Récit de la course : Courmayeur - Champex - Chamonix 2016, par Gilles45

L'auteur : Gilles45

La course : Courmayeur - Champex - Chamonix

Date : 26/8/2016

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1832 vues

Distance : 101km

Objectif : Terminer

4 commentaires

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Ma CCC...inachevée

Retour un an en arrière.

Pour mon premier 100km en montagne, je boucle la CCC 2015 dans un temps raisonnable pour moi (20h). Je me souviens avoir pris beaucoup de plaisir jusqu’à Champex puis beaucoup souffert (ce qui aura son importance cette année, nous le verrons).

 Bref, cette CCC 2015 devait me permettre de boucler mes points UTMB mais le changement des modalités de calcul fera qu’il m’en manquera 1. Rebelote !!!

 Je décide donc de me construire un joli programme pour 2016 afin de retenter le coup en 2017. Et bien ce sera à nouveau la CCC puis l’endurance Trail des Templiers en octobre.

L’objectif pour cette CCC est de gagner un peu de temps pour terminer aux alentours de 19h00

 En termes de préparation, même si j’habite une région plate (près d’Orléans), je suis assez confiant après 4 semaines de vacances en Corse en juillet qui font suite à un GR73 plutôt bien maîtrisé (NB : Course superbe / bénévoles top / un classement dans le top50 / croiser Bubulle et Raya au départ…).

 Bref j’arrive très (trop ?) confiant sur cette CCC.

 Le seul point de doute, j’ai fait un WE assez intense dans Belledonne 15 jours avant la course et j’ai peur d’avoir un peu puisé à ce moment (j’en suis même quasiment certain). En effet j’ai tellement eu envie de profiter de ces sentiers que j’ai crapahuté du samedi au lundi inclus.

 Le rituel d’avant course est identique à l’an passé, un petit gite au bord de l’Arve, journée du jeudi tranquille à regarder passer les survivants de la TDS le matin, se balader 1 heure au salon du trail après avoir récupéré le dossard puis repos. Le centre de Chamonix est un vraie Barnum, ça pue le fric et les marques mais fondamentalement, l’ambiance qui y règne est quand même vraiment sympathique.

Nous faisons quand même un sport où il est assez simple de croiser les élites, toujours très accessibles (F. D’Haene, S. Brogniart…)

 

La Course :

6h45, départ en bus, comme l’an passé, je suis super impressionné par la qualité de l’organisation, qu’il s’agisse du retrait des dossards, des navettes, des ravitos. Ce n’est pas la course « Saucisson » mais c’est réglé comme du papier à musique. Je suis d’ailleurs assez amusé par des trailers qui dès Chamonix essaie de doubler…dans la file d’attente des bus…Une bénévole va d’ailleurs rassurer un gars un peu stressé en lui disant qu’il n’allait pas manquer le départ. La compet’ c’est la compet’…

 Sur la ligne de départ à Courmayeur c’est assez étrange, je ne ressens pas l’immense émotion de l’an passé, j’ai l’impression d’être là sans être véritablement dans ma course. Pas de quoi s’affoler, la force de l’habitude.

 Habitué à mes fidèles Asics, j’opte pour la première fois pour des Hoka Speedgoat testées sur quatre / cinq sorties longues. Le drapeau Corse est toujours fixé sur le sac à dos (un rituel pour moi)

 La première partie de course se passe bien, je suis assez surpris de voir que quasiment tout le monde est en mode course, que personne ou presque ne marche sur la partie route de Courmayeur avant d’attaquer les chemins.

