Récit de la course : 100 km de Millau 2006, par roudaï

L'auteur : roudaï

La course : 100 km de Millau

Date : 23/9/2006

Lieu : Millau (Aveyron)

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Distance : 100km

Objectif : Terminer

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Si le bonheur m'était conté...

AVERTISSEMENT: très très long récit. SI vous avez le courage de tout lire vous êtes vous aussi prêt à courit 100km!

Millau 2006…
J’ai du mal à me mettre à l’écriture de ce récit. Je repousse sans cesse au lendemain. Toujours dans mon nuage, j’ai peur de ne pas savoir traduire tout ce que j’ai vécu et ressens encore. Des bruits, des images, des sensations, des émotions me reviennent par vagues et en flou. Je suis toujours comme ivre de cette journée…

Mais revenons aux sources. Loin en arrière. Novembre 2005 : je reviens à mes premiers amours en me lançant sur des distances officielles de CAP avec mon 1er semi-marathon. Mai 2006 : 1er marathon 3h15. Ce qui était au départ l’objectif ultime n’était déjà plus qu’une étape vers plus haut… L’ultra… Avec tout ce que cela m’évoque : la démesure, le dépassement de soi, l’accomplissement à travers l’effort, l’ultra-émotion… Et je me mets à rêver aux 100km de Millau.
Je fais alors la découverte du forum ADDM de Bruno Heubi. L’esprit d’amitié sincère et de partage qui y règne efface mes derniers doutes et m’encourage dans cette entreprise. J’y fais particulièrement la connaissance de Noël alias Patate dont les précieux conseils et marques de confiance me furent si précieux. Je sais que pour en être là aujourd’hui, à écrire mon CR avec tant de bonheur, je lui en dois une bonne part.
On me dit que je suis trop jeune, que j’ai trop peu d’expérience. Que faire en 10 mois son 1er semi, son 1er marathon et son 1er 100km est beaucoup trop rapide pour être sérieux. Certains à l’évocation d’une course longue de 100km me disent que cela leur évoque le roman « Marche ou crève ». D’autres me disent fou, ou au mieux doux rêveur… je n’ai jamais nié cette dernière affirmation…
Mais peu à peu et malgré tout le projet se forme. Je trouve ma suiveuse officielle, Gaëlle, et toute une bande d’amis se déclare prêts à m’accompagner pour m’encourager : Christelle, Marie, Jérôme et Géraldine… Je les ai déjà remerciés. Parce qu’ils m’ont donné un cœur énorme dans cette course. Mais je voudrais leur exprimer à nouveau tout ce bonheur et cette émotion qu’ils m’ont offerts, parce que même s’il se donne des airs le petit rigolo que je suis n’a pas toujours les mots pour rendre tout l’amour qu’il a reçu…

La préparation se révéla sans anicroche. Un plan en 12 semaines avec 5 séances/semaine en n’oubliant pas un peu de travail en côte (dénivelé millavois oblige) et de vitesse spécifique : 10.2km/h… pour bien entendu suivre la VS donnée par Patate… et espérer finir avec lui sur la marque des 11h. Je n’avais jamais couru autant : aussi bien en km hebdomadaires qu’en nombre de séances et je fus assez surpris de constater que cela passa sans souci. Il faut dire aussi, je crois que je n’avais jamais été aussi sérieux et motivé pour une course. Le tout sous la surveillance chronique et bienveillante de… Patate, bien sûr.

J-15 : je profite d’un WE où je ne travaille enfin pas pour aller faire une reconnaissance du parcours en 3j et grimper les 2 côtes dans les 2 sens. 32° à l’ombre, pfiouuu c’est chaud. D’autant que, sur la route, de l’ombre y’en a pas trop !

J-2 : descente en voiture sur Millau avec Gaëlle et Christelle. Le vélo bien accroché à l’arrière, l’aventure ne va pas tarder à commencer… Et comme pour les jours qui suivirent, déjà j’ai été sur-protégé par tous mes amis. Ils prirent à eux tous quasi tout en main pour me libérer l’esprit. J’en suis conscient et n’aurais pu être placé dans de meilleures conditions.

J-1 : petites courses rapides au Géant à Millau. Et ô surprise je croise et fais la connaissance pour la 1ère fois de plusieurs membres du forum dont Noël. Cette rencontre surprise me réjouit et me motive plus que jamais. J’y vois un 1er bon signe.
L’après-midi, le reste de ma bande arrive (Marie, Jérôme et Géraldine) et je découvre au Parc de la Victoire une autre bande. Une vraie famille avec la connaissance de tous les membres du forum. Noël me présente un peu à tout le monde (petit moment d’émotion quand je serre la main de Bruno Heubi). Tous débordent de gentillesse et leur présence aura quelque chose de rassurant tout au long de la course. En s’accompagnant, se doublant, se croisant sur ces 100km j’aurais à chaque vision de l’un d’entre eux l’impression de courir à domicile. Avec bien souvent un petit mot d’encouragement.
Le soir arrive. Retour au gîte. On croise un chat noir qui traverse notre route. 2è signe. Je ne suis déjà plus là. Dans mon monde. Pas d’appréhension, ni vraiment de stress, mais beaucoup beaucoup de concentration.

