Récit de la course : Courmayeur - Champex - Chamonix 2013, par poulo

L'auteur : poulo

La course : Courmayeur - Champex - Chamonix

Date : 30/8/2013

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1259 vues

Distance : 98km

Matos : Tout Salomon!! Fan addict

Objectif : Terminer

2 commentaires

Partager :

135 autres récits :

Quelle aventure...!

Avant de commencer, si vous voulez avoir le même récit mais avec les photos, vous pouvez basculer sur Mon blog ICI, je crains avoir du mal à refaire tout le boulot d'importation sur cette page....!Embarrassé

Bonne lecture!!

 

Décembre 2011, c’est décidé, on s’inscrit à la CCC avec les collègues !!

Malheureusement ou peut être heureusement, nous ne serons pas tirés au sort pour l’édition 2012, (temps exécrable avec pluie, neige et un parcours raccourci). Nous sommes donc prioritaires pour 2013…

Août 2013, après plusieurs épreuves de préparation (Trail Ardéchois, Aubrac Circus, entre autre), une tendinite du péroné difficile à se débarrasser en Juillet et un dernier mois assez intense en charge d’entrainement (ma charge s’est finalement concentrée sur 4semaines de prépa), cette fois on y est, face au Mont Blanc, à Chamonix !!!

La météo est avec nous, ce dernier WE d’Aout s’annonce très beau avec des températures de 20°C en vallée et autour de 10°C à 2000m. IDEAL !!

Je me sens à un niveau physique assez proche de mes belles années de cyclisme, pas un pète de gras !! Bon Jean-Pierre me paraît encore plus affuté, et ça m’énerve un peu !;-)

La seule interrogation que j’ai concerne une douleur sous le pied gauche au niveau des « coussinets » lorsque je griffe le sol (ok, je sais je ne suis pas un chat mais je ne connais pas le terme exact !), certainement une inflammation due à mes semelles un peu trop fatiguées. J’espère juste que la douleur ne s’amplifiera pas avec la distance…

Après être arrivé à Chamonix en début d’après-midi, on choisit d’aller rapidement chercher nos dossards, et là ça commence mal ou plutôt on comprend l’ampleur de la réputation de cette course, une queue énorme de coureur serpente à l’extérieur du palais des sport, ça va être long, très long. On nous annonce plus d’une heure d’attente, debout à piétiner, pas top pour les jambes à la veille de la course et après 6h de route !! Heureusement nos petites femmes sont là pour garder notre place dans la queue pendant que nous nous asseyons à proximité, et à l’ombre.

Enfin notre tour, c’est une succession de sas à passer : contrôle d’identité, paiement de la caution de 20€ pour la puce, contrôle des sacs et du matériel obligatoire, ce sera téléphone et veste Gore Tex pour ma part, Nico, lui aura moins de « chance » et devra quasiment montrer tout son paquetage!! Ensuite on nous donne notre dossard puis le bracelet, la puce et enfin le tee-shirt North Face de la course (pour se la raconter !!) et le sac de 30l pour le change à déposer au départ pour être rapatrier à Chamonix.

Ouf, c’est bon tout le monde a récupéré son précieux sésame !! Reste à flâner un petit peu dans les allées du salon de l’Ultra Trail pour s’imprégner un peu de l’ambiance. En tout cas, c’est super impressionnant de voir autant de monde dans Chamonix, et surtout autant d’étrangers, ça change des trails que l’on fait d’habitude ! On commence à sentir que l’on est sur du lourd comme épreuve. C’est à la fois stressant mais aussi excitant d’être au cœur d’une telle manifestation.

On rejoint notre gite, la préparation du sac est minutieuse, tout est important, et surtout la stratégie de ravitaillement, quoi boire, quoi manger et à quel moment ? C’est là que l’importance d’avoir déjà participé à plusieurs trails et de s’être fait une bonne expérience sur d’autres courses permet de gérer au mieux ce genre d’épreuve même si la distance nous est encore inconnue.

