L'auteur : Laurent V
La course : Marathon de Paris
Date : 3/4/2016
Lieu : Paris 16 (Paris)
Affichage : 1604 vues
Distance : 42.195km
Objectif : Pas d'objectif
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3 avril 2016, marathon de Paris.
4 mois après mon premier marathon, à La Rochelle, mon objectif était clair : battre mon record (et unique temps, donc) de 3h54. Pour cela, il faudra que je coure à plus de 11 km/h tout du long.
Moins superficiellement, je chercherai surtout à être finisher, fier de pouvoir m’infliger une course de 42,195 km, heureux de partager cet effort avec 57 000 inscrits.
Rendez-vous avec mon copain Stéphane à Denfert-Rochereau à 7h30. J’aime l’ambiance du métro les jours de grosse course populaire, mélange improbable entre les coureurs et les noctambules qui rentrent chez eux.
Arrivée à l’Etoile, le conducteur nous lance dans le micro : « terminus, tout le monde descend. Et je souhaite un bon courage à tous les marathoniens, et je vous précise que si vous voulez gagner du temps, vous pouvez prendre la ligne une jusqu’à Vincennes ». Ambiance.
Dépôt des sacs dans les box, puis entrée dans le sas 3h45. Etrangement, il fait bon. Le soleil se lève sur les Champs, promesse de beau temps, promesse d’une belle journée.
L’ambiance monte et j’avoue ressentir un léger frisson quand les hauts parleurs entament la musique des Chariots de feu au moment du premier départ.
Vient enfin le départ de mon sas. Surprise : on fait partir d’abord le côté droit du sas et comme nous sommes à gauche, il nous faudra attendre 10 bonnes minutes avant de franchir la ligne de départ.
Km 0 à 5 : vitesse moyenne : 11,6 km/h
Descente des Champs sous le soleil, remonté de la rue de Rivoli, Hôtel de Ville à droite, traversée de la place de la Bastille… le tout au milieu de milliers de spectateurs, c’est juste magique.
Point de vue sensations, je me sens les jambes lourdes. J’arrive à courir à ma vitesse d’objectif, mais je ne sais pas combien de temps je maintiendrai. Je ne me sens pas à l’aise.
La foule des coureurs est dense, mais tout le monde a encore un bon rythme, il est plutôt aisé de courir.
Km 5 à 10 : Vitesse moyenne : 11,3 km/h
Rue du Faubourg Saint-Antoine puis avenue Daumesnil. Légère montée. Mon allure faiblit, mais je reste au-dessus de mon objectif de 11 km/h.
Je dépasse une fille qui court en boitant. Je regarde le coureur qui l’accompagne. Il me sourit tristement. Nous comprenons que la journée sera longue pour elle.
Km 10 à 15 : Vitesse moyenne : 11,4 km/h
Passage devant le château de Vincennes, puis le long du Parc Floral et dans le bois de Vincennes. J’ai perdu l’angoisse des premiers km sur mes sensations. La course est lancée, je ne me pose plus de question.
Je m’aperçois que Stéphane a levé le pied, il n’est plus avec moi. Il commence à faire chaud. Les musiciens au bord de route égayent encore cette journée. Je pense au semi marathon de Paris dans ce bois il y a un mois. Je me sens bien, mais je sais que les difficultés sont devant. Je me force à attendre le 30ème km.
Grosse panique au ravitaillement du 15ème : plus d’eau sur les tables du devant. Des coureurs se jettent sur les cartons de réserve, sans remarquer qu’à quelques dizaines de mètres, d’autres bouteilles nous attendent sur d’autres tables.
Km 15 à 20 : Vitesse moyenne : 11,2 km/h
Sortie du Bois de Vincennes puis retour vers le centre de Paris par Charenton. Le soleil est maintenant de dos. Il fait vraiment chaud. Je passe sous l’eau des lances des pompiers, je m’asperge la nuque et le visage. Hier encore, il pleuvait et faisait frais. Ce changement subit de conditions est une bonne surprise, mais les organismes ne sont pas habitués. Un de mes amis sera même victime d’une insolation et perdra 40 mn sur son objectif.
Je suis toujours au dessus de mon objectif temps (plus de 11 km/h), mais je m’aperçois que je n’ai pas beaucoup de marge. Mais j’ai peur d’accélérer. J’ai trop souffert à La Rochelle, des km 35 à 39, où de nombreuses crampes m’ont obligé à m’arrêter pour m’étirer.
Déjà des personnes marchent.
Km 20 à 25 : Vitesse moyenne : 10,7 km/h
Retour sur l’avenue Daumesnil, puis sur la place de la Bastille noire de monde, décrochage à gauche le long du bassin de l’Arsenal avant de rejoindre la Seine sur la voie Georges Pompidou.
Je passe le semi en 1h53. Je me rends compte qu’il sera difficile de faire mieux qu’à La Rochelle. Je mets mon ralentissement sur le compte de la chaussée qui se rétrécit et qui entraîne une densification du trafic qui m’oblige à ralentir. C’est vrai. Mais c’est vrai aussi que je ne trouve pas les ressources pour accélérer quand les passages s’élargissent.
Je ne veux pas me mettre en risque, je gère, je veux éviter ma fin de marathon chaotique de La Rochelle. La difficulté n’est pas physique, mais mentale. Il faut tenir. Je pense à Zatopek qui disait – je crois – que dans un marathon on s’ennuie 30 km avant de commencer la course.
J’attends avec impatience le 30ème km pour me confronter à mes limites.
Je ressens une légère douleur au niveau de la plante du pied droit. Je ne m’inquiète pas. Je la connais. Salut toi. Je t’attendais plus tôt. Tu m’accompagnes jusqu’à la fin de la course ?
Km 25 à 30 : Vitesse moyenne : 10,5 km/h
Poursuite sur les quais. Palais de justice à gauche, puis le long tunnel d’un km (plutôt rigolo d’y courir), puis la Concorde, et la Tour Eiffel à gauche. Enfin, au niveau du 30ème km, un gros mur en carton avec écrit dessus quelque chose comme « vous allez rencontrer le mur, bravo ».
L’ambiance est toujours extraordinaire. Des pancartes m’amusent, genre : « Vous allez souffrir 42 km, mais vous serez fiers pendant 15 ans ».
Ma vitesse diminue. Je sais que je ne battrai pas mon record. Nouvel objectif : terminer quand même en moins de 4h.
Là, je vois de plus en plus de gens en train de marcher. Je suis heureux d’atteindre ce 30ème km. Je veux maintenant me confronter à mon mauvais souvenir.
Je ne veux surtout pas penser aux 12 km qui restent. Je fais le compte à rebours avant le ravito du km 35. A l’inverse de certains coureurs qui refusent de s’arrêter aux ravito, je préfère prendre le temps de marcher le long des tables, pour boire 2 verres d’eau et gober quelques raisins secs ou mordre dans un quartier d’orange. Le cardio baisse et les quelques secondes perdues sont assurément récupérées dès que je relance la machine.
Km 30 à 35 : Vitesse moyenne : 10,2 km/h
Poursuite sur les quais avant des les quitter par l’avenue de Versailles, puis Michel-Ange, et le long de Roland Garros avant d’entrer dans le Bois de Boulogne.
Ces 5 km sont les plus longs pour moi. Ils ne défilent plus. Ma moyenne baisse dangereusement. Je vois 1 puis 2 puis 3 coureurs en réelles difficultés, allongés sur le bas-côté. Je n’ai pas de douleur comme à la Rochelle, mais plus beaucoup de vélocité.
Je continue comme un automate. Je ne veux surtout pas marcher. Je veux seulement arriver au ravito des 35 km en me convaincant que, après, ça ira mieux, ça sentira l’arrivée.
Km 35 à 40 : Vitesse moyenne : 10,6 km/h
On est au plein cœur du Bois de Boulogne. Il y a beaucoup moins de spectateurs. Un jeune homme assis sur une pierre m’interpelle par mon nom figurant sur le dossard : « c’est bien Laurent, la cadence est bonne, continue comme ça jusqu’à la fin ». A l’inverse des encouragements criés par la foule à d’autres endroits du parcours, son ton est posé, la voix est presque basse. J’ai l’impression qu’il pense réellement ce qu’il me dit et, à ce moment là de la course, ça me touche vraiment.
Je parviens à accélérer un peu. Je n’ai pas de crampe, pas de mal, mais impossible de passer réellement à la vitesse supérieure.
Je compte les mètres jusqu’au ravito du 40ème, me disant que si j’y parviens, le plus dur sera fait.
Km 40 à 42,800 (à ma montre GPS) : Vitesse moyenne : 10 km/h
Ben oui, dans un marathon, sauf à courir exactement sur la ligne bleue, on fait toujours plus que les 42,195 km du fait des zigzags.
J’avoue, ces 2 derniers km valent bien les souffrances des 40 km qui précèdent. Je n’ai plus à me battre contre le temps, je sais que je ne ferai pas mieux qu’à La Rochelle mais que je resterai en dessous des 4 heures.
Je n’ai plus de pression et je savoure ces derniers instants. L’arrivée sur la place de la porte Dauphine est géniale. La foule est dense. Je lève les bras pour les inviter à crier et ils embrayent.
Puis les derniers mètres sur l’avenue Foch. Je savoure. A ce moment là, plus rien n’a vraiment d’importance. Je suis juste heureux. Je franchis la ligne. Le chrono de 3 h 56 identique à celui de La Rochelle (même une poignée de seconde en plus avec une moyenne générale de 10,9 km/h) ne gâchera pas ma joie. A la joie du 1er marathon succède une joie toute aussi profonde. Je me sens vraiment marathonien.
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9 commentaires
Commentaire de Bert' posté le 06-04-2016 à 21:57:33
Bravo ! Une course déjà bien gérée car régulière (notamment apres le 35e où c'est rare) et face une météo pas facile à la sortie de l'hiver !
On m'a dit un jour qu' fallait en faire 5 pour bien maîtriser l'épreuve...
Tu vas encore progresser :-)
Commentaire de Laurent V posté le 08-04-2016 à 09:25:54
Merci Bert' pour tes encouragements. Je penserai à ta remarque lors de mon 5ème marathon ;-)
Le 3ème sera en novembre prochain, sur Nice-Cannes.
Bonnes routes à toi ;-)
Commentaire de Freddy55 posté le 08-04-2016 à 22:15:55
Bravo pour ta perf et merci pour ton récit, précis et qui nous donne la sensation d'y être aussi.
Commentaire de Laurent V posté le 11-04-2016 à 18:36:24
Merci Freddy.
Commentaire de Bérénice posté le 09-04-2016 à 14:29:56
Bravo ! Tu cours vite... Et super toutes tes photos dont les vues aériennes impressionnantes de beauté ! Quant à toi tu dégages une force tranquille sur tes photos :-)
Commentaire de Laurent V posté le 11-04-2016 à 18:33:32
Merci Bérénice. Le coup de la force tranquille, on me l'avait jamais fait, mais je garde avec plaisir ;-)
Et encore bravo à toi pour té belle course.
Commentaire de pierrot34 posté le 11-04-2016 à 18:01:49
Une force tranquille, oui, pleine de raison, de lucidité et de sensibilité.Tu as fait ce que j'aurais voulu faire il y a dix ans (4h20 à Carcassonne et 4h56 à Toulouse)mais tu avais bien préparé ton coup, ce que moi, je n'avais pas fait. Un marathon ça ne s'improvise pas. Bravo Laurent.
Commentaire de Laurent V posté le 11-04-2016 à 18:32:14
Merci Pierrot, je prends tes compliments, mais vu ton palmarès, je pense que tu n'as pas à rougir de la comparaison, vraiment pas. Bonnes routes à toi.
Commentaire de Phénix posté le 18-04-2016 à 19:22:56
Merci pour ton récit qui m'a rappelé d'excellents souvenirs de l'an passé. Ta régularité sur la distance est très encourageante. Tu finiras sans soucis à atteindre ton objectif.
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