L'auteur : julsocks
La course : Courmayeur - Champex - Chamonix
Date : 31/8/2012
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 1256 vues
Distance : 92km
Objectif : Terminer
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CONTEXTE
La CCC, course dont j’avais entendu parlé il y a quelques années déjà lors de mes premiers pas dans le trail. Elle était alors pour moi une course un peu mythique à l’image des Templiers, une course dont beaucoup parlait, une course à faire, un jour.
De retour d’une longue blessure mi-2011, il me fallait un challenge de taille, je décide alors d’affronter le mythe. Je m’inscris fin 2011, j’ai la chance d’être tiré au sort et reçois la confirmation tant attendue début 2012. Il va falloir bien la préparer, car avec seulement 2 SaintéLyon et un marathon du Mont Blanc sous la ceinture, je suis conscient du travail qu’il reste à accomplir pour être le près pour les 100km et 5950m de D+ qui m’attendent dans 8 mois.
2012 commence avec du travail de VMA avec une première course sur route en Mars. Je boucle le Semi-Marathon de Paris en 1h26. Bien content, je bas mon record personnel. Ca commence bien.
Vient ensuite mon premier trail en Mai avec la Marathon Race d’Annecy 42km/2700D+ (http://www.kikourou.net/recits/recit-13245-trail_du_lac_d_annecy_-_marathon_race-2012-par-julsocks.html). L’objectif est de mieux gérer ma course qu’au Marathon du Mont-Blanc 2010 (http://www.kikourou.net/recits/recit-10826-marathon_du_mont-blanc-2010-par-julsocks.html) où les erreurs du marathonien de la route m’avaient fait très mal sur la fin. Malgré une deuxième moitié de course couru avec une entorse à la cheville je finis en 6h39, 130ème.
Mon deuxième trail de préparation arrive fin juin avec le Verdon Canyon Challenge 50km/3125D+. (http://www.kikourou.net/recits/recit-13475-verdon_canyon_challenge_ultrail_-_100_km-2012-par-julsocks.html). Ma cheville s’est a peu près rétablie en deux mois mais je prends le départ contre l’avis de mon médecin… Course prudente la cheville tiens le coup, après 9h21 je finis assez frais, 71ème. Que c’était beau.
Il me reste 2 mois avant « the big one » je suis l’entraînement de Trace de Cime (http://www.trace-de-cime.fr/IMG/pdf/Plan_Ultra_trail.pdf) presqu’à la lettre. La charge d’entraînement est lourde. Le corps souffre et la fatigue se fait sentir mais la motivation demeure.
Je regarde la couverture de la TDS sur la web TV. Dawa Sherpa est loin devant, les conditions météo sont épouvantables. Ils annoncent de la neige, du vent, des temprétures négatives pour le lendemain également. Ca promet. Un peu d’appréhension mais encore plus envie d’y aller.
Objectif – Finir en moins de 18h00/arriver dans le premier tiers.
Départ 10h00 de Courmayeur. Ca y est on y est. Le temps n’est pas si mauvais du côté Italien. Il y a même du soleil. Je suis là, avec ma petite femme. Elle est inquiète car le speaker ne cesse d’annoncer des conditions météo très difficiles avec de la neige et des températures de –10°C. Il annonce aussi qu’au vu des conditions climatiques, le parcours est amputé de 2 passages à 2500m. Pas de Tête de la Tronche ni de Tête au Vent cette année. Le passage au Grand Col Ferret est maintenu. C’est dommage mais c’est une décision plus que justifié. Ce sera donc environ 1300D+ et 10Km en moins et tous mes points de passage repères et stratégie de ravitaillement qui volent en éclats du même coup.
L’heure approche, tout le monde ou presque a sorti la Gore-Tex car il commence à pleuvoir. On nous lance un dernier « ne restez surtout pas au sommet du Col Ferret » et la musique se met en route. Grosse séquence émotion à cet instant. On est au départ d’un course incroyable. On pense à tous les efforts consentis lors de la prépa. On reste concentré et c’est parti.
Super ambiance dans les rues de Courmayeur, Ca fait chaud au cœur. On commence à monter toujours sur le goudron. Il ne fait pas si froid et je m’arrête pour enlever ma 3eme couche. Il y beaucoup de monde et le peloton est très compacte. On commence à monter en lacet vers le refuge Bertone, il y a du traileur au mètre carré. Difficile de monter à son rythme il y a de gros embouteillages. Je me dis que je vais en profiter pour monter doucement. On arrive très vite à Bertone, Je pointe à la 647ème place. Je ne sais pas pourquoi je me sens désorienté par le changement de parcours, je prends mon temps pour manger un peu alors que je devrais filer, on a à peine commencé la course.