Du fait d’un règlement assez strict, le sac est assez lourd, de mon côté je pars avec 2kg de matériel et 2,5l de boisson soit 4,5kg pour mes frêles épaules !! Ça paraît peu comme ça mais porté sur 100km, ça tire bien quand même !

Vendredi 30 Aout, c’est le jour J, on prend les navettes nous amenant de Chamonix à Courmayeur via le tunnel du Mont Blanc, ma première fois sur le territoire Italien !

Après 30mn, nous sommes arrivés,  le stress monte et le besoin de se délester d’un surpoids intestinal se fait sentir !! Direction le centre sportif qui accueille les coureurs en attendant le départ. Malgré les nombreux coureurs circulant dans tous les sens je tombe nez à nez avec Philippe et ses copains, cela fait déjà plusieurs fois que l’on se croise sur les courses et c’est toujours sympathique de se revoir.

Il est temps ensuite de se rapprocher de la ligne de départ sur la place Brocherel, il y a un monde énorme, de la musique, les consignes qui sont annoncées en multi-langues, les favoris qui répondent au micro du speaker, waouh cette fois c’est sûr on ne peut plus reculer, il va falloir se lancer. Jean-Pierre va se faire une dernière petite frayeur en se cognant la tête dans une barre, résultat : arcade ouverte heureusement vite stoppée, on a frôlé le drame !!!

Les 5 dernières minutes sont longues et courtes en même temps, mon GPS ne veut pas prendre les satellites, ça me rajoute du stress à un moment où je préfèrerais filmer l’ambiance au cœur du peloton des 1900 coureurs. On a le droit aux hymnes des 3 pays traversés puis la dernière minute, tout le monde lève les bras et sur l’air de Vangelis, le départ est lancé. Cette musique me donne un peu l’impression de partir au casse-pipe!!

 Bon  l’émotion est quand même là et on s’imprègne une dernière fois de cette foule de spectateurs avant de s’isoler dans la montagne.

C’est parti pour 101km et 6100m de dénivelé positif, une broutille… !

Je suis parti avec David et Jean Pierre dans le premier sas, les 2 autres Bruno, Mo et Nico sont quant à eux prévus dans la deuxième vague, 15min plus tard.

Les 2 premiers km se font sur une route montant en lacet, on a hâte d’attaquer les chemins ! Ça ne tarde pas et le chemin se transforme même rapidement en monotrace alors que la pente s’accentue, ramenant tout le monde à la queue leu leu, en mode marche forcée. A cet instant, je me dis que la montée va être très longue…

Mais finalement, ce rythme tranquille me permet de faire quelques belles séquences vidéo et de bien profiter de cet incroyable panorama qui se dessine lentement au-dessus de nos têtes. Ces pauses multiples nous séparent David et moi pour un temps. Cette première montée vers Tête de la Tronche est intense et nous fait prendre presque 1500m de D+ en à peine 10km, de quoi bien s’échauffer pour la suite.

Il me faudra plus de 2h pour en venir à bout !! Les derniers mètres sont vraiment très raides. Heureusement que l’on est encore à peu près frais… Le paysage est époustouflant avec une magnifique vue sur le Mont Blanc et Courmayeur en fond de vallée.

La descente vers le refuge Bertone se fait à vive allure sur un single creusé par les bêtes ou les randonneurs ou surement les deux et donc pas assez large pour avoir une foulée normale. Je mets un peu le frein dans le bas car il y a pas mal d’ardoise et aussi beaucoup de poussières, le sol étant hyper sec, pas le moment de se faire une cheville ou pire encore.

Premier arrêt au stand, je remplis simplement une de mes soft flasque puis repart à l’assaut du refuge Bonatti. Cette portion est assez roulante et on traverse à plusieurs reprises de jolis torrents permettant de se rafraichir la nuque. L’eau est d’une limpidité incroyable.

Je rejoins David qui bouchonne un peu et nous continuons donc ensemble la progression.

Refuge Bonatti, Km21, je remplis ma deuxième flasque et en profite pour remplacer ma batterie de GoPro. Pas de soucis, j’en ai prévus 6 pour toute l’épreuve…!

