L'auteur : cigaloun dupuy
La course : 100 km de Millau
Date : 29/9/2007
Lieu : Millau (Aveyron)
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Distance : 100km
Objectif : Terminer
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Millau, Cottereau, Bellocq, 100 km,
Peut être que ces mots ne vous disent rien si vous ne pratiquez ou ne connaissez pas la course à pied.
Pour moi qui ai commencé la course à pied sérieusement dans les années 80, ils symbolisent un mythe, l’Himalaya de la course de fond, un rêve inaccessible, le Graal, le Taj Mahal.
J’ai rêvé sur les livres et récits de Serge Cottereau grâce à qui j’ai appris les premiers rudiments de la course à pied, et grâce à qui j’ai fini mon premier marathon en 4 heures 1 mn en 1984.
L’année 2006 a été pour moi épouvantable, pas de gros problèmes en soi, mais une succession de petits bobos dans l’ordre :
Bref une année à oublier, surtout que le problème de l’arrachement osseux aux deux talons de Christian parce que je ne m’appelle pas Achille , m’a amené à me résigner et me résoudre à ne plus pouvoir courir sur de longues distances tellement la douleur en courant et après, était importante.
Je finis l’année en songeant à ce que je vais pouvoir faire en vélo car je suis persuadé ne plus pouvoir courir.
Un jour, par hasard sur Internet, j’apprends l’existence d’une nouvelle marque de chaussures de course à pied, SPIRA, d’origine américaine.
Je lis plusieurs messages d’internaute très satisfait, et leurs témoignages sur leur capacité à re-courir avec des chaussures de cette marque.
Tout d’abord interloqué, je me dis qu’après tout je n’ai rien à perdre, si ce n’est 100 euros, mais qu’importe si je peux retrouver le plaisir de courir.
Ma paire de chaussure arrive avec le papa Noël, sacré bonhomme celui là.
Les premiers « tours de roues » sont sensationnels, une impression de confort phénoménale et SURTOUT, plus de douleurs, ni pendant, ni après.
J’évite de m’enflammer, si je puis dire, car c’est l’hiver, il fait froid et le froid peut anesthésier la douleur.
Cependant, petit à petit, ça le fait grave J je cours, je RE COURS, sans douleur.
L’arrachement osseux est toujours là bien sûr, et la pression est douloureuse.
En janvier 2007 je cours 42 kilomètres dans le mois et à partir de février entre 100 et 120 kilomètres.
Sur un forum d’utilisateur de Footbike ou trottinette, un des membres Loïc annonce qu’il s’est inscrit aux 100 km de Millau.
TILT
Au fond de moi l’étincelle vient de s’allumer, pourquoi pas !!!!
Depuis le temps que j’en rêve de cette course….
Mais avant, je décide de me tester, d’une sur le plan physique, deux sur le plan mental, ce 100 km me fait peur, immensément peur. 100 km de chocs sur les genoux et chevilles….
Alors à la va vite je m’inscrit au marathon d’Embrun début juin, je n’ai pas fait de préparation vraiment spécifique sur cette distance, et le parcours est le même que celui du triathlon d’Embrun, donc dur.
Première sensation : le 3 juin 2007 je passe enfin sous la barre des 4 heures je boucle ce marathon en 3 h 58 mn sans préparation. Je suis aux anges.
Mais je ne suis pas encore rassuré, il faut que je fasse un autre test.
Je me lance le défi de monter le Ventoux en courrant par Malaucène, ce que je fait le dimanche 1er juillet en 2 h 45, heureux d’arriver en haut, tellement heureux d’ailleurs que je descend jusqu’au Chalet Reynard (6 km) en courant ce que je n’avais pas prévu au départ.
Je suis un peu plus rassuré sur ma capacité à m’aligner sur cette épreuve, mais pas encore totalement rassuré.
Dernier test Marvejols Mende la plus ancienne des courses sur route française. 22 km avec deux montées et deux descentes d’enfer, je bas légèrement mon temps de 2003 mais je suis surtout satisfait de ne pas avoir marché dans les montées.
