons déjeuner vers 14h à la Pasta-Party sous la tente de l’organisation puis nous allons faire nos sacs.Les gestes sont presque routiniers. Avec Nathalie et Philippe, c’est la 4éme fois consécutive que nous faisons l’UTMB ensemble.Après avoir déposé les sacs pour les bases vie, nous allons vers le départ.Des bouffées de stress nous étreignent petit à petit. Rien d’étonnant le morceau va être gros à avaler ! Et on peut dire qu’on doit être plus de 2300 à avoir des manifestations diverses de stress…Plus on se rapproche, plus il y a du monde. Sur la place du départ, c’est déjà la foule des traileurs et des spectateurs et l’ambiance est déjà bien amorcée.Nous prenons place devant la masse des coureurs en première ligne. Il nous reste une heure avant le coup d’envoi. Nous retrouvons le frangin JB et Alex, ils sont assis par terre pour économiser leurs jambes. L’heure qui nous sépare du départ sera occupée à essayer de conserver notre place devant. Après trois éditions, on sait trop ce qu’il en coûte de prendre un mauvais départ au fin fond de la masse des coureurs. L’organisation s’échine à vouloir faire reculer de 15m les 2300 traileurs agglutinés derrière la ligne de départ pour des besoins de sponsoring. Mission impossible, à peine 3 mètres concédés au bout d’une demi-heure ! Ensuite, on fait de l’animation pour la future vidéo, holà, levés de bâtons, cris de traileurs, tout y passe. Puis c’est le discours du Maire de Chamonix. Une heure de sono à fond dans les oreilles, ça épuise !Le maire de St Gervais n’est pas là. Dommage car nous nous préparions à le huer copieusement pour le remercier d’obliger 2300 traileurs à se détourner et à dégringoler de 1200m d’altitude sur un terrain et une route hyper pentus pour satisfaire une envie de voir passer la course au cœur de la ville plutôt qu’au col de Voza.Nous sommes tous les 6 presque ensemble, Cyril, JB et moi devant. Nathalie, Philippe et Alex un peu en retrait. CHAMONIX (18h34) 1035 m – Les HOUCHES (19h25) 1012 m -Col de VOZA (20h21) 1653 m
Distance 13,3 Distance cumulée 13,3
Dénivelée + 867 Dénivelée + cumulée 867
Dénivelée - 172 Dénivelée – cumulée 172
Temps 1h47 Temps cumulé 1h47
Places - Classement 679
18h34, sur un fond de musique discrète de « Conquest of the Paradise », enfin on nous libère d’un simple geste. C’est parti comme d’habitude sur des bases folles, comme sur une course de 10 km. A peine quelques mètres de large laissés par la foule pour nous permettre le passage. On ressent un énorme enthousiasme et une grande admiration. On court au milieu des vivats, des Bravos, des applaudissements et des encouragements de toutes sortes. Je reconnais Sherpa, Jacqueraud et Delebarre qui courent à mes cotés. Pas pour longtemps, ils s’éloignent déjà.Cyril me double, JB aussi, bientôt c’est Philippe et Nathalie que je vois passer. Ce n’est pas grave, j’essaie de ne pas oublier que compte tenu de mon genou opéré, usé et mal remis, je m’étais promis de ne pas trop courir et de faire cette édition tranquille avec le simple objectif de finir en moins de 40h.Soudain, je ressens des douleurs fortes au niveau des deux tibias comme l’an passé mais bien plus intense. Je suis contraint de marcher mais la douleur est encore pire. Pourtant difficile d’accepter de ralentir, les coureurs me passent de toutes parts par vagues compactes. J’essaie d’alterner course et marche mais je n’ai aucun soulagement, c’est un vrai début de course galère totalement imprévu. C’est à hurler, mais que faire ? J’essaie de masser le devant de mes jambes en marchant, sans résultat. J’essaie de l’oublier.J’arrive aux rochers d’escalade Gaillands, on entre dans la forêt. Dans ces premiers km, j’ai tellement été dépassé que j’ai la sensation d’être passé de la première place à presque la dernière. Ca m’énerve ! Mais je me dis que la route est encore longue. Comme on le disait avec Cyril avant le départ, rien ne sert d’établir une stratégie de course, soit on n’arrive pas à la respecter, soit le destin vous a préparé une surprise ! Dans la forêt, au-dessus de laquelle virevolte l’hélicoptère qui fait des images de la course, quelques premières montées se chargent de calmer le jeu et la masse commence à marcher et ça bouchonne un peu. Celà me permet de recoller et de regagner quelques places en passant sur les cotés. De plus en plus, j’arrive à alterner course et marche. Je m’inquiète et me retourne pour voir s’il reste encore du monde et je suis toujours étonné de voir une grosse foule de concurrents derrière moi. Les Houches, que de monde ! Quelle ferveur, que de mains d’enfants tendues à taper !Ca va mieux, la douleur s’estompe. Je passe devant le ravito, c’est déjà la cohue. Comment peut-on avoir envie de ravitailler au bout de 50 minutes ? J’arrive à l’église des Houches dans le même temps que l’an passé, mais ça ne me console pas puisque devant ça « flingue » toujours. J’essaie d’enlever mes bâtons accrochés à mon sac mais je n’ai pas les bras assez élastiques, un concurrent me propose de me les détacher à charge de revanche. A peine le temps de les régler à la bonne taille que déjà les premières rampes de Voza sont là. J’ai l’impression d’être au moins 1800ème. J’en suis toujours énervé et dés le début de l’ascension j’attaque franchement pour vérifier aussi l’état de forme en montée. En principe ces premières sensations donnent une indication fiable sur la façon dont devraient se dérouler les prochaines heures. Visiblement pas de souci à se faire, je supporte parfaitement un rythme élevé ce qui me permet de doubler des grappes entières. Après les douleurs du départ, la situation s’inverse et arrivent les bonnes sensations dans la montée. Ouf !Et comme d’habitude à cet endroit, les superbes vues du coucher de soleil sur le massif du Mont Blanc, qui semble à portée de main, procurent un peu d’apaisement. Quelques traileurs prennent le temps de s’arrêter pour faire des photos.Mon moral va mieux, je suis sur mon terrain. Pour un parisien, c’est paradoxal !Au début je compte ceux que je dépasse pour me motiver mais finalement ça me lasse. Il y a toujours des spectateurs qui nous supportent. Arrive le col de Voza, pas de ravito cette année et on continue de grimper.Un coup d’œil sur le chrono et je constate que je passe dans le même temps que l’an dernier au même endroit. Et dire que je suis le dernier de notre groupe de 6 !Je pense à Cyril, pourvu qu’il n’aille pas se griller trop vite et trop tôt. Col de Voza (20h21) 1653m – la Charme (20h37) 1800m – Saint Gervais (21h25) 807 m
