Récit de la course : Marathon de Paris 2006, par dom1789
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Mon premier marathon
Réveil à 5h après une nuit plutôt agitée, enfin j'y suis.
Cela fait quelques années qu'une idée assez stupide m'était passée par la tête : faire le marathon de Paris l'année de mes 40 ans.
Depuis 1 an, j'avais décidé qu'il était temps de s'y mettre sérieusement. Abonnement à Jogging, équipement tip-top en cardio et GPS, la théorie des VMA FCM et autres formules matheuses maîtrisée, j'ai mis toutes les chance de mon côté. Et j'ai couru, couru, couru... Je me souviens en Janvier de sorties à -5° et 40 km/h de vent dans le nez... Je me disais que le marathon se gagnait ce jour là. Ca m'aidait à rentrer sain et sauf.
Aujourd'hui, je dois vivre la récompense de ces efforts : j'ai perdu 15 kilos, je suis maintenant capable de courir un semi en 2h, j'ai enchaîné les séances hebdomadaires longues (25 kms max).
J'ai même pas fêté mes 40 piges il y a 3 jours. Faut pas que j'oublie de me rattraper.
Arrivée à l'étoile à 8h. Passage au vestiaire. Le temps est magnifique.
Passage sous l'arc de triomphe, insertion dans le sas jaune, l'ambiance est bonne, les gens plaisantent avec leur bob jaune, les banderolles sont levées. Moi aussi, je fais tout pour montrer ma bonne humeur, ma joie d'être là. En fait, je suis mort de trouille. Il faut qu'on parte, sinon je retourne chez moi tout de suite et je mets mes chaussures en vente sur ebay.
C'est dans cette zône d'attente que je me décide à régler mon GPS sur 4 heures. Il y a 15 jours, j'avais tenu ce rythme pendant 25 km. Il faudra en ajouter 17. Je peux le faire, même si je sais que cà ne serait pas un drâme de laisser partir mon partenaire virtuel devant.
Départ. Il nous faudra un petit quart d'heure pour passer la ligne. Ma descente des Champs est un peu gâchée par tous les déchets des concurrents qui m'ont précédé. Si je cours le nez en l'air, je risque de me payer une bouteille et d'y laisser une cheville. Quand même, à défaut de les mettre au caniveau, c'est pas très compliqué de les vider et de les applatir pour éviter les dangers.
Je me sens bien, le premier ravito à la Bastille est réussi, je passe les dix premières bornes en 57'. Je pense à ma famille qui doit recevoir un premier SMS avec mon temps. J'imagine les "Vas-y Papa"... Me voilà bel et bien parti dans mon défi, je m'efforce de me concentrer sur les gestes et d'oublier la distance qu'il reste à parcourir.
Le ravito du 10km est râté. Y'a plus de sucre, ça m'arrange pas trop. Je m'envoie une bouteille de liquide sucré citroné, pas infecte mais presque. Je repars confiant jusqu'au km12, ou je commence à ressentir un point de coté. J'avais pas eu ça depuis le collège... Je ralentis, je me calme, je respire. Il passe pour l'instant. Ravito du km15. Je suis dans le rythme. Je reste concentré.
Côte du km 17. Je raccourcis la foulée, comme y disent dans les revues. Impec, ça passe.
Je passe le semi en 2h00. Je pensais être en avance mais mon GPS a compté 21,4km. J'aurais dû rester sur la ligne bleue ! J'aurais dû partir tout seul ?... Allez, j'en veux pas à mes 34999 copains avec lesquels on se rend mutuellement la course plus difficile. C'est aussi avec eux que j'ai l'espoir d'arriver.
Emotion quand je pense à mes proches qui vont lire le deuxième SMS. Je me sens connecté avec eux, mais cette pensée me submerge. Ma gorge se sert, c'est pas bon pour le souffle. Retour au calme, à la concentration, oublier cette émotion, faire place à la course. La première moitié est couverte, il reste la seconde.
