Récit de la course : 100 km de Millau 2007, par isopropylamine

L'auteur : isopropylamine

La course : 100 km de Millau

Date : 29/9/2007

Lieu : Millau (Aveyron)

Affichage : 2608 vues

Distance : 100km

Matos : Chaussures Brooks Radius 6

Objectif : Objectif majeur

14 commentaires

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Le Millau d'Iso

Samedi 29 septembre 2007 – Extérieurs jour – Ciel pur – Vive fraîcheur

 

Un peloton de 1500 coureurs s’approche solennellement de la ligne de départ au son rassurant d’une fanfare locale, prêt à se mesurer à ce monumental 100 km sur route. Parmi eux, un important contingent de débutants sur la distance et/ou sur l’épreuve ; et, au sein de ce groupe, un petit coureur transi de froid malgré ses gants et son blouson thermiques, votre serviteur, enfin libéré de son habituelle angoisse d’avant course et échangeant quelques mots avec Vincent, ambitieux meneur 9h00 cette année sur son épreuve fétiche.

« Rien n’est jamais écrit », me souffle-t-il gravement. Et c’est vrai, cette histoire-là, qui va prendre naissance dans quelques instants, je vais devoir la rédiger ligne par ligne, kilomètre après kilomètre, jusqu’à l’aboutissement inimaginable que vous connaissez tous : 9h39 et 48ème au classement scratch pour mon premier Millau, mon premier 100 km et toujours moins de 3 ans de pratique de la course à pied !

 

Flash-back 

 

Je sais que l’on va encore me taxer d’austère pédagogue mais il est de mon devoir d’insister sur le fait que ce résultat n’est dû en rien à un quelconque talent mais repose plus fermement sur trois facteurs essentiels : motivation, assiduité et sélectivité.

Première – sinon unique – condition de la réussite, le mental, la détermination, l’ambition et – oserais-je ajouter ? – le devoir, celui qui nous pousse à utiliser les facultés que la Nature a cruellement refusées à certains et que d’autres gâchent par leur comportement irresponsable.

L’assiduité à l’entraînement vient ensuite. La difficulté de courir une telle distance est bien réelle et la nécessité d’une préparation structurée adéquate est évidente. Autant être très clair avec les éventuels candidats amateurs de plans d’entraînement allégés : si vous voulez vous en sortir – à plus forte raison approcher le meilleur chrono possible pour votre niveau – il va être nécessaire de courir. Beaucoup. Enormément même. Pour vous donner une petite idée de ce qui vous attend, sachez que j’ai aligné une série de semaines de 140 à 170 km et toujours nettement au dessus de l’allure de course prévue (entre parenthèses, je suis très réservé sur l’intérêt de s’entraîner précisément à cette allure : je ne l’ai absolument jamais fait et c’était manifestement un bon choix). Cette approche incontournable a un coût en terme d’investissement personnel que personne n’ignore : cela commence avec tout ce temps accordé en priorité à l’entraînement et puis, bien sûr, le maintien sur le long terme d’une hygiène de vie irréprochable.

Accrochez-vous à la certitude d’un bonheur immense au bout du compte, le jour où vous franchirez la ligne d’arrivée, bien que vous en aurez bavé terriblement pour en arriver là. Surtout à Millau ! Cela, au moins, je peux vous le certifier. Contrairement à ce que prétendent certains, je pense qu’un marathon est réellement une plaisanterie à côté d’un 100 km de ce type.

Finissons ce préambule avec quelques mots sur la sélectivité, mon sujet fétiche évidemment.

Je vais vous livrer un grand secret : dans la vie, on ne peut pas tout réussir ! La course à pied ne constitue pas une exception : il n’y a pas d’alternative au choix raisonné des épreuves auxquelles on souhaite participer, dans la mesure où on les aborde comme de vraies compétitions. Il est donc illusoire pour 99,999 % des coureurs d’espérer bien réussir en participant à plus de deux 100 km par an. C’est peu, oui. Vous pouvez en faire beaucoup plus, certes. Mais vous n’obtiendrez forcément que des résultats médiocres – et vous cumulerez les abandons. De plus, et là-dessus il faut insister lourdement, vous vous détruirez sauf si vous estimez appartenir aux quelques 0,001 % de monstres indestructibles qui restent !