La montée vers la tête de la tronche est assez simple à gérer car ombragée dans un premier temps et sur un rythme régulier. La descente vers Bertone sera la première alerte car mes pieds viennent buter de manière assez incompréhensible sur l’avant (étroit) de la chaussure.  Je commence à être assez stressé : « Ai-je vraiment assez testé mes Hoka…n’aurais-je pas du garder mes fidèles Asics…ça cogite déjà »

 Je savoure quand même ce paysage toujours magnifique. Entre Bertone, Bonatti et Arnouvaz c’est vraiment le pied malgré une belle gamelle sur les chemins en balcon (manque de lucidité…déjà ?). La vue sur les grandes Jorasses versant Italien est somptueuse

 A la sortie d’Arnouvaz, je me lance plein fer dans la montée du Grand Col Ferret. Il ne devait s’agir que d’une formalité car je n’avais aucun souvenir de l’année dernière, ou plutôt si, j’avais le souvenir d’une montée relativement facile et rapide. Cette fois changement de décor, grosse chaleur, du mal à respirer, bref pas le pied.

La bascule vers la Fouly, Praz de fort, Champex sera interminable.

C’est assez drôle de constater que d’une année sur l’autre nous pouvons avoir des perceptions différentes de chaque difficulté. En tout cas un grand merci aux organisateurs des ravitos improvisés avant la fouly avec en prime un tuyau d’arrosage permettant une douche salutaire à ce moment du parcours.

 L’état d’esprit change cependant peu à peu et je commence à me focaliser sur ce qui ne va pas : les pieds, les mollets qui contractent, l’impossibilité d’avaler autre chose que de l’eau claire depuis 6 heures.

Mais le plus important c’est que psychologiquement j’oublie pourquoi je suis là.

Avec le recul je me dis « Et mec réveille toi, tu fais un sport de ouf dans des paysages magnifiques ». Mais dans les faits et sur le moment…c’est autre chose je ne suis que dans le négatif et je commence déjà à penser aux raisons qui me permettraient d’abandonner.

 La légère montée vers Champex (300 de D+) sera subie plus qu’autre chose et elle me fera mal après 20 km de descente interminables.  

 Arrivée à l’impressionnante base de Champex, c’est une conjonction de multiples facteurs qui me déstabilisera :

 

-        Avant tout, je me suis emmêlé les pinceaux sur mon plan de marche. J’arrive au ravito à 18h10 en étant persuadé d’avoir 30 minutes de retard sur mon temps de 2015…Or c’est l’inverse, j’ai quasi 30 minutes d’avance. J’avais pourtant les temps de passage en poche mais quand la lucidité n’est plus là…Leçon N°1, oublier totalement ce satané stress du chrono. Désormais plus de pense-bête en Course !

 

-        Rien, absolument rien ne me fait envie au sein du ravito si ce n’est….un jus de fruit et une salade composée apportée par l’assistance d’un autre coureur…ce que j’aurais aimé lui piquer !!! (oui, le trailer en difficulté peut devenir individualiste…). Bilan, un verre d’eau gazeuse…un peu juste. Leçon N°2…force toi a avaler un truc et prend ton temps

 

-        Après 10 minutes de break (beaucoup trop court avec le recul) je décide de repartir. Je bipe donc à la sortie, puis je me rends compte que je n’ai rien fait de ce que j’avais prévu : Changer de chaussettes et de vêtement, mettre de la NOK, ranger les lunettes de soleil dans le sac, commencer à préparer les affaires de nuit….RAS, je n’ai rien fait, quelle perte de lucidité ! Au bout de 100m de marche, ras le bol, c’est décidé, j’arrête et je reviens sur mes pas.

 

Je reviens donc en arrière et rejoins le poste « abandons ». Je me souviens que sur la Maxirace en 2015 une bénévole avait su me booster mais là rien. Je suis à peine assis qu’on m’enlève la puce du sac à dos.

Je n’en tiens aucun grief aux bénévoles qui font superbement leur job, mais peut être aurais-je eu besoin d’un coup de pied au cul. Néanmoins je n’oublie pas que cette décision c’est à 100% de ma responsabilité.

 La suite…horrible, la navette avec d’autres traileurs la tête aussi basse que moi, deux heures de retour à cogiter et le pire du pire…arriver à Chamonix en même temps que le vainqueurs Michel Lanne (Bravo à lui).

 Avec le recul je n’avais pas de réelles raisons physiques et mécaniques de vraiment arrêter mais mentalement je n’y étais pas.