On repart ensuite pour un nouveau tronçon « relativement » plat en direction du premier gros ravitaillement d’Arnuva. Pas mal de coureurs semblent déjà éprouver des difficultés à avancer, et marchent beaucoup. De notre côté, tout va bien, on trottine en discutant, comme si c’était le footing du dimanche !! Le point de vue est toujours aussi magique avec les Grandes Jorasses et le Mont Blanc en toile de fond. On est émerveillé, comme des gosses devant le sapin de noël !!

Arnuva, Km26. Dans la dernière petite descente arrivant au ravito, j’entends des gens hurler mon nom et celui de David avec l’accent Italien, excellent !! C’est toute la bande de copains Régine, Hélène, Quentin, Sallie et Romain qui nous encourage depuis le bas et qui ont mis le feu dans cette foule de supporters ! C’est trop génial et on débarque comme des stars.

Une petite photo tous ensemble et on part s’attabler, 2 soupes vermicelles pour moi, 1 tranche de saucisson, 1 excellente tranche de jambon de pays, 1 bout de fromage, 1 morceau de pain, c’est presque comme au resto !! J’ai même une bénévole qui s’occupe d’aller remplir mes 2 flasques, c’est le top.

Après un petit quart d’heure assis tranquillement, il est temps de reprendre la route. J’avais vu avant la course qu’il était important de repartir d’Arnuva avec le plein en réserve hydrique, je refais donc aussi le plein de ma poche à eau en ressortant du chapiteau.

Un dernier petit mot d’encouragement avec la Team que je sais ne pas revoir avant un petit moment et on repart à l’escalade du Grand Col Ferret, le deuxième gros morceau du parcours, 4,2km pour 750m de D+. Pour rajouter à la difficulté, on est en début d’après-midi, aux heures les plus chaudes, et la casquette est notre seule coin d’ombre. Heureusement, en montant, on retrouve un peu d’air frais…

On fait avec David une belle ascension, à un rythme efficace puisque nous remontons bon nombre de concurrents et personne ne nous double. Arrivée au sommet après 1h d’effort soutenu, je suscite encore la curiosité des spectateurs avec ma GoPro en bout de perche. Le panorama est toujours aussi fabuleux, tellement envoutant même que le vide nous attire et on a le sentiment de perdre l’équilibre par moment, ça fait tout drôle !!

On ne s’attarde pas trop en haut, pointage puis on bascule dans la descente. Une belle descente pas trop violente permettant de pas mal se lâcher, le problème c’est qu’elle dure longtemps, très longtemps, une bonne dizaine de km et qu’à la longue, les cuisses souffrent et les articulations morflent aussi pas mal si bien qu’en arrivant sur le plat à La Fouly, je ressens une bonne douleur au niveau de la hanche me faisant boiter en marchant, pas bon du tout ça alors que l’on a parcouru à peine 40km.

Virginie est là, ça fait du bien de la voir, d’autant plus que je sais qu’elle va pouvoir me suivre à partir de maintenant sur la plupart des points de passage à venir. Un vrai réconfort mental !

On se refait une soupe et je tente quelques étirements du TFL pour tenter de faire passer la douleur. A part l’apparition de ce « petit » problème, tout le reste va bien, pas de problème gastrique, pas de douleurs ou d’ampoules aux pieds…

Et c’est reparti pour la fin de descente en direction de Champex, sous les pins, en suivant un gros torrent. Il y a aussi un très beau passage à flanc de falaise avec des cordes pour les moins intrépides !!

J’ai tout à coup un regain d’énergie sur cette portion, la douleur de la hanche en marchant s’estompe largement en courant et j’ai l’impression de planer au-dessus du chemin, d’avoir la possibilité d’enclencher la 2éme et de pouvoir dérouler à 14km/h.

Je me ravise en me contentant d’être un peu plus aérien dans mes foulées.

David fait un peu les frais de cette « petite » acccélération car de son côté la puissance est en baisse et en arrivant au très mignon petit village Suisse de Praz de Fort, il me dit se sentir nauséeux…Aie ce n’est malheureusement pas bon signe.