Distance 6,8 Distance cumulée 20,1
Dénivelée + 141 Dénivelée + cumulée 936
Dénivelée - 998 Dénivelée – cumulée 1170
Temps 1h04 Temps cumulé 2h51
Places 112 perdues Classement 767
Un quart d’heure plus tard j’atteins la Charme, nouveau sommet de cet UTMB, et c’est la dégringolade sur Saint Gervais. 5,5km à presque 22% de moyenne. La plus difficile descente de l’UTMB 2007 seulement pour faire plaisir à Mr le Maire !Impossible de ne pas courir, mais en retenant les chevaux ! Dur, très dur pour les cuisses et les genoux. On nous avait prévenu dans le Road book, elle est costaud ! Certains passages doivent dépasser les 30% et dans l’herbe en plus !Il s’agit en fait d’une piste rouge. Je finis par en venir à bout, mais je n’ai pas été le plus brillant et j’y ai laissé quelques places. Coût d’une prudence excessive ?Il aura fallu sortir les lampes des sacs dans la descente car la nuit, comme certains traileurs, est tombée. Et c’est à la lumière des frontales que l’on entre dans Saint Gervais en liesse. C’est peu dire. Les années passées la plus grosse ambiance était pour les Contamines, mais cette année je crois que Saint Gervais a la palme d’or. D’autant qu’on nous fait tourner dans la ville et qu’on y voit beaucoup de monde. Cet accueil efface un peu ma rancœur contre le Maire. J’ai l’occasion d’apercevoir Steph furtivement. Pas le temps de lui demander des nouvelles des autres. Saint Gervais (21h25) 807 m – Les Contamines (22h52) 1160 m
Distance 9,9 Distance cumulée 30
Dénivelée + 521 Dénivelée + cumulée 1463
Dénivelée - 168 Dénivelée – cumulée 1338
Temps 1h27 Temps cumulé 4h18
Places 231 gagnées Classement 546
Ravito, je remplis d’eau mon bidon et je file. Passage obligé sur une passerelle très raide, montée pour l’occasion pour passer par-dessus la route.Sortie de la ville et on suit le val Montjoie sur un sentier étroit où il devient parfois difficile de doubler. Je suis bien, j’alterne course et marche au même rythme que mes compagnons de route. Je trouve que pour des gars qui sont au fond du classement ils courent vachement bien et que l’allure est rapide. Je comprends pourquoi au bout de 3h30. En arrivant pas loin des Contamines, un spectateur m’annonce 568ème à environ 1h30 du premier. Surpris je lui demande s’il est sûr ?« - Je sais compter ! » Après réflexion, je le crois !Moi qui pensais qu’après avoir été vers la 1800ème place, j’avais rattrapé environ 200 concurrents en soutenant un rythme élevé. Finalement je me rends compte que j’ai paniqué et que je n’étais pas si loin que çà ! Vais-je payer ma débauche d’énergie inutile ?Du coup, je sens que mon humeur vire du gris au rose.Sur ma lancée, je continue le forcing, les Contamines ne doivent plus être très loin. Difficile de savoir puisque je ne connais pas ce nouveau parcours qui nous y mène.Et c’est avec surprise que je reconnais bientôt le sentier qui abandonne le torrent du Nant-Borrant et qui monte dans le centre des Conta. Je regarde mon chrono, 4h18. J’aperçois Steph et sa copine. Je lui demande qui est devant moi et à combien ?Elle me répond :« - Mon père et Cyril…. »Mais je n’entends pas l’écart qui nous sépare.Qu’importe après le ravito, où j’avale ma première soupe, j’appelle mon PC course perso et Marie-Pierre me fait le point.« -Tu vas trop vite ! tu as ¾ d’heure d’avance par rapport à tes meilleures prévisions !- Ouais, ouais ! Je suis bien et en plus je croyais être dans les derniers alors j’ai forcé. Où sont les autres ?-Tu es 540ème, Cyril, Nathalie et Philippe sont devant à 10 minutes dans les 400ème et JB est à 17 minutes dans les 300. Alex était derrière à 7 minutes à Saint Gervais. - Appelle Cyril et dit lui que je suis derrière et que s’il veut, si ça va trop vite, il peut m’attendre. »MP me garde en ligne et je l’entends appeler Cyril avec le portable.Cyril se sent bien et préfère continuer au même rythme. Depuis le début il évolue avec Philippe et Nathalie et le trio trace.Philippe dit qu’il s’attend à ce que je revienne dans le col du Bonhomme. Pour l’instant j’en doute, je dis à MP que je pense les rattraper dans la nuit ou demain matin.
Les Contamines (22h52) 1160m – ND de la Gorge 1210 m – La Balme (00h10) 1706 m
Distance 8 Distance cumulée 38
Dénivelée + 556 Dénivelée + cumulée 2019
Dénivelée - 10 Dénivelée – cumulée 1348
Temps 1h18 Temps cumulé 5h36
Places 121 gagnées Classement 425
Le chemin est plat entre les Contamines et la chapelle de Notre Dame de la Gorge, mais comme chaque année, j’en profite pour marcher et garder des forces pour la longue montée qui nous attend.Notre Dame de la Gorge, ambiance et derniers encouragements par ceux qui viennent jusqu’ici pour acclamer une ultime fois leur connaissance avant de les retrouver, demain, ailleurs sur le parcours en Italie ou en Suisse.Fini le plat, on réattaque dans le dur !Nouveau test pour cette nouvelle ascension difficile. Pas de souci, ça répond encore ! Alors je force à nouveau. Je suis trempé, j’ai froid. J’attrape ma veste sans manche sans m’arrêter et je l’enfile.Je passe le restaurant d’altitude du Nant-Borrant. Je rate comme d’habitude l’occasion de boire un peu de vin chaud que les fêtards nous proposent.J’aperçois la Balme, là haut, toute illuminée dans la montagne. Minuit dix, j’arrive à la Balme. Deux guirlandes de petites lumières bleues marquent les derniers mètres.Il faut que je ravitaille, mais impossible de dévisser le large bouchon de ma gourde. Un bénévole se précipite pour m’aider et essaie à son tour à s’en faire péter les veines des tempes, mais sans succès.On finit par l’ouvrir en pinçant les bords et en les décollant. Ouf !Je fais le plein et j’enfile ma Goretex car il fait très froid et je repars.J’attrape le sentier de montagne et commence l’ascension du Bonhomme.J’essaie bien d’appeler Marie-Pierre une derrière fois mais ça ne passe plus. La Balme (00h10) 1706 m – Col de la croix du Bonhomme (1h32) 2433 m
Distance 5,6 Distance cumulée 43.6
Dénivelée + 773 Dénivelée + cumulée 2792
Dénivelée - 46 Dénivelée – cumulée 1394
Temps 1h22 Temps cumulé 6h58
