Près de 1500 concurrents au départ, ça en fait du monde ; des gens hilares et d’autres très tendus ; des gens isolés et des groupes qui ont du mal à retrouver tous leurs éléments.
Samedi 25 septembre 2004, 9H55. Dans 5 minutes je vais prendre le départ de ‘Millau’, appellation usuelle de la course pédestre mythique, à allure libre, des “100 km de Millau”. Ma femme, Claudine, m’accompagne dans cette aventure. La médecine nous déconseillant fortement de courir (problème de ménisque pour moi et de dos pour Claudine) nous faisons partie des marcheurs.
Le coup de fusil du départ est donné ; la cohorte se met en marche. Nous passons devant la fanfare qui anime ce départ.
Tiens, le panneau des 5 km ! Déjà ?
En traversant Aguessac, nous constatons qu’il est l’heure du pastis et pour nous ces 5 premiers km nous serviront d’apéritif !
C’est une journée de mistral et le vent du nord souffle assez fort ; nous avions l’angoisse de la pluie ou d’une forte chaleur, il n’en sera rien.
Panneau des 10 km.
Nous arrivons à Rivière-sur-Tarn. Quelques applaudissements. Dans la rue quatre gamins se sont mis les uns derrière les autres face à nous, bras droit tendu et paume ouverte ; nous rentrons dans leur jeu et frappons la main de chacun d’eux ; ils sont heureux, nous aussi !
Panneau des 15 km : rien à signaler.
Nous nous rapprochons de trois concurrentes qui papotent un maximum tout en marchant. Elles sont sympas et très gaies. Elles sont parties pour ne faire ‘que’ le marathon ; c’est déjà pas si mal mesdames !
Panneau des 20 km : nous sommes toujours en charmante compagnie !
Nous entrons dans Le Rozier, traversons le Tarn et entamons le retour vers Millau par la côte de Peyreleau. La pente n’est pas très forte mais réveille très vite une vieille contracture à la cuisse droite. Je suis à ce moment là, à 78 km de l’arrivée, en plein doute.
Panneau des 25 km.
Claudine a un coup de moins bien mais la perspective de retrouver nos amis Françoise et Jacques sur le parcours lui redonne vite le moral.
Panneau des 30 km.
Ravitaillement de Paulhe. Dans le village nous retrouvons Françoise et Jacques. Nous marchons d’un bon pas avec eux en direction de Millau. Leur rencontre nous a redonné de la ’pêche’ et on ne guette même pas le panneau des 35 km !
Panneau des 40 km.
Nous rentrons dans Millau puis pénétrons dans le Parc de La Victoire, et enfin dans la salle des fêtes pleine de monde à craquer … pas pour nous, mais pour applaudir les premiers concurrents à boucler le 100km ; ce qui ne saurait tarder.
Contrôle de passage au marathon. Il est 16H50’.
Nous récupérons au vestiaire notre équipement pour la nuit : vêtement plus chaud et frontales. Nous passons au coin kiné. Petit arrêt aux toilettes. Nous ressortons du Parc de la Victoire et avons droit à un ravito perso dans le camping-car de nos amis qui se sont garés près du Parc. Cela fait déjà 40 minutes d’arrêt, il nous faut repartir.
Nous n’avons pas fait 500 mètres que nous rencontrons la tête de course et le futur gagnant qui en termine avec son 100 bornes !
Panneau des 45 km.
Nous attaquons la côte de Creissels qui monte jusqu’à passer sous le fameux viaduc. La pente est sévère ; j’appréhende, la douleur à l’arrière de la cuisse est toujours là. Nous croisons maintenant de plus en plus de concurrents qui en terminent. Plus nous approchons du gigantesque viaduc, plus il s’éloigne ! Enfin nous sommes sous le viaduc ; on amorce la descente sur Saint Georges de Luzençon.
Nous descendons la forte pente (près de 10% par endroit) qui mène à St Georges, en face, d’autres remontent. Nous les encourageons. Certains répondent, d’autres, murés dans leur effort et leur souffrance, nous ignorent ; nous ne leur en voulons pas.
Panneau des 50 km.
Nous sommes à la moitié du parcours ! Il est près de 19H. Nous entrons dans St Georges, traversons le pont sur le Cernon. Nous découvrons un peu plus loin le ravito, à l’intérieur d’un bâtiment et au chaud. L’ambiance est convivial, le buffet bien garni ; on y découvre de touts petits sandwichs faits avec un jambon blanc fabuleux, quel délice ! Nous hésitons à nous asseoir, cela rendrait la reprise encore plus dure.
Nous entamons le long plat (8 km) qui va nous conduire à St Rome de Cernon. Nous croisons de nombreux concurrents, ils nous encouragent ; il leur reste 15 km à parcourir, nous : un peu plus de 45 !
La nuit arrive, nous allumons les frontales. Les concurrents sur le retour vers Millau ont eux aussi allumé leurs éclairages et on ne cesse de croiser des lumières.
Tiens, on a loupé le panneau des 55 km ; c’est bon signe, c’est preuve qu’on ne le guettait pas.
Panneau des 60 km.
Nous passons tout près du ravitaillement de St Rome, situé dans la salle des fêtes, juste au bord de la route. Nous savons qu’une bonne soupe chaude nous attend dans le camping-car (dénommé le ‘fourgon’) de nos amis, en haut de la côte de Tiergues : on ne s’arrêtera donc pas à ce ravito. Nous retrouvons Françoise et Jacques, juste au pied de la côte
La côte est longue. Enfin les lumières du sommet de la côte et nous rejoignons le fourgon.