Je rechange une nouvelle fois ma batterie, fait un petit coucou à virginie qui nous encourage avant de m’attaquer à un petit raidillon avant le ravito de Champex. Seulement ce que je pensais n’être qu’une bosse passagère se transforme finalement en petit col à monter avec presque 45’ d’ascension pour 3,6km et 380m de D+, le ravito ce ne sera donc pas pour tout de suite et j’en profite alors pour manger tranquillement une barre de céréale salé Overstim récupéré à Arnuva, pas trop dégueu, ça passe plutôt bien en buvant régulièrement. David monte à son rythme et m’a laissé partir devant.

A l’arrivée sur Champex et son ravito, quelle ambiance, il y a énormément de monde qui encourage à tous va et dans toutes les langues, je passe au milieu d’un cordon de supporter, cherche Virginie que je ne trouve pas et franchis finalement l’entrée de la tente de ravitaillement. Celui-ci est le premier ravitaillement ou l’on a le droit d’avoir l’assistance d’une personne extèrieure à l’organisation.

Je reprends à nouveau une soupe, bois un peu de coca, prends un morceau de pain et du saucisson mais l’absorption devient difficile pour mon estomac et je manque d’envie. Je préfère alors ne pas me forcer et attendre que l’appétit revienne. Je surveille d’un œil l’entrée de la tente pour voir si David arrive, le temps passe et il ne fait toujours pas son apparition, je me dis alors qu’il doit vraiment passer un sale quart d’heure. Entre temps, Virginie qui ne m’attendait pas aussi rapidement arrive, elle m’aide à refaire le plein de mes flasques et de mon côté j’en profite pour me re-crémé les pieds histoire de les préserver au maximum. Je propose à Virginie de se servir un thé à la table de ravito, malheureusement pour elle, je ne sais pas si c’est une tradition suisse, mais celui-ci est salé et c’est tout simplement ragoutant !! ;-)

Après une vingtaine de minutes passées, je décide de repartir au moment où David arrive enfin. Il est tout livide, sec, plus de pile !! Champex sera malheureusement le terme de son aventure…J’apprendrais un peu plus tard que Nico et Mo abandonneront aussi à La Fouly. C’est toujours dure de jeter l’éponge surtout lorsque musculairement on se sent encore la force de continuer.

Je sors de la tente et tombe sur la douane, non je rigole, contrôle de sac obligatoire comme à la remise des dossards. Je suis pris d’un petit coup de stress. Est-ce que j’ai bien tout ce qu’il faut ?? Le Gentil Organisateur me demande de lui montrer ma veste imperméable, mes deux lampes frontales et mon téléphone, logique la nuit arrive et ils ne veulent pas laisser partir les coureurs sans sécurité.

Tout est ok et je reprends tranquillement ma route en marchant ou plutôt en boitant car j’ai toujours mal à la hanche. On avance tous les deux avec Virginie vers le super joli lac de Champex, des gens aux terrasses des cafés m’applaudissent, on sent bien que l’UTMB est au cœur de toutes les attentions.

Après une petite photo en amoureux autour du lac, je repars d’un bon rythme vers la prochaine difficulté, Bovine, 5km de montée et 700m de D+.

Il n’y a plus grand monde autour de moi, personne derrière et seulement 1 coureur loin devant mais j’apprécie bien ces moments de solitude ou je profite vraiment de ce qui m’entoure.

Cette ascension est assez difficile sur le bas et je me cale sur l’allure d’un coureur qui a une bonne technique de marche avec ses bâtons, le premier que je vois depuis le départ qui me donne l’impression que ses bâtons sont utiles !! Bon après quelques km et lorsque ça devient un peu plus « courable », je reprends l’avantage et creuse l’écart.

Sur le haut, on traverse un pré et un troupeau de vache tente de faire un blocage sur le chemin, bon c’est rigolo mais je ne suis pas bien rassuré quand même en les croisant !!