 

Guest Star – La suiveuse de charme

 

Fortement recommandée par l’organisation – à juste titre – le suiveur mérite sa place en haut de l’affiche. Dans mon cas, il n’était pas concevable qu’il puisse s’agir de quelqu’un d’autre que mon épouse, le seul être sur cette planète qui satisfasse à tous les critères qui suivent :

1)      C’est une bonne cycliste (normal, elle a appris avec moi !) et elle adorer rouler chargée (je n’ai rien utilisé mais ses sacoches étaient pleines de ravitaillement et de matériels divers et indispensable (anoraks, raquettes à neige, palmes, pièges à loups, balise Argos, etc.) pour parer à toute éventualité

2)      C’est une honnête coureuse hors stade (Mathias, je te promets que je vais réussir à la faire s’inscrire comme kikoureuse : surveillez bien l’apparition d’une certaine 28x28). Elle sait donc ce que peut ressentir un coureur  de fond et a quelques idées sur la façon de le gérer !

3)      C’est une belle occasion pour elle de vivre une telle course de l’intérieur

4)      Elle me connaît personnellement assez bien (c’est ma compagne depuis plus de 25 ans) et inversement, rendant caduques les pénibles sorties préparatoires : avec elle, pas de souci à se faire, les choses ne peuvent que bien se passer… et tel a bien été le cas, évidemment !

5)      J’ai pleine et entière confiance en elle et je ferai tout pour mériter son aide, ne pas la décevoir. Tout simplement être digne de sa présence à mes côtés.

 

Bien, Tous les acteurs sont en place, Iso grelottant sur la ligne de départ, sa suiveuse dans le même état quelques kilomètres plus loin, à Agueyssac et puis, surtout, cette fameuse ligne d’arrivée, ce podium mythique que je me suis juré de rejoindre avant la tombée de la nuit…si je peux !

 Action 

C’est le départ pour la première boucle le long du Tarn, on ne peut plus atypique pour moi : plus de 12 minutes au km 2 ! Je suis toujours gelé et mes muscles refusent de répondre. Normal : j’ai fait volontairement l’impasse sur l’échauffement. Vous allez voir qu’Iso ne se débrouille pas trop mal question gestion de course. Je me permets à ce titre de vous recommander cette attitude qui vous permettra de ne pas dépasser inconsidérément l’allure extrêmement faible à adopter en début de course. Que pensez alors de ce meneur d’allure 16h qui annonçait la veille pendant la pasta party son intention de partir sur la base de 12 km/h – soit aussi vite que le meneur 9h ? Pour ma part, je préfère appliquer à la lettre le bon vieux principe qui a fait ses preuves selon lequel il faut partir lentement et ralentir encore dès que l’on se sent bien !

Je fais donc, comme d’habitude, abstraction des autres coureurs (d’autant plus qu’il n’est pas facile de distinguer les marathoniens des cent-bornards) et je progresse vers la sortie de la ville aussi lentement que possible.

Je ne suis pas (encore) un trailer et Millau demeure incontestablement une épreuve sur route à laquelle on peut appliquer un classique tableau de temps de passage prenant en compte le dénivelé, tel que ceux publiés sur le site des meneurs d’allure. Rien de bien sorcier dans tout cela !

Pour le moment, mine de rien, je commence à accélérer l’allure insensiblement sur la nationale qui nous conduit au rendez-vous avec nos précieux suiveurs. Pas très agréable cette route du reste ! Ce sera l’un des plus gros reproches que je ferai à cette course : j’aurai préféré courir sur les nombreuses petites routes qui serpentent dans la région. Heureusement, les hauteurs qui bordent les rives de la rivière regorgent de constructions pittoresques et de curiosités minérales qui troublent fort à propos la monotonie du ruban bitumé qui se déroule devant nous.

 

Jonction avec les suiveurs ! La zone dédiée à cet effet est très large et bien organisée. C’est donc sans difficulté que je retrouve mon accompagnatrice sur sa bicyclette de cyclo-campeuse équipée de deux sacoches surbaissées à l’avant et d’une de guidon, le tout étanche, ainsi que d’un panier sur le porte-bagages arrière compartimenté à l’aide de fil de fer. Simple et efficace pour entreposer bidons et autres denrées vivrières. Je profite de sa présence pour sauter le ravitaillement qui suit puisque je peux maintenant m’approvisionner à volonté dans ce panier providentiel, une stratégie pompée dans un bouquin et qui s’est avérée payante en termes de places gagnées, comme on le verra par la suite.

