L'auteur : DidierC
La course : Courmayeur - Champex - Chamonix
Date : 24/8/2007
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 2948 vues
Distance : 86km
Objectif : Pas d'objectif
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Tout d’abord je précise que c’est mon premier C.R, ma flemme naturelle m’ayant jusque là empêché de m’y mettre !
Alors nous y voilà enfin, Courmayeur, le 24 aôut 2007, il est midi trente, et le départ est sur le point d’être donné.
Je viens de souhaiter bonne chance à Jean-Marie (Akuna), qui file se placer dans les premiers rangs pour éviter les bouchons (la suite montrera qu’il n’avait pas tort).
Quant à moi, je reste sagement derrière ,je sais qu’un départ trop rapide me serait fatal, surtout sur cette distance (86KM) que je ne connais pas encore, mon record étant de 57 !
Le départ est donné après moult discours, on marche un peu et après une minute on commence à trottiner: je suis avec ma compagne, Violaine, mais on a décidé de ne pas faire la course ensemble (elle est plus rapide que moi en montée, et moi plus rapide en descente): je la quitte donc au bout d’un kilometre dans les rues de Courmayeur ou règne une belle ambiance: on sent que cette course est particulière pour tout le monde…
Après quelques ruelles en montée douce, on attaque le premier gros morceau: Bertone.
Mais très rapidement, des ralentissements se forment. Je suis en plein milieu du peloton (900° environ) et le sentier n’est pas assez large pour éviter la saturation.
Je décide de faire avec et de ne pas m’énerver, au contraire de certains concurrents apparemment prêts à se fouler la cheville voire pire pour gagner qualques places alors qu’il reste + de 80 bornes.
Fianalement, j’arrive à Bertone en 970° position environ, et je décide de ne pas faire de pause, ce qui va me faire gagner près de 100 places! Jusqu’à Bonatti, c’et toujours la queue-leu-leu, ça trottine cependant suffisamment vite à mon gôut. Je savoure sur magauche le paysage (Dent du Géant et Grandes Jorasses), mais je commence aussi à ramasser les premiers détritus…
A Bonatti, c’est la foire d’empoigne au ravitaillement, certains esprits s’échauffent ,et je m’étonne de ce stress affiché par beaucoup, qui leur fait perdre les réflexes les plus élémentaires de civisme et de politesse, notamment envers les extraordinaires bénévoles. Heureusement, ce type de comportement se fera de + en + rare au fur et à mesure que la course se décantera…
Arnuva, km 17: on accède à ce ravitaillement par une jolie descente roulante: pour moi, tous les voyants sont au vert; mais je sais que j’aborde désormais le premier gros morceau: le Grand Col Ferret.
Dans ce col, magnifique au demeurant, les premières défaillances se font voir. Un pauvre concurrent, drapeau breton sur le sac, est prostré sur le bord du sentier, vomissant.
Mon but dans ce col est de ne pas m’arrêter une seule fois. J’y arriverai, au prix d’un effort régulier.
Au col, je regarde ma montre: 5H de course. Je suis inquiet car ça me semble trop rapide pour mes prévisions (entre 18 et 20h de temps final).
D’ailleurs, un signe qui ne trompe pas, en déballant un gateau énergétique je ressens un certain dégout, et ça se confirme en essayant de le manger: ça passe pas !
Désormais je sais que je vais devoir me faire violence pour m’alimenter, sans quoi je n’irai pas au bout.
Heureusement, la descente sur La Peuuule (avec l’accent traînant) est superbe et bien roulante, ce qui me distrait de mes doutes…
A La Peule, je fais un changement de semelles orthopédiques (les nouvelles me font mal au genou…), et je déguste pour la première fois la fameuse soupe aux vermicelles qui va bientôt devenir la seule nourriture que je peux ingurgiter… mais ne brûlons pas les étapes.
En dessous de la peule, après une descente raide, on rejoint une route goudronnée. Bizarrement, moi qui déteste d’ordinaire le goudron, elle me plaît bien, car c’est agréable de ne plus devoir se concentrer en permanence sur ses pieds…
Arrivé à La Fouly (km 30), je me sens moyen moyen. ça se confirme lorsque je sens que ma soupe aux vermicelles ne descendra pas. Je vais vomir… mais je me souviens que je suis en Suisse et je me dis que gerber par terre ne doit pas être trop apprécié au pays de la propreté !
me voilà donc courant dans les couloirs du centre d’accueil à chercher des WC, alors que tout remonte! arrivé aux WC, la queue et apparemment personne ne veut me laisser passer ! Rhaaa! je trouve finalement in extremis un lavabo et m’occupe à le… remplir.
Après cet épisode peu ragôutant mais que je tenais à raconter, je me sens très faible.
Je retourne au ravito, jette un coup d’oeil sur les victuailles, rien ne me fait envie… finalement je repars sur la soupe, mais damned ! c’est de la flotte, ils ont oublié les pâtes !
Et là je fais ma première grosse erreur: je repars sur la course avec en tout et pour tout deux bols de soupe claire dans l’estomac…
Evidemment, sur le chemin de Praz-de-fort, je me sens faiblard: il reste encore + de 50 bornes et je me demande comment je vais y arriver.