Nous nous asseyons sur une banquette confortable ; Jacques nous sert une soupe chaude. Françoise ferme la porte du fourgon ; qu’il fait bon ici. ! Dehors il fait froid et venté. Nous nous équipons pour la nuit.
Panneau des 65 km.
La descente sur St Affrique est interminable. Enfin des lumières et bientôt le panneau d’entrée de la ville … suivi de peu par le panneau des 70 km . Il faut encore faire un kilomètre dans la ville pour rejoindre l’hôtel de ville tout illuminé. On y entre. Pointage. Un buffet bien garni. Nous nous dirigeons vers le coin massage. Une kiné sympa s’occupe de Claudine qui a très mal au dos. Le massage sera efficace. Je prends sa place et cette kiné s’occupe de mon ischio-jambier ; elle y trouve un point dur et le masse consciencieusement.
Nous repartons et traversons St Affrique endormi. Il est 23H30 ; nous amorçons le retour vers Millau.
En remontant la côte de Tiergues nous croisons des concurrents attardés, parfois seuls (quelle force morale il faut pour continuer ainsi, seul(e) dans la nuit !) qui descendent vers St Affrique ; nous les encourageons, certains répondent. Nous croisons le dernier concurrent presque au sommet de la côte, il a près de 12 km de retard sur nous ; finira-t-il ?
Panneau des 75km.
Bénie soit la kiné qui s’est occupé de mon cas à St Affrique ; je ne ressens pratiquement plus aucune douleur à la cuisse droite.
Mais où est le panneau des 80 km ? Je sais que nous devons trouver le panneau des 80 km dans la descente sur St Rome ; je le pense plus haut qu’il n’est en réalité. Je me dis qu’on a dû le louper. C’est certainement une baisse de moral qui veut ça, car quelques hectomètres plus loin le panneau est là. Pour entrer dans le ravito de St Rome situé à l’écart de la route dans la salle des fêtes, Il y a 8 marches à monter pour y parvenir : qu’elles sont hautes ces marches après 80 km !
Nous repartons en direction de St Georges. Nous sommes sur une départementale. Il fait nuit. Il y a un peu de circulation. Nous marchons sur le côté gauche de la route. A chaque voiture, je fais des mouvements de tête pour faire bouger ma frontale. Les voitures s’écartent ; parfois peu. Nous nous méfions.
Je scrute de temps en temps avec ma frontale le côté droit de la route, où doit se trouver le panneau des 85 km. Le faisceau de ma lampe me fait détecter trois marcheurs ; ils ont une seule lampe, faiblarde, qu’ils agitent lorsqu’arrivent des véhicules. Claudine en a marre de cette portion de route monotone, moi aussi. Vivement St Georges !
Enfin je vois le panneau des 85 km.
Un peu plus loin ce sont les lumières de St Georges ; enfin nous rejoignons notre ravito favori. Je demande où se trouvent les kinés et apprend qu’il n’y en a plus et qu’on aurait dû se faire masser à St Rome où il y avait effectivement des kinés. Nous sommes très déçus. On se repose un peu sur une chaise, les pieds surélevés sur le dossier d’une autre chaise.
Il est 3H30, on repart de St Georges. Ce qui nous épate, c’est que nous n’avons pas sommeil.
On attaque la remontée de la côte de Creissels à très faible allure ; 3km/h, peut-être 4. Peu importe, il faut finir, c’est tout. Il nous reste 6H30 pour faire moins de 12 km ; à moins de 2 km/h, c’est encore possible !
En pleine côte nos amis nous rejoignent ; Françoise équipée pour la marche de nuit marchera avec nous jusqu’à Millau.
Nous avons loupé le panneau des 90 km. Même pas grave ! De toutes façons on va finir.
J’ai le dessous du pied droit qui chauffe de trop : arrêt pour une pause de Compeed sur un début d’ampoule.
Panneau des 95 km à l’approche de Creissels.
Un dernier ravito. Un peu d’eau glucosée pour finir, avec un biscuit… et un abricot sec. Claudine ne peut vraiment plus rien avaler ; il est temps que ça se termine. Nous approchons de Millau.
Panneau des 97 km.
Nous entrons dans la ville encore endormie. Nous passons le pont sur le Tarn.
Panneau des 98 km.
Les rues sont quasiment désertes. Françoise et Jacques prennent un peu d’avance pour être prêts pour la photo à notre arrivée. Nous entrons dans le Parc de la Victoire.
Pour la deuxième fois nous remontons l’allée qui mène à la salle des fêtes. Nous sommes en vue du plan incliné qui donne accès à la salle. Quelques derniers pas, nous rentrons main dans la main dans la salle.
Nous avançons jusqu'au podium ; le chronomètre géant affiche 19 :40 :17 (19 heures 40 minutes et 17 secondes). Un speaker décline nos identités et notre provenance de Crolles. Il me tend le micro, j’en profite pour faire un peu de pub pour le ‘Balcon’ (autrement dit la course, chaudement recommandable, du 'Balcon de Belledonne')
Curieusement je n’éprouve aucune émotion : trop de fatigue peut-être pour en éprouver ?
On nous remet à chacun un diplôme. On nous donne également à chacun un cadeau souvenir : un petit sac … pour nos prochains entraînements.
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