Places 95 gagnées Classement 330 Il y a des groupes difficiles à doubler. Je ne panique pas, j’en profite pour laisser redescendre les pulsations en temporisant quelques minutes derrière les derniers puis dés que je vois une ouverture, je gicle et je fais le forcing jusqu’au paquet suivant ou je recommence à nouveau le cycle : repos puis démarrage rapide.A ce rythme je monte assez vite. A un moment, juste avant de traverser un névé, je crois reconnaître le dos de Cyril devant moi …« - Cyril ? - Padré !- Super, je vais pouvoir ralentir et me reposer un peu !- En forme le père, tu vas nous faire un truc sur cet Utmb ?- Tu n’as pas froid, tu es encore en débardeur ? N’attends pas d’avoir froid sinon ce sera trop tard, tu devrais te couvrir. »Il doit faire presque zéro degré à cette altitude et à cette heure.Nathalie est derrière moi et Philippe, devant, mène le trio.A peine quelques secondes et déjà j’ai des fourmis dans les jambes, je décide de repartir. Je double Cyril et Philippe et je leur dis que je passe devant, qu’ils me suivent.Quelques coups d’œil à mon altimètre m’indiquent qu’on arrive bientôt au col. La petite cahute du col qui se détache dans la clarté de la lune me le confirme.On attaque le chemin qui mène au refuge de la Croix du Bonhomme.Soulagement, la pente s’adoucit même si le terrain reste difficile et risqué pour les chevilles des moins concentrés.Je m’aperçois que je n’ai pas été suivi par le trio. La route est encore longue et je pense que je les reverrai.Je croise quelques personnes du secours en montagne qui sont postés dans la « pampa » prêts à porter secours à des traileurs en difficultés. Malgré leur tenue de secouriste, ils n’ont pas l’air réchauffés. Je leur demande s’ils ne caillent pas trop. L’un d'eux me répond « Oh que si ! ».Arrive le refuge de la Croix du Bonhomme et son contrôle. Un bip au passage, un mot pour les bénévoles et je plonge dans la descente. Col de la croix du Bonhomme (1h 32) 2433 m – les Chapieux (2h18) 1549 m
Distance 5.3 Distance cumulée 48,9
Dénivelée + 0 Dénivelée + cumulée 2792
Dénivelée - 884 Dénivelée – cumulée 2278
Temps 0h46 Temps cumulé 7h44
Places 7 perdues Classement 337 900 m de dénivelée négative dont les 2,5 premiers km sont à prés de 20%. C’est quand même le meilleur moment ce début de descente car on en a soupé de la montée que l’on vient de se taper et on n’en a pas encore marre de la descente que l’on vient d’entreprendre. Bonne impression au début car je trouve le terrain ni gras ni glissant.Après un quart d’heure à descendre bon train, j’arrive sur un concurrent qui me dit quelque chose.« - JB ?- Qui c’est ?- Patrick ! Ca va ? »Je le double et il me répond :« - Je suis parti trop vite, j’ai décidé de ralentir ! - Moi je suis parti dernier des 6 et je suis tout étonné d’être déjà devant ! Accroche, on continue ensemble ! - Non, vas-y je fais ma course… »Je continue au même rythme malgré le gros pourcentage.Soudain sur ma gauche un gars a glissé dans le gras et a basculé dans une ravine au fond de laquelle coule le torrent sur des pierres plates noires et coupantes. Il n’a pas chuté et il fait des pas désespérés pour rester debout dans la pente et y parvient presque. Malheureusement pour lui il finit par tomber lourdement sur le coté, peut-être même sur la tête. Nous sommes plusieurs à ce moment. Tout le monde s’arrête et on lui demande si ça va ? Le gars répond qu’à priori ça va, pour l’instant rien de cassé. Quelle chance dans sa déveine !Plus tard, j’apprendrai qu’il s’agissait de l’organisateur himself et qu’en fait il s’est ouvert le bras et qu’il a du se faire poser quelques points plus tard.Cela aurait du m’obliger à me méfier, mais peut-être trop confiant, pas assez prudent et finalement pas assez concentré, je me retrouve une première fois par terre. J’ai glissé dans un bourbier que je n’ai pas vu assez vite et je suis couvert de boue depuis l’arrière des cuisses jusqu’au sac à dos. Les manches, les gants, la montre, les bâtons, tout est couvert d’une boue collante !A peine quelques minutes plus tard, je reprends une nouvelle gamelle. Celle là aurait pu avoir des conséquences plus tragiques car je suis tombé à plat dos sur mon bâton et ma main étant emprisonnée dans la sangle, mon bras a été violemment tiré en arrière à la limite de la rupture. J’ai ressenti une violente douleur dans le bras qui m’a immédiatement fait craindre une fracture. Mais je m’en tire avec une belle frayeur et un bâton salement tordu.A l’examen, je me rends compte qu’il est foutu et pas redressable. Pourvu qu’il me soutienne encore efficacement dans les descentes sans casser, jusqu’au bout ! Je me calme. Malgré tout, je réalise la meilleure descente vers les Chapieux de mes 4 éditions.On aperçoit la base des Chapieux et on entend bien l’animation qui nous attire comme la lampe attire les papillons.Cette année, on ne suit pas les lacets, les rubalises nous indiquent qu’il faut couper dans la pente. De toute façon, c’est peut-être mieux puisqu’un grand nombre de coureurs, l’an passé, coupaient dans la pente, ignorant les lacets pourtant à l’ordre du jour. C’est plus rapide mais les genoux souffrent. Pas bon pour mon cas !On débouche enfin sur le plat. On suit le circuit de barrières derrière lesquels les spectateurs, à nouveau nombreux, sont remontés malgré le froid.J’arrive au ravito, je fais le plein d’eau, j’y mets un sachet puis je repars aussitôt.J’ai le temps d’apercevoir JB qui pointe à une minute derrière moi et en remontant la barrière en sens inverse, je croise mon Cyril qui incroyable et increvable est déjà là ! Il me talonne à deux minutes !Nous nous tapons dans la main au passage.« Hello padr !- hello fils, je pars mais je t’attends en montant si tu veux ?- Non, t’occupes pas, vas-y ! »
Les Chapieux (2h18) 1549 m - Col de la Seigne (4h26) 2516 m
Distance 10.3 Distance cumulée 59,2
Dénivelée + 1001 Dénivelée + cumulée 3793
Dénivelée - 34 Dénivelée – cumulée 2312
Temps 2h08 Temps cumulé 9h52