Le point de côté revient au km23, sans raison. Je ralentis. Et j'entends "allez les ballons !". Quoi ? Ils sont où ? Argh ! ils vont m'avaler. Rien à faire ! Je décide de résister, ça m'aidera à avancer. Et tant pis si je les laisse partir plus tard, ça sera toujours ça de pris. Et ça me distrait, mon point de côté se fait oublier.
Tunnel des invalides. Pas drôle de courir là dessous. Plus de public, on est entre nous. Mais arrivé à mi-tunnel, un cri lancé par les entrants forme une hola acoustique qui progresse comme une vague de feu dans un film catastrophe. Sensation géniale, à décoiffer tous les dolbys et autres THX les plus puissants. La vague s'amplifie et va me rejoindre, je ne peux rien faire. Elle va m'avaller. Je me mets à pousser un grand cri quand elle est sur moi. Et elle est passée à vitesse inouïe et nous a tous écrabouillé. Je l'entends s'éloigner et se dissoudre en sortie de tunnel. C'était magique. Une deuxième passera avant la fin du tunnel, merci à ceux qui ont lancé ces vagues. Un grand souvenir.
Je continue ma course devant les ballons verts. Jusqu'au km 30, fin des 4 tunnels. Ravito avec les ballons. Je fais le point. J'avais jamais couru jusque là, c'est déjà bien mais ça vaudra rien si j'arrive pas au bout. Et pour y arriver, faut se rendre à l'évidence, j'arriverai pas à suivre les ballons. Je fais mon deuil des 4h. Je prends un moment, pour être certain de laisser partir les ballons et pas m'épuiser à m'y accrocher.
On m'avait prévenu, il y a deux courses dans un marathon : avant le km30 et après. Commence maintenant la deuxième. Je passe d'un rythme de 5'40 au km à plus de 6' au km, je fais confiance à mes sensations, je reste raisonnable.
Le mur du 30eme km arrivera vers le 33eme, dans une montée interminable. Les jambes sont molles, mais les pires sensations viennent de l'estomac. Je ne vais jamais me séparer de ce malaise. Ai-je trop bu ? Je n'ai pourtant pas fait de pose pipi. Ai-je trop mangé ? Je n'ai pris que du sucre, pas une banane, pas une orange. Non, la seule explication tient au compteur kilométrique. Et vu le nombre de copains qui s'arrêtent entre deux voitures, je dois pas être le seul à souffrir de la sorte.
Je me concentre sur ce qui va bien : je n'ai pas de crampes, je n'ai pas de douleur au talon comme parfois à l'entrainement. Pourvu que ça dure. Ravito du km35. Encore 7 kms et j'arrive. Je calcule avec les quelques neurones lucides qu'il me reste que même en marchant, je ferai moins de 5h. Je sais que je vais passer la ligne mais je ne m'avoue pas encore ma victoire. Il reste encore entre 40 et 80 minutes, et je sais que je vais vraiment en baver. Je m'accorde quelques instants de marche en essayant de boire calmement. Non, je ne finirai pas la bouteille. Je ne peux plus rien avaler. La marche me calme, mais au bout de 100 mètres, une douleur au genou apparaît. Qu'est-ce que tu viens faire là toi ? On m'avait pas expliqué qu'il était possible de souffrir à cause de la marche. Je reprend la course, la douleur du genou disparaît.
J'ai plus rien dans les guiboles. L'estomac ne veut toujours pas se faire oublier. Il m'arrive de m'accrocher à un copain qui court sur le même rythme. Côte à côte sur 200 ou 300 mètres, ça aide et ça donne l'impression d'aider. Pas un mot entre nous, mais j'imagine une complicité dans l'effort. Peut-être que je me trompe, mais tous les moyens sont désormais bons pour avancer.