Heureusement, j’ai sur moi des gels “coup de fouet”, assez dégueulasses à vrai dire mais qui produisent tout de suite leur effet: du coup je peux recommencer à courir, en pestant contre l’opérateur suisse de téléphonie mobile qui refuse obstinément de me laisser téléphoner.
Du coup, je ne sais pas ou est Violaine, et ce sera comme ça toute la soirée…
Cette descente est interminable, même si on passe dans un très joli vilage, Praz-de-fort, ou les gens comme partout nous encouragent chaudement.
C’est à la nuit tombante que j’entame la montée sur Champex, qui est la troisième des 5 grandes montées de ce CCC. ça ne se passe pas trop mal, mais que cette montée me paraît longue !! j’attends avec impatience le repas chaud de Champex.
On n’est plus très loin ,je le sens à la montée des clameurs, et en effet au détour d’un virage c’est un comité d’accueil surexcité qui nous attend, et on franchit les derniers mètres survoltés.
Il est 21h10 environ, je suis à la base d’accueil de Champex.
Première impression: ça grouille de monde, coureurs + accompagnants, et il fait chaud.
Rapidement, je lorgne sur des magnifiques steak-frites qui me font envie, mais on m’apprend que c’est “réservé aux accompagnants”, je l’ai un peu mauvaise, je pensais que les coureurs étaient prioritaires…
On doit donc se contenter de pâtes pas mauvaises mais un peu dures à passer: je grignote sans enthousiasme, bien conscient que je ne mange pas assez, mais aussi que si je mange plus ça sera de nouveau les vomissements et le retout à la case départ…
Au bout de quelques minutes, je tombe sur mon cousin lionel, trailer novice mais sportif complet, qui s’apprête à repartir. J’aimerais bien venir avec lui pour affronter la nuit, mais je sais que son rythme est supérieur au mien ,et je renonce sagement.
Après une nouvelle soupe (décidément le seul truc qui passe!), je me mets en tenue de nuit (collant+ maillot polaire) et je sors du chapiteau après 25 minutes d’arrêt.
Tout de suite, je suis saisi par le froid, + ressenti que réel , c’est surtout la chaleur de la base qui crée ce contraste. Du coup, je rajoute ma veste coupe-vent.
Il est environ 22h lorsque je longe le lac de Champex, à peine conscient de sa présence dans la nuit. Je pense plutôt aux 41km qui restent et aux 2 montées terribles: Bovine et les Tseppes.
J’attaque Bovine après un interminable faux plat descendant ou je préfère marcher pour ne pas me griller.
Je vais beaucoup souffrir dans cette montée, même si elle n’est finalement pas si dure que je l’imaginais. Mais son aspect chaotique empêche de prendre un bon rythme, et je réalise rapidement que je suis sous-alimenté. Cerise sur le gateau, je vais manquer d’eau à mi-montée (manque de lucidité, j’ai cru remplir ma poche à eau alors qu’elle était encore aux 3/4 vide).Bref, grosse galère: je me fais doubler par des dizaines de traileurs: certains m’encouragent mais la plupart sont enfermés dans leur propre souffrance.
Dans ce moment critique, je me raccroche à mon altimètre: je sais que la montée fait 700 mètres, j’essaie donc de grimper 100 mètres d’un coup, puis de m’arreter 2 minutes pour récupérer ,et ainsi de suite…
je vais à peu près y arriver, mais c’est au bout du rouleau, nauséeux et les jambes en coton que je sors de cette montée.
Au ravito ,une bénévole me donne un médicament anti-nausée, je parviens à avaler un thé hypersucré et une soupe, mais rien d’autre: je dois maintenant me battre pour arriver à Trient.
Depuis quelques temps, je pense sérieusement à l’abandon.
Parvenir à Trient est donc mon unique but à ce moment.
La descente est très dure, je n’avance pas. moi qui adore les descentes, je n’ai pas la force de courir, et je claudique maladroitement le long de ce sentier pierreux et couvert de racines, m’arrêtant régulièrement pour laisser passer des groupes entiers de coureurs.
C’est dans cette section que je perdrai le + de places, mais c’est le cadet de mes soucis à ce moment.
Enfin, après une descente qui me paraît interminable, j’arrive à Trient.
L’abandon est toujours présent à l’esprit, mais je sais qu’il me reste un joker: je sais que ma compagne Violaine est quelque part derrière moi, et je me rappelle ses paroles :”si tu es mal, ne prends aucune décision d’abandon avant que j’arrive”.
Je me cale donc sur une chaise et attend en machouillant du fromage et en buvant une énième soupe: je sais que j’ai plus de deux heures d’avance sur la barrière horaire, mais je ne me sens pas le courage de repartir affronter les Tseppes seul.
Finalement, Violaine arrive une petite demi-heure après, beaucoup plus fraîche que moi: après un départ prudent, elle m’a régulièrement repris du terrain.
La première chose qu’elle me dit, avant même que j’ail le temps de pleurnicher sur mes souffrances, est: “on repart tout de suite !”
Du coup nous voilà dans la nuit, décidés à enfinir: le moral est revenu, je n’ai plus doutes désormais.
Dans les Tseppes, c’est la grosse bagarre: cette montée est terrible, mais je sais que si on bascule c’est gagné: je m’accroche donc au pas régulier de Violaine, et les 300 premiers mètres se passent bien.
Mais soudain ,je sens que je suis dans le rouge: je ne peux plus suivre…
Les 400 derniers mètres se feront au mental, et grâce aux encouragements de Violaine: comment aurais-je fait sans elle? je ne le saurai jamais mais ce n’était pas gagné…
Désormais, chaque km devient terriblement long. Le long plat avant Catogne me paraît interminable, mais je le regrette vite en entamant la descente glissante de Vallorcine: c’est boueux, assez technique, et très cassant. On tient au moral.
peu avant Vallorcine, les premières lueurs du jour, puis le ravito, vite passé: on part dans le col des Montets, ou je connais un étonnant retour de forme: j’ai même envie de le monter en courant, mais Violaine a mal au genou et on se contente d’une marche rapide.
Au col, le soleil se lève sur les aiguilles de Chamonix, c’est magnifique: à ce moment je suis enfin heureux d’etre là, je n’ai plus de doutes.
Après Argentière, la fin nous paraît, comme à tout le monde, interminable.
encore un virage, encore une montée: salauds d’organisateurs !!!
Mais enfin ça y est, on arrive à la patinoire, il reste moins d’un km: alors on commence à courir, à courir vite même, il n’y a plus de douleurs, les spectateurs nous acclament comme des champions que nous ne sommes pas, on passe la ligne la main dans la main avec Violaine en 21h32: il est 10h du matin ce samedi, on l’a fait. Tout simplement.
Merci à tous ceux qui ont rendu possible cette aventure, et en premier lieu aux bénévoles, mais aussi au coureur anonyme qui m’a donné sa bouteille d’eau dans la montée de Bovine.
C’est une aventure exceptionnelle qui mérite d’être tentée au moins une fois.
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10 commentaires
Commentaire de vboys74 posté le 28-08-2007 à 20:31:00
Bravo pour ta course!
Des moments de plaisirs, de douleurs!
Le soutien de ta compagne a été important, l'ultra n'est pas si individuel que ça, on trouve toujours quelqu'un avec qui partager quelque chose.
Encore bravo à toi (et à Violaine)
Seb
Commentaire de claude41 posté le 28-08-2007 à 20:48:00
Bravo, tu confirmes une chose super importante, c'est le rôle de nos femmes (lorsqu'elles courent avec nous!!!) elles ont toujours un mental extraordinaire. J'espère que tu as su lui témoigner ta reconnaissance .....
Et encore bravo pour ton courage dans la difficulté
Commentaire de akunamatata posté le 28-08-2007 à 23:15:00
oui tu devrais faire plus souvent des CR Didier !
bien vu le coup d'attendre Violaine, le tournant de l'affaire a n'en pas douter
Akuna
Commentaire de Jerome_I posté le 29-08-2007 à 09:13:00
Salut,
très beau CR. A deux c'est mieux. Et ne pas oublier de remplir son Camelback. Perdre 20secondes pour verifier à chaque fois!
Premier CR fort agréable!
Bravo et maintenant ton record passe de 57km à 86,5km... Tu(vous) pourras meme t'inscrire au grand tour...
Bonne récup
Jérome
Commentaire de jpoggio posté le 29-08-2007 à 13:07:00
Salut Didier,
je vois que nous avons aussi peu aprécié les descentes sur Trient et Vallorcine l'un que l'autre !
En tout cas, on sait où progresser : alimentation pour toi et descente de nuit pour moi.
D'ailleurs, dès ce matin, je n'ai pas allumé la lumière de l'escalier en descendant les poubelles.
(et je me suis cassé la gueule).
Commentaire de riri51 posté le 29-08-2007 à 21:03:00
Pour un premier CR CHAPEAU!!! et félicitations pour ta gestion de course, notamment ta décision d'attendre Violaine (en espérant avoir rapidement l'occasion de la rencontrer!!!). Que te souhaiter à présent une bonne récup et un dossard pour l'UTMB 2008? A+ poto
Commentaire de JLW posté le 29-08-2007 à 23:32:00
Je n'ai qu'un seul mot à te dire, BRAVO VIOLAINE (et quand même bravo à toi aussi Didier).
Commentaire de Le Bulot posté le 31-08-2007 à 14:47:00
BRAVO, du mantal il en faut , BRAVO auusi à ton amie qui a su trouvez les mots pour te remotiver , tien tien comme à l' Ardechois ou nous avons fini casi en même temps et tu avais le même probléme d'estomac...
le bulot
Commentaire de Say posté le 01-09-2007 à 18:25:00
Chalut
C'est extraordinaire de pouvoir partager à 2 cette passion de la course. Là en plus, ta moitié t'ai vraiment aider à terminer et tu peux la remercier.
Félicitations à tous les deux alors!
Commentaire de joy posté le 04-09-2008 à 18:51:00
B R A V O !!!
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