Places 71 gagnées Classement 266 Je mange mon premier demi sandwiche tout en marchant. J’apprécie ce passage bitumé de 6 ou 7% sur 5 km qui grimpe à la Ville des Glaciers. Je diminue l’intensité de ma lampe. Pour monter cette route, pas besoin de beaucoup de lumière, d’autant que le ciel, toujours aussi magnifique et étoilé à cette altitude, incite à la contemplation.Rares sont ceux qui courent. Avec un concurrent, nous marchons à un rythme d’enfer. Le bruit saccadé des pointes des bâtons qui claquent sur le goudron cadence notre avancée. A un moment, vers l’arrière, j’ai l’impression de reconnaître les voix de Cyril et JB. Reviendraient-ils ? Allons-nous marcher ensemble ? Je ralentis un peu mais je m’aperçois que ça n’est pas eux.La Ville des Glaciers arrive vite. Un léger répit puis on quitte la route et on prend le sentier qui mène au refuge des Mottets où commence réellement l’ascension de ce long col. Au refuge, je me trompe de chemin. Demi-tour et retour, je perds deux places. Faudrait voir à faire attention !Dans la grimpée du col, je ne peux m’empêcher de me retourner et d’admirer ce très très long chapelet de loupiottes qui s’étalent sur des kilomètres. Il descend de la Croix du Bonhomme et monte jusqu’ici. Il y en a partout ! La lumière de Cyril est là quelque part, sûrement pas très loin…Cette étape est longue, plus de deux heures pour atteindre le col qui marque la frontière italienne. Derrière, les écarts se creusent. Pas de souci dans ce col, même si mon allure a baissé pour redevenir plus raisonnable. Les distances entre les traileurs deviennent plus importantes, j’ai par moment l’impression d’être seul dans la nuit. Normal, je suis remonté aux alentours de la 300ème position et plus on va vers l’avant de la course et plus cela se clairseme.J’atteins le contrôle du Col de la Seigne et je plonge sur l’Italie et le prochain refuge : Elisabetta. Col de la Seigne (4h26) 2516 m - Arête du Mt Favre 2435 m – Courmayeur (7h30) 1190 m
Distance 17,7 Distance cumulée 76,9
Dénivelée + 490 Dénivelée + cumulée 4283
Dénivelée - 546 Dénivelée – cumulée 4128
Temps 3h04 Temps cumulé 12h56
Places 25 perdues Classement 291 Le temps de souffler et comme je suis bien, je recommence à alterner course et marche, trop content que mon genou martyrisé cette année tienne toujours le coup. Au col, j’ai égalé la durée la plus longue effectuée à l’entraînement cette année, soit presque dix heures. J’y pense mais je ne m’en inquiète pas.Après le refuge Elisabetta endormi, j’aperçois bientôt le ravito.Quelques mots échangés avec les bénévoles et je commence à prendre le cocktail qui m’a réussi l’an dernier à chaque ravito : soupe/café/coca !Je refais le plein de mon bidon d’Isoxan et je déguerpis.Une petite descente et on retrouve les restes du lac Combal caché dans la nuit, 2,5 km de plat, c’est bon à prendre ! J’en profite pour courir tranquillement. Je m’attends sans en avoir hâte à bifurquer bientôt sur la droite pour attaquer la pente assassine vers l’Arête du Mont Favre.Durant l’ascension, je me remets à faire le décompte des places gagnées perdues pour me motiver à soutenir le tempo. Au lever du jour j’atteins l’Arête avec un solde positif de 18 ! On carbure à ce qu’on peut !Ce que je perds comme places en descente en ne pouvant pas courir aussi vite que voulu à cause de mon genou, je le regagne dans les ascensions que j’ai quand même beaucoup travaillées cet été. Les sommets des montagnes du massif du Mont Blanc se découpent dans les premières lueurs de l’aube, c’est splendide ! Quel bonheur et quel privilège d’être là à cette heure pour voir le soleil se lever en pleine montagne !Quelle chance aussi d’être sur une arête à ce moment précis plutôt que dans le fond de la vallée.Environ 10 kilomètres de descente entre 11 et 17 % me séparent de Courmayeur, 1245m de dénivelée à dégringoler.Je perdrais 25 places au classement mais pas trop de temps. Alors que mon genou opéré ne me pose pas de problème. Le gauche commence à me faire souffrir, une tendinite se déclare sur la face externe, depuis que j’ai quitté le sommet je n’arrive plus à courir et les pentes fortes me provoquent des souffrances.Dans l’intervalle passage au col Checroui où m’attendent un bon yaourt, une compote et un café. Avant de repartir, je me mets du gel anti-inflammatoire sur le genou et je prends un calmant. Je range mon goretex dans le sac à dos et je file. Je descends sur les fameuses pistes de ski qui dévalent vers Courmayeur. Raides ! Trop raides pour mon genou endolori, je souffre et le calmant ne fait pas effet. Le mercure dans le thermomètre de mon moral frétille et entame une légère chute en direction du Zéro ! Comment cela va-t-il évoluer ?Au plus fort de la pente, Philippe me rattrape et poursuit sa route. Il m’explique que bien qu’ils avaient décidé, avant la course avec Nathalie, de ne pas courir l’UTMB ensemble, ils ont modifié leur stratégie et décidé d’aller jusqu’à Favre avant de se séparer.L’arrivée sur Courmayeur marque une étape psychologique. C’est ici que la course commence vraiment, au 77ème km !Il est 7h du matin, peu de monde réveillé, peu d’animation, qu’importe la joie est en nous !J’entre dans le centre sportif, on me tend le sac que j’ai préparé la veille et qui a été transporté par l’organisation. Bien qu’il soit prévu pour tous les cas de figure, je n’ai finalement besoin de rien, je prendrai juste mes recharges de boissons énergétiques. Philippe m’a précédé de trois minutes et je le trouve assis dans un escalier en train de se changer. A peine le temps de remplir ma gourde que déjà Cyril apparaît dans le gymnase.« -Hello Padr’ !- Mais tu es un phénomène toi ! tu es déjà là ! »Il est heureux, son visage est radieux, resplendissant, à peine marqué par une nuit sans sommeil et 13 heures d’efforts. Ca dissipe toutes les inquiétudes que j’aurais pu avoir de le voir arriver là aussi vite !Je lui propose de repartir avec Philippe et moi et je l’aide à sortir ses affaires du sac et à transférer ses provisions dans son sac à dos. Mais il doit changer de chaussettes et veut se restaurer avant de partir, alors nous le laissons en lui disant que nous essaierons de temporiser en l’attendant. COURMAYEUR (7h30/7h42) 1190 m – Refuge BERTONE (8h51) 1989 m
Distance 4.9 Distance cumulée 81.8
Dénivelée + 814 Dénivelée + cumulée 5097
Dénivelée - 15 Dénivelée – cumulée 4143
Temps 1h09 Temps cumulé 14h17
Places 89 gagnées Classement 202 Nous redémarrons en duo. Philippe est reparti avec un bol de pâtes à la main. Il essaie péniblement de manger en marchant. J’ai des fourmis dans les jambes. J’ai envie d’accélérer mais Philippe se bat avec ses pâtes alors je l’attends dans la montée vers Villair. Bertone et ses 800m de dénivelée nous attendent ! Philippe, qui a fini par avaler quelques pâtes, n’est pas fringant ! Dés que nous sortons de la ville et que nous attaquons le sentier, je préfère monter à mon rythme quitte à l’attendre en haut. Alors petit à petit, l’écart se creuse. Il commence à faire chaud et la mythique montée est pénible ! Il faut sans cesse monter des marches, des blocs, des pierres et il y a des lacets à gogo. Mais pas de belles vues car nous sommes encore dans la forêt.Enfin on débouche sur l’alpage qui annonce le refuge. Café, coca et j’attends Philippe qui n’arrive que trois minutes plus tard. Il se restaure puis nous décampons.
Refuge bertone (8h51) 1989 m – Refuge Bonatti (10h19) 2020 m – ARNUVA (11h23) 1769 m
Distance 11.8 Distance cumulée 93.6
Dénivelée + 481 Dénivelée + cumulée 5578
Dénivelée - 701 Dénivelée – cumulée 4844
Temps 2h32 Temps cumulé 16h49
Places 36 perdues Classement 238 A mon tour j’essaie d’avaler laborieusement un demi sandwiche pain de mie.Sur le balcon qui surplombe le val Ferret, Philippe repart en courant, je tente de l’imiter mais j’ai trop mal au genou gauche. Je renonce à le suivre et lui dis de partir. Philippe me dit qu’il va à son allure jusqu’à Arnuva et qu’ensuite comme il devrait monter le Grand col Ferret doucement je le rattraperai peut être dans l’ascension. Même si théoriquement c’est possible, je doute.Malgré moi, je pense à l’Utmb 2004, où j’avais dû le laisser partir au même endroit. Il avait fini et moi pas … Le mercure du thermomètre de mon moral ne frétille plus, je le sens chuter franchement …Je vais devoir marcher en espérant que ça se calme, mais j’ai peur que cette fichue tendinite à l’extérieur du genou qui est censé être sain n’empire dans les descentes et m’handicape sérieusement.En attendant, j’espère que Cyril pourra revenir.MP m’appelle, nous faisons le point et je lui fais part de mes inquiétudes, mais pour l’instant pas question de s’alarmer, je n’envisage nullement de ne pas aller au bout. Elle m’engage à voir si je peux me faire soigner. Je dis que j’espère que je trouverai une solution à Arnuva. Il fait un temps magnifique et la chaleur commence à se faire sentir.J’entends l’hélicoptère qui tourne au loin, nous aurons ses images dans le prochain DVD. Pendant 12 km, je ne fais que marcher. De toute façon n’étais-je pas venu avec la bonne résolution de ne pas courir ? Et puis en 2006, j’avais profité de ce passage pour attendre Philippe et Nathalie en ne courant pas.Je ne perds que 36 places dans cette partie où je vois notre bon Suisse Werner Schweizer, le meilleur V3 de la course me doubler. En arrivant à Arnuva, j’avale une soupe et je file sous la tente médicale. J’explique mes misères au toubib. Visiblement je ne suis pas le seul à souffrir du genou. Il me dit que la pommade ne sert à rien, qu’il vaut mieux prendre un anti-inflammatoire par voie orale avec un calmant si je veux pouvoir continuer.Oui, oui, M’sieu, je veux continuer !Go ! J’avale les deux boulettes et je repars sans le savoir avec plus de 20 minutes de retard sur Philippe. ARNUVA (11h23) 1769 m -Refuge Elena 2062 m – Grand Col Ferret (12h43) 2537 m
Distance 4.6 Distance cumulée 98,2
Dénivelée + 293 Dénivelée + cumulée 6346
Dénivelée - 0 Dénivelée – cumulée 4844
Temps 1h20 Temps cumulé 18h09Places 14 gagnées Classement 224 Devant nous se dresse un monstre : le Grand Col ferret 2537m!D’abord pour atteindre le refuge Eléna, 2,5km à 12,3% de moyenne mais ça commence par du 20% d’entrée !Et ensuite pour le col lui-même, 2,2km à 22,7%, c’est le top one du Hit parade des grimpettes !!Je sais qu’il faut le grimper à un rythme de sénateur si on veut en voir le haut. Je mettrai 1h20. Pour la première fois je reste humblement derrière les traileurs qui me précèdent en ne doublant qu’à de rares occasions.C’est midi et déjà beaucoup de promeneurs dans la montagne. On récupère des encouragements. Des VTT descendent du col et se rangent à notre passage. Comment font-ils pour descendre avec une pente pareille ? Ils ne peuvent pas lâcher les freins ! Les paysages sont de toutes beautés mais il est dangereux de trop les admirer en marchant au risque de buter sur des pierres ou de quitter le chemin étroit. J’atteins le Col, pas de Philippe, il a du basculer !Je suis mieux que l’an passé et quasiment dans le même chrono, ça me rassure pour la suite.Marie-Pierre m’appelle quasiment à chaque fois que je passe un contrôle et que mon passage s’inscrit sur le Net et on fait le tour de la conjoncture.Je me rends compte que derrière ça ne revient pas. Le fiston accuse le coup et plus d’une heure de retard malgré cette portion où je n’ai fait que marcher.C’est préférable, il doit adopter une vitesse qui lui correspond mieux pour faire cette deuxième moitié.JB, qui est toujours devant Alex, est lui aussi à presque une heure.Nathalie a atteint Courmayeur, mais elle est victime de troubles gastriques. Elle est repartie mais elle a été contrainte à l’abandon 12 km plus loin au refuge Bonatti. Elle a été ramenée à Courmayeur en hélicoptère avec deux autres malheureux…
Gd Col Ferret (12h43) 2537 m -La PEULAZ 2071 m – LA FOULY (14h15) 1593 m
Distance 8.9 Distance cumulée 107.1
Dénivelée + 11 Dénivelée + cumulée 6357
Dénivelée - 489 Dénivelée – cumulée 5799
Temps 1h32 Temps cumulé 19h41Places 13 perdues Classement 237 Dans la descente vers la Peulaz, j’essaie quelques phases de course. Ca passe, les médocs commencent à faire effet, je suis soulagé. J’alterne à nouveau course et marche. Nous sommes en Suisse depuis le Grand Col Ferret et l’accent des promeneurs que l’on croise nous le confirme. Le Grand col Ferret franchi, c’est un nouveau cap psychologique de passé et plus de chance d’aller au bout. Les 4 km jusqu’à la Peulaz me paraissent longs. Après les chalets il faut emprunter une sente qui « tombe » très abrupte et qui martyrise les cuisses. Enfin on retrouve la route, certains ne l’apprécient pas mais moi, à ce stade de la course, je la trouve bienvenue et reposante. Bien que j’alterne de façon régulière et appliquée course et marche, j’arrive à récupérer un peu. Traversée de Ferret, puis on s’en va suivre un large torrent pendant un moment avant d’atteindre la Fouly. Les paysages ont changé et les magnifiques chalets cossus nous rappellent qu’on est en Helvétie. J’arrive au ravito de la Fouly très fatigué, je repense à l’Utmb 2004, mon premier, j’avais jeté l’éponge ici.Je sens qu’il faut que je me ravitaille plus que d’habitude car c’est plus un début de fringale qu’une véritable grosse fatigue. J’avale yaourt, compote, soupe, barre énergétique, banane, coca et café. Le tout comme un goulu en quelques minutes. MP appelle, et c’est assis pour la première fois depuis presque 20 heures, que je fais le bilan. Je retire de ma chaussure le caillou qui me gêne depuis des heures et je reprends mon chemin. LA FOULY (14h15) 1593 m – Praz de Fort 1151 m – CHAMPEX lac (16h42) 1477 m