Samedi 23 septembre : 100 km de Millau…
Petit matin ou plutôt fin de nuit. Le réveil sonne. J’émerge. La nuit fut bonne. Gâteau énergétique, petit-déj. Concentration. Tout le monde est là. Le gîte bruisse de l’activité de chacun qui s’affaire. Mais je ne suis déjà plus avec eux. Voiture direction Millau. L’autoradio affiche 100 en s’allumant ! Encore un signe ! Je finalise ma préparation en m’enfonçant les écouteurs de mon MP3 dans les oreilles. American Beauty. Volume bien monté. Une puis deux chansons. Cette musique c’est ma musique. Elle me parle, me transporte. Puis Eminem, « Lose Yourself ». Volume à fond. Pour se donner la gnaque. Je suis prêt. Il est temps d’en découdre maintenant.
Arrivée au départ. Photo avec l’ensemble du groupe ADDM. Noël me donne quelques derniers conseils. Il nous avise, pour ceux qui veulent le suivre, qu’il s’arrêtera au 1er km au bord de la route et attendra tout le monde.
L’heure pour les suiveurs est arrivée de rejoindre Aguessac. J’aimerais dire à Gaëlle combien je nous sens solidaires. Que cette course on va la faire à 2 et qu’on va se battre à 2. Les mots ne sortent pas vraiment, j’espère qu’elle aura compris tout cela dans mon regard.
Christelle, Jérôme et Géraldine ne me laissent pas seuls pour ces derniers instants. Cela m’évite sans doute de gamberger. Gé me règle une dernière fois ma ceinture porte-dossard. Dossard 13 d’ailleurs… On me dit que peu de personnes voudraient de ce n° à Millau. Moi il m’amuse.

Le cortège s’ébranle doucement en marchant pour rejoindre la ligne de départ. Je suis Noël jusqu’à ce qu’il coupe la route pour rejoindre les meneurs en tête de peloton. Je m’installe pour ma part au cœur des coureurs. Bien au chaud, peut-être dans le premier tiers du groupe des 2000 coureurs (marathon et 100km réunis). J’allume ma montre GPS. On attend un peu. Le speaker, quelques dizaines de mètres devant, fait parler quelques personnes. Trop loin pour tout saisir. Puis le décompte… 5, 4, 3, 2, 1… BANG !!! Coup de feu du départ. Une grosse pluie de confettis lancés d’une machine s’abat sur nous. Un caméraman juché en haut d’un balcon à droite de la route nous filme. Petit sourire. Ca y est. L’aventure commence… Je pense à tellement de choses, à tellement de gens : ma famille, mes amis, ma douce Florine…
Des coureurs partent dans tous les sens. Vite. Trop vite sans doute. Je reste calme sur les nombreux conseils reçus et adopte assez vite ma VS. 200m de course peut-être et je croise sur la gauche tout mon groupe d’amis. Gros encouragements et 1ères émotions, mêlées à celles du départ, que je ne laisse paraître. Je reste concentré et très détendu. Mon seul sujet d’interrogation est d’essayer de retrouver Patate. Je ne vois pas de matérialisation du 1er km. Dur donc d’être sûr d’être au bon endroit. 700m à mon GPS. Puis 1km, 1km300. Personne en vue. Bon, si je continue tranquillement au rythme voulu je vais forcément retomber sur lui. 2è km environ je tombe sur GRSteph. On échange quelques mots et ayant le même objectif de 11h nous nous accompagnons. On s’étonne tous les 2 de voir tant de gens partir si vite : y aurait-il donc 1200 prétendants en moins de 9h ? Pour notre part nos 2 GPS nous informent que nous sommes exactement dans le bon tempo. Je n’oublie pas de boire toutes les 10-12min à l’aide de la gourde porte-bidon, que j’avais emmenée jusqu’aux retrouvailles avec nos vélos-suiveurs (sur les conseils de Noël toujours…), avec ma boisson énergétique W-Cup (oui oui toujours sur les conseils de la même personne !). Le temps est couvert mais sans pluie. Sur ces premiers km il ferait même presque chaud tant l’atmosphère est lourde. On remonte peu à peu quelques drapeaux surmontant les casquettes des meneurs d’allure : 16h, 15h, 14h, 13h, 12h. Pas de Noël en vue. A l’approche du 5è km et après un premier arrêt technique (vidange top chrono) j’entends une voix venant de l’arrière qui m’interpelle. Ah !!! Voilà Noël ! Je suis donc désormais totalement rassuré et cours à ses côtés. Grand sourire affiché, je suis serein.

1er ravitaillement à Aguessac. Je ne le saute pas, attrape quelques biscuits et repars avec Noël.

Km 6-7 : zone de retrouvailles avec nos vélos. Numéros impairs à gauche. Zone A dossards de 1 à 499. Je scrute les avants-postes à la recherche de Gaëlle. La voici !!! Youhou ! Je me dis que tout roule et nous voilà partis. Les km défilent tranquillement je discute avec Noël, Grelots. Avec Gaëlle aussi. Je nous trouve très liés tous les 2, formant une vraie équipe.
Km10 : passage en 1h01m30s. Soit à peine 2min de plus que le temps prévu par Noël. Avec le temps perdu au départ nous sommes exactement sur le bon tempo. Plusieurs personnes que nous rattraperons dans les km suivants s’étonneront de voir seulement arriver Noël, persuadés qu’il était devant. Messieurs vous vous trompez : Noël est et sera dans ses temps de passage prévus.

Km15 : Passage en 1h31m45s Quelqu’un dans le public nous lance en guise de plaisanterie : « Courage, plus que 85km ! » Nous sommes plusieurs à sourire. Arrivés au ravito, les premières gouttes de pluie commencent à tomber. D’abord légères puis beaucoup plus appuyées et nombreuses. Ce n’est pas grave, je ne redoute pas la pluie. Enfin c’est ce que je me disais. Il pleut souvent. Cela s’arrête quelques instants puis revient. Bon, on se dit qu’on aura fait au moins 15 bornes au sec…
L’effet pluie conjugué à quelques petites descentes aurait tendance inconsciemment à me faire accélérer. Et nous sommes sans doute plusieurs dans ce cas. Mais Noël veille plus que jamais sur moi et me freine quand je vais un peu trop vite ou ai tendance à prendre un peu trop d’avance.