Partie plutôt plate, mais on est maintenant face au vent. Je m’arrête pour remettre ma troisième couche, il commence à faire froid et il fait très sombre au fond de la vallée. Quelqu’un lance « il doit neiger là-bas ». Toujours beaucoup d’embouteillages, c’est le début je me dis. Il y a beaucoup de nuages et il est difficile de profiter du paysage. Il commence en effet à neiger, je garde mes lunettes de soleil pour me protéger des flocons. En les enlevant à l’arrivée au refuge Bonatti je m’aperçois qu’une branche est cassée. Heureusement que le soleil n’est pas de la partie finalement. Je suis 750ème. J’ai perdu 100 places en m’arrêtant 2-3 minutes à Bertone et en faisant en arrêt « remettage de Gore-Tex », ça vous donne une idée de la densité de la queue leu leu. Je remplis ma poche à eau avec de l’eau glacée qui alimente le bassin voisin.
Toujours beaucoup de monde et pas possible de descendre à son rythme. Très difficile de doubler sur de la mono-trace. Ca commence à devenir un peu pénible tout ce monde. Descente tranquille donc avec un peu de boue sur la fin. Je pointe à la 785ème place à ce moment là. Je rentre dans la tente bondée, j’essaie de me frayer un chemin, ce n’est pas facile. Je ne m’arrête pas au ravito cette fois-ci, de toute façon il n’y a pas de place, on peut à peine bouger. A la sortie de la tente un bénévole me dit de remonter mon col. On attaque la montée du grand Col Ferret.
Avant l’ascension, je prends 30 sec pour admirer le paysage du moins ce que l’on peut en voir. On voit bien la vallée que l’on vient de remonter depuis Courmayeur mais celle-ci est très encaissée donc la vue sur les montagnes est limitée. De plus aujourd’hui les sommets sont dans les nuages. Impossible de voir le sommet des Grandes Jorasses, l’Aiguille du Triolet ni le Mont Dolent. Je ne me souviens pas non plus avoir vu de glaciers. La montée est raide mais à nouveau il y a du monde, ce qui m’oblige à ne pas trop puiser dans mes réserves. Il y a de la boue, on glisse un peu. Il fait de plus en plus froid, pour boire mon eau glacée, j’essaie de la garder un maximum dans la bouche avant de l’avaler afin de la réchauffer le tout dans des pentes de plus en plus raides, pas facile. En haut du col il fait extrêmement froid. On ne doit pas être loin des –10°C annoncés. Je ne m’arrête pas, de toute façon vu le temps il n’y a rien à voir. Le bénévole pointeur a bien du courage, bravo à lui. Je passe au col à la 682ème place. J’ai gagné 100 places grâce a une bonne montée mais surtout grâce au fait que je ne me sois pas arrêté à Arnuva.
La descente est douce, pas du tout technique, mais encore une fois je ne peux pas descendre à mon rythme à cause des embouteillages. On est à plus du tiers du parcours et les embouteillages sont toujours là. La frustration monte. J’accuse un petit coup de moins bien à ce moment. A la Fouly je m’arrête et m’assois 5 minutes pour prendre un bol de soupe. Ca fait du bien de boire quelque chose de chaud. A la Fouly je suis 635ème. J’ai gagné une cinquantaine de places dans la descente.
La descente continue, cette fois on passe dans la forêt. Passage sympa sur la Crète de la Saleina. A la sortie de la forêt on fait une peu de route, on passe quelques petits villages très sympa. Je prends deux minutes pour prendre un petit thé servi par une gentille dame postée sur le côté de la route. Ca c’est de l’encouragement premium. La descente se termine à Issert. 10km de descente finalement assez éprouvants. On attaque maintenant 400m de D+ pour accéder à Champex. On voit le village d’en bas, il paraît très haut. J’avais lu que cette petite montée faisait très mal et que beaucoup d’abandons se faisaient ici. L’idée me turlupine, il fait froid, je suis trempé, je viens de faire plus de 40km dans les embouteillages, pas de visibilité, pas de beaux paysages. En gros pas de plaisir du tout jusqu’à présent. A quoi bon aller plus loin me dis-je, surtout que ma femme sera à Champex avec une voiture. J’essaie tant bien que mal de me débarrasser de ces idées négatives. Je pense aux encouragements que j’ai reçus, mes amis qui me suivent et à la veste de finisher ;) J’arrive à Champex, je pointe à la 400ème place. Il doit y avoir des problèmes dans le pointage, il ne me semble pas avoir dépassé 235 coureurs depuis La Fouly. Je ne suis pas au top, un peu cuit même. J’avais prévu de faire une grande pause de 15 minutes histoire de voir un peu ma femme et de manger quelque chose de chaud. Il y a du monde, entre les coureurs d’un côté et les supporters de l’autre. Je retrouve ma femme et je me change complètement. Je remets 2 couches sèches au dessus et au dessous mon collant n’est qu’un collant Skins été donc je décide de mettre mon sur-pantalon étanche décath également. Quel bonheur d’enfiler des chaussettes et chaussures sèches. Certains coureurs me regardent avec envie. J’apprécie ce petit confort et prends le temps de me reposer. Je pers un peu la notion du temps et ne repars que 51 minutes après être arrivé, mais je repars et c’est là l’essentiel. Merci à ma petite femme pour ce ravitaillement de luxe, sans elle je ne sais pas si j’aurais continué.
Je repars donc et me sens bizarrement assez frais. Je n’ai plus du tout mal aux jambes et j’ai l’impression de commencer la course. Il n’y a pas meilleures sensations. A la sortie de Champex ma femme me dépasse en voiture et me demande une dernière fois si je ne veux pas monter avec elle. Ma décision est prise, je continue, le rythme est bon et enfin, les embouteillages ne sont plus là. Il aura fallu attendre la moitié de la course. Incroyable !
J’engage la conversation avec un autre coureur et nous commençons à remonter pas mal de monde jusqu’au début de la montée de Bovine. Là je ne peux plus le suivre malheureusement, je le laisse partir un peu devant. Je préfère monter à mon rythme. Il reste encore beaucoup de km. La nuit tombe mais je n’ai pas encore sorti la frontale. La montée est technique et difficile avec pas mal de marches. Il fait froid. J’ai froid même avec le sur-pantalon. Il commence à neiger de gros flocons. Avant d’arriver au refuge je rejoins mon compagnon de route. Il n’était pas si loin finalement. A Bovine je pointe à la 614ème place, plus en ligne avec mon classement à la Fouly. Je prends quelque chose de chaud je mets ma frontale et je repars le plus vite possible. Je suis trempé et il fait froid.
Je ressors et la je vois des lucioles arriver et d’autre s’éloigner plus loin dans la montagne. Il neige de grosses pattes de chat. Spectacle splendide à la lueur de ma frontale. C’est honnêtement le premier instant plaisir de la course depuis l’émotion du départ 12h plus tôt. Après le ravito on remonte encore un peu avant de descendre sur Trient. Il y a beaucoup de boue, mais je descends bien. Je ne regrette pas mes deux Saintélyon à ce moment là. Je descends un long moment accompagné d’un couple. La digestion se met en route pendant cette descente il va falloir que je fasse un arrêt technique. Il y a une grosse ambiance à Trient. C’est super sympa. Merci aux supporters. Un peu après mon arrivée au ravito le speaker annonce l’arrivée du 500ème coureur. Je pense alors être dans les 400-450 premiers. Je suis vraiment surpris car avec mon heure passée à me reposer à Champex je pensais que mon objectif de finir dans le premier tiers était passé aux oubliettes. Je suis en fait 515 à Trient, j’ai gagné 100 places dans la descente. Plus qu’une grosse ascension et on verra bientôt les lueurs de Chamonix. Le speaker encourage les coureurs à « mettre les couches », il fait très froid à Catogne. J’aimeri suivre ses conseils mais j’ai déjà mis toutes mes couches. On verra bien. A la sortie du ravito, je m’arrête un moment au WC ce qui me coûtera 50 places. Mais je repars de plus belle.
La montée vers Catogne n’est pas technique mais elle est longue et il y a beaucoup de zigzags. C’est assez dur pour le moral. Durant la montée j’essaie de rester au contact d’un petite groupe, ce n’est pas facile mais je sers les dents car je sais que si je me retrouve seul ce sera encore plus dur. Au gré de la montée un petit groupe de 25 se forme. On monte tous au même rythme dans un silence de mort. On restera groupé jusqu’au bout emmené par une locomotive dont personne n’osera prendre le relais. Il fait très très froid (-10°C), il y a du vent, nous marchons dans la neige, je suis trempé et fatigué. Je ne sens plus mes doigts. Pourtant j’ai les gants Sealskin étanche et doublé mérino. Je pense que l’hypothermie n’est pas loin. C’est ici que je prends conscience de la judicieuse décision de l’organisation, celle d’enlever le passage à Tête au Vent. Nous sommes à 2000m et je me dis que la moindre défaillance pourrait avoir de graves conséquences. A la bascule je pointe à la 554ème place, il y a un gros feu en contrebas. Je m’y serais bien arrêté pour me réchauffer. Ca y est je viens de dépasser le 70km, la plus grande distance que j’avais parcouru jusqu’alors. On plonge dans l’inconnu maintenant.
Dès la bascule notre groupe si groupé dans la montée éclate littéralement. La majorité des 25 dépassent notre meneur d’allure sans un signe ni même un merci. Dur dur. A nouveau c’est la boue qui nous attend plus bas après avoir passé la limite pluie-neige. J’arrive à Vallorcine à la 559ème position. Classement relativement stable depuis Trient. Je fais une pause de 10 minutes au ravito. On nous annonce 3km de montée et 12km de descente avant l’arrivée avec passage à Argentière.
Je ressors fatigué et j’ai du mal à courir. Il faut s’accrocher plus que 3km de montée. Allez, Allez. Un coureur me dépasse, je lui emboîte le pas sur 1 ou 2km puis le dépasse. Ca fait du bien de profiter d’un petit ascenseur. Je suis maintenant seul et pratiquement le seul à courir encore. Je me sens pas mal, fatigué mais pas du tout cramé. On passe le col des Montets, je me dis qu’on en a fini avec les montées mais il y aura encore quelques petites montées-descentes à négocier et qui feront mal aux jambes et au moral. J’essaie de relancer un maximum dans les descentes. A Argentière je pointe à la 488ème place. J’ai remonté 70 coureurs en 5-6km.
On arrive dans le fond de vallée. C’est plat mais c’est encore long. Je continue à courir et à remonter des coureurs qui marchent. Je connais un peu cet endroit pour y être passé lors du Marathon du Mt Blanc. Cela me donne du courage, c’est bientôt fini… J’arrive dans les rues de Chamonix, désertes bien entendu car il est presque 3h00 du mat, pas de speaker, pas de musique, pas d’ambiance… C’est quand même hard ce coté la de la course après tous ces efforts. Mais c’est la discipline qui veut ça. Je tiens bon et passe la ligne d’arrivée à la 443ème place. Content d’être enfin arrivé. Je prends ma veste finisher avec fierté et je retrouve enfin ma femme. J’aurais repris près de 115 coureurs entre Vallorcine et Chamonix, c’est ce que j’appelle une bonne fin de course. J
Sentiment vraiment mitigé. Super organisation, super ambiance au départ, j'en avais les larmes aux yeux. J'ai atteint mon objectif qui était d'arriver dans le premier tiers, en arrivant dans le premier quart. Mais le plaisir n'y était pas vraiment. Je ne sais pas pourquoi. Les conditions climatiques m'avaient gonflé à bloque pourtant, le côté dantesque me plaisait bien.
Il y a eu énormément de bouchons sur la première partie du parcours, jusqu’à Champex pour moi. Il est très difficile de doubler des groupes qui peuvent aller jusqu'à 10-15 coureurs sur de la monotrace.
En général j'adore prendre un peu de temps pour apprécier le paysage. C’est pour cela que le trail me plait tant. C’est sur qu’avec la météo que l’on a eu c’était difficile, mais j’ai un doute sur la beauté des paysages même par temps clair. Nous somme vraiment au pied du massif du Mont Blanc. La vallée de Courmayeur est très encaissée et on se sent vite écrasé par la montagne. Il n’y a aucun recul possible. Ensuite il y a quand même pas mal de passages en forêt avec zero vue et si l’on ajoute la course de nuit évidemment… Bref je pensais en prendre plein les yeux et non pas devoir regarder me pieds et rester derrière des caravanes de coureurs.
Expérience bien différente d'un Verdon Canyon Challenge réalisé plus tôt dans l'année ou même d’un Marathon du Mont Blanc pour prendre une course de la région où là les paysages sont à couper le souffle. Cela me fait relativiser mon objectif de participer à un prochain UTMB.
Bravo encore à tous les volontaires, tout particulièrement à ceux qui étaient au grand col ferret par -10C et en plein vent.
Quelques chiffres pour finir.
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4 commentaires
Commentaire de Matchbox posté le 06-03-2013 à 15:48:19
Super récit ! Ca me replonge dans ma CCC 2012 du coup.
Par contre je ne garde pas les mêmes impressions que toi.
Commentaire de julsocks posté le 06-03-2013 à 20:10:43
Salut Matchbox, j'ai lu ton CR hier soir. Il y avait l'air d'avoir un peu moins de monde sur le devant de la course. Bravo pour ton temps canon.
Commentaire de Matchbox posté le 08-03-2013 à 11:15:24
En effet, c'est nettement plus calme aux ravitos et sur les singles quand tu es plutôt devant. Ca oblige à partir vitre au risque de se griller mais c'est mieux pour les nerfs :)
Commentaire de bubulle posté le 06-03-2013 à 22:01:22
Ah bin c'est malin, tiens. Comment ça se fait pas de faire envie aux petits camarades.... Non, vraiment, ça se fait pas!
Belle course, quand même....et bien gérée!
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