La luminosité commence a baissé et je pense déjà au prochain ravito de Trient où il faudra que je passe en mode nuit. Depuis le départ, j’ai de bonne sensation et je me sens assez solide musculairement, ce qui me rassure et me permet me lâcher dans les descentes en me projetant vers l’avant dès que la pente se fait moins raide. Du coup, je rattrape et dépasse bon nombre de coureurs…

Trient, la nuit est là, sans éclairage les derniers mètres de descente dans les pins étaient un peu juste mais je n’avais pas envie de m’arrêter pour sortir la lampe.

Virginie m’attend, je passe au pointage sous l’église rose qu’on ne peut pas louper, ce n’est pas vraiment commun !!

Au ravitaillement, c’est à nouveau la soupe de vermicelle que je privilégie mais l’estomac commence à être saturé et je dois prendre le temps pour que ça descende. Je remplis mes deux flasques, une de coca et l’autre d’eau gazeuze comme à Champex puis change de tee-shirt et de première couche, je mets mon buff et la lampe frontale par-dessus, je suis fin prêt pour affronter la nuit !! Mais au moment de repartir, 50m après la tente, je suis pris de nausée !! Je m’arrête et reste figé vers le sol quelques longues minutes attendant que ça sorte. Finalement, ça passe, et je peux reprendre ma route. Direction Catogne, l’avant dernière difficulté, 4km et 750m de D+, ça monte très fort dès la sortie du ravito et on continue de dominer un petit moment la fameuse église rose. J’ai en ligne de mire  la frontale d’un coureur 200m devant moi qui ouvre la route et me permet de voir ce qui  va m’arriver, si la pente est plus raide, si ça tourne, si c’est bientôt la fin…

Mon sac commence à me peser sur les épaules, mais côté cuisses et mollets, tout va bien, et je suis agréablement surpris par ce sentiment de force que je ressens. C’est plutôt plaisant et surtout ça aide bien sur ce genre de course.

Après une heure, je passe le sommet et le pointage tenu par de courageux bénévoles autour d’un feu car si nous on a chaud, pour eux immobile, ça ne doit pas être la grosse chaleur à presque 2000m.

Depuis le départ, je suis informé et encouragé via SMS de ma progression par Jean-Philippe mais aussi Stef et Sand, et je dois dire qu’avec l’arrivée de la nuit et le fait que je ne puisse plus filmer, je me suis pris au jeu de remonter un maximum de coureurs.

De son côté, Virginie reçoit aussi bon nombre de SMS d’encouragement à mon égard et ça pousse à donner le meilleur de soi-même. Merci à tous !!

Comme à Bovine, j’expédie la descente en me faisant quand même quelques frayeurs lorsque le pied bute dans une pierre ou une racine, ça fait une petite montée d’adrénaline. Ça serait bien dommage de s’éclater dans les rochers…

Les lumières de Vallorcine sont déjà là en contrebas, le dernier pré est hyper raide et allume bien les cuisses. Je me rends compte qu’on est à ce moment-là en sens inverse du marathon du Mont Blanc lorsque celui-ci prend la direction de l’aiguillette des Posettes après le ravito de Vallorcine. Le parcours est commun d’ailleurs depuis le col des Montets bon sauf que moi il fait nuit donc c’est plus la même vue…

Au ravito, je retrouve Virginie, Régine et Nico. Ça fait toujours autant de bien mentalement de voir du monde même si c’est vrai que je commence à avoir envie que cela s’arrête. Depuis Champex, ce n’est qu’une succession de grosses montées et de grosses descentes !! C’est éreintant physiquement et psychologiquement.

Je ne me rappelle même plus ce que j’ai pris à ce ravito si ce n’est que j’ai à nouveau répéter ma recette coca + eau gazeuse dans mes flasques. Le fait de pouvoir varier est super agréable sur autant d’heures.

Je ne tergiverse pas trop et redécolle vers le col des Montets. Il ne fait pas chaud dans cette vallée, la rosée a déjà envahi la vallée et je me force à courir pour me réchauffer plus vite. Jusqu’au Col des Montets, le chemin est assez large et plutôt en faux plat montant, ça fait du bien de pouvoir se dégourdir les jambes autrement que dans du 45° positif ou négatif !!

