L'auteur : Aloysius35
La course : Marathon de Paris
Date : 12/4/2015
Lieu : Paris 16 (Paris)
Affichage : 1453 vues
Distance : 42.195km
Objectif : Objectif majeur
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Se lancer dans un marathon alors qu’on n’a jamais couru plus de deux heures et des bananes, c'est idiot. Ou très beau. Après seulement un an et demi de cap, je me lance ce défi plusieurs mois à l'avance. J'en profite pour m'inscrire au semi-marathon de Paris. J'arrive à tenir plus ou moins mon entraînement mais je me blesse quelque mois avant le départ, périostite doublée d'une entorse... repos total pendant plus de trois mois. Là, je me dis que c'est foutu. Et pourtant, je me lance sur le semi-marathon, je le réussi. Je passe mon temps à me droguer des récits de marathoniens, à me renseigner sur les plans d'entrainement "dernière minute" même si je sais que c'est une bêtise. Je ne fais qu'y penser, ça deviens une obsession.
Je cherche à revendre mon dossard, sans grande conviction, je voulais tellement le courir. En furetant sur le net, je tombe sur le C-R du premier marathon d'une nana qui l'avait réussi, dans le même genre de condition que les miennes. J'en ai les larmes aux yeux en le lisant et je prends la décision de le tenter. Je garde mon dossard !
Quelques semaines avant, je commence à en parler à mes amis proches. Je prends des précautions, j'explique le challenge, mais je ne le finirai pas. Marion et Charlotte sourient, on te connaît, bien sûr que tu vas le finir. Ma sœur se marre au téléphone quand je lui fais part de mes inquiétudes : c'est ça, tu finiras à l'arrivée avec une seule chaussure et un genou en moins, mais tu y arriveras !
Deux jours avant le départ, je préviens ma famille que je vais le faire. Ils sont là pour moi, et sont prêt à venir me chercher à n'importe quel endroit du parcours ou je lâcherais.
Matin du départ.
J'avoue que j'aurais tué pour des tartines. Les pâtes complètes à l'huile à 6 h du mat', il y a plus sexy. Mais je suis contente, j'ai super bien dormi. Je visualise le parcours, mon objectif est de passer les 25 km, 30 ce serait génial. (Bon ok c'est faux, tout au fond de moi il y a une petite voix qui n'arrête pas de me dire, et si tu y arrivais? Je la fait taire, c'est impossible. Je me focus sur les 30 km en massant compulsivement mes pieds avec de la crème anti-frottement).
Dans le métro, je croise des coureurs. Je regarde mes pieds, j'ai l'impression de ne pas avoir le droit d'être là. Je marche vers le départ, avenue des Champs-Élysées. Le soleil me chatouille le museau, il fait super bon, je me sens trop bien. Je me laisse pas trop imprégner de l'ambiance, je garde mes écouteurs sur les oreilles, avec le stress qui monte, les conversations surprises au vol, je sais que je ne pourrais pas aller au bout. Pas grave, j'essaie quand même.
Départ.
Je ne saurais même pas comment l'expliquer, mais je sors de mon SAS et je vois des gens commencer à courir, je me dit que c'est pour être les premier sur la ligne de départ et bêtement je cours aussi. Sauf qu'il est super long, ce SAS. Bon, quand je vois arriver le panneau KM 3 je me dit qu'en fait le départ ça devait être le gros truc sous lequel je suis passé ya quelques temps.
L'avantage c'est que ça me fera marrer au moins jusqu'au KM 6.
KM 10
Ma hanche droite et mon genou gauche commencent à se réveiller. Pas de soucis, c'était prévu, j'ai l'habitude qu'ils me chatouillent après une heure de course. Par contre, l'énorme crampe qui arrive dans la hanche ça ce n’est juste pas normal. J'étais d'accord pour en avoir, mais pas aussi tôt ! Et surtout pas à un endroit aussi bizarre... Je m'arrête et comme je ne sais pas du tout comment faire pour étirer ce muscle étrange que je ne connais pas alors je fais la grenouille.
L'avantage, c'est que ça fait bien marrer les gens. Des petits militaires très sympathiques s'arrêtent, ça va mademoiselle? Niquel merci, je continue mes flexions.
KM 15
La commence un moment un peu euphorique, tout roule, tout est beau, j'ai (presque) mal nulle part, bref j'ai la patate. Je me concentre énormément pour ralentir, parce que je sais que je le payerai plus tard. Je ralentis pour mater les pompiers, pardon, profiter des points d'eaux que propose la BSPP. Il commence à faire vraiment chaud, et je commence à comprendre pourquoi personne autour de moi ne porte de kamelbag, mes épaules commencent à chauffer (A la fin de la course, j'ai des traces de brûlures sur la peau à cause du frottement).
KM 20
Je sors mon téléphone pour prévenir Charlotte que j'arrive au point de RDV. Et la panique totale, je n'ai aucun réseau. J'essaie d'éteindre, de rallumer, de passer des coups de fil, je peux pas concevoir ne pas avoir de nouvelles de mes proches, et de ne pas pouvoir les voir sur le parcours. Rien n'y fait, tant pis. Keep going.
KM 21 : Passage du semi ! Ca y est, je suis dans l'inconnu précisément à ce moment-là. Jamais fait plus. Un groupe de nana à côté de moi se marrent, allez, plus que le double ! La différence entre les semi-marathoniens et les marathoniens commence à se faire sentir. Une bonne moitié des gens commencent à marcher, ou ralentir sérieusement la cadence.
J'essaie d'y croire. Je fais le point, je me sens étonnamment bien, pas de trop grosses crampes, les articulations chatouillent mais c'est pas anormal. Je me murmure à moi même que chaque km que je fais à partir de là, c'est de toute manière une performance pour moi-même.
KM 25
Allez Margaux !!! Je me retourne... Gilles?
Mon patron cours sur quelques mètres avec moi, enfin il marche et moi je cours vu que j'avance comme une tortue. Il me demande mon objectif. Arriver?
Je ralentis sur le ravitaillement pour m'étirer un peu pendant que je mange. Ca commence à bien tirer. Et la je fais la plus grosse erreur du parcours : je m'enfile une bouteille d'eau fraiche à grosses gorgées. Mon estomac la refuse, j'ai des grosses crampes. Je ne peux plus rien avaler et pourtant j'ai soif. Je bois des toutes petites gorgées d'eau pour m'hydrater sans vomir. Je me tiens l'estomac, j'essaie de bien respirer et je cours bien sur le côté si jamais je dois m'arrêter. Pourtant, je ne sais pas pourquoi, quand je vois le kilomètre 28 arriver devant moi, j'ai un regain énorme de motivation, et j'ai moins mal. Je sais que le fameux mur approche, mais je n'ai pas peur, au contraire, j'entre dans la cour des grands, je gagne mon droit d'être ici.
J'ai une pensée pour mon petit frère que je devais appeler si j'arrivais à atteindre les 30 KM pour qu'il me rejoigne avec ses baskets. Sans réseau, je n'ai pas pu le prévenir...
KM 30
Je vois devant moi un grand mur en cartons avec des fausses briques, surmonté d'un énorme panneau : "Bravo, vous avez franchi le mur". Les larmes me montent aux yeux, j'ai un sanglot qui arrive, putain, je suis arrivée là...
Je ne crois absolument pas ce que je suis en train de faire. J'ai mal partout, j'ai le dos en compote, les jambes raides comme du bois, mais j'ai franchi le mur. Je suis en train de courir un marathon, et je vais peut-être y arriver.
Je serre les dents, rien n'est gagné, et je sens que je flageole de plus en plus. Je m'hydrate par petites gorgées que je réchauffe dans ma bouche avant de pouvoir les avaler. Je n'arrive pas à mâcher de la nourriture solide, je mange un gel. Mon dos est transpercé par une douleur lancinante. Je ralentis en me tenant le ventre, les nausées sont difficiles à contenir. Nouvelle série de crampes, je m'accroupis contre une barrière, je soulage mes genoux. Une femme me rejoins pour masser son mollets, on se regarde toutes les deux, on se comprend. Je repars.
Un stand avec des ostéos qui massent les coureurs. Je crève d'envie de me faire une pause massage, mais je sais que je ne repartirais pas. Trop dangereux, je continue.
Trois km plus loin je m'arrête pour aller aux toilettes. Ça tangue, j'ai l'impression d'être sur un bateau. Je ne sais pas si je dois écouter les sensations de mon corps, ou les ignorer. Je repars.
KM 35
Ma jambe gauche est raide comme un bâton, je ne peux plus la plier. Je cherche à m'arrêter doucement pour me masser, mais je n'arrive pas à marcher, c'est une sensation vraiment, vraiment très étrange... mes jambes ne veulent pas s'arrêter de courir. Je me fais violence, je ralentis tout doucement, et tout commence à tourner autour de moi. J'ai l'impression que le sol ne me porte plus, que je vais tomber. Mes jambes se remettent à trottiner, je retrouve une stabilité. Bon, ok, je vais pas les contredire. Mes pieds sont en feu.
Les pancartes se succèdent : "Ca ne peut pas être pire qu'un accouchement", "Si tes pieds te font souffrir, c'est que tu es en train d'atteindre ton but", "Chaque pas te rapproche de l'arrivée", "courage, tu es bientôt un héros". Je m'accroche.
Je suis traversée de frisson, de crampes, de nausées. J'ai mal. Je boîte sur ma jambe qui ne veut pas se plier correctement, je tiens le bas de mon dos qui me fais horriblement mal. J'ai envie de pleurer. Je mettrais une heure pour faire six kilomètres. Je pense à Marion et Charlotte, qui n'ont jamais eu le moindre doute sur le fait que je finisse, qui croient en moi, bien plus que moi-même. Si je n'arrive plus à m'écouter moi, je vais les écouter elles. Je continue. Chaque pas se répercute douloureusement dans mes jambes, dans mon dos, mais me rapproche de l'arrivée.
J'ai l'impression d'être la seule à courir, tout le monde marche à côté de moi. Ceci dit, je vais à la même allure qu'eux, j'essaie de faire la même chose pour détendre mes jambes mais à nouveau, je n'y arrive pas.
Je double une femme d'une soixantaine d'année, en difficulté. Une pancarte dans son dos affiche "je cours à la mémoire de mon mari, mort l'année dernière". J'essaie de boire de l'eau, mais j'en renverse la moitié par terre à chaque gorgée. Mes bras et mes mains sont complètements crispé.
Arrivé dans le bois de Boulogne.
Des gens sont arrêtés sur le côté. Certains vomissent, d'autres se font aider par les secours. J'ai peur de m'écrouler aussi, je me fais la promesse de ne pas me laisser tomber avant au moins le 40ème km.
KM 38 : Je vois le panneau, et je réalise que je vais le faire. Je peux y arriver...
KM 40
Deux kilomètres. Je me le répète en boucle. Tout mon corps me hurle d'arrêter, je m'accroche. Mon MP3 me lâche, je le balance dans l'herbe, à l'heure actuelle je ne sais toujours pas pourquoi. Je tangue. J'ai des étoiles qui dansent dans les yeux, j'ai peur que mon corps ne tienne pas. Je sens une main qui se pose dans mon dos, un coureur se met à mon niveau et m'aide à avancer sur quelques mètres.
KM 41
Je trottine difficilement, je dois avoir une tête pas possible parce que tous les gens sur le côté crient mon prénom en m'encourageant. Des messages sont inscrits au sol : "Accroche-toi !», "Tu es un héros !" Un monsieur qui encourage sur le côté vient vers moi et met la main sur mon épaule, il me désigne le virage qui suit : Dans 700 mètres, tu es marathonienne, dans 700 mètres, c'est fini, accroche toi !! Je fonds en larmes.
KM 42
Je vois la ligne d'arrivée. J'oublie tout, je fonce. J'essuie mes larmes, je serre les dents, je passe la ligne d'arrivée... Et je continue de courir. Je n’arrive pas à arrêter mes jambes, je ralentis très doucement, je marche. Je ne réalise pas. Une femme à côté de moi tombe en larme dans les bras de son mari. Je prends mon téléphone, j'ai récupéré du réseau et tous les messages tombent. Ma famille et mes amis sont super inquiets, je rappelle Charlotte tout de suite : Margaux ça va??!D'entendre sa voix, je réalise ce qu'il m'arrive, ce que je viens de faire. Je m'écroule sur le trottoir, ma gorge se serre et je ne peux plus parler. Les larmes coulent, coulent.. Je l'ai fait Charlotte, putain je l'ai fait... Je suis marathonienne...
J'ai couru mon premier marathon en 5h 46. J'ai eu mal comme rarement, mais j'ai vécu une de mes plus belle expérience de vie.
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8 commentaires
Commentaire de laurent05 posté le 15-04-2015 à 22:29:04
bravo pour ta course
ton récit est très touchant, quelle motivation.
bonne récup
laurent
Commentaire de Bérénice posté le 15-04-2015 à 23:35:04
Heureusement qu'on sait que tu as écrit ce récit car on croit que tu vas mourir !!! Bravo d'être allée au bout :-). Tu n'as pas précisé: il a fini ton patron ?! Bonne récup
Commentaire de yoshi posté le 16-04-2015 à 08:40:43
Quelle abnégation et force mental, je me reconnais un peu dans ton récit pour mon premier marathon mais puissance 100. Autant j'ai eu mal (crampes au quadri terrible) vu ta souffrance j'aurais probablement abandonné, heureusement que à l arrière du peloton c est plutôt bon enfant et ça j adore (4h46 pour mon premier il y a 5 ans après 6 mois de cap, le fou) et c est vrai quelque soit l épreuve meme les très longue type tds utbm. Encore bravo pour ce récit emouvant
Commentaire de Namtar posté le 16-04-2015 à 08:52:04
Félicitations pour ta course ! A ta place je n'aurais pas eu ce courage. Chapeau bas.
Commentaire de flyingkitty posté le 16-04-2015 à 22:07:32
Bravo d'être allée jusqu'au bout. Quel courage!
Commentaire de Runforfun posté le 21-04-2015 à 02:23:33
Bravooo. les encouragements à l'arrivée sont tellement bons pour le moral. félicitations
Commentaire de jazz posté le 22-04-2015 à 21:55:12
j'adore ton récit ; bravo, au mental.
jazz
Commentaire de Phénix posté le 28-04-2015 à 11:20:21
C'estb vrai que terminer un marathon est une super expérience de vie. Un grand merci pour ton récit. Je suis très impressionné par le courage dont tu as fait preuve ! Tu mérites bien le titre de Finisher ! Félicitations !
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