Je décide donc de commencer ma préparation pour les 100 km de Millau en demandant à Bruno Heubi de m’établir un plan d’entraînement spécifique.
Bruno fait parti des références françaises sur la distance, vainqueur à Millau en 2005, 6ème en 2006, plusieurs fois champion du Monde des 100 km par équipe avec la France, conseiller de nombreux centbornards, il sait de quoi il parle.
Le plan d’entraînement est établi sur 9 semaines, il y a bien longtemps que je n’ai plus suivi de plan, depuis mes débuts en fait en 1984.
J’ai du mal au début, mal à respecter les fréquences cardiaques imposées, mal à respecter les temps prévus, j’en fais toujours plus car je n’arrive pas à « calibrer » mes parcours pour les faire cadrer au temps prévu.
Je dois respecter 4 séances par semaine avec plusieurs allures.
A partir de le mi août, ma femme, qui a terminé ses compétitions de tir à l’arc en participant au championnat de France à Champagnac dans le Cantal, avec une 11ème place pour sa première participation, commence à me suivre en vélo.
Je profite de notre séjour dans cette région pour courir tous les jours profitant du profil vallonné sûrement fort ressemblant de celui de Millau.
Nous établissons la stratégie de ravitaillement avec un bipeur, je dois boire deux gorgées toutes les cinq minutes.
Le début de la préparation est un peu laborieux.
J’ai un peu de mal, je suis fatigué, il fait chaud, heureusement pas trop.
Je fais quand même quelques sorties à 5 heures du matin pour courir à la fraîche.
Les autres sorties se font en pleine chaleur pour m’habituer.
Petit à petit la forme vient, j’ai de super bonnes jambes.
Mon dernier fils Romain se joint à nous pour l’entraînement.
Nous avons prévu que Romain fasse la première boucle de 42 km et ma femme la deuxième boucle de 58 km beaucoup plus dure.
Début septembre j’envoie mon inscription, j’aurai le dossard 796.
J’ai peur, cette course me fait peur.
Heureusement que sur le forum de Bruno Heubi et sur celui des organisateurs sur le site de Planet Aveyron, je trouve plein de conseils, de réconfort, d’aide, bref, j’y rencontre pleins de personnes vraiment adorables, jamais lasses de prodiguer les mêmes conseils tous les ans, pour les néophytes comme moi.
J’ai un peu l’impression de faire partie de cette famille des centbornards, les problèmes que rencontrent certains membres ou leur entourage sont évoqués. J’y trouve une source de motivation car je me dis que je ne souffrirai jamais autant que Léa, Marina et les autres.
Voilà, le jour J approche, l’entraînement bat son plein, qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il fasse chaud ou froid, le matin, l’après midi, le soir. Bref je fais mon petit Forrest Gump, tellement que beaucoup d’amis me demandent si je ne cours pas tous les jours.
Mes deux talons d’Achille ne me font plus mal, ils sont toujours très douloureux à la pression mais pas en courant, je les masse régulièrement pour les détendre.
Grâce aux conseils piqués sur les divers forums, j’ai préparé mes pieds avec des crèmes « ad hoc » afin de les fortifier et les attendrir à la fois.
Une semaine avant le Jour J je vais voir ma podologue, son mari est coureur aussi, alors elle me bichonne.
Ma préparation est finie, j’ai couru 601 km en 61 heures durant ces 9 semaines, je ne compte pas les kilomètres emmagasinés avant.
Le lundi 24 septembre, j’apprends une terrible et mauvaise nouvelle.
Jean Pierre un copain, membre du club de VTT dont je suis président a été victime d’un accident vasculaire cérébral et il a été emmené en urgence en hélicoptère à l’hôpital de la Timone à Marseille.
Les premières nouvelles, rassurantes sur état vital, font apparaître une paralysie. Il faut attendre l’évolution.
Je suis très touché, Jean Pierre fait parti des gens que j’apprécie beaucoup, en sport c’est un guerrier, il fait du VTT du vélo de route et de la course à pied avec sa femme Louise, marathonienne.
De part son métier de mécanicien moto, il rend toujours des services à ses amis sportifs et motards.
Je passe les deux jours de lundi et mardi, vraiment mal, pas le moral.
Et puis je me dis que je n’ai pas le droit de baisser les bras, Jean Pierre souffre sur son lit d’hôpital mais lui ne l’a pas choisi.
Moi si, car inévitablement je vais galérer, je ne vois pas comment cela sera possible autrement.
Nous partons en camping car le vendredi matin.
Je suis paniqué, un instant j’ai envie de tout laisser tomber, de ne pas y aller, je suis perdu, je n’ai qu’une seule envie : LE DEPART.
Des mois que j’attends, que je me prépare à partir dans l’inconnu et là c’est si proche.
Nous voila partis, Babeth, ma femme et Romain mon fils, ma fille Estelle et le deuxième garçon, Guillaume restent seuls à la maison.
Nous arrivons au camping des Deux Rivières vers 14 h 40, et nous nous installons où nous voulons comme nous l’avait dit la gérante au téléphone, c’est sympa.
Je pensais que la conduite du camping car me calmerait, mais je suis toujours aussi tendu.
Nous partons à pied pour rechercher la Salle des Fêtes pour retirer le dossard, et se faisant nous faisons un gros détour pour aller à l’Office de Tourisme, nous en profitons pour admirer et apprécier la ville de Millau.
Je retire mon dossard, ça va vite l’organisation est rodée, nous sommes vraiment bien accueillis, les gens ici sont vraiment sympas et chaleureux, la seule chose qui nous surprend c’est de voir beaucoup de personnes disons « âgées » parmi les concurrents.
J’ai prévu de partir avec des meneurs d’allure, et ceux de 12 heures plus précisément, il y a une réunion de prévu le soir je vais essayer d’y aller, déjà pour rencontrer les membres du forum de Bruno Heubi et puis aussi pour voir avec eux la « tactique » à adopter.
Mais je n’y suis pas, je suis dans cette grande salle sans y être tout en y étant.
Je n’ai qu’un envie : courir.
Nous rentrons au camping tranquillement, à pied, je commence à préparer mon équipement, les vélos car mon fils doit venir à notre rencontre sur la deuxième boucle, le ravito.
A ce sujet, je pars complètement dans l’inconnu, je vais utiliser un truc de coureur de fond, mélanger du Caloreen (produit donnée aux bébés qui ont du mal à s’alimenter) mélangé avec du glucose. Ce mélange n’a aucun goût, il évite donc l’écoeurement tout en permettant de prendre des sucres lents sans charger l’estomac.
Tellement pris par ces préparatifs je ne songe même pas à me rendre à la réunion des meneurs d’allure.
Le soir, nous nous mettons en quête d’un restaurant, beaucoup ont prévu des menus spécial 100 km avec pâtes et compagnie pour un prix correct, et avec même du rab.
De retour au camping car pour la nuit, comme d’habitude, je dors mal, je suis réveillé à 1 heures de matin, par une dispute quelque part dans la ville proche, ça gueule méchant. Bien sur je n’arrive pas à me rendormir, mais j’ai l’habitude maintenant, les veilles de course je dors peu.
Voilà ça y est, nous sommes le samedi 29 septembre 2007, il est 7 heures du matin, je me lève pour une longue journée, pour, peut être, rentrer dans la légende des centbornards.
Comme la veille, je suis stressé, et même encore plus perdu, je reprends ma liste, pour ne rien oublier.
Nous partons tous les trois vers 8 h 30 vers le départ, il fait très frais, voire même froid.
Sur place je suis perdu, j’oublie tout, de faire enregistrer la puce du dossard, de faire une photo avec les membres des deux forums que j’évoquai plus haut, je ne trouve pas le vestiaire pour déposer le sac pour le change de l’arrivée, bref, je suis complètement perdu.
Je rencontre quand même deux internautes Marcel un des meneurs d’allure de 12 heures et Joel.
Josette une amie m’appelle pour m’encourager, son appel me fait plaisir, mais je suis au bord des larmes, la tension nerveuse s’accumule et je ne sais pas quoi lui répondre.
Voilà dernier au revoir à ma femme et à mon fils, et je prends place sur l’aire de départ, nous devons descendre en procession sur la ligne de départ accompagné par une fanfare, c’est sympa, mais comme je suis toujours autant stressé, j’oublie de filmer avec le petit caméscope que je me suis acheté exprès pour l’occasion, décidément, vivement le départ.
10 heures ça y est c’est parti. Le moment que j’attendais tant est enfin arrivé, l’aboutissement de beaucoup d’heures d’efforts, de doutes, de joies, c’est parti, je suis au départ des 100 kilomètres de Millau, je suis sidéré tellement ça me parait surréaliste, comme lorsque je finis un triathlon d’ailleurs.
J’Y SUIS.
C’est une super ambiance, très bon enfant, les habitués plaisantent, certains néophytes font semblant de plaisanter, d’autres, comme moi, sont tendus, je vois même certains yeux humides à côté de moi.
Je vois un peu devant moi les meneurs d’allure qui attendent leurs protégés, mais emporté par la foule je n’arrive pas à m’arrêter devant eux, je continue donc mon bonhomme de chemin, comptant qu’ils me rattrapent plus loin.
La traversée de Millau est agréable, ce n’est pas la grande foule comme sur le triathlon d’Embrun par exemple, mais il y a un peu de monde.
Je déroule, je cours à la sensation, en gardant un œil sur mon cardio fréquencemètre, je suis à peine à 8 à l’heure et pourtant il tape vers le haut, sûrement l’émotion, car à cette vitesse normalement je suis très bas.
Le parcours est vraiment agréable, sur la rive nord du Tarn avec des montagnes au dessus de nous, bon, ce ne sont ni les Alpes ni les Pyrénées, mais c’est quand même somptueux.
Nous partons sans les accompagnateurs, ceux-ci nous retrouveront après le village d’Aguessac, tout à l’air bien organisé, une fiche très précise nous a été remise au départ, sur le lieu, la position en fonction des dossards pairs et impairs.
Mais malgré ça, certains accompagnateurs rejoignent leur concurrent AVANT Aguessac.
Je suis bien, calme et tranquille, serein même.
Il fait beau et bon.
Romain mon fils me rejoint comme prévu, il a beaucoup de courage car il est malade, un bon rhume avec de la fièvre.
Dès son arrivée, je m’empresse de boire, bien que j’aie bien bu avant le départ.
J’ai été rattrapé depuis un long moment par Marcel un des deux meneurs d’allure en 12 heures et par Joël, et je suis dans la petite troupe qui s’est formée autour d’eux. Ça rigole et ça plaisante bien, le moral est au beau fixe.
La première partie est relativement plate, des faux plats plutôt que des montées.
Nous arrivons au Rozier village où nous devons traverser le Tarn pour repartir sur Millau, et si je me rappelle bien, lieu de la première montée, courte mais raide. Mon fils s’arrête au ravitaillement et j’attaque la montée tranquille, j’ai un peu de mal à suivre le groupe des 12 heures, il me semble qu’il ne s’arrête pas longtemps, mais ça ne m’affole pas, je reste à distance et fais mon train tout seul avec Romain.
Soudain, alerte, je vois un panneau « photos » zut c’était prévu au 30ème kilomètre, il n’y en a qu’une vingtaine de fait, je ralentis pour attendre mon fils car je veux absolument que nous soyons tous les deux sur cette photo, mais il n’arrive toujours pas, et je vois le photographe juste devant moi.
Je suis un peu dépité et déçu mais je fais quand même un petit signe au photographe, espérons que pour la prochaine, au 50ème kilomètre je puisse en avoir une avec ma femme.
Cet petit incident m’a contrarié, c’est la première fois que je partage une de mes aventures sportives avec ma famille, car en triathlon toute aide extérieure qu’elle quelle soit est interdite, je suis très fier de pouvoir avoir ma femme et mon fils à mes côtés.
Le groupe des 12 heures m’a lâché, il commence même a être très loin, je ne comprends pas, car en ce qui me concerne je suis, quasiment à la minute prêt, le tableau de marche que je me suis fixé pour 12 heures.
Je reste serein, je me dis que Marcel sait ce qu’il fait et que si je ne fais pas 12 heures pile ce n’est pas bien grave.
Je suis bien, tant au niveau rythme cardiaque, que physique. Moralement je ne suis pas bien, je suis contrarié par les meneurs d’allure qui sont devant moi, alors que je suis quasiment sur les temps de 12 heures, et surtout, surtout, j’appréhende le passage ADDM : au delà du marathon, je n’ai jamais couru plus de 42 km 195.
J’arrive au camping et mes suiveurs permutent, ma femme prend le relais pour ce qui doit être plus dur.
Je réalise enfin que j’ai emporté mon petit caméscope, et j’en profite pour filmer tout en courant, la place du Mardarous est superbe et l’arrivée à la salle des fêtes aussi, belle ambiance.
Voilà j’y suis, je vais passer la barre mythique des 42,195 km, et je suis toujours autant stressé.
Je pars dans cette aventure avec ma femme, en sortant de la salle des fêtes, coïncidence, je cours à côté d’une camionnette appartenant au lycée agricole où mon beau frère est prof à Marvejols.
C’est le début de l’après midi à Millau, il fait beau, aussi il y a du monde sur la route et sur les côtés aussi nous traversons la ville assez rapidement, car le temps passe vite.
A la sortie de la ville, un MIRACLE, je m’entends interpellé sur ma gauche, je me tourne et qui vois je, Solange et Gilles ma tante et mon oncle, ils sont venus quasiment spécialement d’Arles sur Rhône pour me voir.
Je suis vraiment ému et heureux de les voir, c’est la première fois que quelqu’un de ma famille se déplace pour me voir sur une épreuve. Nous discutons 5 minutes, mais il faut repartir.
Leur présence m’a remonté le moral, et j’attaque la montée du Viaduc gonflé à bloc, peut être trop.
J’essaye de tenir mon « pari » de ne pas marcher dans les montées, même si je sais au fond de moi qu’il me sera impossible de le tenir, mais ça m’a motivé dans ma préparation.
La vue sur le viaduc est magnifique, somptueuse. L’ambiance est superbe aussi, ça rigole dur, les plaisanteries fusent, elles le feront moins plus tard.
En ce qui me concerne, je suis toujours concentré, à l’écoute de mon corps.
Pour l’instant tout va bien, je profite pour raconter à ma femme mes 42 premiers kilomètres.
Elle aussi est inquiète car elle n’a jamais fait trop de vélo et c’est la première fois qu’elle va faire une si longue distance, même si la vitesse ne sera pas très élevée….
Voilà, nous sommes dans la montée du Viaduc, et elle est conforme à ce que j’attendais, dure, très dure et bien évidement je ne la monte pas complètement en courant, je marche sur le dernier tiers sans être déçu car de toute façon l’objectif principal reste FINIR, et peu importe le temps.
La descente est dure aussi, et je m’inquiète déjà du retour lorsqu’il va falloir la remonter. Nous attaquons ensuite la portion peut être la plus « lassante, un faux plat montant entre St Georges de Luzençon et St Rome de Cernon. Ça me fait penser à la partie du marathon sur le triathlon d’Embrun, où nous courrons sur la digue au bord de la Durance, c’est très lassant.
Les ravitaillements sont supers, et les bénévoles d’ENFERS que de gentillesse et d’attention. Ils sont fabuleux, que serait cette épreuve sans eux.
Un peu avant le début de la montée de Tiergues nous croisons le premier, il est bien entouré, et semble voler, bon d’accord il pèse 30 kilos tout mouillé, mais quand même il nous donne une impression extraordinaire de facilité, à tel point que devant l’écart avec le deuxième, nous nous demandons avec ma femme si c’est vraiment le premier qu’on a croisé.
Nous commençons alors à croiser la tête de course, à chaque fois je fais un petit signe, peu me répondent, mais ça ne me choque pas, car je me doute d’une part qu’ils doivent être concentré et deux qu’ils ne peuvent pas faire un geste à tout ceux qui les encouragent.
Un peu avant le début de la montée, je croise les deux copains Footbikeurs, Jean Christophe et Thierry qui se sont lancés eux aussi dans cette aventure. J’adore cet engin, le footbike ou la trottinette en français, c’est très physique, même si je n’ai pas osé l’intégrer dans ma préparation me contentant de suivre presque à la lettre le programme prévu. Les retrouvailles sont joyeuses les deux compères semblent en forme, faut dire que eux sont sur le retour. Jean Christophe me dit qu’il y en a deux encore devant, je comprends deux autres footbikeurs que je chercherais vainement par la suite.
Je saurais plus tard qu’il parlait de Loïc, le président de France Footbike, engagé lui aussi sur cette épreuve.
Voilà Tiergues qui arrive, cette montée ne m’a pas impressionnée sur le papier, mais en étant en action, elle fait mal, je la monte en marchant tranquillement, en râlant, car je me dis que cette montée n’est vraiment pas difficile, et qu’en vélo elle se monte presque grand plateau, mais là au bout de plus de 50 km je coince, et je marche.
J’attaque la descente sur Sainte Affrique, content mais toujours inquiet, je suis quasiment dans les temps prévus pour 12 heures à une demie heure prêt ce qui, sur presque 70 km est un détail de l’histoire comme dirait…..
Dans la descente, peu avant St Affrique je me fais doubler par le meneur d’allure des 14 heures, l’ami Cagouille du forum Bruno Heubi lui aussi ; comme je me suis fait doubler d’ailleurs avant par les meneurs des 13 heures, il y a bien longtemps.
J’essaie de raccrocher au wagon, mais je n’arrive qu’à rester à 100 m derrière eux, tant pis.
J’arrive à Saint Affrique que nous traversons pour aller au ravitaillement.
Arrivé dans cette salle, je suis un peu fourbu, je n’ai pas la force de m’asseoir sur une chaise et je voies une table qui me tend les bras…
Je m’installe dessus, mange, bois, me masse les pieds et change de chaussettes. Au bout d’un long moment, je m’aperçois que l’ami JOEL du forum Bruno Heubi est assis juste à côte de moi. Ça me fait plaisir de voir quelqu’un que je connais et sa présence me rassure et me fait plaisir à la fois. C’est un habitué de ce genre d’épreuve même si le malaise cardiaque de son épouse Marina, l’a bien perturbé, tout le monde le comprendra. C’est pour lui un défi de finir ces 100 km sans véritable préparation, j’espère qu’il y arrivera.
Il faut maintenant repartir, nous nous préparons pour la nuit avec frontale, gilets, feux avant et arrière pour le vélo.
Nous assistons avant de partit à une scène un peu cocasse où nous voyons un concurrent assez âgé, dirons nous pudiquement, engueuler copieusement son accompagnatrice parce qu’elle n’allait pas assez vite, moi ça me choque énormément, et mon épouse aussi.
Bon enfin bref ça le regarde, moi, je dois repartir, le départ est un peu laborieux car l’arrêt a été un peu long, mais je cours bien malgré tout, je suis à 7/8 kilomètres heures dans le début de la montée retour de Tiergues. Je me fais doublé par le deuxième meneur d’allure 14 heures, ce n’est pas grave, j’ai compris que j’arriverai tard.
La nuit tombe, les lumières s’allument, je cours, je cours toujours.
Ce qui est fabuleux et incroyable c’est que des coureurs qui me et nous doublent nous encourage alors qu’eux ne sont pas encore arrivé à Saint Affrique, je pense souvent encore à ces instants de pur bonheur d’émotion et d’amour du prochain qu’ont témoigné ces concurrents.
Le spectacle est magnifique, les bandes réfléchissantes des chaussures, maillots, collants, baudriers font leur effet dans la lueur des feux et de ma frontale qu’elle belle guirlande de Noël avant l’heure.
Malheureusement pour moi, le moral lâche, je n’ai plus envie de courir, je ne vois plus rien, je ne vois pas passer les kilomètres.
Alors je marche, doucement, et je cours, j’alterne, même si je ne vais pas plus vite en courant qu’en marchant.
Je passe Tiergues laborieusement, je descend, comme je peux, mi courant mi marchant.
Dans la descente, nous manquons assister à un accident puisqu’un concurrent cours dans la nuit sans la moindre visibilité, sans baudrier, sans bande réfléchissante, et il ne doit qu’à l’agilité et au réflexe d’un cycliste, de ne pas être renversé.
Ça m’énerve ça, je ne comprend pas, prendre des risques pour si peu.
Je me fais doubler inexorablement, même par des marcheurs, car je n’arrive pas à marcher plus vite.
Je fulmine, j’en ai marre.
J’ai emmené mon lecteur de MP3 avec les musiques que j’aime, mais je n’ose pas l’écouter de peur de vexer ma femme qui reste à mes côtés et pour qui cela commence à devenir dur aussi.
Mon copain Jean-Bernard m’envoie des SMS d’encouragements, je lui réponds que je suis cramé.
Je commence à « radoter », je dis à ma femme qu’il pleut, plusieurs fois même, et elle me répond que non, moi dans ma tête je me dis « si il pleut je vois des gouttes », alors qu’il n’a jamais plu.
Je ne voie plus du tout les panneaux, et lorsque je les voies, je n’arrive pas à les lire.
La fatigue est là, la lucidité non, j’en ai marre.
Je me dis qu’à quoi bon faire 100 km si c’est pour marcher !!!!
Je suis déçu, décontenancé, désabusé, je pense à ma préparation que je pensais bonne.
Qu’est ce qui a cloché, qu’est ce que j’ai loupé ?
J’entend la voix de Jean Pierre qui me parle, je pense à lui et à Louise son épouse, marathonienne elle aussi, je pense également à Léa grièvement blessée après une chute lors d’une sortie accro branches, à Marina, à Bernard, le frère et l’oncle d’amis proches, toujours dans un coma irréversible après un accident cardiaque, mais même le fait de penser à eux ne me motive pas.
Je ressasse, je cogite, mais je n’ai pas plus de volonté de courir, je marche et lorsque j’essaie de courir c’est à la même vitesse qu’en marchant, ce qui de dé motive encore plus.
Nous arrivons à la montée du Viaduc, un peu plus décevant la nuit vue d’en bas, et j’ai encore moins la force de courir. Je panique, car j’en ai marre de chez marre de marcher, 6 mois de préparation pour marcher !!!! J’ai envie de tout arrêter, mais de toute façon faudra bien que je rentre au camping !!!
J’arrive au dernier ravitaillement de Creissels, vidé moralement, mais j’ai quand même la force de plaisanter avec un concurrent en pensant à une bonne petite bière. Les bénévoles sont toujours autant sympas et disponibles même si il est très tard.
Nous rentrons dans Millau, la ville est autant belle la nuit que le jour, mais je marche toujours, mais la rage et la fierté me prennent.
NON, je ne vais pas traverser Millau en marchant, jamais, je serre les dents, j’ai ma petite fierté quand même, je recommence à courir 100 mètres, je m’arrête, je recommence encore, je me re arrête plus loin, allé bouges toi..
Jean Pierre, Léa, Marina, Bernard, me poussent, grâce à eux je trouve LA volonté de me battre
Je pense à cette phrase « n’oublie pas que t’es là parce que tu l’as voulu » alors que je cours, je pleure, j’ai mal, j’en peux plus, je rentre dans Millau, le couteau entre les dents, la rage au ventre, je cours, je cours, je crie, j’accélère.
Ma femme qui a compris vient à côté de moi et me dis simplement « tu es à 8 kilomètres/heures », je vole, 97 km je vais le faire, je vais finir en courant, ça parait dingue de penser ça idiot même, et pourtant….
Il y a encore du monde dans les rues même s’il est tard dans la nuit, je ne sens plus rien, ni froid, ni chaud, ni mes pieds, ni mes quadriceps, je cours, je cours, 98 km je crie de douleurs, de rage, les gens m’applaudissent, il y a même des concurrents que je vais doubler qui se retournent pour m’encourager car ils m’ont entendu arriver.
C’est pas beau le sport comme ça ???????????
99 km, LE 99ème kilomètre, dont j’ai affiché la photo depuis plus d’un mois dans mon bureau et dans mon salon, j’y suis, une ligne droite montante, mais au point où j’en suis, je m’en fous, je cours à l’arraché, à la sauvage, la hargne me pousse, je me martèle ces mots : NE MARCHE PAS, NE MARCHE PAS comme si c’était la dernière honte, courir, courir, toujours courir.
Je rentre dans le parc en pleurant, ma femme prend la contre allée, je traverse cette grande allée dans le noir, des personnes m’applaudissent, des concurrents qui ont fini aussi, j’ai mal, mal de finir, intérieurement je suis au septième ciel, je vais finir les 100 km de Millau alors qu’en 2001 suite à des problèmes de santé, je n’étais même pas sur de pouvoir remarcher un jour normalement et qu’en 2006 j’étais persuadé ne plus pouvoir courir. C’est MAGIQUE et FANTASTIQUE.
Voilà, la dernière montée, celle qui nous permet de rentrer dans la salle des fêtes, je passe la ligne un peu dans l’anonymat, il est 1 h 14 du matin, j’ai mis 15 Heures 14 minutes loin de mes 12 heures, mais j’ai fini comme je voulais le faire.
MORT, CREVÉ, VIDÉ, EXPLOSÉ, mais intérieurement HEUREUX et extrêmement fier d’avoir partagé ces instants avec ma femme et mon fils Romain.
Je l’ai fait, j’ai fini un 100 km, et je n’en reviens pas, je suis entré dans la légende des Centbornards, et qui plus est à Millau.
Merci :à Babeth et Romain
à Gilles et Solange,
à Jean Bernard et Josette,
Merci à tous les forumeurs Bruno Heubi, Planet Aveyron, Kikourou.
Avec le recul passée la première déception du temps mis, je me rends compte que j’étais bien préparé physiquement, puisque 4 jours après l’arrivée, je n’avais plus aucune courbature, et 3 semaines après j’ai couru un marathon en 4 heures 10 mn.
Je n’ai flanché que moralement si je puis dire.
Ce que je changerai dans ma préparation pour le futur ?
Rien, je la durcirai simplement encore plus en m’imposant une montée hyper dure au moins une fois par semaine, et je ferai au moins une séance par semaine de nuit.
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7 commentaires
Commentaire de hérisson posté le 02-01-2008 à 14:51:00
Toujours beaucoup de plaisir à te lire Cigaloun : merci !
Sans nul doute que le récit de tes 100 bornes va motiver des capistes pour tenter l'expérience.
Peut-être moi dans quelques temps qui sait ?
Bon après ces deux grands défits de l'Ironman et du cent bornes quel sera le prochain ?
Oui, encore, encore Cigaloiun ; continue à nous faire vibrer !
Commentaire de p'tetortue posté le 02-01-2008 à 14:54:00
bravo, félicitation !!!!!!
très beau récit, tu as souffert (comme tous les autres), mais quelle récompense quand tu passes la ligne des 100km.tout est possible, quand on le veut vraiment.
tu peux être fier de toi;
Commentaire de le_kéké posté le 02-01-2008 à 20:05:00
Bravo pour ton récit, magnifique, émouvant, un vrai bonheur de te lire
Philippe
Commentaire de momoVH3 posté le 03-01-2008 à 09:06:00
BRAVO, beau compte rendu et félicitations pour ta ténacité et ta performance. CR interessant car, comme quoi, rien n'est jamais perdu. IL faut tout simplement VOULOIR.
Bonne année 2008
momoVH3
Commentaire de sarajevo posté le 11-01-2008 à 01:50:00
super CR cigaloun.... impressionnant ... j'etais en train de courir a tes cotés ....
felicitation en tout cas pour ton 100 km....
a+
pierre
Commentaire de CROCS-MAN posté le 21-10-2008 à 13:45:00
Quel courage, que de souffrances que seuls les coureurs peuvent comprendre. Merci pour ce beau récit et bravo pour ton exploit le centbornard.On finira par se rencontrer.
Au plaisir.
Commentaire de Aiaccinu posté le 10-11-2008 à 11:01:00
Je me suis régalé à la lecture de ton CR.
Bravo
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