Km 20 : 1h58m50s Tout va bien à bord. La pluie ne nous quitte plus. Domi, suiveur officiel de Noël, nous amuse de ses petites phrases et de son sourire. Il nous dit que s’il se met vraiment à pleuvoir il va lui se mettre à chanter ! Puis fait remarquer aux coureurs qu’il a en charge qu’à chaque fois qu’il est l’heure pour eux de boire, le temps se remet à la pluie.
Grelots parti en collants commence à se dire qu’il a sans doute fait le bon choix vu la météo. Je ne crois pas qu’il y ait encore quelqu’un pour le contredire maintenant…

Km 21 : on arrive sur la 1ère vraie difficulté de cette 1ère boucle : la côte de Peyreleau. Pas très longue mais avec un beau %. Je rediscute avec Gaëlle de ce qu’on avait convenu : elle monte à son train, tranquillement en faisant attention car on est encore assez nombreux et la route se rétrécit dans cette montée. Accompagné de Noël et Grelots nous abordons tranquillement cette montée et la montons finalement au train sans forcer. Idéal. En haut je retrouve Gaëlle. Si je n’en avais pas le moindre doute, ce passage me confirme son niveau et son envie: elle est montée sans problème. Elle sera d’ailleurs exceptionnelle sur tout le parcours en restant toujours à mon niveau quel que soit mon rythme et le dénivelé… Respect !
Juste avant de basculer dans la descente il me vient l’idée de lui demander de jeter un œil au portable que je lui avais confié. Petit numéro d’équilibriste à grande vitesse dans la descente pour lui montrer comment lire les messages. Il y en avait déjà 3. Des messages d’encouragement, envoyés juste avant le départ, d’une de mes sœurs, d’un collègue de boulot et de mon Amour… Ah la la… la vie est belle quand on a le cœur léger !
Le profil est fait de beaucoup de petites montées/descentes successives. Je commence à faire l’élastique avec Noël. L’entraînement à VS sur du plat m’aura toujours été facile, mais dès que le terrain était vallonné j’allais… plus vite ! Ca se confirme. Je fais cependant toujours attention à ne pas trop m’éloigner de Noël et je sais que lui aussi garde toujours un œil sur moi. La pluie est désormais très forte par moments. De véritables trombes d’eau. Beaucoup ont sorti des coupe-vents. Moi pas encore. M… je viens du Nord quand même ! C’est pas la pluie qui va effrayer un ch’ti gars !!! Je m’en amuse en riant auprès de Noël et Grelots : je leur serine que moi j’aime la pluie et que je m’étais dit que s’il pleuvait à Millau je le verrai comme un bon signe ! (encore un !). Rigole rigole p’tit gars. Tu vas quand même beaucoup moins l’aimer cette météo ensuite…

Un peu avant le Km30 on passe juste sous le gîte où nous sommes logés. Jérôme enfourche son vélo et nous suit pour une balade bien arrosée. Nos supportrices sont là. Noyées sous la pluie (les pauvres…) elles hurlent leurs encouragements à mon passage ! Le moins qu’on puisse dire c’est que beaucoup de gens les auront remarquées ce WE tant elles auront mis d’enthousiasme.
Il pleut vraiment des trombes d’eau maintenant. Un véritable déluge. La route est transformée en rivière et les petites pentes en véritable torrent qui charrie de la boue. Impossible de passer par endroits sans courir dans plusieurs cm d’eau…

Km30 : 2h58m30s 8min d’avance. Ca se confirme on a nettement accéléré. Ou le panneau n’était peut-être pas exactement bien placé, puisque, sans avoir l’impression d’avoir ralenti, on passe au
Km 35 avec quelque chose comme 2 ou 3min d’avance.
Ravitaillement à l’intérieur d’un bâtiment. On nous informe que les tartines sont accompagnées de fromage fait maison. Eh eh ne les ratons donc pas. Je le signale à Gaëlle avec le sourire quand elle rentre à son tour et que moi je ressors. Et là… S’il faisait chaud à l’intérieur le froid dehors me saisit. Je voulais attendre Noël. Mais je me dis que si j’attends je vais tomber en hypothermie sur place. Je repars donc doucement. A 9km/h à ma montre pour leur permettre de revenir sur moi. Les premières dizaines de mètres sont terribles. Nous sommes en hauteur. A découvert. Le vent est froid. Je m’inquiète, les 1ers signaux d’alarme sonnent dans ma tête : je grelotte… Gaëlle et Jérôme reviennent à ma hauteur. Je les bénis intérieurement : pas d’hésitation cette fois, il est temps de sortir le coupe-vent ! Astucieuse manœuvre de Gaëlle qui prend quelques dizaines de mètres d’avance pour le sortir et me le tendre à mon passage. Ouf ça va mieux ! Et le groupe des 11h est revenu ! J’informe Noël que j’étais reparti sans attendre à cause du froid.
Puis je réadopte mon rythme. Les cuisses sont un peu dures mais tout va bien. Je n’avais jamais couru plus de 3h15 (lors de mon marathon) on a largement passé cette durée désormais. Je me sens très bien. Et en rediscutant avec mes suiveurs, je m’éloigne à nouveau s’en m’en rendre compte. Quand je le réalise je demande à Jérôme de se retourner pour voir où ils sont. « A plus de 100m je les vois à peine ». Oups… Bon, pas de panique. Attendons un peu pour voir et continuons comme ça. Entrée par Millau-Plage. Jérôme se retourne à nouveau, le trou est vraiment fait. Eh zut !!! Qu’est-ce que je fais moi maintenant ???