Virginie m’attend à nouveau au Col des Montets en compagnie de Djeuns qui jouent de la musique. « C’est toi Bruno ? » « Oui oui c’est bien moi !! » Pas évident pour les gens de nous reconnaitre lorsque l’on prend plusieurs dizaine de Lumens en pleine poire !! Comme au ravito où l’on ne pense pas toujours à éteindre la frontale lorsque l’on est face du bénévole qui grimace !!

Virginie m’accompagne jusqu’au pied de la dernière difficulté, la Tête aux Vents, 2,5km pour 600m de D+, considéré par certains comme la plus dure. Il suffit de lever les yeux au ciel pour se rendre compte de l’ampleur de la tâche. On pourrait presque confondre les frontales des coureurs avec les étoiles tellement ça monte vertical et c’est limite décourageant lorsque l’on est encore en bas…

Un coureur me double juste avant de démarrer, il a l’air encore frais lui, je ne veux pas y aller, c’est trop dure !!

Bon Virginie me pousse encore, allez ça va le faire, c’est presque fini…Tiens bizarre cette petite flaque qui fait des bulles sur le bas-côté du chemin. Non je vous jure, ce n’est pas une hallucination, Virginie est avec moi et elle voit la même chose !!

Go, je m’élance dans ce qui ressemble à un chaos rocheux, il n’y a parfois plus de chemin et il faut se hisser de bloc en bloc pour avancer. Il y a par moment des escaliers ou des barres d’acier plantées dans la roche pour nous aider dans l’ascension mais ça reste vraiment dur. Un moment je me dis que je suis comme dans un col à vélo avec 50m de pente, un virage, 50m de pente, un nouveau virage et ainsi de suite. J’ai toujours en ligne de mire le coureur m’ayant dépassé en bas et je m’accroche, ça me permet de ne pas me laisser aller en baissant l’allure mais le bougre monte sacrément vite !!

Je déborde un coureur qui a l’air bien entamé aussi, il fait une pause tous les 10 pas…A la façon dont il me regarde passer, Il a plutôt l’air en détresse psychologique mais là je ne peux rien pour lui, plus de place sur mon dos !!

Je continue en vrai métronome, mon corps avance et ma tête pense déjà à l’arrivée…

Après 1 heure d’élévation, j’arrive enfin sur le haut et c’est déjà une mini victoire !! C’en est enfin fini du D+ !! Ou presque car finalement il faut encore naviguer avec des petites montées et descentes sur un sentier jonché de piège pour les chevilles. L’attention doit rester extrême. Je finis par rattraper mon lièvre et à le déposer dans une descente rocheuse, apparemment il est bien moins à l’aise lorsque la pente s’inverse !! De mon côté, je deviens un peu euphorique comme lorsque j’ai quitté La Fouly, des sensations super agréable de plénitude, j’ai l’impression d’être un peu une machine, mes jambes se débrouille toutes seules, je ne contrôle plus ou plutôt les informations ne vont plus que dans le sens cerveau-cuisse, la douleur est annihilée, c’est trop génial ! Mon but maintenant, voir aussi vite que possible les lumières de Chamonix…

La barre des 90km est franchie et rien ne peux plus m’arrêter. Pour me booster, un peu plus je continue de recevoir des SMS de ma belle-sœur me disant que je suis 111éme et que le top 100 est envisageable. Mon esprit compétiteur est toujours aiguisé et mon état de « fraicheur » mentale et physique me pousse à aller manger tous les points blancs devant moi (les halos des frontales). Je me suis transformé en PacMan !! héhéhé !

Je passe la Flégère ultra rapidement, juste un verre de coca, il reste 8km et je vois le panneau sous la tente indiquant D+ jusqu’à l’arrivée : 100m, D- : 850m. Cool !!