J'avais le principe de ne pas marcher avant les ravitos. Mais je n'y tiens plus, km 39 je décide de marcher. Un groupe de spectateurs a sûrement lu ma détresse, et m'encourage à ce moment précis. J'ai bien fait de mettre mon dossard-prénom devant. "Allez Dominique" me lance une charmante demoiselle. Je ne la connais pas, mais si elle me lit je la remercie vraiment. Elle m'a fait repartir, preuve qu'à ce moment de la course, la tête guide les jambes, et que les spectateurs sont plus efficaces que les gels hyper-glucidiques.
km 40, 4h de course, ravito. Je m'arrête, je saisis par habitude une bouteille. J'y goute à peine. Je m'en sers pour me donner un peu de fraicheur sur les jambes. Elles l'auront bien mérité, les fidèles guiboles. Pas de crampes. Je repars à donf. Enfin, le donf de fin de marathon... Je couvre le prochain km en 6'10. Je suis mal mais je passe l'arche du km 41 et je réalise que j'entre dans le dernier kilomètre.
C'est long un kilomètre quand même.
C'est très long un kilomètre.
Je me détends, je sais que je l'ai maintenant fait, qu'il ne peut plus rien m'arriver. J'essaye dans profiter comme me l'ont conseillé un ami déjà-marathonien et même centbornard. Je pense à lui : mais comment peut-il faire cent bornes ? Si je continuais, je serais certain de m'écrouler avant le km43.
Une place ronde, sûrement la dernière avant l'arrivée. Où est l'avenue Foch ? Je vise au loin pour essayer d'appercevoir l'arche d'arrivée. Ils n'ont pas mis de gonflable ? Non, y'a juste une arche au loin avec des barrières des deux côtés. Y'a plein de monde. Ils sont là pour moi, j'en suis sûr, je suis un héro. Je savoure cette ligne droite. Je n'en peux plus, mais rien ne peux m'arrêter à ce moment là.
Je pense à ma famille. Ils vont être fiers. Je retiens mes larmes pour après la ligne. Et il faut qu'elle arrive vite, je ne tiendrai plus longtemps.
Je passe la ligne les bras au ciel. J'ai gagné.
Je m'arrête. Mon chrono indique 4h12'38. Je souffle. Et je me détends vraiment cette fois-ci. Les larmes ne coulent pas, je suis ému mais serein.
Un grand merci à tous les bénévoles, qui ont souvent un petit mot sympa au moment où on en a besoin.
Un grand merci à tous les Dominique, spectatrices et spectateurs tout au long du parcours, qui ont encouragé un homonyme anonyme.
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7 commentaires
Commentaire de Tomawaky posté le 10-04-2006 à 18:37:00
Bravo Dom et bon anniversaire
Commentaire de l'ourson posté le 10-04-2006 à 21:35:00
bravo pour ta persévérance jusqu'au bout ;-)
L'Ourson_ki_t-a_suivi_de_12_secondes!
Commentaire de Lémurien posté le 11-04-2006 à 11:50:00
Très beau récit!
Bon anniversaire Dominique!
L'an prochain, tu passes sous les quatres heures!
Commentaire de calimero posté le 11-04-2006 à 11:56:00
Bravo Dom,aujourd'hui tu peux dire:je suis Marathonien, respect!
Commentaire de taz28 posté le 11-04-2006 à 19:22:00
Superbe récit plein d'émotion...j'adore !!!
J'étais dans le public pour encourager, et les visages des coureurs en disent long sur leur bonheur ou leur souffrance...
Tu as fait une très belle course en savourant tout ce bonheur d'être un marathonien enfin, et qui plus est, pour tes 40 ans...
Bon anniversaire
A+ sur la transbaie....
Commentaire de Geronimo posté le 13-04-2006 à 20:03:00
Merci pour ce récit trés émouvant.. et bravo pour la performance, dans la douleur.
Commentaire de bluesboy posté le 13-04-2006 à 22:11:00
Bravo pour ton recit ,je termine quelques minutes derriere apres un gros coup de mou entre le 30é et le 35é km
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