Km40 : 4h de course Me voilà, tout seul, avec plus de 6 minutes d’avance sur l’horaire prévu par Noël. Je réfléchis à 200 à l’heure. Envisage toutes les possibilités. Discute avec Jérôme et Gaëlle. Et décide de continuer comme ça jusqu’au marathon et d’aviser en fonction de l’écart.

Entrée dans Millau. En haut d’un faux plat on entend de loin nos supporters. Elles sont géniales. Je souris de bonheur. Mais en même temps je suis préoccupé. Je demande à Jérôme de s’arrêter pour faire un pointage avec le groupe de Noël. Gaëlle s’arrête elle pour se changer. Me voilà donc seul un court instant pour remonter vers le parc de la victoire. A 200m de l’entrée je double Tot qui accompagne Madame qui termine son marathon. Chapeau ! Je lui fais part de mes interrogations et il me dit que c’est à moi de voir mais me conseille de continuer tranquille sans me cramer.

Entrée dans la salle. Pointage en environ 4h13. Ravitaillement. Doucement et sérieusement. Je ne vois pas Noël arriver et décide de repartir.
Je rejoins Jérôme qui m’informe que mon avance sur Noël était d’environ 2m30s. Gaëlle arrive.
On ressort de Millau par les rues agrémentées de voitures engluées dans les ralentissements. Cela nous énerve (moi en particulier) d’autant que tous les conducteurs ne sont pas très vigilants (pour ne pas dire autre chose…). J’essaye de faire attention à mes 2 suiveurs. Je continue à beaucoup réfléchir sur l’attitude à tenir. Nous traversons le Tarn pour quitter Millau et apercevons le viaduc à notre droite. Symbole de la 1ère vraie difficulté du parcours…

Km45 : 4h29m10s Soit 9m51s d’avance sur les temps prévus par Patate. Gasp… L’idée mûrit. Dans la petite montée qui mène au village de Creissels on redouble Tot qui n’avait quasiment pas dû s’arrêter au marathon.
Le ravitaillement est sur la place, à côté de l’église. Je prends juste un verre de coca à la volée et demande à mes suiveurs de me prendre quelques aliments. C’est décidé. Je les informe quand ils me rattrapent un peu plus loin : « on passe à l’attaque !!! ». Je serre les dents et me sens animer d’une rage nouvelle. Je demande à Gaëlle d’en informer notre groupe de supportrices qui auront mené un véritable rallye pour nous retrouver en plusieurs points du parcours. Bravo Christelle ! J’apprendrai par la suite que Géraldine, déjà pas très contente de me voir lâcher le meneur de 11h au 35èkm, tempêtera un peu de mon raid en solitaire si tôt dans la course. Sans doute inquiète pour moi que j’explose et sois cruellement déçu.
J’adopte un bon rythme dans la montée/descente qui suit et on commence à vraiment ramasser pas mal de concurrents.
On aborde désormais la côte du viaduc. Les piliers se dressent là-haut. Je sais qu’il faudra grimper jusqu’à eux. On voit la file de coureurs s’étirer sous l’effort de cette côte : 2.6km à plus de 5% de moyenne ça se respecte !
Notre groupe est en-bas de la côte. Sortant à peine de la voiture au moment où nous arrivons. Je monte en courant. Le cardiaque monte un peu, certes, mais j’avance toujours sans forcer. La pente est assez raide sur son début. On double beaucoup de monde. Je jette un œil à Gaëlle. Elle prend des couleurs mais monte à mon rythme, à mes côtés. Je lui envoie un sourire complice, elle m’épate tellement. La pente s’adoucit pour les derniers hectomètres et on passe sous le tablier du viaduc. Rencontre avec un géant…
Jérôme s’était arrêté en bas pour récupérer la caméra. Les 100 à 200m de retard qu’il aura pris lui seront fatals. En voulant revenir trop vite et armé d’une caméra (pas facile !) il va exploser et ne nous rattrapera pas. Ce ne sera qu’après avoir basculé dans la descente qu’il nous rejoindra. Et le seul mot qu’il aura sera pour nous féliciter d’avoir réussi à monter si vite. Je trouve cette remarque formidable d’altruisme et d’humilité.

Nous abordons la descente. 2 bons kilomètres avec un bon % là encore. Je sais que c’est long et dévale rapidement mais prudemment pour ne pas trop taper dans les cuisses qui sont déjà bien dures. Nouveau texto d’encouragement de ma Florine pour « aborder la 1ère côte ». Ah bah désolé mon cœur mais on a été plus rapide que prévu et on l’a déjà passée !

Km50 : 5h01m35s. 16min 35s d’avance sur les temps de Noël. Maintenant que la décision de partir est prise je ne voudrais pas le voir revenir car je sais que psychologiquement ce serait dur.
Les gestes sont simples pour communiquer avec Gaëlle. Je parle moins. Je lui demanderai chroniquement notre vitesse, quel est le temps de passage prévu par Noël aux prochains 5km, etc.

Saint Georges. A sa sortie je sais que nous attendent 7km de faux-plat montants jusqu’à Saint Rome. Faits de longues lignes droites interminables. Et le tout pour nous amener au pied de la terrible côte de Tiergues… Je redoutais particulièrement ce passage. Et je n’avais pas prévu de le passer seul. Encore moins de partir pour quasi 65km seul !!!

C’est dans cette portion que Gaëlle a la géniale idée d’appeler Florine. Elle l’informe de mon état et recueille ses doux mots de soutien. Le tout sous l’œil amusé de la caméra de Jérôme. J’ai le sourire aux lèvres.

Km 55 : 5h23m32s soit 24m35s d’avance. Bon le trou est fait désormais…

On double toujours quelques coureurs. Même si la course est désormais fort clairsemée. A la vue d’un radar automatique l’un d’eux s’écrie « hep attention les gars, un radar ! ». Nous sommes plusieurs à rire.

Traversée de Saint-Rome. Je sais qu’au bout la route tourne à droite et que commence le mythe… La côte de Tiergues (Jérôme parlera de col !). 4km d’ascension à 5% de moyenne avec là encore de forts % par endroits. Et de nouveau en bas qui croise-t-on ? Christelle, Marie et Géraldine bien sûr. Elles hurlent mon prénom. D’autres spectateurs amusés scandent aussi mon prénom en écho. Peut-on rêver meilleur soutien que ces filles-là ?
Jérôme s’arrête un moment en bas de cette côte (pour une vidange technique !) on ne le reverra de nouveau plus.
J’attaque cette côte toujours à mon rythme. Et je la courrai dans son intégralité. La pente fait mal à beaucoup de concurrents. Je prends mes points de repère avec les bornes kilométriques du bord de la route et comparerai mes temps avec ceux réalisés à l’entraînement il y a 15j. J’irai aussi vite voire plus vite qu’alors ! Gaëlle me suit toujours… Impressionnante…
On croise enfin la tête de la course. Je serre les doigts très fort pour que ce soit Bruno… Pas de chance, pas pour cette fois.
Je me frotte les yeux… On aperçoit bien le drapeau d’un meneur d’allure, là ? Mais oui ! C’est un des suiveurs à vélo en 10h. Complètement explosé dans la montée. Je me dis que c’est impossible. On ne peut quand même pas rattraper un des meneurs de 10h ! Gaëlle lui demande où est son meneur. Elle nous répond qu’il est devant mais avec beaucoup d’avance quand même.
Arrivent enfin les 2 lacets qui symbolisent le radoucissement de la pente. Ca sent bon la fin de la côte. Encore environ 1-1.5km.
Au sommet nous croisons enfin Bruno Heubi. Il doit être 8è. Nous hurlons son nom et l’applaudissons à tout rompre, Gaëlle et moi. Il sourit et me tend la main au passage. Il me tape la main. Ce petit geste simple d’un grand monsieur m’a illuminé et m’illumine encore.

Enfin le sommet. Arrêt au ravitaillement. Je bois et mange bien. J’ai mal aux pieds sous les languettes des chaussures qui appuient trop et me font mal depuis un bon moment, surtout dans les descentes (l’avantage étant qu’elles me font oublier un moment les douleurs aux cuisses…). Je me baisse donc pour desserrer les lacets. 1ère erreur… En me relevant, la tête me tourne et je titube. Mais quelle andouille ! Pourquoi je me suis baissé !!?? Gaëlle le voit et s’inquiète de mon état. Je lui dis que ça va, que je vais repartir en marchant. Je suis au bord de la nausée… Puis retour au calme quand je repars en courant. Ok ça ira.

Km65 : 6h23m24s. 37m39s !!! Ouh, le rêve d’un 10h30 serait-il donc possible ? Il faut capitaliser cette avance maintenant. Gaëlle me dit qu’un des bénévoles au ravito m’a fixé du regard et lui a demandé mon âge. Puis quand elle a répondu 26, il a dit que c’était bien et que je finirai, qu’il le savait, ça se voyait.

Sachant combien la descente est longue (7.5km !) et sera de plus en plus marquée jusqu’à Saint-Affrique je l’aborde à un rythme soutenu mais prudent. On descend. C’est long. Très long. Les muscles des cuisses me font savoir qu’ils ne sont pas vraiment d’accord avec ma tête de mule. Silence en bas, vous pouvez vous crisper tant que vous voudrez on ne ralentira pas !
Km70 : 6h54m55s 34m42s d’avance. Noël avait prévu une descente rapide on dirait…

Saint-Affrique, terre promise. La légende dit que si l’on y arrive on rentrera à Millau. Quel que soit le temps qu’on mettra, on rentrera. J’en ai bien l’intention… Juste avant le panneau d’entrée dans la ville on croise Anne-Cécile, meneuse en 10h. Nous l’applaudissons toujours avec enthousiasme. Amusée elle nous sourit et nous fait un petit geste.
L’arrivée dans la ville est beaucoup moins sympa. On doit slalomer entre les voitures. C’est limite limite comme conditions de course.
De nouveau nos supportrices. Même petit miracle que précédemment. A hurler mon nom d’autres spectateurs m’encouragent de la sorte au passage !

Km71 : Arrivée à la salle qui tient lieu de pointage et symbolise le retour vers Millau. Marmotton y est présent armé de son appareil photo. Il me sourit et m’encourage. Quand je dis que ce forum ADDM est une famille… J’aimerais lui dire merci mais ne peux qu’esquisser un sourire. Je prends 1 minute ou 2 pour manger quelques bricoles (je commence à en avoir un peu de marre de cette bouffe) et repars. En marchant sur les premiers mètres puis de nouveau en courant. Je retrouve en premier Christelle qui m’accompagne en courant quelques mètres et me crie « Allez Rudy c’est bien ‘faut gérer ton avance maintenant !!! » Si elle savait comme ces mots me font vibrer… Puis Marie est un peu plus loin elle m’encourage en criant elle aussi. Je m’aperçois enfin sur son visage que les 3 miss se sont écrit sur les joues et le front mon prénom et des mots d’encouragement ! Mon cœur est hilare…
Jérôme qui nous avait doublé sans nous voir au ravitaillement de Tiergues a pris froid en nous attendant à Saint-Affrique. Il pose le vélo et remonte dans la voiture… mais est remplacé par Géraldine qui va donc nous suivre pour ces 29 derniers km avec de nouveau ces 2 ascensions !
La sortie de Saint-Affrique est très raide. Un passage entre 2 maisons doit attendre au moins 12 à 14%. Il est court mais Dieu que c’est raide. Je le marche et conseille à Géraldine de descendre de vélo. Elle le grimpera en danseuse ! Les premiers hectomètres à la sortie de la ville sont très raides. Je le sais. Mieux vaut les marcher. Un concurrent nous double en courant. Bon courage… Il est visiblement dans le rouge et nous prendra à peine 20m. Je grimpe en marchant vite. Le compteur affichera jusque 7.5km/h dans cette portion raide ! On double en marchant des concurrents qui marchent mais aussi des concurrents qui courent ! Géraldine et Gaëlle me disent qu’un type qu’on croise dans l’autre sens m’a regardé comme un extraterrestre, apparemment interloqué par ma jeunesse et ma place.
Un peu plus loin on croise le groupe de Noël. Il se précipite vers moi et me demande comment je vais, comment je me sens. Je lui réponds que tout va très bien, et c’est vrai. Il semble rassuré et m’encourage pour la suite. Merci mon ami…

Comme la pente se radoucit je me remets à courir doucement. Et on monte, on monte. 7.5km de montée… On croise beaucoup de coureurs qui me saluent d’un « C’est bien jeune homme » ou « Bravo le jeune ». Ces marques de sympathie me touchent et je ne manque pas de les saluer en retour.
Je reconnais peu à peu le paysage. Je sais qu’on arrive bientôt au sommet.
Ca y est. Voici enfin la tente du ravito qui symbolise le haut de la montée.
Je m’y arrête à nouveau mais désigne seulement d’un doigt aux bénévoles la boisson que je veux. Sans parler. Et les remercie d’un geste. Ce sera désormais comme ça jusqu’au bout. Je n’ai plus l’énergie de me faire comprendre par ces bénévoles dévoués.
Je repars. Encore un petit plat montant et on va aborder la descente. Géraldine m’emboîte le pas. Le vent est de nouveau très fort. J’ai froid une nouvelle fois. Je voudrais remettre mon coupe-vent. Je cherche Gaëlle du regard demande avec peut-être de l’impatience causée par la fatigue où elle est… Je m’en aperçois et m’en veux aussitôt. Ca y elle arrive du ravitaillement et me secourt encore. On enchaîne sur la descente. Je ne lâche rien. Descends à un bon rythme. Les pieds me font toujours mal sous la languette des chaussures. Les cuisses sont dures surtout pour la jambe droite où le genou droit se même maintenant à la complainte du corps meurtri qui se rebelle…

Km80 : 8h05m15s… 41m58s d’avance. Je me dis que malgré les côtes le chrono est quasi le même entre les 40 premiers kilomètres qu’entre le 40è et le 80è : 4h contre 4h05. Je sais que ça veut dire quelque chose…
A l’arrivée des 2 lacets je préviens Géraldine. Je ne voudrais pas qu’un bête accident interrompe notre fête.
On croise des concurrents qui eux, dans l’autre sens, en ont encore pour un sacré bout de temps. Je n’échangerais pas ma place…
La descente infernale se termine enfin. Entrée dans Saint Rome. Ouf…
Et hop hurlements d’encouragement de nos fans qui doivent désormais être connus de tout le peloton (plusieurs viendront les voir après la course !!!).
Le ravitaillement a lieu cette fois dans une petite salle. Il faut grimper plusieurs volées de marche. Je ne trouve pas ça très judicieux mais je choisis quand même d’y entrer. Il fait chaud. La lumière se reflète sur les tables blanches… et là je pars pour une leçon d’astronomie… Je me mets à voir des tas d’étoiles. Noooooonnnnnnn !!!! Je sais que je frise l’hypoglycémie. Sur toute la montée, dans l’effort, puis dans la descente, pris par la vitesse je n’ai avalé de nourriture que très peu lors du ravitaillement au sommet. Quelle erreur !!! Je repars quand même aussitôt. Assez mal. Je sais que cela risque de se compliquer. Gaëlle et Géraldine m’entendent dire à voix haute « 83èkm… il faut repartir. Mais comment ? C’est impossible ! ». Il pleut de nouveau très fort. J’ai froid. Je suis mal. Jérôme, qui nous a de nouveau rejoint en vélo, me confirme avec Géraldine que je suis très blanc. Je sens leur inquiétude. BORDEL ! Je ne vais pas lâcher maintenant !!! Gaëlle me demande ce que je veux dans les aliments « d’urgence hypoglycémie » que l’on avait prévus : lait concentré et pâtes de fruits. Je sais que le lait ne passera pas. Trop de liquide ingurgité aujourd’hui. J’opte sans conviction pour les pâtes de fruits. Je n’en veux absolument pas, comme de rien d’autre, mais je sais que la raison veut qu’il me soit impératif de reprendre du sucre. J’avale donc à la suite plusieurs pâtes de fruits et je repars en trottinant puis en courant. Les jambes sont dures, la mécanique grince mais au fur et à mesure les choses reprennent leur place. Je me sens mieux en courant. Et Gaëlle m’énonce ce qui vient également de m’apparaître logique : elle me propose de ne plus m’arrêter aux ravitos et de lui dire ce que je veux. On finira comme ça.

Les 7km de faux plat jusqu’à Saint Georges sont interminables. Le corps va mieux. Je cours à bonne allure et Jérôme et Géraldine m’annoncent que j’ai repris des couleurs. Mais les lignes droites sous un mur de pluie semblent ne jamais finir. Géraldine prend froid. Elle grelotte. Je m’en rends compte. Elle descendra même de son vélo pour courir une centaine de mètres et tenter de se réchauffer. J’ai mal pour elle. Que lui dire sinon que sa générosité d’être là me transcende. Mais je ne parle plus guère. Je suis accompagné par mon trident de suiveurs. Je me dis qu’avec une telle escorte rien ne peut m’arriver.

Arrivée enfin à Saint Georges. Comme convenu mon escadrille de suiveurs s’arrête pour souffler au ravito tandis que je continue. Ils me ramènent un gobelet rempli de pâtes de fruits et de chocolat. Merci… Je n’en ai toujours pas envie mais j’en absorbe une bonne partie consciencieusement. Le ravitaillement était annoncé au km 89.475. Je me dis donc que l’on devrait rapidement passer le panneau… et on ne voit rien venir. Je peste contre ces erreurs de mesure !
Sortie du village. La dernière et terrible côte du viaduc s’annonce. 2.25km à 5,75%de moyenne. Je sais que la 1ère portion est dure. Pas de risque je commence à marcher dès que l’inclinaison augmente. Il faut gérer maintenant. Enfin on passe ce panneau :

Km90 : 9h10 environ. Je demande à ce qu’on me calcule à quelle vitesse moyenne il faut courir pour rentrer en 10h30. Je compte en même temps qu’eux. Preuve peut-être que je suis encore un peu lucide. 7.5km/h. Je demande à Gaëlle à quelle vitesse je marche dans cette montée : entre 5 et 6km/h Bon en étant à plus de 10 dans la descente ça devrait aller. Pas de panique. Mais j’en veux encore et dès que la pente se radoucit je me remets à courir, redoublant des concurrents qui venaient de me passer. On croise encore des concurrents dans l’autre sens !!! Ils sont eux à peine au 50èkm. Je suis halluciné par leur courage. Ils passeront toute la nuit sur la route…
Haut de la côte. Passage sous le viaduc. FINI LES COTES !!!!!
Et hop bascule de l’autre côté. Les cuisses font mal dans cette descente mais plus je les sollicite mieux je me sens. Il faut juste à chaque fois repasser la douleur de la remise en route.
On court assez vite. Je demande à Gaëlle notre vitesse. Elle m’annonce 11.8-12. Je dis que c’est nul, que ce n’est pas assez et je profite de l’augmentation de la pente pour accélérer encore. On dévalera jusqu’à près de 16km/h. Après 9h30 de course… La vache, quel pied ! Des concurrents me voient les doubler au train. Je me sens parfaitement bien. Gaëlle a, à ce moment-là, une de mes sœurs au téléphone et l’informe de notre arrivée proche.

Petite bosse pour rentrer dans Creissels. Elle est courte mais je la sais dure. Au passage du

Km95 en 9h44 je marche donc pour la dernière fois quelques dizaines de mètres. ¾ d’heure pour les 5 derniers km… je suis bien… je sais que c’est gagné.
Ces derniers km furent de purs instants de bonheur. Je profitais de ces derniers instants, savourais tout le chemin parcouru.
La nuit tombe désormais. Seule Gaëlle a une lumière. Jéröme et Géraldine nous quittent donc entre le 97è et le 98èkm. Je suis heureux qu’on ait couru aussi vite, cela leur aura permis de nous accompagner jusqu’au bout.
On double encore quelques concurrents. Je finis les derniers km à près de 12km/h.
Traversée du Tarn. Le vent est très fort depuis quelque temps. Il souffle en rafales violentes, à tel point qu’il nous déstabilise au milieu du pont. Quelle météo nous aurons eu, c’est dingue…

La ville de Millau brille de ses lumières. Nous la traversons sous les rares regards des passants qui ont bravé la météo et l’heure tardive. Leurs encouragements n’en sont pas moins mémorables…
Km98… Km 99… Dernière remontée vers le parc. Gaëlle m’annonce qu’elle me quittera juste à la voie ferrée, c’est-à-dire 100 à 200 m avant l’entrée dans le parc. Je suis heureux qu’elle m’ait accompagnée si loin sans que j’ai besoin de lui demander. Je n’aurais pas voulu être seul sur la fin. Mais je lui avais dit aussi que je voulais qu’elle parte un peu devant pour pouvoir être là quand je passerai la ligne. Cette victoire c’est aussi la sienne. Elle doit être là.
Ca y est Gaëlle est partie. Je suis seul. Dans la nuit. Et dans mon nuage. Dire que je savoure est trop faible. Je cours mais ne suis plus là. Je pense à tant de choses, à tant de gens. Ceux qui sont là, ceux que j’aime… Je rentre dans le parc. La dernière ligne droite dans une allée d’arbres est délicieusement éclairée par des guirlandes d’ampoules. J’entends au bout des acclamations, des bravos. Je reconnais à la voix mes supporters. Mais je ne les vois pas vraiment, gêné par ces lumières… et par les larmes retenues qui m’embuent le regard.
Petite montée en virage pour rentrer dans la salle et finir sur le podium d’arrivée. Dans la lumière.
La ligne est passée. Pour la 1ère fois dans toutes mes courses j’en oublie d’arrêter mon chronomètre. Je lève les bras et le visage au ciel, pris par l’émotion. Le speaker me retient, me fait parler au micro. Me demande pourquoi j’ai l’air si étonné de mon temps qu’il m’annonce : 10h13m24s !!! Quelle question… Jamais un tel score ne m’était apparu possible pour mon 1er 100km. Je titube un peu et descends du podium. Je les retrouve tous et les embrasse un à un. Les larmes me montent aux yeux en même temps que le rire. Le rire de cette bonne blague de course. Des idiots que nous sommes à pouvoir nous infliger de tels efforts. Je ris de la vie et du bonheur qu’elle nous donne. Je ris d’avoir ainsi tant d’amis sincères autour de moi. Je suis ivre de bonheur. Marie, Christelle, Géraldine (j’ai bien vu que tu avais un peu les yeux rouges toi aussi !), Jérôme. Et Gaëlle… si tu savais comme j’ai été heureux de te serrer dans mes bras. Et tous ces remerciements que j’y ai mis sans savoir les dire.

J’appelle enfin au téléphone mes parents, mes sœurs et Florine. Je les informe de mon arrivée, de mon chrono, de ma place (on m’annonce dans les 200 premiers. Confirmation le lendemain : 154è) et de mon état somme toute très correct. Mis à part les cuisses dures je suis terriblement bien.
Je demande à ce qu’on veille au chronomètre qui continue à tourner. Je ne veux pour rien au monde manquer l’arrivée de Noël en 11h.

11h07 Il arrive enfin. Avec un petit groupe qui traduit bien l’état d’esprit du personnage. Il a préféré prendre quelques minutes de retard sur son horaire pour emmener jusqu’au bout un dernier petit groupe de coureurs qu’il avait rejoint… Il n’y a rien à ajouter…
A sa descente du podium, je lui administre une franche accolade. Je sais combien je le suis redevable. Et je sais qu’il est sincèrement heureux pour moi.
Petite photo avec différents membres du groupe. Fin du spectacle.

Et voilà, l’aventure se termine… Je suis cent-bornard… et cent fois heureux de vivre…

12 commentaires

Commentaire de zakkarri posté le 01-10-2006 à 18:06:00

Magnifique ! super aventure et quel récit ,lu j'usqu'au bout avec plaisir..., bravo ! zak.

Commentaire de taz28 posté le 01-10-2006 à 18:48:00

Super Roudai !!!
Quelle belle course tu as faite, je t'ai vu arriver et c'était un grand moment.
Je suis ravie de t'avoir rencontré sur ces journées mémorables de Millau !!
Bisous

Commentaire de patate posté le 01-10-2006 à 20:03:00

Rudy
J'attends le DVD de MILLAU 2006 pour revoir ton arrivée, car pour moi, c'est vraiment un grand moment.
Au plaisir de te revoir mon ami
Amitiés
Noel

Commentaire de mao14 posté le 01-10-2006 à 20:30:00

bravo et merci pour ce cr

Commentaire de bluesboy posté le 01-10-2006 à 21:11:00

bravo pour ta course et merci pour ton C R trés complet,tu devais étre un des plus jeune de la course ,au milieu des "papys"

Commentaire de momoVH3 posté le 01-10-2006 à 22:07:00

Bravo Roudaï, pour ta performance et pour ton CR qui nous tient en haleine du début à la fin, et quel courage. Bravo aussi à tous ceux qui t'ont si bien encadré et soutenu. Tu es plein d'avenir dans l'ultra et je pense dans ta vie de tous les jours, car tu sais souffrir pour y arriver.
FELICITATIONS.
momoVH3

Commentaire de la suiveuse de Roudaï posté le 02-10-2006 à 12:22:00

Encore un immense BRAVO pour ta course, ta performance, ta volonté, ta force et ton courage... un immense MERCI pour nous avoir fait partager tes émotions durant ces 100km mythiques, à l'arrivée et dans ce CR... durant toute la route du retour vers paris le dimanche soir, je me suis refais toute la course dans ma tête... des images, des sensations, des émotions... et des silences et des regards échangés durant la course qui en disent plus que n'importe quelles paroles... ça a été un vrai plaisir d'être à tes côtés durant ces 100km... quand tu veux pour le prochain !!!!

Ta suiveuse

Commentaire de gali81 posté le 07-10-2006 à 22:21:00

BRAVO Ruru pour ta course, ta performance, ta volonté de tête de mule (mais ça, je connais ça doit être de famille :-)) Ton CR, c'est plus qu'un CR... c'est un récit où tu arrives à transmettre tes émotions... j'ai une boule, là... il m'a tenu en haleine (c'est un comble!) du début jusqu'à la fin. Félicitations à tes supporters et à ta suiveuse Gaëlle (chapeau de te suivre). Je n'aurais qu'un seul regret, celui de ne pas avoir pu ête là pour participer et dire très fière : "c'est mon p'tit frère!!"... qui me laisse sans voix (tellement je suis admirative) et... respect.
Bisous
Magali

Commentaire de jsm0256 posté le 22-11-2006 à 21:46:00

Superbe ton récit. On sent que c'est du vécu.
L'important c'est que l'on soit bien.
Même si je fais pas le même sport, j'y étais et c'est toujours très émouvant de sentir chez d'autres les mêmes sensations dans le combat contre soi-même.

Encore bravo,

Johnny le walker (récit en 2005)

Commentaire de chakchouka posté le 29-11-2006 à 14:45:00

je prépare la Saintélyon et je viens de lire ton CR : j'en ai les larmes aux yeux.
Bravo à toi et à ton équipe. Belle leçon de courage et d'amitié.
J'espère pouvoir vivre la même chose en seulement ....68 km.
Bonne route

Commentaire de Manuwak59 posté le 03-12-2006 à 17:36:00

Bravo le chti. J'en apprends encore sur toi. Ton récit est trés prenant et si émouvant.

Commentaire de Epytafe posté le 30-08-2007 à 13:19:00

Magnifique récit! Et le prochain défi alors ? Millau à 26 ans, tu ne vas pas t'arrêter là ?

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