Bon c’est 8km seront quand même très long car quand même bien pentu par endroit. Les cuisses sont gorgés de toxines et j’en peux plus de ces racines et caillasses qui freinent la progression, un vrai chemin de croix. Lorsqu’à mi- pente, on passe sur la terrasses d’un resto panoramique, déserte forcément, il est plus d’une heure du matin, c’est assez étrange, les prémices du retour à la civilisation !! Par contre le chemin qui suit est propre et large mais atrocement difficile car trop pentu pour prendre de la vitesse et la retenue fini de bousiller mes quadriceps. Mon GPS se réveille en vibrant, m’alertant qu’il va bientôt rendre l’âme, pas grave, ça va tenir, il me reste moins de 3km. Ouf ça y est la route est en vue, signalant l’entrée dans Chamonix, de même qu’un ultime coureur, j’ai arrêté de compter dans ma tête mais je sais que je dois être très proche du Top100 maintenant. Pas de pitié, arrivée sur le plat dans les rues, je déplie mes jambes et comme une machine avale les mètres et ce pauvre coureur que j’ai presque décoiffée en le dépassant !! La tension est à son comble, il y a quelques personnes encore éveillées pour nous encourager au bord de la route. J’arrive enfin dans le centre-ville, dernier km, je longe le torrent, les images de la journée défilent, quelle périple ! Les larmes me viennent, l’émotion m’envahie, celle que je m’étais souvent imaginé lors de ces mois de préparation, ce sentiment de réussite difficilement interprétable, c’est l’extase tout simplement, une émotion ultra-positive.

Les dernières centaines de mètres, Virginie et Mo sont là pour m’accueillir, un dernier virage et l’arche d’arrivée se dresse devant moi, les gens m’applaudissent (tout le monde n’est pas encore couché !) waouh, ça y est je l’ai fait, je suis Finisher, je pensais me mettre à chialer mais je n’y arrive même pas !! Je serre ma femme dans mes bras, elle s’est débrouillée comme une chef, et je sais que ma réussite dépend aussi beaucoup d’elle.

Je m’assois un peu sur l’estrade face à la ligne pour « atterrir » et réalisé.

103km, 17h00 pile poil, 6400m de D+ à mon GPS. Le tableau d’affichage m’indique 97éme dans un classement très international, Top100, c’est la cerise sur le gâteau !!

Je récupère la très convoitée micro-polaire de « Finisher » et comme promis à mon collègue Dédé qui m’attends devant son ordi, je me poste devant la Webcam pour lui faire un petit coucou en live !!

Le bilan est plutôt positif même si sur le moment je me demande comment je vais pouvoir faire dans 6 semaines à La Réunion pour le Grand Raid, ou à ce stade-là, il me restera 70km à parcourir….

Pas de gros bobos, la hanche me fait bien boiter à froid mais ça n’a pas l’air trop méchant. J’ai attrapé aussi une inflammation dans les derniers km au niveau du releveur de la cheville gauche qui est un peu enflé, et seulement une ampoule au gros orteil du pied droit. Plutôt bien positif comme bilan !! Le repos est de toute façon de mise maintenant pour absorber et digérer correctement cette épopée.

Les copains ont aussi bien terminés : Bruno et Jean-Pierre finiront ensemble en 20h et le troisième Bruno en 22h, tous trois supers contents aussi de leur aventure.

En conclusion, une course superbe, aux paysages splendides et à l’organisation irréprochable (c’est du lourd, la grosse artillerie, n’en déplaisent aux détracteurs des courses trop populaires…) J’ai adoré !!!

Merci à tous ceux, familles et amis qui m’ont suivi et encouragé par tous les moyens numériques ou autres, je me suis senti super soutenu ! A tous les copains d’IN avec qui l’émulation est au top niveau !! A Jean-Phi, mon supporter number One !! Et bien sûr, un énorme merci à ma femme qui me supporte et qui m’a permis ou me permet plutôt (car ce n’est qu’une étape) de réaliser ce gros challenge cette année avec l’enchainement CCC/Diagonale !

A bientôt pour l’aventure Réunionnaise cette fois ci….

2 commentaires

Commentaire de st ar posté le 07-09-2013 à 19:43:44

Encore bravo Bruno, tu as réalisé une superbe performance, sur une course de ce calibre, c'est vraiment fort...ton récit et photos sont à la hauteur de ta perf. J'adore. Merde pour la Réunion!

Commentaire de poulo posté le 09-09-2013 à 14:57:57

Merci Soffian!!

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.14 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !