Récit de la course : Courmayeur - Champex - Chamonix 2011, par Amiral

L'auteur : Amiral

La course : Courmayeur - Champex - Chamonix

Date : 26/8/2011

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1058 vues

Distance : 98km

Matos : Sac XA 20, 1 porte bidon bretelle, 1 poche à eau source, Frontale Tika XP2,T shirt technique manche courte et longue columbia,2ème couche Craft manche longue, bâtons forclaz 700 NH, pantalon Eider Maipo defender, veste North face, corsaire salomon, chaussure NF single Track, chaussettes D4, gel, barres, et boisson Overstim, plus les autres bricoles..le moral, la volonté et les copains!!!

Objectif : Terminer

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Ma première CCC 2011

 

Avant Course J-1 :

Jeudi 25 Août retrait des dossards à Chamonix, déjà dans l'ambiance. Certains ont du prendre de la taille XXS vu la taille de leur sac, 10L, 5L, 3L !!!....Ayant du abandonné mon bien aimé XA5 par manque de place pour le matériel obligatoire, mon XA 20 tout neuf est quant à lui bien rempli et je m'interroge sur mes choix, certainement des erreurs de débutants ??? Première mission accomplie, le pigeon est badgé et en règle, dossard 5428 donc 1ervague de départ histoire de se mettre un peu la pression.

A la sortie nous croisons René, connaissance d'Estelle, et vaillant triathlète helvétique, qui nous annonce qu'il pense mettre 15h. ‘'Ben oui je ne vais pas mettre plus quand même nous dit-il!!!!'' Oups, moi qui  rêve de passer sous la barre des 20h...vu l'entraînement en dents de scie, et le mois d'Aout mode détente au soleil, durant lequel j'ai beaucoup navigué sur l'eau mais peu couru.

Rapide passage par le village histoire d'acheter de la boisson de récup chez les Bretons d'Overstim, j'examine les nouveaux parfums de gatosports et stupeur !!! Mon dessert préféré préparé avec amour la veille ne serait-il pas resté dans le frigo ??? Rien que psychologiquement je ne peux pas m'en passer, une seconde monture sera donc gentiment préparée sur le stand par le vendeur. Super Sympa il nous donne au passage 3 gels, 2 casquettes, et un sac, Ah !!! la solidarité entre Bretons....  

Dernier achat : un porte bidon pour bretelles car j'ai mes petites habitudes et ce nouveau sac sans bidons me perturbe, mission accomplie ça me rassure. Tout un budget cette CCC !!!!

Sur les conseils d'un local nous regagnons un restaurant Italien histoire de faire le plein d'Energie. Cool, un menu pâtes spécial trail !!! (Tous les restos le font en fait) Estelle prend la portion ‘'normale''. Rapide coup d'œil sur internet pour voir ou en sont les copains sur la TDS, ils gèrent bien et sont dans le rythme. Déception à l'arrivée des assiettes, pas plus de 100g de pâtes au fond de l'écuelle, obligation de prendre une deuxième portion et pas encore rassasié. Ce truc m'agace, le prix des 3 pâtes encore plus, nous décidons de mettre les voiles direction l'Hôtel à Courmayeur. Ben oui cette année c'est version grand luxe niveau logistique....

Derniers préparatifs dans la chambre, extinction des feux vers 22h30, je règle le réveil à 7h. Le clocher de Courmayeur sonne les demi-heures et les heures, 1h, 1h30, 2h, pas moyen de fermer l'œil. 3h je commence à me poser de sérieuses questions, je décale le réveil à 7h30 histoire de gagner quelques minutes, je finis par m'endormir.

Jour J

Le réveil n'est pas difficile, je ne calcule pas trop mon état de fatigue, je suis content d'être là. Première chose, vérifier que le soleil est présent, c'est le cas. J'ai suivi la météo toute la semaine et ça ne s'annonce pas terrible....

Petit dej bien copieux avec un demi gatosport, des céréales, du pain, du thé du kfé, du jus d'orange, pas de salé, on ne change pas les habitudes !!! il est 9h et bien qu'ayant largement le temps j'harcèle Estelle pour regagner la ligne de départ qui est à 100m. Les bus arrivent avec les autres coureurs et les rues sont de plus en plus denses et animées. Quelques photos, j'entre dans le sas, je laisse Estelle de l'autre côté de la barrière, c'est déjà le premier pas dans la course, elle reste à mes côtés. Je suis zen, plutôt confiant, pas réellement d'objectif  mis à part finir, sous les 20h ou dans le premier tiers c'est encore mieux. J'observe mes voisins, un couple de Japonais, et écoute le briefing qui nous annonce que le parcours est modifié vu les mauvaises prévisions météo. N'ayant pas l'expérience du parcours je retiens simplement que nous zappons quelques cols, bovine, la tête au vent, et que le parcours passe à 93km et 5100m de dénivelé. D'un coté c'est une bonne nouvelle, d'un autre c'est le signe que la nuit va être humide et ventée. Tout cela ne change pas ma stratégie (je n'en ai pas) mais plutôt celle de ma Chérie qui a prévu de me rejoindre sur un maximum d'étapes. Certains de mes voisins rechignent jugeant le parcours maintenant dénaturé. Nous essayons donc de comprendre dans les grandes lignes ce qui change et déjà la musique de Vangelis résonne dans une ambiance vraiment émouvante. Dernier bisous, le décompte, petite boule dans la gorge, le peloton se clairseme devant moi et je commence à trottiner. Nous passons la ligne, je cherche Estelle du regard, je la trouve, ça me rassure, dernier petit signe...Nous arpentons les rues de Courmayeur sous les acclamations de la foule, le son des cloches, je suis sur un nuage, et déjà la première montée vers  le refuge Bertone en direct, nous ne passerons pas la tête de la tronche cette année. Le rythme ralentit, place à la marche et aux bâtons....

Cette première ascension est plutôt tranquille, pas de bouchons, ce que je redoutais, je suis dans le bon rythme et double quelques concurrents. J'atteins le premier point en 55 min, m'arrête boire un verre d'eau je ne sais pas trop pourquoi ?? les autres coureurs filent sans s'arrêter, j'avale mon premier gel et nous suivons les chemins vallonnés en direction Bonatti toujours sur mon rythme. Je passe le second point en 1h52 sans aucune idée de mon classement mais avec de bonnes sensations. Je m'arrête, remplis mon bidon en arrosant copieusement mes chaussures, (je suis vraiment con, déjà les pieds mouillés !!!) contemple le paysage. Il est déjà midi et mon horloge biologique me dit d'avaler quelque chose de solide ce que je fais avant d'attaquer le plat puis la descente vers Arnuva.

Je cours sur un petit rythme, je pourrai faire mieux mais je me remémore les conseils de Raph (c'est long, long, très long, l'Ultra commence quand on en veut plus !!!). Quelques concurrents me doublent sur un rythme soutenu dont un Breton que je reconnais facilement au ‘'Gwen a Du'' accroché au dos du sac, et un Italien dont le petit manège m'intrigue. Il nous double comme un fou, s'arrête, nous redouble, s'arrête, je ne le verrai plus. Tout à coup je sens quelque chose qui me pique la fesse gauche, je passe ma main et dégage un gros insecte que je n'ai pas pu identifié, cependant je n'aurai pas de séquelles mis à part un gros bouton pendant plusieurs jours. Mon prédécesseur un peu grisonnant est encouragé par des enfants qui lui crient ‘'allez Suisse'', puis je réalise que c'est René notre ami triathlète. A ce moment je me dis que je suis peut-être parti trop vite vu son objectif de 15h?? peu importe je me sens bien. Descente vers Arnuva, le mobile sonne, c'est Bernard qui m'encourage et m'annonce que je suis  classé 213ème, je suis content son appel me fait plaisir, le classement m'importe peu. Descente en lacet vers Arnuva, pas trop raide, je ménage mes genoux et les cuisses, essaye d'être souple et fais des petits pas. Certains coupent les virages mais je ne dis rien, puis déjà j'entends des cris d'encouragement signe que le ravito d'Arnuva est proche.

Arrivée à la tente en 2h30, les supporters sont nombreux, je repère à gauche le sucré, à droite le salé, j'opte pour la droite, j'avale quelques tucs et emporte quelques bouts de viande séchées  que je finis de manger en marchant vers la sortie.

Je sais que la première grosse ascension vers le Col Ferret commence (un peu étudié le parcours quand même), je suis motivé j'avale un gel attache mes dragonnes sur les bâtons. Nous traversons un champ de pierre, je jette un oeil sur les concurrents déjà engagés dans la montée et aperçois le sac jaune de René qui a pris un peu d'avance. Tout à coup j'entends ‘'allez Vinzou'', je vois Estelle en maillot rouge, ça me donne le sourire, mais sans savoir pourquoi je ne m'arrête pas vraiment, je me retourne une dernière fois, elle est déjà à quelques dizaines de mètres. Je suis dans ma course, concentré, après coup je regrette, quel goujat me dis je ??!!, j'hésite à rebrousser chemin mais je continue.    

L'ascension commence, dans mon groupe l'allure est moyenne personne ne force comme si chacun appréhendait cette première bosse. Je suis bien, confiant dans les montées, ou j'ai bien progressé en régularité cette année. L'adoption des bâtons y est pour quelque chose. Passage au refuge d'Elena puis avant d'atteindre le sommet, un point d'eau s'offre à nous, certains s'arrêtent, je passe. Nous croisons deux cyclistes à pieds qui semblent totalement en décalage avec le lieu et regardent un peu interloqués la pente et la procession de coureurs. Le col ferret est atteint en 1h05, le classement est inchangé depuis Arnuva 214ème. Je marche quelques dizaines de mètres au sommet  et admire le paysage, bois un peu et avale une barre de céréale.

La descente vers la Fouly commence gentiment, je me suis fixé de gérer les descentes tranquillement pour ne pas subir les douleurs habituelles dans les cuisses et genoux après 50/60km. Mais tout à coup de l'air remonte de mon estomac, j'ai du mal à respirer correctement et bien entendu mon habituel hoquet arrive brutalement. Je ralentis essaye  de réguler ma respiration pour le faire disparaître.  Rien n'y fait, ça m'énerve, j'ai les jambes, le moral et ce satané hoquet me reprend. Je m'arrête, respire profondément, quelques concurrents me doublent et je repars, je profite d'une légère montée et tout se remet en ordre.

Je cours alors derrière deux gars et la descente s'engage sérieusement et rapidement. Je regarde ou je mets les pieds, gère la foulée, toujours pour préserver mes articulations. Nous arrivons au pied d'un pont en bois et là stupeur nous n'avons pas vu de balises depuis un moment et sommes seulement 3 au milieu de nulle part ???. L'un d'entre eux voit le panneau TMB et, pensant que c'est la route à suivre, nous nous engageons sur ce chemin. Quelques mètres plus tard je jette un œil sur ma droite et aperçois la file de coureurs  arpentant l'autre versant !!!! Demi tours toute !!!, nous nous retapons cette montée bien raide que nous venons de descendre, croisons d'autres malheureux égarés. Après 20 minutes nous regagnons enfin les autres et après être passé par la Peulaz je crois nous entamons la dernière petite montée à flanc de colline avant d'apercevoir la Fouly en contre bas. Je garde le moral, et me dis que j'ai le droit à une erreur de parcours. Je perds cependant 70 places que je ne regagnerai jamais.

En voyant le village en contre bas je me remémore le départ de la traversée VSB il y a 2 mois avec Raph et Eric, je garde un très beau souvenir de cette course. La descente n'est pas bien difficile, le chemin est large et peu pentu, certains vont bon train, mais le hoquet me reprends assez violemment ça me fait mal, comme si mon œsophage était trop petit. Je paye certainement l'effort fait pour me remettre sur le droit chemin il y a 30 min. Le ravito n'est pas loin, j'arrive dans la Fouly après 5h11 tant bien que mal, je suis un peu perdu, je ne sais pas trop quoi avaler. Quelques tucs, j'hésite à prendre une soupe puis opte finalement pour un thé. Je repars après 10 min d'arrêt en 311 ème position et nous entamons une portion de route goudronnée. Le hoquet pas mieux, je peste, je n'avance pas, à chaque pas mon estomac rebondit et me fait mal. Sur cette route en légère descente et facile tous avancent bien sauf moi. Une fontaine sur ma droite, je me rafraîchis le visage. J'ai l'impression d'avoir 10 L d'air enfermé dans le ventre, puis je prends la décision radicale : forcer le fifi !!!! Mes tucs et quelques autres substances avalées précédemment finissent donc dans l'herbe, je me sens soulagé. Des supporters Haut- Savoyard en bus volkswagen nous suivent sur quelques centaines de mètres, en agitant de grosses cloches. Je repars, je suis super bien tout à coup et repasse une quinzaine de concurrents le moral remonté à bloc. Puis c'est la monté vers le lac, je l'apprécie je grimpe bien. Un appel sur le mobile, ce sont mes neveux qui m'encouragent, j'entends leur petite voix d'enfant ‘'Allez Tonton'', ils voudraient discuter un peu, mais en pleine  montée j'essaye d'abréger la conversation. Je trouve formidable leur enthousiasme alors qu'ils sont à 1000 km de là, qu'ils ne me voient pas et ne connaissent pas la course, ça me fait plaisir. Dernière portion dans l'herbe avant d'atteindre Champex, les supporters sont bien présents, signe qu'on approche. J'entends ‘'allez Beaujolais'' je porte le buff du beaujolais village trails et c'est l'organisateur de l'événement et gérant de l'endurance shop de Villefranche qui m'encourage, c'est cool. Il me demande comment ça va, je lui réponds Super !!!

Arrivée à la tente du ravito, je tape dans les mains tendues par des gamins qui n'attendent que ça avant l'entrée. Je cherche Estelle je ne la vois pas, la tente est grande, j'essaye de comprendre comment celle-ci est organisée. L'endroit ressemble un peu à une fête de village, beaucoup sont attablés mangent, discutent, se changent. J'aperçois Estelle avec son gros sac bleu, je suis soulagé de la voir. Mon arrêt est un peu désordonné, je tourne en rond, je mange une soupe et avale des pâtes tout en changeant mon maillot, et lui raconte ma première partie de parcours. Elle prend soin de moi, m'aide à remplir mon bidon et ma poche, remet en état mon porte dossard qui part en sucette, et me dit que j'ai l'air super en forme. Ça me motive, je sais que Champex est un tournant de la course et que certain en resteront là ou pas très loin après. Après une copieuse tartine de NOK sur mes petons et des chaussettes propres, je repars à 17h40 après 30 minutes d'arrêt en 322ème position, et oui le temps passe vite. Estelle m'accompagne à la sortie, nous commençons à trottiner ensemble le long du Lac. Mes jambes reprennent peu à peu le rythme, un peu engourdies par ce premier gros arrêt. Elle discute et m'encourage. Je suis déjà dans ma course, elle me dit ‘'tu veux que je te laisse'' je lui réponds ‘'Oui''. Dernier bisous, ceux qui me suivent lancent ‘'Si avec ça tu ne finis pas !!!!'', ça me fait sourire.

Nous sortons du village sur un faux plat, un peu de mal à digérer mes pâtes, je me concentre pour éviter que mon hoquet ne me reprenne, ça passe. Nous retrouvons  Le Bus VW avec ses cloches qui nous accompagne encore sur quelques mètres. Nous courons dans un petit groupe de 4 ou 5. Puis c'est la descente vers Martigny. Nous apercevons en contre bas sur l'autre versant les vignes, le paysage est beau. La météo se maintient, le temps est sec.

La descente sur un sentier entre les maisons est assez longue, mais j'ai les jambes et aucunes douleurs. Je dépasse un concurrent qui commence à souffrir, il en a ras le bol me dit-il, ses genoux lui font mal, je l'encourage. Nous passons devant un bar, les clients boivent des bières, un de nous leur dit : ‘'ce ne serait pas de refus mais''... nous buvons alors les verres d'eau qu'ils ont préparé. Nous passons sous la route j'avale un gel avant de rentrer dans les vignes avec un groupe de 5, 6. Le vent commence à souffler assez fort des nuages de poussière se soulèvent, signe que l'orage approche. Ce petit passage est plutôt sympa, ça commence à monter, je prends la tête du groupe avec un Italien et nous distançons assez rapidement les autres de quelques dizaines de mètres. Dans cette montée je le sens dans mes talons, je lui propose de passer devant, il refuse ce qui me réconforte, je suis bien.

Longue ligne droite le long d'une voie de chemin de fer d'après mes souvenirs, j'aperçois Estelle au loin, toujours au Rdv. Elle court vers moi et m'accompagne jusqu'à la tente de Martigny. Le vent souffle très fort il commence à faire froid et la luminosité baisse. On lui interdit de rentrer sous la tente, du coup étant seul à l'intérieur, je me contente d'enfiler ma veste, de mettre ma frontale dans une poche accessible et d'avaler un verre d'eau. Je ressors de la tente, 9h45 de course, 352ème position. Un organisateur me dit ‘'maintenant c'est la montée vers la Forclaz''. Je lui dit ‘'cool de la montée'' il me réponds ‘'tu n'es pas le premier à me dire cela''. Comme quoi, au bout d'un certain temps les montées ça repose....Et oui les spectateurs nous disent toujours allez maintenant ça descend pour nous encourager mais c'est pas forcement ce qu'on attend après 60 km. Le vent souffle très fort et nous attaquons d'entrée une cote assez raide sur l'asphalte entre les maisons. Je vois La polo grise qui s'approche, Estelle m'informe de mon classement, m'encourage une dernière fois, et me donne Rdv à Trient. A ce moment vu mon état physique et mon moral je suis convaincu que je finis cette course. On verra plus tard que ça n'était pas si évident. Nous entamons cette montée toujours avec mon camarade Italien à qui mon rythme semble convenir.  Nous dépassons un concurrent assis sur un muret, un peu dans le rouge, je l'encourage, il se relève. Le vent s'est calmé, j'ai presque chaud avec cette veste mais une pluie légère fait son apparition, elle ne nous quittera plus...

Je suis avec une quinzaine de personnes dans cette ascension, l'Italien m'a semé. Le rythme est homogène, personne ne parle. A Martigny, on m'a annoncé 1000 m de dénivelé mais connaissant le lieu je revois cette information à la hausse. Le sentier est assez étroit, dans l'herbe et sous les arbres, ambiance assez confinée, j'apprécie presque la légère pluie qui me rafraîchit et suis sensible aux odeurs de sous bois humides qui se dégagent en cette fin de journée. Nous traversons à plusieurs reprises les lacets de la route. Plusieurs groupes de 3,4 coureurs nous doublent, visiblement plein d'énergie et  bien affûtés. Ça ne m'affole pas, je me dis que leur stratégie de course devait être autre. Nous marchons désormais presque dans le noir, je m'arrête alors pour enfiler ma frontale et prendre un gel red tonic à la menthe, j'aime bien, ça masque le goût du sucre. Les têtes s'illuminent, j'allume ma frontale. Je suis content de courir enfin dans la nuit, ça change. Nous longeons une maison près du chemin. Les enfants ont préparé des verres d'eau en plastique multicolores. Je m'arrête, et bois, plus pour leur faire plaisir que par nécessité. Je regarde ma montre déjà 1heure de montée, mes prévisions étaient bonnes, il y a plus de 1000 m. Après 1h25 environ j'arrive au sommet, l'endroit est dégagé et je réalise alors qu'il pleut fort, et ressens bien le froid et le vent. Nous entamons la descente vers Trient qui est une formalité, je perds un peu le fil du parcours et ne sais plus trop quelle est la distance à parcourir. J'essaye encore d'éviter les flaques d'eau nombreuses et de plus en plus grandes.

Arrivée à Trient, j'aperçois Estelle à la sortie d'un virage avec son poncho Jaune fluo, elle court une nouvelle fois avec moi jusqu'à la tente. Mon mobile sonne, c'est ma sœur à qui j'explique que je m'arrête pour manger. J'ai l'impression qu'elle ne comprend pas trop ce que je dis, mes neveux m'encouragent encore et me disent à tout à l'heure Tonton. Mais il est 21h54 et je sais que je ne leur parlerai que le lendemain. J'attrape un bol de soupe vermicelle, valeur sûr, on s'informe sur la suite du parcours : 2 km de route et une montée sur route carrossable de 300+. On regagne la tente des accompagnants pour changer mon T shirt. Estelle insiste pour que je change de chaussures mais je refuse. Je ne m'attarde pas et repars 10 min plus tard en 347 ème position, mon classement se maintient mais je n'en ai aucune idée.

Ces 2 km de route sont désagréables. Il pleut très fort, comme à mon habitude, je temporise un peu car je sens le hoquet qui revient après ce ravitaillement. Estelle arrive à ma hauteur en voiture et me dit ‘'allez Vinzou cours un peu''. Par fierté je recommence à trottiner, à cheval entre l'ornière et la route, je me tort un peu la cheville mais sans gravité.

Je vois enfin le reflet des balises qui m'indique de prendre à gauche, nous nous engageons désormais sur une route d'asphalte en lacet et sans circulation. Le bruit des bâtons résonne. Je ressens moins la pluie, et le vent s'est calmé. Nous sommes 5 je ne sais pas trop quel rythme prendre. Cette portion est reposante voire trop monotone. J'ai sommeil et commence à zigzaguer. Je n'avance pas très vite, je me fais doubler. Un coureur me rattrape et me demande si ça va, je lui réponds oui, nous ferons un bout de chemin ensemble, sa compagnie me réveille un peu. Un endroit plus dégagé et le vent reprend, j'ai un peu froid et décide d'enfiler mon pantalon et les gants, au moins ce ne sera pas un achat inutile me dis je !!!. C'est la descente vers Vallorcine, ça coupe la monotonie, j'ai la forme et retrouvé ma lucidité, nous courons à deux sur un bon rythme. L'arrêt à Vallorcine est expéditif, je n'ai qu'un vague souvenir j'y reste 6 minutes et repars après 14h de course en 368 ème position. Estelle m'indique q'il reste environ 15km, je me dis que c'est gagné, la dernière ligne droite commence. Je ne pense pas pour autant accélérer le rythme bien que j'ai encore du jus, certainement la sagesse de mes 35 ans.

Sur le chemin qui mène à Argentière c'est le déluge, je n'évite plus les flaques et passe tout droit dans les piscines d'eau qui jonchent le sol. Je dépasse un groupe de supporters qui a réussi à allumer un feu gigantesque pour se réchauffer, ils m'encouragent.

Signe que nous sommes revenus dans une zone plus habitée, j'aperçois de temps à autre des voitures qui klaxonnent à la vue des frontales éparpillées dans la nuit. J'arrive à Argentière avec 2 autres coureurs sans trop savoir ou je suis. J'aperçois la voiture d'Estelle garée sur la place et lui fait signe pour qu'elle me voit. 8km de l'arrivée me dit-elle, on se voit à Chamonix bravo mon Vinzou !!!! Nous manquons de rater la tente du ravitaillement dans laquelle nous entrons et sortons sans s'arrêter.  J'ai juste le temps de voir que certains se font soigner et masser par des Kinés. 15h13 de course 360 ème. Le coureur avec qui je suis me dit : ‘'8 km !!!! on y est dans 45 min !!!'' Pensant qu'il connaît le parcours, je me dis qu'il ne reste plus que de la route. 45 min un peu ambitieux tout de même après 90 km...., nous descendons sur un rythme de semi marathon les rues d'Argentière, j'oublie la fatigue je cours bien, quelques téméraires malgré la pluie nous encouragent. Mais le tracé nous ramène vite à la réalité, bifurcation à droite, nous empruntons un chemin, les lumières de la ville s'estompent. Cette dernière portion est très vallonnée, le sol est un tapis de cailloux hostiles, c'est difficile. La lumière de ma frontale faiblie je ne vois pas grand chose. Je me concentre, mais mon cerveau analyse mal les informations transmises et les appuis sont hésitants, je manque de réflexes. Je tombe une première fois sans gravité. Je me relève et repars prudemment, certains me doublent à ce moment. Je ne comprends pas comment ils arrivent à courir à ce rythme sur ce sol chaotique. J'ai l'impression que la puissance de leur frontale est meilleure alors je tente de profiter de leur lumière et de les suivre au plus près. Mes bâtons m'aident grandement à ce moment et constituent ma 3ème jambe pour les appuis. Je me retrouve seul, essaye toujours de trottiner, à ce moment je décroche, perds ma concentration, mon regard quitte un instant le sol et c'est la chute. Je tente de me rattraper à l'aide de mon bâton gauche mais c'est pire que tout, je m'étale sur le côté, mon genou droit se tord, je pousse un cri de douleur. Je reste quelques secondes ainsi, je suis à 4 ou 5 km de l'arrivée, les idées se bousculent j'ai l'impression que ma course est finie. Je pleurniche comme un enfant et tente de me relever, même à quatre pattes j'irai jusqu'au bout me dis je !!!. De nouveau sur mes 2 pieds je constate que je marche sans difficultés, la flexion du genou n'est pas un problème, seuls les mouvements latéraux me font un peu mal et encore. Miracle !!! c'est cool je n'ai rien de grave, je continue cette fois en marchant et m'arrête pour prendre ma deuxième frontale. Je me rassure en me disant que ça éclaire déjà mieux, je ne suis pas sûr après coup que c'était la réalité. Au détour d'un chemin dernier check point, le pointeur, à la lecture de mon dossard et voyant ma tenue, me dit ‘'allez Vincent tout en rouge, reste 4 km''. (361 ème, même classement qu'Argentière, 16h de course). Je vois sur ma gauche des lumières jaunes en contrebas signe que l'arrivée est proche. Alors que je m'attends à descendre, les balises indiquent de prendre à droite, ma frontale éclaire au loin les 3 ou 4 balises suivantes qui jalonnent la dernière montée. Un coureur me double assez vite et me dit ‘'allez c'est fini !!!!''. Dernière portion de plat toujours dans les cailloux je joue la sécurité et marche désormais, ça double par la gauche.

Enfin au bas d'une descente j'aperçois l'asphalte luisant de la ville de Chamonix, nous arrivons à un premier rond point nous sommes quatre. Deux secondes d'hésitation sur la route à suivre.... Un d'entre nous ne veut plus courir, son collègue l'encourage et plaisante en disant qu'il va perdre deux places si nous passons devant. Son argument ne suffit pas à le motiver, nous les abandonnons là, et partons à deux en direction du centre ville. J'aperçois Estelle qui a veillé pour nous attendre, elle court avec nous, et indique qu'il reste 500 m. Elle voudrait prendre un peu d'avance pour les photos finish, mais nous sommes survoltés et trouvons l'énergie et les jambes pour le sprint des derniers 500 m. Je n'ai plus mal nulle part, les barrières colorées nous guident, dernier virage, nous apercevons l'arche de l'arrivée, les spectateurs à ma surprise sont nombreux et nous acclament, je pense à ma famille et à mon Papa, j'aurais aimé qu'ils soient tous là, beaucoup d'émotions à ce moment. Puis je passe la ligne en 379ème position, 193éme de ma catégorie après 16h57 de course. Une photo, une poignée de main à mon collègue du dernier km, c'est fini, mais je ne réalise pas. Bizarrement je ne vis pas ce moment comme une délivrance, mais presque comme une frustration, j'aurais aimé que ça continue, je tourne en rond. Estelle est maintenant à mes côtés, je récupère mon cadeau : la polaire de Finisher 2011, elle me dit que la couleur n'est pas terrible, pas grave, pour moi à cet instant, c'est la plus belle au monde !!!

 

Merci à ma Chérie qui m'a soutenu tout au long de cette aventure et dans la préparation. Elle n'a jamais douté de mes capacités. A ma famille et mes neveux qui m'ont appelé et soutenu tout au long de la course. L'organisation qui a su prendre les bonnes décisions je pense vu les conditions.

Enfin merci à tout les supporters anonymes et coureurs qui font de cette manifestation une course unique.

Les enseignements, ce que je retiens :

Se reposer les 3 semaines qui précèdent. Je suis arrivé reposé, j'ai super bien récupéré, très peu de courbatures. Je n'ai jamais été dans le rouge mis à part mes petits problèmes de hoquet à la fouly qui finalement de m'ont pas trop handicapé.

Mieux gérer l'organisation des ravitos, j'ai perdu du temps

Se débrouiller pour tout faire passer dans mon XA5, mon sac fétiche. Mon XA 20 est à vendre...

