Récit de la course : 100 km de Millau 2004, par alain141

L'auteur : alain141

La course : 100 km de Millau

Date : 25/9/2004

Lieu : Millau (Aveyron)

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Distance : 100km

Objectif : Pas d'objectif

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La longue marche au clair de lune


Photo prise par mon ami Christian Tremblay (1ère participation,11 h 47)

Photo de Christian Tremblay

Quelle aventure que les 100 bornes de Millau!!! Chaque année, je me dis: mais tu connais déjà tout, ça va être monotone. Erreur grossière, chaque fois cette course m'apporte de nouveaux plaisirs et de nouveaux amis qui viennent enrichir une vie déjà chargée de souvenirs.

Cette année, mon objectif principal était d'arriver au bout, mais, au fond de moi-même je me disais: allez, une année de plus, une minute de moins. Pari raté: 23 h 45 au lieu de 23 h 18 prévus, mais c'est mieux qu'en 1994 où je suis arrivé en 23 h 59 !!!

L'amitié, la solidarité, le goût de l'effort et la recherche du dépassement de soi-même sont ces valeurs inestimables que l'on retrouve à l'occasion des 100 bornes. Une vraie oasis qui réchauffe tous les cœurs et permet de repartir pour une nouvelle année.

Mes 100 bornes ont réellement commencé le jeudi soir sur les quais de la gare de Paris-Austerlitz et après avoir installé mon sac sur la couchette, j'ai essayé de repérer des futurs candidats aux 100 bornes. Non, rien de rien, pas un coureur à l'horizon. Et tout à coup, c'est la surprise, mon ami Janvier Ghirardi arrive avec son sac, sa mine souriante et plein de choses à me raconter. Il a quelques années de moins que moi et en est à sa 19ème participation. Nous nous revoyons souvent car il chante à une chorale d'Argenteuil, moi à celle de Montlignon et que nous avons le même chef de chœur. Vous pensez peut-être que je m'écarte du sujet. Ne le croyez pas, car l'amitié qui lie 2 cent-bornards est plus forte que celle de 2 frères de sang.

Le train de nuit est terminus Rodez et un peu avant 7 heures du matin, il faut prendre un car pour Millau. L'émotion est forte quand le car passe à Aguessac, traverse le passage à niveau et emprunte cette petite descente que nous allons prendre demain en sens inverse.

Le vendredi après-midi, je vais chercher mon dossard. Nadine, de l'Office de Tourisme de Millau, a accédé à mes désirs en m'attribuant le numéro 14 qui rappelle ma 14ème participation. En rentrant à l'hôtel, je rencontre Gisèle Huard, 79 ans, 32éme participation aux 100 bornes. J'avais bavardé avec elle sur le parcours l'an dernier, vers le Km32, où elle s'était arrêtée pour admirer un troupeau de vaches. Elle a un cœur de 20 ans mais ses jambes ne lui permettent plus d'aller au bout. Arrêt obligé au Km42, à la fin de la première boucle.

Samedi matin, 9 h 15, gymnase du parc de la Victoire. Je retrouve plein d'amis et j'accapare un instant le micro pour saluer Poussman, Vincent, Koline, La Pluche et les autres. Une coureuse vient me dire bonjour. Elle habitait Montlignon l'an passé et me voyait passer tous les jours dans sa rue pendant mes entraînements. Nous partons alors vers la ligne de départ, à 1500 m du gymnase, précédés par la sympathique et entraînante fanfare de Millau.


Bientôt le départ

Quel courage !!!

C'est moi alain141, le millaunaute !!!!

Première boucle: Millau – Le Rozier-Peyreleau – Millau



Mes 2 chronos sont prêts et au coup de feu du départ je les mets en route pour 24 heures chrono. Le premier me donnera aussi ma fréquence cardiaque et le second, une montre GPS, ma vitesse moyenne en min/km et la distance parcourue. J'ai un petit sac à dos avec une nourrice d'eau dont le tuyau me permet de boire sans m'arrêter: un vrai harnachement de Millaunaute !!! Je connais bien maintenant le parcours et je décide dès le départ de ménager mes efforts. Avec mon demi-poumon droit en moins, je ne dois pas faire d'excès. Je suis les conseils de mon maître à penser, Serge Cottereau et je m'impose 20 secondes de marche lente après 5 minutes de marche rapide.
Dans la petite montée vers Aguessac, je prends une photo du peloton qui commence à bien s'étirer. Je dois être déjà le dernier.



Aguessac Km 6,7 (donnée GPS)
J'ai quelques minutes de retard sur mon tableau de marche, mais c'est normal car j'avais situé le ravito au Km 6.4, n'ayant pas pu encore utiliser le GPS pour rentrer les distances. Je suis bien seul sur la route cette année. Est ce les autres qui vont le plus vite ou moi plus lentement. Peu importe, je me sens bien, admire le paysage et dis bonjour aux personnes que je rencontre. Ma vitesse moyenne augmente régulièrement, mais je ne force toujours pas l'allure. Les Km me paraissent défiler plus vite que les autres années.

Rivière sur Tarn Km 11,9


Mon retard n'augmente pas, je suis maintenant légèrement en dessous des 11 minutes par km. C'est un peu au-dessous de ma vitesse lors des entraînements en forêt. Tout baigne !!!! Je refais le plein d'eau et je repars. Vers la fromagerie de Peyrelade, je vois déjà les premiers qui passent, la-haut, de l'autre côté du Tarn.

Boyne Km 15,75
C'est maintenant, après le virage où se situe le ravitaillement, que commence la plus jolie partie du parcours. Une petite côte, et c'est à droite la jolie chapelle de N.D. des champs que j'avais photographiée l'année dernière, de l'autre côté.



Puis apparaît le Capluc, ce grand rocher survolé par les vautours fauves, qui annonce la moitié de la première boucle.



Arrivé à un carrefour, il faut prendre à droite, direction Le Rozier et surtout pas continuer tout droit vers le « point sublime » et sainte Enimie. Je passe le Tarn sur le vieux pont et c'est l'arrivée au Rozier. A la hauteur de la vieille église, je me fais arrêter par un couple de personnes âgées. « Pardon Monsieur, vous devez être du coin, nous sommes perdus. Comment aller vers Meyrueils ??? » et je leur dis: « excusez-moi, je dois poursuivre, j'ai encore 80 Km à faire !! »
Après le pont sur la Jonte, qu'il ne faut pas non plus louper, c'est la montée vers Peyreleau.

Photo

Peyreleau Km 21,4
Après le ravitaillement quelqu'un me demande: « c'est vous le dernier ??? » pas sympa, il aurait pu dire: « y a t-il des coureurs derrière vous ?? ». Il y en a effectivement 2, un vieux monsieur courbé sous l'effort et son accompagnatrice, que j'ai dépassés avant Aguessac. J'ai maintenant rattrapé mon retard et je termine doucement la grimpette en jetant de la haut un coup d'œil de l'autre côté de la Jonte, pour voir l'altitude que j'ai gagnée. J'ai toujours les jambes en parfait état et n'accuse pas de fatigue comme certaines années. Je peux attaquer en toute sérénité la série de montées et de descentes jusqu'à La Cresse.
Au ravito du Km25, j'ai la joie de retrouver mon ami Jean Carré, 73 ans et toujours fidèle au poste. Il restera avec moi jusqu'à Millau où il avait décidé de s'arrêter.

La Cresse Km 30,5
Je consulte mon chrono: 5 h 56 50, puis mon tableau de marche: 5 h 57. On peut dire que mes prévisions sont bien respectées. Au ravitaillement, il y a tout ce qu'on veut et j'engloutis la moitié d'une plaque de chocolat. Je reconnais la dame de l'an dernier, qui avait du alors sortir du pain de son congélateur pour éviter la rupture de stock. Il y a aussi plusieurs jeunes qui sont là. Bravo les bénévoles et merci à vous !!!



A La Cresse, on se trouve au point le plus haut de la 1ère boucle. Maintenant ça descend jusqu'à Millau et il n'y a plus qu'à se laisser glisser. Avec Jean, je vais pouvoir un peu forcer l'allure.

Paulhe Km 34,3
Je ne m'attarde pas au ravito où j'ai une minute d'avance sur mon planning. J'ose griller le feu rouge à la sortie du village et je « fonce » sur Millau. Un Km avant Millau Plage, 2 touristes étrangers à bicyclette nous lancent: « Bravo, vous allez bien dormir cette nuit !!! » Si seulement ils savaient ....
Nous sommes maintenant suivis par la voiture balai de Canoë 2000 et arrivé à la place du Mandaroux, je ne peux m'empêcher de me retourner pour prendre une photo.



Je dis à tout à l'heure à Jean et fais un crochet de 100 mètres pour rejoindre mon hôtel et me préparer pour la nuit. J'arrive à l'hôtel avec 6 minutes d'avance, grimpe les escaliers jusqu'à ma chambre et passe tout de suite un coup de fil à ma femme pour la rassurer. Je m'habille pour la nuit, prend la lampe de poche les piles de rechange et tout le reste. Tout est indiqué sur la check list que j'ai affichée au mur et je n'ai plus qu'à tout contrôler, comme un pilote d'avion avant le départ.

Je file vers le Parc de la Victoire pour me faire pointer et je regarde passer les moins de 9 heures, dans le même sens que moi, de l'autre côté de l'Avenue de la République

Parc de la Victoire Km 42,2
Déjà 8 h 54 à user la route, toujours mon avance de 6 minutes. Le plus dur reste à faire.

Deuxième boucle: de Millau à Saint Affrique



Je traverse Millau et suis bien visible avec mon gilet orange de travailleur autoroutier muni de bandes réflectorisées. J'ai mis au bras gauche mon brassard clignotant avec plein de petites leds rouges. Je passe le pont Lerouge sur le Tarn et attaque la première montée avec les « bon courage » des coureurs rentrant à Millau. Et soudain, le viaduc se découvre à moi au soleil couchant. Féérique vision qui vaut d'avoir déjà fait 45 Km

Creisseils Km 46
Je passe en 9 h 43, toujours avec mes 6 minutes d'avance. Je reste sur la droite de la chaussée et termine cette première côte sans problème. Après, il y a une petite descente jusqu'au giratoire de Raujolles, avant le centre commercial. Et maintenant la grande montée vers le viaduc. La circulation n'est pas complètement arrêtée et il faut faire attention aux voitures. Certaines roulent pleins phares, sans respect pour ceux qui ne polluent pas et cela me force à baisser la tête. C'est mon premier coup dur. J'ai un echauffement qui commence sous le pied droit et la fréquence cardiaque augmente dangeureusement. Je décide de ralentir fortement l'allure, en essayant de pas trop raccourcir ma foulée. Mes bronches sifflent et je tousse. Donc, tout doux, tout doux !!! Elle n'en finit pas cette montée. Le viaduc semble tout près, mais il faut encore avancer, avancer. Enfin j'arrive en haut. La nuit tombe, j'allume ma torche.Elle éclaire bien et peut se transformer en orange clignotant. Quand j'entend une voiture derrière moi, je balance ma lampe pour mieux me signaler. Il commence à faire froid et j'ai hâte d'arriver à Saint Georges. Ca y est, la lune est là et elle commence à éclairer la route. La descente est longue et je plains ceux qui vont en sens inverse. Au bout d'une éternité j'aperçois les lumières de Saint Georges et dix minutes plus tard je passe la porte da la salle des fêtes.

Saint Georges de Luzençon Km 53,5
Mon chrono affiche 11 h32 au lieu des 11 h 28 prévues. J'ai donc perdu 10 minutes dans cette sacrée montée puisque j'avais encore 6 minutes d'avance à Creissels. Je décide de ne pas écourter les 10 minutes d'arrêt prévues au programme et je me détends car je sais que c'est le mental qui gagne la course et pas le physique. Tranquillement, je retire mon sac à dos, fait le plein d'eau, range dans mon sac mon gilet autoroutier que j'avais un mal à fermer à cause de mes rondeurs, et enfile mon coupe-vent en Goretex, bien visible aussi avec ses bandes réflectorisées. Il y a de la soupe chaude et plein de petites tartines au pâté, mais je n'en ai pas tellement envie. Alors je me tourne vers les dames nourricières et je leur dit: « Comme vous êtes supersympas, je vais vous chanter une chanson que j'ai spécialement composée pour vous » Et me voilà parti, imitant le grand Charles:

Le 100 bornes a rendez-vous avec la lune
la lune est là et le coureur l'attend
Le 100 bornes a rendez-vous avec la lune
La lune est là, la lune est là et le coureur est las !!!

Et me voilà reparti pour la suite, tout heureux d'avoir pu caser ma vanne !!!

Dans Saint Georges, la route descend un peu jusqu'au passage à niveau, puis remonte en faux-plat jusqu'à Saint Rome. A gauche de la route, il y a la voie ferrée et à droite une falaise verticale. La route n'est pas complètement droite, elle oscille doucement vers la gauche puis vers la droite. C'est l'endroit où le plus de coureurs se croisent puisque la 1ère boucle est un aller-retour entre Millau et Saint Affrique. On se souhaite le bonjour et la lune fait étinceler les rails de la voie ferrée. Mon ombre m'accompagne sur ma droite. Une chouette me fait hou-hou. La présence de la lune évite de se servir de sa lampe de poche, mais on ne reconnaît pas les coureurs. Soudain j'entends un cri: « Alain, alain, c'est toi ???? » C'est mon ami Marcel Maes qui habite aussi à Montlignon et qui est venu déjà faire les 100 bornes avec moi l'an dernier, sur mon conseil. Il est accompagné en vélo par sa fille. « Alain, c'est un échec, j'ai complètement raté ma course, une heure de plus que l'an passé, j'ai peur de ne pas pouvoir te rejoindre en voiture à Saint Affrique comme l'an dernier car le parking du Parc de la Victoire ferme à minuit. ». Je lui dis que ce n'est pas grave et que j'arriverai à me débrouiller tout seul comme j"en ai l'habitude. Nous nous serrons la main et je continue, heureux d'avoir retrouvé mon ami et sa fille.
Il y a un an, il y avait, à mi-chemin entre Saint Georges et Saint Rome, un ravitaillement sauvage avec une tente et de la musique. Je ne m'y étais pas arrêté longtemps mais, après la course, sur le forum de millau-clic.com, Marie m'avait dit que c'est elle qui s'occupait de ce ravito du Dourdou. Je ne voulais donc pas passer cette année par là sans lui faire la bise. Les dames de Saint Georges à qui j'avais posé la question m'avaient dit au précédent ravito qu'elles ne connaissaient pas l'existence de ce point de ravitaillement et j'étais déjà un peu déçu. Sur la gauche de la route je vois alors plusieurs voitures garées, et à droite, de la lumière et de la musique. Formidable !!! La tente du Dourdou est toujours là et je vais pouvoir faire la bise à Marie !!! Je demande à l'entrée: « Marie est elle là ??? » et ses amis l'interpellent: « Marie, Marie c'est pour toi !!! ». Marie est assoupie au fond de son fauteuil et je n'ai pas besoin de lui dire : « Lêve-toi et marche », elle se dresse d'un bond de son fauteuil, comme Lazare ressucité et je peux tenir ma promesse. En sortant de la tente, je décline l'offre de manger quelques tartines et je repars plein Sud.
Encore quelques Km et je vois les premières lumières de Saint Rome. Je ne presse pas le pas car il va bientôt falloir monter la côte de Tiergues, un nouvel enfer en perspective.

Saint Rome de Cernon Km 60,5
11 h 32 de marche et 4 minutes de retard, dues sans doute à la rencontre avec Marcel et à mon arrêt au Dourdou. Je monte les marches de la salle des fêtes et j'aperçois mon ami Janvier, assis sur une chaise et la mine défaite. Il est là depuis une heure mais il est épuisé. Il a bien essayé de repartir, mais il n'a pas pu mettre un pied devant l'autre et il jette donc l'éponge. Je lui dis qu'il a raison, que dans ces cas il ne faut pas insister et qu'il doit se ménager pour éviter d'attraper un nouvel infarctus. Je le réconforte comme je peux, puis je repars pour l'enfer de Tiergues. C'est là que j'avais le plus souffert l'an dernier. Je reprend la direction Saint Affrique, mais à 800 m de la salle des fêtes, il faut tourner à droite et l'on attaque la longue montée de 5 Km à plus de 8 %. Je rencontre encore pas mal de coureurs dont quelques uns sont silencieux et paraissent marcher en dormant. Quant à moi, je suis encore bien éveillé mais je commence à avoir froid aux mains. Je surveille mon pouls et marche doucement. Je ne souffre pas comme l'an dernier. Quand enfin on voit la première épingle à cheveu, il ne reste plus que 1500 m jusqu'au sommet. Il y a encore 2 virages serrés à passer puis c'est la descente vers le ravito de Tiergues. Cette fois-ci j'ai tenu le coup !!!. On passe à côté d'une maison où les propriétaires ont allumé quelques bougies sur le muret de clôture, puis 1 Km après, on arrive sur la route Saint Affrique- Tiergues. On prend à gauche et c'est le ravitaillement, sous 2 tentes militaires.

Tiergues Km 65,8
J'ai 18 minutes de retard sur mon planning. C'est normal, j'ai vraiment pris la côte doucement. Tous les bénévoles sont attablés sous l'une des tentes et l'humeur semble joyeuse. Je suis très bien accueilli et boit un peu de café chaud avant de redescendre la longue côte vers Saint Affrique. Elle me semble bien longue comme tous les ans et je me dis, comme les autres, qu'il va falloir remonter tout ça. Aux trois-quarts de la descente, un coureur me dit qu'il y a encore 7 personnes derrière lui. Je suis tout etonné qu'il en reste encore tant !!!
Un peu après la station de pompage, une voiture me double, puis s'arrête. C'est Marcel qui a pu sortir du parking. Il prend de mes nouvelles et je lui dis de m'attendre à la sortie de saint Affrique, comme l'an dernier. Il va dormir un peu car il a 100 Km dans les jambes. Les rues de Saint Affrique sont bien éclairées et je peux éteindre ma lampe. Sur la droite, je vois alors une personne de la Protection civile, tout de jaune habillée qui vient vers moi et, avec un air très décidé me dit: « Monsieur, suivez-moi, je suis la voiture-balai». Je commence à avoir sérieusement les boules. Non, on ne va pas me disqualifier pour hors-délai comme ça m'est arrivé une année aux 100 Km de la 2ème DB entre Paris et Rambouillet. C'était au Km85 et j'étais content qu'il fasse un peu moins chaud pour finir le parcours quand un gradé en Jeep m'a dit: vous avez dépassé le délai et vous êtes disqualifié. Il m'a forcé à monter dans le bus des éclopés, alors que je pouvais finir sans problème.
La dame en jaune m'explique alors que le marquage n'a pas été effectué dans les rues de St Affrique et qu'elle vient simplement me conduire jusqu'à la salle des fêtes. Je pousse un ouf et nous parlons alors de Serge Cottereau, des problèmes de l'hôpital et des inondations qui ont fait débordé une année la Sorgue, obligeant les organisateurs à arrêter les 100 bornes.

Deuxième boucle: de Saint Affrique à Millau



Saint Affrique Km 71,2
A la salle des fêtes, on me pointe à la main sur l'ordi, je bois un café et change les piles de ma lampe de poche. La dame en jaune veut m'aider, mais elle reste un peu perplexe sur la façon d'installer les piles et je luis dis: « Oui, là où j'ai mis du vernis à ongles rouge, c'est là le + ». Ma formation aux mystères des lampe de poche étant terminée, je me dirige vers la sortie et on me demande : « Vous connaissez bien le chemin ??? » « Oui, je l'ai déjà fait 13 fois. » Je prends à gauche à la sortie, puis encore une fois à gauche jusqu'au pont sur la Sorgue. Au loin je vois passer la camionnette de la PC qui va m'attendre plus haut. Mais les rues de Saint Affrique ont bien changé depuis l'an dernier, il y a des aménagements au milieu de la route que je ne reconnais pas et je dois demander à un passant attardé: « Pardon Monsieur, la route vers Tiergues ???? » Oui, c'est bien là au fond, cette petite rue étroite qui monte à 15 % pour rejoindre la D 993. Je retrouve la camionnette, puis mon ami Marcel que je dois réveiller dans sa voiture. Je lui confie tout: sac à dos, banane et ne garde que ma lampe de poche. Je lui dis qu'aux points de ravitaillement je lui donnerai les indications de mon chrono et de mon GPS pour qu'il les note sur mon tableau de marche. Je me sens soudain plus léger. Je repars vers Tiergues et ça monte fort. La sortie de Saint Affrique est déjà loin derrière moi et les rues éclairées ont laissé la place à l'obscurité de la campagne. C'est alors que je ressens une violente crampe d'estomac, puis une autre. Le café de Saint Affrique n'arrive pas à poursuivre son chemin. Dans ma tête, je fais alors le point: la camionnette de la PC est loin devant et je suis vraiment seul avec moi-même. Est ce pour moi la fin du parcours ???? Je m'arrête alors pratiquement de marcher et, dans une troisième crampe encore plus forte que les 2 autres, je rends à Saint Affrique ce qu'il m'avait donné. Pratiquant le yoga depuis de nombreuses années, je concentre mon esprit sur mon estomac pour que les crampes ne se poursuivent pas et miracle , tout s'arrête. Je me sens ragaillardi, tout heureux de ne pas en être resté là et je continue à monter, accompagné par la camionnette qui me dépasse chaque fois, pour m'attendre ensuite un peu plus loin. Enfin, j'aperçois les lumières des tentes de Tiergues.

Tiergues Km 77,2
J'indique mon temps à Marcel: 17 h54, ainsi que la distance affichée par le GPS. Je bois un peu d'eau et repars en me disant qu'en haut, au col de Tiergues, le plus dur sera passé. Il fait maintenant bien noir, c'est 4 heures du matin et le froid est toujours glacial. J'aborde le tronçon pratiquement plat qui annonce la fin de la côte et soudain, je vois la pente s'inverser. Au fond de la vallée, on voit les lumières de Saint Rome ou de Raspaillac. Je compte les 3 virages et continue dans la descente. La camionnette me suit en m'éclairant de ses phares, à une cinquantaine de mètres, ou un peu plus loin. J'entends son moteur ronfler et peiner, un peu comme moi !!! Je suis légèrement incommodé par les gaz d'échappement mais je n'ose pas m'arrêter pour le leur dire, ils sont si gentils. Et le vent souffle aussi dans le bon sens, en venant de Saint Rome. Lorsque la camionnette est loin, je prends un grand bol d'air pur. Maintenant, j'entends les voitures passer en contrebas sur la route Saint Affrique-Millau. La camionnette me dépasse. Et voilà les rues éclairées de Saint Rome.

Saint Rome de Cernon Km 82,4
Je marche depuis 19 h 12. Le retard est de 35 minutes, ça va être dur de respecter le délai de 24 heures. Sur la route de Saint Georges, qui oscille doucement vers la gauche, puis vers la droite, je change à chaque fois de côté, marchant toujours à l'extérieur du virage, là où le sol est le plus plat. Le conducteur de la camionnette ne comprend pas et il pense que je commence à m'endormir et à divaguer. Il prend peur, à cause de la circulation et demande à ses coéquipiers de descendre pour marcher avec moi. Aurélien, Jennifer et Sarah viennent à mes côtés. On me demande si j'arrive encore à marcher droit. Je leur dis qu'en suivant les marques blanches discontinues du bord de la route, ça ne me pose pas de problème et leur explique les raisons de mes errements. Je rappelle qu'à l'un de mes 100 bornes, c'est là, après 85 Km de course, que j'ai du jouer au secouriste, un jeune ayant fait des tonneaux avec sa voiture après être rentré dans la falaise. Ce n'était pas la musique du Dourdou qu'alors j'ai entendue, mais celle de l'autoradio, encore hurlante dans la voiture fumante arrêtée le long de la barrière. Merci la Croix rouge, ce n'est pas la première fois que vos cours m'ont servi !!!. Sarah et Jennifer m'encadrent de leurs rires et de leu bonne humeur et me rendent ainsi la route plus facile. Le jour commence à pointer et les premiers coqs commencent à chanter, annonçant un jour nouveau.

Saint Georges de Luzençon Km 87,4
Je dis à Marcel que je ne m'arrête pas et je lui donne mon temps: 21 h 01. Je lui donne aussi ma lampe de poche car je n'en aurai plus besoin. J'ai maintenant 45 minutes de retard et le jour est levé. Mes 3 compagnons m'ont laissé au ravitaillement et je commence à attaquer la côte, marchant d'abord à gauche de la route, puis revenant à droite car là, je suis bien protégé par la camionnette qui me suit et qui me sert de bouclier. Ça monte et c'est dur-dur !!! A la fin, la pente augmente encore et les voitures qui vont sur Millau semblent gravir un mur vertical. Non, je vais bien le passer .... Ce ne sera pas le mur de la honte !!! Puis la pente diminue et le viaduc se dresse devant moi, immense, majestueux, avec ses magnifiques haubanages. Et c'est alors que le soleil surgit de l'horizon, m'apportant une vision inoubliable !!!!
Marcel vient alors vers moi en courant: « Alain, alain, tu n'es plus du tout dans les temps. Tu peux encore courir. Tiens mange !!! » et il me gave de barres énergétiques, me force à boire et marchant à côté de moi il me dit: « Relance la mécanique, tu peux encore y arriver, fais 4 pas en courant, puis 6, puis 8 ». Oui, je vais le faire !!! Je presse l'allure et mon pouls passe de 126 à 132, ça y est je suis parti, c'est la première fois dans les 100 bornes que j'arrive à courir ici. Les automobilistes venant en sens inverse sortent le bras par la fenêtre en me lançant des bravos frénétiques. Marcel est bien content mais il doit maintenant me quitter car il faut qu'il accompagne sa fille à Marseille en voiture. Je continue à trottiner jusqu'au giratoire de Raujolles, puis je prends la petite montée à la marche. Dans la descente, je continue à maintenir une bonne allure. Après le ravitaillement de Tiergues, Denis et Aude, de la Protection civile, viennent marcher à côté de moi et m'encouragent. A l'entrée du pont Lerouge, un peu avant le Km98, je retire mon coupe-vent et le confie à Aude pour encore m'alléger et c'est là que mon brassard clignotant avec toutes ses petites lumières rouges a du glisser sur la chaussée, intriguant les automobilistes. Non, ce n'est que l'éclat du phare qui indique au marin que les port est proche ....
Aude dit à Denis qu'elle va m'accompagner jusqu'au bout et nous continuons. L'entrée dans Millau me semble facile et, en consultant mon chrono, je vois que je peux prendre mon temps. Ça y est, c'est la place du Mandaroux. Encore 1 Km. Je suis heureux...heureux. Je passe la grille du parc, presque au bras de la jolie et souriante Aude. Le long des arbres, c'est la haie d'honneur et dans les cinquante derniers mètres je décide de finir au sprint. Je passe même le plan incliné en courant et, en entrant dans le gymnase je contemple le panneau-chronomètre: 23 heures 45 minutes 20 secondes.

L'arrivée !


On me donne mon diplôme et mon cadeau et plusieurs personnes viennent me serrer la main. Dans l'excitation du moment, je n'ai pas remarqué que l'une d'entre elles était Philippe Duchesne, avec qui j'avais fait les 25 derniers Km l'an passé. Pardon, pardon Philou !!!!
Jean Carré vient me rejoindre et Nadine, de l'Office de tourisme vient me proposer le buffet campagnard. Merci encore à elle pour son immense gentillesse et son dévouement pour les 100 Km. En sortant du gymnase, je retrouve Aude, Denis et le reste de l'équipe de la Protection Civile. Ils ont troqué la tenue jaune de la nuit pour la tenue bleu-foncé avec le liseré rouge. Je serre la main du conducteur de la camionnette en le remerciant encore. Dans son long regard bienveillant, je sens qu'il me dit: « Bravo, vous savez, nous aussi nous avons fait tout ce que nous avons pu !!! »

Le 100 bornes n'est pas tout à fait terminé car maintenant il faut revenir à Montlignon. L'hôtelier a bien voulu que je garde ma chambre (il est maintenant 11 heures dimanche) et je vais pouvoir un peu dormir. Je boucle ma valise et après avoir bu une bonne bière offerte par le patron (merci à lui, j'ai vu dans ses yeux le même regard que celui du conducteur de la camionnette), je me dirige vers la gare d'où mon car doit partir pour Montpellier dans un vingtaine de minutes. Mon ami Janvier est là, il vient me dire au revoir et c'est le départ de Millau que l'on quitte après avoir traversé le pont Lerouge, là où mon brassard a chu !!!. Il y a un bouchon à la sortie de l'autoroute et le conducteur du car décide de faire une bonne dizaine de Km de plus pour respecter son horaire. Quand il s'arrête à la gare, il ne reste plus que 4 minutes pour prendre le TGV. Je le vois de l'autre côté de la voie. Par où faut-il donc passer ??? Je galope en tirant ma valise, mon beau sac jaune sur le dos et finit par trouver un ascenseur où des jeunes touristes s'engouffrent. Je les bouscule un peu. La porte ne se ferme pas. L'un d'entre eux dit qu'il ne faut pas rester devant la cellule photoélectrique. Enfin la porte se ferme et l'ascenseur monte d'un niveau. Toujours en courant je cherche l'escalier qui va me remettre sur la bonne voie, je le descends en trombe et peut enfin me hisser dans le premier wagon.
Encore 10 secondes et c'est le départ.... et presque la fin de mes 100 bornes.

L'heure est maintenant au bilan. Cette 14ème participation aura été marquée par un assez fort vent venant du Nord, qui n'a pas vraiment cessé complètement à la fin et surtout par une nuit particulièrement froide avec la pleine lune. Mon allure a été moins rapide que l'an dernier. Mon tableau de marche avait été fait en 2003 sur la base de 23 h 59 et à la fin de la première boucle, j'avais l'an passé 40 minutes d'avance que j'ai conservées jusqu'à la fin. Cette année, je n'avais que 6 minutes d'avance, mais sur une base de 23 h 20. J'ai réussi à réduire mon retard de 45 à 26 minutes entre Saint Georges et Millau et à l'arrivée j'étais beaucoup moins fatigué que les autres années, encore capable d'avaler 20 Km.
Ce n'est pas la peine de chercher bien loin. 4 kilos de plus par rapport à l'an dernier, ça fait 5 % et 5 % de 24 heures ça fait 70 minutes !!! Pour l'an prochain, il va falloir que je fasse un régime sérieux car comme a dit Colombine Valley de Runirina.com, je suis un « vieux monsieur assez rond avec une banane sur le ventrou »

Alors, à l'année prochaine, avec des kilos en moins !!!!


Lundi 27 septembre, 8 h
Comme à l'accoutumée, je pars trottiner en forêt, un peu moins longtemps qu'habituellement, pour tester de quoi mes jambes sont encore capables, mais aussi pour annoncer mon résultat à mon ami Timbère. C'est un magnifique Tervueren, un berger belge au regard intelligent, qui accourt à la barrière du jardin de son maître quand il m'entend arriver. Il décrypte mes odeurs de forêt, regarde si je n'ai pas aujourd'hui un gâteau pour lui et de toutes façons me témoigne son affection à grands coups de lêches.

Dans ce mode un peu fou, les passants vous croisent dans la rue sans même vous regarder, le regard absent et l'air angoissé. Il est temps que nous fassions changer tout ça et que souffle autour de nous l'esprit des 100 Km de Millau.
Ce n'est pas la peine de chercher bien loin. 4 kilos de plus par rapport à l'an dernier, ça fait 5 % et 5 % de 24 heures ça fait 70 minutes !!! Pour l'an prochain, il va falloir que je fasse un régime sérieux car comme a dit Colombine Valley de Runirina.com, je suis un « vieux monsieur assez rond avec une banane sur le ventrou »

Alors, à l'année prochaine, avec des kilos en moins !!!!



3 commentaires

Commentaire de lptitloup posté le 08-12-2004 à 20:10:00

Ca c'est du commentaire ! Bravo :)

Commentaire de jsm0256 posté le 15-08-2005 à 13:48:00

Alain,

Je viens de participer aux 100 km de la marche de la mort (allure libre) près d'Anvers (15-08-2005), pour la 8ème fois.
Je suis inscrit aux 100 de Millau (pour la 1ère fois) et suis tombé par hasard sur tes commentaires.
Je dois dire que le récit m'a mis la larme à l'oeil parce que on sent que c'est écrit (et marché) avec ses tripes.
J'espère donc te voir avant le départ.
Mon objectif : finir en 19 heures.

Commentaire de bluesboy posté le 26-08-2005 à 21:45:00

bravo alain pour ton récit et pour ta philosophie de la course a pied .Je serai a MILLAU cette annee pour mon premier 100 bornes avec un but : finir
Tes commentaires m'ont donné la moral pour arriver à ce but

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