Paradoxalement le fait d’avoir bouclé le parcours en 2015 a joué en ma défaveur : « Je ne suis pas bien, et je sais ce qui m’attends : Bovine et ses marches, Catogne, la descente sur Vallorcine, la tête aux vents…a quoi bon ! »

 La leçon : beaucoup de regret depuis lors. Ces regrets ont commencé 30 minutes après l’abandon.

Avec le recul lorsqu’on est dans ma situation on devrait se dire : « OK, tu es 250ème mais peu importe la place. Repose toi une heure, finis en marchant et surtout profite du moment ». Je n’ai pas su le faire.

J’ai passé la nuit suivante sans dormir à me dire : « Il est une heure du matin, là je devrais quitter Vallorcine, Il est 3h je bascule sur la Flégère… »

 La morale de l’histoire : passé le bref soulagement suivant l’abandon les heures/jours qui suivent sont difficiles. Pas forcément dans le regard des autres mais surtout le fait de s’être un peu menti à soi-même en se trouvant toutes les bonnes raisons d’arrêter.

Je n’ai pas de conseils à donner aux autres mais l’abandon est rarement le bon choix tant que l’intégrité physique n’est pas menacée.

 

Le point positif, alors que je suis peut être arrivé avec un manque de motivation pour cette CCC, j’ai désormais la rage de boucler en finisher l’Endurance Trail des Templiers dans 8 semaines et vous savez quoi, je vais retenter ma chance l’an prochain sur la CCC ou la TDS

 

Un grand bravo à tous, finishers…ou non…au plaisir de vous recroiser sur les sentiers

 

NB : J’ai échappé au sac poubelle finisher Columbia…c’est déjà ça !!! Rigolant

4 commentaires

Commentaire de Titus73 posté le 30-08-2016 à 22:19:11

C'est un beau récit emprunt d'humilité, de vérité et de simplicité que tu livres là. Oui ce n'est pas toujours simple de courir, de trouver les ressorts psychologiques pour continuer et tu le dis bien. On parle surtout des endorphines euphorisantes, de victoires sur la douleur, de dépassement de soi mais il y a des moments ou ce n'est pas suffisant, cela t'es arrivé et tu te relèves déja. Il n'y a pas de regrets à avoir, de honte à ressentir, tu as fait le choix de la préservation pour le futur. Meilleurs voeux de réussite sur les Templiers, il me semble que finalement cette CCC t'a permis de te regonfler à bloc pour cet objectif : un mal pour un bien.

PS. Si tu changes d'avis pour la veste finisher, je te cèderais volontier la mienne, je l'ai choisie malheureusement un peu trop longue et j'ai déjà ce qu'il faut pour sortir les poubelles à Noël ;-)

Commentaire de Gilles45 posté le 31-08-2016 à 11:45:17

Merci pour le sympathique commentaire Titus, j'apprécie beaucoup...néanmoins je te laisse la veste !!
Bye

Commentaire de Bert' posté le 05-09-2016 à 18:04:55

Bon, au moins, tu es pas prêt d'oublier ta course !

On dit que c'est dans les "défaites" qu'on apprend le plus... Et bien, cette étape te servira forcément pour tes prochaines aventures et c'est aussi ça l'apprentissage de soi.

Un jour, un coureur m'a dit : "tant que tu n'es pas hors délais, n'abandonne pas !" Nous en étions pourtant à +35h de courses et je n'en pouvais plus, toujours au ras des BH en plus... Et là, je me suis dit :
Bon sang mais c'est bien sûr : tant qu'un truc rédhibitoire ne t'empêche pas d'avancer, continue ! On fera les comptes après...

Enfin, ce genre d'histoire arrive à tout le monde. Ne te prends pas trop la tête et pense déjà à la suite :-)

Commentaire de Gilles45 posté le 05-09-2016 à 18:15:50

Salut Bert'
Merci pour ton commentaire. Je suis exactement dans la philosophie et l'état d'esprit que tu indiques. Je regarde devant...avec envie et impatience. A+

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