L'auteur : Arcelle
La course : Courmayeur - Champex - Chamonix
Date : 30/8/2013
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 1415 vues
Distance : 72km
Objectif : Terminer
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9 jours se sont écoulés depuis le départ de cette CCC 2013. L’échec est presque digéré malgré les regrets qui resteront toujours un peu, j’ai rechaussé les runnings sans douleur et étudie le calendrier des prochaines courses.
Ce qui me frappe dans cette aventure, c’est le grand écart entre mon vécu de la course, et ce qu’il m’en reste en souvenir aujourd’hui. Certes on a souvent tendance à vivre des moments de galère sur le long, puis à dire ensuite que c’était génial.
Le vécu de la course :
- Le retrait des dossards : en arrivant à Chamonix un peu à l’arrache vers 16h30 jeudi la veille de la course, j’ai la désagréable surprise de découvrir l’interminable queue pour récupérer le dossard. Heureusement après 50 minutes de queue, à la moitié environ, un bénévole vient chercher les coureurs de la CCC pour les faire passer devant ceux de l’UTMB qui peuvent encore venir demain.
- La nuit avant la course : je n’ai cherché un logement sur Chamonix que vers mai de mémoire, et forcément tout était déjà complet. Donc finalement j’ai atterri dans un gîte en dortoir avec son lot de ronfleurs ; ma nuit a été largement écourtée.
- Le départ pour Courmayeur : l’organisation est bien efficace, pas de queue, les bus défilent. Dommage que je sois tombée à coté d’un concurrent qui a visiblement mal supporté les 3 virages et qui y a laissé son petit déj. Mon estomac sensible part un peu retourné …
- La course : au coup de feu, j’y vais de ma petite larme alors que je n’avais pas l’impression de ressentir d’émotion particulière. Il y a foule dans les rues de Courmayeur et les encouragements sont nombreux. On attaque la montée de la Tête de la Tronche (près de 1.500 m de D+ d’entrée), intégralement à la queue leu-leu. Impossible de faire son rythme, mais au moins on ne risque pas de se mettre dans le rouge d’entrée. La vue d’en bas vers le sommet est impressionnante avec ce long serpentin de trailers !
La descente vers Bertone se fait sans difficulté, je ne m’arrête qu’une minute, je pense être partie avec 1,5 litre d’eau, ça devrait aller … sauf qu’à peine 30 minutes plus tard je me retrouve à sec : avec le sac rempli au maximum, la poche à eau devait être bien comprimée. Tant pis, il n’y a pas de grosse montée à venir.
A Bonatti je profite des installations pour me débarrasser des désagréments intestinaux présents depuis le départ, j’y perds près d’un quart d’heure, mais c’était indispensable et je suis encore un peu en avance sur mes prévisions. Je retrouve un ami avec lequel je ferai le yoyo toute la suite de la course ; il aurait pourtant du être nettement devant moi.
La suite vers Arnuva ne pose pas de problème, j’y reste peu de temps et attaque la montée du Grand col Ferret. Même si le peloton est encore bien dense, j’arrive à mieux m’exprimer dans cette montée, surtout dans la deuxième partie quand de nombreux coureurs s’écartent pour reprendre leur souffle. 1h25 pour monter, c’est nettement mieux que mes prévisions !
Le hic c’est l’état de mes pieds qui commencent déjà à me faire mal. L’astuce de mon podologue de prévenir les risques d’ampoule en mettant du sparadrap a été un fiasco : non seulement j’ai trop serré ce qui m’a comprimé les pieds engendrant des douleurs sous les pieds bien désagréables, mais en plus ces sparadraps m’ont « scié » les pieds ; et pour finir plusieurs ampoules se forment malgré tout.
Je redoutais la longue descente du Grand col Ferret ; jusqu’à La Peule (enfin j’imagine que c’est là qu’il y avait une petite fontaine), ça va, mais la suite jusqu’à La Fouly me semble bien longue. Je commence à sentir revenir la douleur au releveur qui m’avait accompagnée dans les descentes sur la fin de ma préparation.
Au ravitaillement, je me pose pour avaler une soupe, boire, manger et recharger les niveaux.
La suite du chemin avant la remontée sur Champex est encore longue, c’est plat, on est en fond de vallée, il fait sombre, je n’aime pas du tout ce passage. On monte à Champex avec un groupe en rythme correct, la luminosité baisse mais pas le courage de sortir la frontale, on devrait arriver, enfin on finit carrément dans le noir. Dans la tente quel choc ! Il y a plein de monde, il fait chaud, un brouhaha vraiment pénible. J’arrive à me faire une bonne assiette assez facilement mais quelle galère pour trouver un bout de banc pour s’assoir. A ce moment je me demande vraiment ce que je fous là … Une dernière queue aux toilettes et zou !
La sortie de Champex avec cette longue route plate ne me remet pas du tout dans des pensées positives, l’idée d’arrêter commence à me traverser l’esprit … Ca va mieux quand ça commence à remonter, mais j’avais sous-estimé cette portion vers Bovine, bien longue ! Je m’accroche au groupe devant moi et ça passe, devant les vaches sans doute ahuries de voir ces guignols défiler dans la nuit avec leur loupiotte. Arrêter, non mais ça va pas ou quoi ?
La descente me rappelle à mes douleurs au pied et au releveur, ça n’en finit pas, un vrai calvaire. Pourtant j’aimerai avancer plus vite mais il y a toujours quelqu’un devant, et difficile dans ce terrain de tenter des dépassements en toute sécurité. Alors je suis comme un mouton et commence à calculer ce qu’il reste, me dire que je serai bien mieux dans mon lit, peser le pour et le contre. Bien sûr je sais que je regretterai terriblement de ne pas aller au bout, mais je m’emm…., j’en ai plein les bottes, j’ai envie d’aller me coucher, et j’ai MAL AUX PIEDS !
Au lieu de penser à toutes ces bêtises, j’aurai du réfléchir à ce que je devais faire à Trient, mais non et je vais faire tout à l’envers : je fonce au ravito sans voir que le poste de secours est 300m avant, je n’avale qu’une soupe en me disant que je compléterai après avoir vu les kinés / podo … En décrivant ma douleur à la cheville, 3 kinés annoncent en chœur « ah, une bonne tendinite du releveur », l’un d’eux tente un strap ; pour les ampoules, la podologue en soigne une, pour les 4 autres « c’est trop profond, je ne peux rien faire ». Je reprends la direction de la tente, qui est maintenant à au moins 600m mais ne trouve pas mon acolyte, j’ai super froid après cet arrêt de 30 minutes, et la douleur a largement empiré après cette trop longue pause.
Encore 8 heures au minimum, 2000 m de D- à encaisser, je vois les frontales là-haut en direction de Catogne qui me semblent loin, mais loin ! Je retourne au poste de secours à 1 km et rends mon dossard. Samedi 2h, j’ai jeté l’éponge.
- L’après-course : J’arrive au point de passage du bus, le bénévole m’explique qu’il vient de passer et que le prochain devrait passer dans 30 minutes, je suis la première à attendre. En fait j’attends 1h dans le froid et entre temps environ 50 autres personnes sont venues gonfler la file. Le bus arrive de Champex, il y a … une place disponible. Ce n’est pas dans mes habitudes, mais je me suis fait un chemin pour la prendre, et là je me fais insulter par tout le monde qui me dit entre autre que je pourrais au moins laisser la priorité aux coureurs ayant abandonné …
En arrivant à Chamonix vers 3h30, je suis tellement à l’ouest que je pars dans la mauvaise direction, j’utilise le GPS du téléphone, mais il faudrait pouvoir distinguer le nord et le sud … Je croise des arrivants de la course, les pauvres il n’y a personne dans les rues ! Le bénévole que j’interroge pour mon chemin se moque de moi avec mon GPS alors que je suis à l’opposé de ma destination . Je crois avoir fait près de 2 km pour rejoindre le gîte. A 4h, nous sommes 4 sous la douche, et ça défilera sans arrêt jusqu’en fin de matinée.
Après une courte nuit, je me dirige vers le centre de Chamonix, à chaque arrivant, je laisse ma larme, sans réellement de regret à ce stade, juste la déception de ne pas en être. Je prends le petit déjeuner en terrasse en assistant aux arrivées à 300 m de l’arrivée , tous très émus, beaucoup clopin-clopant, toute sorte de nationalité, des familles qui accompagnent, des drapeaux, et toujours, une grande fierté.
Le souvenir du week-end :
En repensant objectivement à cette aventure, un peu aidée je dois dire par la lecture de récits beaucoup plus positifs, je relativise beaucoup !
- J’aurai du profiter du monde au retrait des dossards pour rentrer dans l’ambiance de ce WE UTMB. Après plus de 5h de trajet, je crois que je n’étais pas d’humeur à faire 1 ou 2h de queue
- Le dortoir au gite, même chose, tout le monde était là en coureur, participants à la TDS, CCC ou UTMB avec les accompagnants, c’était plutôt folklorique
- La course : malgré le monde et la difficulté à imposer son propre rythme, j’ai beaucoup aimé les montées de la Tête de la Tronche et du Grand col Ferret, avec pour les deux la vision du chemin vers le sommet depuis le bas ; la vue d’en haut sur la vallée était magnifique. Et puis on a eu un temps de rêve (pour une fois sur cette course !). J’ai laissé trop d’énergie et de pensées noires dans la portion entre La Peule et le début de la montée vers Champex, ça m’a complètement plombé le moral alors que j’étais venue prête à tout pour voir la ligne d’arrivée, le couteau entre les dents. Seuls les SMS de Bubulle sur le suivi de la course me sortaient de ma grogne. Un vrai échec mental, que je ne m’explique toujours pas aujourd’hui, alors que je ne suis habituellement pas douillette, un peu bornée et plutôt rationnelle dans mes décisions. Le seul point qui me semble aujourd’hui normal, c’est l’idée du plaisir en course, je n’en avais plus aucun depuis un moment.
Cela dit, si je veux persévérer dans l’ultra, il va me falloir réussir à gérer les coups de moins bien qui semblent presque inévitables.
- L’après-course : j’ai encouragé à l’arrivée mon acolyte qui a fini péniblement avec son collègue, ils m’ont cherché à Trient pour m’embarquer dans leur sillage plus lent que prévu ; en fait je pense qu’on s’est croisé entre la tente et le poste de secours (il n’y avait pas plus de 200 m, non ?). Qui sait si je les avais vus …
Bref, pendant qu’ils vont se doucher, j’assiste au podium, admirative devant ces performances et ces attitudes très humbles que j’affectionne, notamment Caro74, qui boite bien bas après son claquage au km 30 et qui a gagné la course féminine malgré tout (je me sens bien ridicule avec ma pauvre petite douleur).
Puis l’arrivée de Xavier Thévenard, vainqueur de l’UTMB, l’ambiance dans les rues de Chamonix est très conviviale et exclusivement centrée sur ces courses. Oui il y a plein de monde, oui c’est commercial, mais se retrouver entre traileurs, et j’imagine pour les finishers le sentiment spécial de croiser toutes ces vestes rouges, c’est tout ça la magie de l’UTMB.
Nous nous accordons un bon gueuleton suivi d’une sieste avant de reprendre la route vers Paris, des souvenirs plein la tête.
Bien sûr pendant 2 jours j’ai pensé plus jamais ce rendez-vous chamoniard, bien sûr aujourd’hui je n’ai plus aucune certitude et l’idée d’y retourner me venger l’année prochaine me tente déjà beaucoup.
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9 commentaires
Commentaire de chrislam posté le 08-09-2013 à 20:25:42
courage a toi....on apprend bcp de ses échecs,croit moi!
Moi qui vient d'abandonner sur l'échappée belle sans savoir pourquoi.....
Juste un court passage dans la nuit,seul,a cogiter sur un éventuel abandon....
je manque d'experience tout comme toi je pense,mais ça va venir!!
IL y a des V3 qui finissent :)
Commentaire de jpoggio posté le 08-09-2013 à 20:47:52
Comment ça, il n'y avait que 300m entre le poste de secours et la tente à Trient ? Moi, je garde l'impression d'un bon kilomètre...
Commentaire de Caro74 posté le 08-09-2013 à 20:51:48
Merci d'être venue à ma rencontre le samedi. Cela m'a fait plaisir. Je devais filer ensuite, malheureusement.. En te lisant, je me suis fait la réflexion qu'on galère tous à un moment ou un autre dans l'ultra... Et heureusement, on a tendance à oublier un peu, par la suite, combien on a galéré et vouloir y retourner!! Bon courage et merci pour ce recit!
Commentaire de Matchbox posté le 08-09-2013 à 21:13:53
Ces courses se font beaucoup au mental. C'est quelque chose qu'il est important de travailler même si on est pas tous sur le même pied d'égalité (comme le physique).
Généralement je conseille à ceux qui sont en galère d'attendre encore 15/30 min avant d'abandonner (à part bien sûr s'ils sont blessés)car bien souvent on connait l'euphorie après la plus extrême détresse.
Commentaire de bubulle posté le 08-09-2013 à 22:03:02
Il m'a vraiment plombé, ton abandon.....au fil du suivi, je me suis attaché à vous tous et quand l'un(e) de vous galérait, c'était bien dur. Dommage de ne pas avoir senti venir cela, sinon, je n'aurais pas hésité une seconde pour le coup de fil qui tente d'aider. Même en pleine nuit....vu que, de toute façon, cette nuit là, j'ai du dormir 3 heures à tout casser.
J'espère qu'on aura l'occasion de se croiser sur une course, un jour......et partager un beau résultat. Et peut-être à l'année prochaine dans la région de Chamonix, qui sait?
Et maintenant, au boulot, j'ai quelques heures de retard à rattraper, au jeu, moi..:-)
Commentaire de Arclusaz posté le 08-09-2013 à 23:16:11
J'aurai tellement aimé que tu ailles au bout !!!!!!
Un peu égoïstement pour me dire "tiens, on a fini ensemble la STL, si je voulais, je pourrais faire la CCC" (ce qui n'est pas du tout vrai).
Mais surtout pour toi, pour que tout cet entrainement paye ! tu as progressé de manière incroyable en un an (tu vas me prendre 2h à la STL2013 !) : encore un peu d'expérience à glaner et tu vas apprivoiser ces formats.
Bravo, championne.
Commentaire de Arcelle posté le 09-09-2013 à 20:02:39
Un grand merci à tous !
Avec une mention spéciale pour Bubulle et ton incroyable suivi ; normalement pas besoin d'attendre l'année prochaine, on devrait se croiser à Sainté le 7/12. Arculsaz j'espère qu'on arrivera ensemble à Lyon le 8/12, et crois moi, tu peux très bien faire la CCC !
Commentaire de sabzaina posté le 10-09-2013 à 21:33:24
Enfin le temps de lire (je me mets à jour petit à petit de tous ces CR).
Que dire... ça ne tient pas à grand chose un abandon. Comme le dit Matchbox, peut_être faut-il se laisser le temps de la réflexion. Mais bon, si tu avais mal et que tu as jugée ta douleur invalidante alors tu as bien fait. Essaie de ne pas regretter.
Hâte de te rencontrer enfin à Sainté ;)
Commentaire de Japhy posté le 11-09-2013 à 06:03:46
Se laisser le temps de la réflexion, c'est possible lorsqu'on a pas mal d'avance sur les barrières horaires, et malheureusement, quand on ne court pas très vite, ce n'est pas toujours le cas...(en tout cas moi, je suis trop juste pour avoir le temps de réfléchir généralement, c'est bien là toute la question, il faut d'abord augmenter sa vitesse de base, c'est ma conviction. Je me permets cette remarque car je suis exactement dans tes temps Arcelle...
POur le reste, deux ou trois petites remarques pour l'an prochain! :D
- pour l'hébergement: j'ai réservé, en 2012, une chambre d'hôtel dix jours avant la course, à 300m du départ des navettes. Sur booking.com il y a souvent des désistements, et les chambres sont remises en circulation. Faut regarder souvent.
- pour les ampoules: il ne faut pas "entourer" ton pied, mais simplement mettre de l'elasto sur le dessous, en remontant sur les côtés, sans faire de tour complet. Dans ce cas, pas de compression, et pas d'ampoules non plus (en tout cas, je n'en ai pas eu l'an dernier malgré le déluge continuel, la boue etc)
- si ton hébergement est trop loin de l'arrivée, il y a la possibilité de s'écrouler sur un lit de camp du gymnase, c'est ce que j'ai fait. Je dois même dire que je n'avais pas d'hébergement du tout pour cette nuit-là, vu que je ne pensais pas du tout arrêter en route! Cette dernière remarque est de toute façon sans intérêt, puisque la prochaine fois, tu iras au bout!
Bonne récup et encore un grand bravo!
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