Comprendre pourquoi ce hoquet ?? Comment l'éviter ???

S'entraîner plus à courir la nuit sur chemins difficiles

Encore progresser en descente, pour pouvoir se lâcher davantage

Faire une reconnaissance pour éviter de se perdre !!!!

Je connais désormais mieux mes capacités après 60/70km, terre inconnue jusqu'à présent. J'aurais pu monter d'un cran ou 2 après Trient, mais j'ai couru aux sensations surtout en me ménageant sans chercher le résultat.

 

Mon coup de gueule :

Les déchets :

J'ai trouvé beaucoup de contenant vides ou pleins sur le parcours. J'ose espérer, que c'est par accident et non volontairement que ces déchets finissent dans la nature, et je pense que c'est le cas. Néanmoins ça ne coûte pas grand-chose de s'arrêter 5 sec pour les ramasser même si ce n'est pas le vôtre. J'ai un peu joué aux éboueurs, mais vu peu de personnes faire de même , alors Svp....

Le Tracé :

C'est vrai, cette CCC 2011, mis à part la distance, n'est pas la course la plus technique ni difficile que j'ai faite. J'ai entendu beaucoup de coureurs se plaindre des  choix de l'organisation pour ce parcours de repli (Pas assez de dénivelé, trop de route, voir carrément c'est chiant, etc !!!...).

Le trail évolue et je constate que le niveau augmente chaque année. Donc certains voudraient explorer un peu plus leurs limites personnelles, ce que je peux comprendre. Mais je trouve cette attitude totalement égoïste voir élitiste et en rupture total avec ce qui fait l'intérêt de cette discipline. Envoyer 2000 personnes ayant un niveau hétérogène dans la montagne, de nuit, sous l'orage et la pluie est un pari risqué pour un organisateur, et je parle par expérience.

Il faut déjà se dire que 300 personnes ne vont pas au bout sur la CCC, seulement 1150 classés sur l'UTMB, donc ceux qui sont dans les profondeurs du classement ou abandonnent n'auront pas le même avis, il faut aussi penser à eux.

Les courses de l'UTMB seront différentes chaque année, ce qui fait leur charme, ceux qui veulent retrouver le même tracé pour s'étalonner n'ont plus qu'à s'inscrire aux courses sur routes, le parcours sera identique au mètre près !!!

J'ai juste une remarque que je voudrais constructive : que le site internet soit plus clair concernant les vagues de départ au moment de faire son choix, afin que chacun court à son niveau sans trop de gêne. C'est vrai que les bouchons sur les 20 1er Kil sont un vrai problème. Certains s'inscrivent aussi volontairement par choix stratégique dans le départ qui ne correspond pas à leur niveau (et ça marche dans les  deux sens !!!!....)

Voilà c'est dit, je félicite donc une nouvelle fois les organisateurs, prenez du plaisir en trail, sur la course qui vous convient car le choix est infini. ...

RdV en 2012 !!!! 

 

 

4 commentaires

Commentaire de ThomasL posté le 01-09-2011 à 14:02:52

bravo pour ta course, belle gestion. Je connais le stress du genoux qui part en vrille ;)

Commentaire de Insigma posté le 01-09-2011 à 14:57:07

Bravo pour ta course.
Cette chute sur la fin aurait pu te coûter le finish.. J'ai personnellement investi dans une bonne frontale, et je me dis que ça en vaut vraiment le coup !

Bizarre tes pbs de hoquet, j'avais encore jamais entendu parler de ça!

Commentaire de Amiral posté le 01-09-2011 à 16:37:40

Merci, pour la chute plus la fatigue et le manque de réflexe que la frontale je pense, la tika XP 2 n'est pas trop mauvaise, peut-être aurais je du changer les piles. Mais bon rien de grave c'est l'essentiel.
Je dois être le seul coureur avec ce problème de hoquet, ça peut paraître bête mais vraiment handicapant, et ça fait surtout super mal au bout d'un temps.
Bravo pour ta course et ton récit bien plus clair que le miens, le copier/coller a foiré la mise en page, toutes mes excuses aux lecteurs...

Commentaire de lauhxc posté le 01-09-2011 à 22:32:55

bravo a toi! je crois qu'on c'est perdu au même endroit....

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