Distance 14.6 Distance cumulée 121.8
Dénivelée + 533 Dénivelée + cumulée 6890
Dénivelée - 649 Dénivelée – cumulée 5799
Temps 2h27 Temps cumulé 22h08 Places 24 gagnées Classement 213 Un salut aux bénévoles et c’est parti, direction le torrent pour une nouvelle ration de terrain plein de racines et de pierres.Un concurrent me rattrape et comme l’an passé au même endroit, je vais me servir de cette présence et de cette régularité pour marcher et courir en le gardant en point de mire pendant 10 km. La montée sur la crête de Séléna sur un étroit sentier en balcon ne me surprend pas. Je la trouve même agréable. Cette année, ils ont mis des sécurités du coté du passage dangereux. Je pense à Cyril qui passera bientôt là ! Attention au vertige !Bientôt la longue descente sur la digue, j’en profite pour rattraper et larguer celui qui m’a involontairement emmené dans son sillage depuis la Fouly.A Praz de Fort, des enfants, sur le pas de leur maison, offrent du coca très frais. Ils sont ravis de pouvoir participer à leur façon, d’apporter leur contribution à notre périple.Je profite de la fontaine du village pour m’y rafraîchir, il est 15h et le soleil tape fort !Je rattrape un coureur suisse qui est accompagné par deux supporters locaux…C’est curieux, je croyais les suisses plus scrupuleux envers les règlements !…En s’engageant dans le chemin qui mène à Champex après Issert, un pont traverse un torrent. Un des accompagnateurs va récupérer dans l’eau glacée une bouteille de coca qu’il a mise en prévision du passage de son copain. Gentiment il ouvre la bouteille et m’en propose avant d’en donner à son pote.Bon ! Pour la peine je te pardonne !J’accepte et ce coca frais fait un bien fou !La montée sur Champex passe bien elle aussi, 10% de moyenne sur 4km, dans la forêt, pas très difficile. En prime, j’ai la surprise, en débouchant sur la route de Champex, de retrouver Philippe.Je lui propose de repartir de Champex ensemble et de viser les 31 heures qui semblent encore possible. Il me dit qu’il a besoin de s’arrêter pour se reposer et s’alimenter afin de mieux repartir et finir sans problème. Je le double et finis la montée. J’entends Steph et sa copine au sommet qui m’encouragent. Elle a du reconnaître mon maillot de Saint-Cyr de loin ! Je les retrouve rapidement. Hop une photo !Je fonce vers la tente de la base vie. Avant de l’atteindre un gars vient me saluer.Surprise, c’est un collègue du club de Saint-Cyr, de l’athlétisme : Hugues. Sans doute en vacances à Champex, quel hasard !Je récupère mon sac « Champex » et je fais un rapide passage dans la tente.Je prends comme à Courmayeur, juste quelques recharges d’Isoxan. Je refais le plein de mon bidon. Je trouve ensuite le toubib local et je lui extorque non sans parlementer un anti-inflammatoire pour mon genou que je prends avec un calmant.Je n’oublie pas de boire une soupe, de manger un yaourt et de prendre un café avant de ressortir. Sans succès, je jette un œil pour voir si j’aperçois Philippe.J’ai un gros moral, j’attaque la dernière étape avec deux heures d’avance sur mon meilleur plan et de l’avance sur l’an dernier. En plus il fait super beau !
CHAMPEX lac (16h42) 1477 m -BOVINES (19h07) 1987 m
Distance 9.3 Distance cumulée 131
Dénivelée + 701 Dénivelée + cumulée 7594
Dénivelée - 194 Dénivelée – cumulée 6642
Temps 2h25 Temps cumulé 24h33Places 39 gagnées Classement 174 Je longe le lac de cette station « balnéaire suisse », tout de même à 1500 m d’altitude !… Quel contraste avec le déluge de l’an passé. Aujourd’hui c’est plein de pédalos, de promeneurs sur les pelouses et d’enfants qui jouent. Tout au long de la traversée de la ville, j’ai le droit à des sourires, des encouragements, et des mots gentils, et tout ça avec un accent merveilleux que j’adore ! Peut-être à cause de mes quelques gênes helvètes ?Sortie de la ville, solitude dans la forêt. Je suis obligé de m’arrêter pour « réparer » mes pieds. Plusieurs ongles sont décollés par des ampoules, il faut que je les entoure avec de l’élastoplasme si je ne veux pas souffrir le martyre plus loin. En les voyant, je me doute que je vais devoir supporter une certaine « gène » …Pendant cette « réparation » plusieurs traileurs passent. L’un d'eux doit lire mon nom sur mon dossard car il me dit :« -Tiens, j’ai fait un bout de chemin avec ton fiston ce matin dans la descente de l’arête du mont Favre. Sympa le Garçon ! Tu as des nouvelles ? »Pas banal ! Je lui donne des news de Junior. En repartant,je les rattrape et les double.« Oh, tu as encore du gaz ! - Non, c’est juste que je suis un peu énervé. Plusieurs ongles de pieds décollés, une tendinite au genou et une autre au pied droit qui commence à me faire souffrir, ça commence à me gonfler ! »Peut-être que finalement il échangerait bien un truc à lui qui va bien contre un truc à moi qui va mal pour avancer plus vite ?… J’arrive au pied des difficultés de Bovines. Sagement je ralentis l’allure et monte doucement. Il s’agit du lit d’un ancien glacier qui en disparaissant a laissé un sacré chantier ! Des tas de rochers et de dalles à escalader dans une pente abrupte. Plusieurs torrents à franchir. 550m de dénivelée pour à peine 1,5km, ça casse !Au début de l’ascension je rattrape un groupe, je me cale dans les pieds et on fait la montée ensemble. En débouchant dans l’alpage, on discute un peu. Un des gars m’apprend que c’est Marco Olmo qui gagne encore cette année et que Sherpa fait 4ème. Finalement, les américains ne sont pas venus manger les européens sur leur terrain ! Je reprends rapidement les devants mais le reste du groupe n’accroche pas et je pars seul. Bovines, je pointe, avale une soupe, un café et je file. Rien à voir avec les ¾ d’heure perdue, bloquée dans la tempête l’an dernier.
BOVINES (19h07) 1987 m - TRIENT (20h18) 1300 m
Distance 6.1 Distance cumulée 137.2
Dénivelée + 74 Dénivelée + cumulée 7668
Dénivelée - 761 Dénivelée – cumulée 7403
Temps 1h11 Temps cumulé 25h44Places 0 Classement 174 Dernier « coup de cul » jusqu’au Portalo, puis je peux me jeter dans la descente. Mon pied droit commence à me faire souffrir très fort. La tendinite du releveur, comme je le craignais, finit par prendre de l’ampleur. A chaque descente il me faut une période de chauffe progressive pour arriver à supporter de courir. Dés que le pied est chaud, n’ayant plus de douleur dans le genou, j’en profite pour faire une super descente, d’abord jusqu’au col de la Forclaz puis jusqu’à Trient.Pour la première fois depuis le départ, je ne perds aucune place dans une descente. Même si j’évolue avec un petit groupe, je conserve la même place jusqu’à Trient. Que se passe-t-il, commencent-ils à fatiguer derrière ?Au ravito de Trient, je continue mon régime fétiche. Je m’équipe de ma lampe que je n’allume pas encore et je repars. Presque 26h de course, je commence à ressentir une grosse fatigue et debout à l’arrêt j’ai du mal à ne pas « tanguer ».
TRIENT (20h18) 1300 m - CATOGNE (21h56) 2011 m - VALLORCINE (23h02) 1260 m
Distance 9,5 Distance cumulée 146.7
Dénivelée + 788 Dénivelée + cumulée 8446
Dénivelée - 828 Dénivelée – cumulée 8231
Temps 2h44 Temps cumulé 28h28Places 9 gagnées Classement 165
En repartant, MP m’appelle :«- Qu’est ce que tu nous fais ? Tu es 177ème ! Je croyais que tu ne devais pas courir ?… »Je la rassure, je me sens bien malgré la fatigue et si mes bobos me le permettent j’ai envie de faire un « truc ». Je veux essayer de réaliser moins de 32h, je sens que je peux. La montée des Tseppes commence et pour moi c’est la plus dure du parcours, il faut la prendre avec mesure. Je dois arrêter la conversation car je manque de souffle. Nous sommes deux à être repartis de Trient et je me cale une nouvelle fois dans les pieds de mon compagnon de rencontre. La nuit est tombée et il faut allumer la frontale. Les pourcentages sont très très durs. Plus de 21% de moyenne. D’abord 650m à grimper en 3km, puis encore 150m moins durs pour finir.
Nous grimpons « petits pas, petits pas », sans doute à un peu plus de 2km/h. Pas d’accélération, pas de ralentissement, réguliers !
Nous arrivons quand même à doubler quelques concurrents et un touriste qui monte sans lampe dans la nuit noire. Incroyable, il doit avoir des yeux de chat !...
Passage aux Tseppes, mais rien, pas de ravito comme l’an dernier, ça fout un coup au moral car je l’attendais pour faire une pause.
Je regarde sans cesse mon altimètre. La montée dure plus d’une heure et demi et enfin on débouche sur le balcon. Pas encore question de relancer la machine et de courir, les jambes sont cuites, il faut récupérer.
Un feu dans la nuit et un groupe autour qui admire, depuis les 2000m d’altitude où nous sommes, la vallée de Martigny illuminée. Ils aperçoivent nos loupiottes et nous encouragent copieusement.
Nous passons le contrôle de Catogne. Deux jeunes filles perdues dans la nuit en pleine montagne sous une tente relèvent nos numéros de dossard au passage. Elles nous offrent de l’eau. Ce n’est pas de refus !
On leur souhaite bon courage, car ce n’est pas le meilleur coin de la course pour être bénévole !
Nous replongeons dans la nuit et dans une nouvelle descente. Mon compagnon n’a pas envie de courir et me dit de passer devant. Je m’exécute et je pars en courant. Je boitille, le temps que j’arrive à supporter la douleur de ma tendinite. Je me méfie quand même car ça glisse par endroit, ce n’est pas le moment de se gameller. Je me dis que ça va aller vite cette année car il n’y a pas de boue. L’an passé, dans toute cette descente il était difficile de rester debout. Les Tseppes, c’était la dernière montée, maintenant il n’y a plus de difficulté. Il faut faire attention car après le petit sentier de montagne on débouche sur un large chemin plein de cailloux qui en fait l’hiver est une piste de ski qui descend dans la forêt.On le quitte à deux km de Vallorcine pour reprendre un sentier qui descend au milieu des racines et des rochers dans la forêt. On commence à apercevoir les lumières de la civilisation dans la vallée. Ca sent de plus en plus bon !On croise des gens qui viennent à la rencontre des traileurs dans la nuit. J’arrive dans Vallorcine, le ravito a encore changé de place. Il est plus loin que prévu. C’est un chapiteau. Je suis accueilli avec enthousiasme par les bénévoles. Il y a peu de traileurs et ils ont le temps de nous choyer. Je me tiens à la table car à l’arrêt la position debout est «flottante » !Que prends-je ? Faut pas changer les recettes qui marchent alors je continue mon soupe, coca, café !Je discute un peu avec les bénévoles le temps de boire puis je repars sous un torrent d’encouragements. Ca vous boosterait une tortue ! VALLORCINE (23h02) 1260 m –ARGENTIERE (00h18) 1260 m -CHAMONIX (02h00) 1035 m
Distance 16.7 Distance cumulée 163,4 km
Dénivelée + 379 Dénivelée + cumulée 8835 m
Dénivelée - 604 Dénivelée – cumulée 8835 m
Temps 2h58 Temps cumulé 31h26Places 5 perdues Classement 170 ème En repartant j’appelle MP qui me donne les nouvelles. Elle me dit que Cyril est très fatigué mais qu’il devrait aller au bout. Il a monté Bovines et est attendu à Trient. Je lui dis qu’il faut le prévenir que la montée suivante est très dure et qu’il faut qu’il se repose un peu avant de l’attaquer.MP me dit que Philippe navigue pour l’instant à une bonne demi-heure derrière moi. Je me dis qu’il devrait être capable de revenir dans les trois heures qu’il reste. Alors que je suis en conversation, un groupe rapide me passe. J’accroche. Pas question de les laisser partir ! Je finis la conversation puis je m’applique à coller à leurs basques. Je les accroche jusqu’au Col des Montets puis je les laisse partir (momentanément…).Descente du col par le jardin botanique, traversée de Tré le Champ, puis descente au bord du torrent avant d’entrer dans Argentière, il est minuit !Dernier ravito, je mange une soupe et quelques bricoles pendant qu’un photographe me mitraille, je crois qu’il me confond avec Harrison Ford !Et c’est reparti ! En sortant de la ville, des spectateurs me disent au passage :« -Plus que 10km ! »Je suis surpris, je ne m’attendais pas à ce qu’il en reste autant, j’ai mal révisé mon road-book. Je commence à faire des calculs. Je suis passé en 29h44, il me reste plus de 2 heures pour faire ces 10 bornes si je veux finir en moins de 32h.Mais comment sont les derniers km ? Je vais finir par le découvrir. Ca continue de monter, de tourner, de descendre. En plus parfois c’est un jeu de piste. Il faut chercher les balises. Je finis même par m’égarer et en revenant sur le bon chemin, j’empêche un groupe de s’égarer à son tour.Je peste contre ces montagnes russes même si je me rends compte qu’on a beaucoup de chance de ne pas prendre le parcours de l’an dernier qui était beaucoup plus dur sur la fin.Un instant d’inattention et je coince le bout de ma chaussure dans une racine. Je m’affale brutalement de tout mon long par terre. Mon genou droit cogne violemment le sol et mon pied droit se détend brusquement provoquant une douleur vive à ma tendinite du releveur. Je me relève en grognant et je repars. Décidément ! Y a-t-il d’autres pièges que je doive encore éviter ? D’autres nouvelles souffrances au programme ? A moment donné, des spectateurs nous annoncent :« -Ca monte 2 minutes puis après c’est plat jusqu’à Cham ! »La suite n’avait rien à voir avec ça ! Des fois on devrait courir avec des boules Quies !Mais on finit par sortir de la forêt et par arriver sur le plat. Les 6 derniers km entre le Lavancher et Cham sont presque courus intégralement en compagnie d’un nouveau concurrent. Nous avons encore du mal à trouver les dernières balises, au moins ça me permet de ne pas me polariser sur cette douleur atroce au pied.On finit par entrer dans Chamonix. Le Bonheur ! Je reconnais la piscine. Le pas de course s’accélère nous sommes cinq et on dirait que ça va encore finir au sprint. Je dis au collègue que je ne joue pas le classement, que la seule chose qui m’importe c’est le chrono. Je les laisse passer devant.On traverse une place. Et enfin je reconnais les barrières de l’arrivée !Un dernier virage, j’aperçois Nathalie qui me félicite !Dernière ligne droite, inutile d’aller vite, je savoure !J’ai des vrais frissons de bonheur. Une immense satisfaction m’envahit. C’est court mais je ressens à cet instant une joie du challenge accomplie très profonde, très jouissive. Je n’avais pas ressenti une telle émotion en 2006.Je lève les bâtons. Toutes les souffrances s’effacent en cet instant, je suis HEUREUX !Je passe la ligne. J’arrête le chrono. Il est 2h00 pile et je constate que j’ai fait mon « truc » : 31h26 ! Voila c’est fini, 31h26, 170ème ,18ème V2 sur 232 classés et 98ème français . Moi qui partais pour faire un UTMB de convalescent sur des bases de 34 à 36 heures … J’échange quelques mots avec Catherine Poletti puis on m’enlève mes puces électroniques et je vais au ravito rejoindre Nathalie. Je passe un coup de fil à Marie-Pierre. Elle est contente, elle ne s’attendait pas à ce que j’arrive si tôt. On papote un peu puis j’appelle Cyril. Il est dans le dur ! Il râle…Il a fini de monter les terribles Tseppes et le moral est en baisse. Je lui dis qu’après tout ce qu’il vient d’accomplir il ne peut plus s’arrêter. Il le sait de toute façon. Et il ne lâchera pas, il ne lâchera rien, comme disent les journalistes sportifs branchés à la télé !Pendant plus d’une heure, nous attendons l’arrivée de Philippe. Les arrivants se succèdent à la moyenne d’un toutes les deux minutes. Chacun a sa façon personnelle de vivre ce passage de la ligne d’arrivée. De l’explosion de joie à la réserve la plus totale. Quelle signification représente-t-elle cette ligne pour chacun d’entre nous ? Intéressant questionnaire à faire !Je commence à grelotter malgré les couches de vêtements que j’ai enfilées. 32h30, Philippe passe la ligne en compagnie de 2 autres concurrents. Il n’est pas trop marqué. Nathalie va l’accueillir, moi je ne peux plus marcher, mon pied refuse tout mouvement. Je mets un temps certain pour les rejoindre. Philippe est content, la fin n’a pas été trop dure. Nous prenons la navette jusqu’au centre sportif. Une bonne douche puis à 4h30 nous allons nous coucher. 250 lits de camp sont installés pour les traileurs dans le gymnase.Pendant ce temps, Alex a passé la ligne d’arrivée à 3h55 et JB à 4h41. J’appelle Cyril pour lui dire que je serai sur la ligne à son arrivée. Je mets ma montre à sonner. Mais est-ce la peur de ne pas l’entendre et de rater son finish ou les ronfleurs qui font un concert, ou les litres de café et de coca que j’ai avalés, toujours est-il qu’au bout d’une heure, je n’ai pas fermé l’œil !Je me lève et rejoins en voiture la place de l’arrivée.J’attends dans la voiture en somnolant puis vers 6h30 je vais me placer à côté de la ligne d’arrivée.Encore un petit bonheur réservé aux lèves-tôt, j’assiste au lever du soleil sur le Mont Blanc vu depuis la place du bureau des Guides.Les arrivées se succèdent à un rythme plus soutenu que cette nuit. La foule est redevenue nombreuse derrière les barrières malgré l’heure matinale. 7h39, j’aperçois mon Cyril au bout de la ligne droite. Un frisson me parcourt l’échine. Vite j’allume l’appareil photo et je le mitraille en l’acclamant. Je vois l’émotion qui le cueille alors qu’il effectue sa dernière ligne droite en courant. Il passe la ligne et vient directement vers moi esquivant Catherine Poletti qui ne demandait qu’à l’accueillir chaleureusement. Nous tombons dans les bras l’un de l’autre. Tandis que comme des dizaines d’autres traileurs avant lui, il ne peut retenir ses larmes tant l’émotion est forte, je lui dis que ce qu’il vient d’accomplir est extraordinaire.Nous restons quelques instants ainsi puis Catherine Poletti vient rompre ce moment exceptionnel pour nous rappeler qu’il faut rendre les puces et se rejoindre au ravito. Il faut laisser passer le trop plein d’émotions puis vient le temps de la joie grandissante… de celui qui prend conscience qu’il vient d’accomplir, de réussir un rêve grandiose qui semblait tellement inaccessible et qu’il aura fallu mériter et aller chercher en faisant preuve de courage , de volonté , de résistance, d’énergie et de passion… 37h05, 485ème et 2ème Espoir (20-22ans) sur 5 au départ. Deux nuits sans dormir. Mais en amont, durant des mois, des tonnes d’heures d’entraînements sous
Accueil - Haut de page - Aide
- Contact
- Mentions légales
- Version mobile
- 0.11 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !
1 commentaire
Commentaire de blancblancblanc posté le 21-09-2007 à 16:02:00
Bravo et quelle belle histoire familiale !!
JC.
Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.