Nous voici donc partis avec le premier semi-marathon comme objectif immédiat. Je cours tranquillement  en m’astreignant à demeurer à quelques encablures de l’un des meneurs 10h00. La route est effectivement pratiquement plate, tout baigne ! Je suis encore ankylosé mais je réussis cependant à me débarrasser de ma veste et même – soyons fou ! – de mes gants douillets. Inutile de préciser qu’après ces 10 km de mise en jambes, je suis encore loin de la fin de mon échauffement ! Quelques petits roulés à la framboise et morceaux de pain d’épices plus loin, voici déjà le pont qui annonce le retour sur Millau et là, encore une contre-vérité attachée à cette course : ce premier marathon n’est pas plat du tout, j’en veux pour preuve la première côte dans le village de Peyreleau qui monte le long de la rive opposée du tarn. Pas très longue soit, mais plutôt raide. Je passe en souplesse (ce n’est pas le moment de laisser des plumes) et ma suiveuse en moulinant. Cependant, je suis forcé de constater que je prends un peu d’avance sur mon plan de vol. Du coup, je me retrouve derrière ce meneur d’allure 10h qui applique manifestement la méthode Cyrano. Chacun ses goûts mais très peu pour moi ! En conséquence, je passe devant lui et les quelques rares coureurs qui l’entourent à l’occasion d’une de leurs phases de marche et je m’éloigne. Je ne les reverrai plus ; je n’ai aucune idée de la position du second meneur 10h et j’imagine que Vincent est loin devant. Vous avez compris : à partir de maintenant, je suis seul maître de mon destin et ce n’est pas pour me déplaire !

Peu de choses à dire sur cette partie du trajet à part que je grignote les minutes une par une. Il semble que je ne sois plus très loin de mon rythme de croisière. Je ne suis néanmoins toujours pas réellement à l’aise, un peu engourdi, une sensation bizarre… Je porte toujours le débardeur de mon club au dessus d’un épais maillot à manches longues que je conserverai jusqu’au bout ! Quelques nuages commencent à s’amonceler dans le ciel mais, finalement, et bien que le soleil se montrera peu au cours de la journée, ni la pluie, ni même le vent ne viendront troubler les festivités et il fera nettement plus chaud que les jours précédents (16-18°C y compris en fin d’après-midi).

Le soleil nous gratifie d’une belle apparition pour nous accueillir au Parc de la Victoire pour le pointage du marathon. 3h54, c’est correct mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est mon classement à ce moment-là : 197ème.

Et toujours cette belle estrade verte qui semble me narguer effrontément. Tu ne perds rien pour attendre, toi, ma cocotte : je vais revenir !

 

On m’avait dit – mais j’avoue que j’avais du mal à y croire – qu’au bout du marathon on avait l’impression de ne pas avoir couru et c’est pourtant parfaitement exact. Mais il ne faut pas s’y tromper, ses 42 premiers kilomètres vont rapidement peser dans la balance parce que les 20 suivants pourront toujours se faire, à la rigueur, mais certainement pas le marathon escarpé qui reste pour boucler le contrat si l’on a mal calculé son coup dès le départ !

 

On ressort de Millau et l’on passe à rebours les dernières bornes du trajet, ce qui permet de se faire une idée de la physionomie du final : le 99ème km en bas de la rue qui mène au Parc, le 98ème sur le pont, etc.

Un peu plus loin, une première montée peu accentuée puis on bascule vers la côte de Creissels avec, en prime, un premier aperçu de ce fameux viaduc dont la région est si fière. A mon sens,

Cet ouvrage a surtout le mérite d’une incontestable discrétion, du fait de son élévation remarquable et de ses lignes élancées, créant peu d’emprise esthétique sur le paysage un peu désolé qu’il surplombe.

Nous ne sommes plus très loin de la mi-course et, cette fois, je me sens définitivement opérationnel et j’attaque la pente avec beaucoup de conviction, ce qui a pour effet de mettre ma suiveuse un peu en difficulté. Rétrospectivement, j’aurai sans doute dû monter un peu moins vite mais j’étais réellement très bien sur cette partie et je n’ai ressenti aucun essoufflement au cours de cette ascension, contrairement à la majorité des concurrents doublés à cette occasion… Très logiquement, je poursuis mon effort dans la descente et me retrouve en bas avec une avance certaine. Mais mon choix est déjà arrêté, j’ai de bonnes jambes et toutes les conditions me semblent réunies pour finir en moins de 10h : il ne reste donc qu’à gérer cette modeste avance.

Comme je l’ai déjà dit, je déteste les routes larges et droites et je ne suis donc pas à la fête dans l’interminable faux plat qui précède la côte de Tiergues. Et puis, je me rappelle ce panneau routier assassin en haut de la côte qui annonçait : St-Affrique – 22 km. On est peut-être à mi-course, mais on n’est pas rendu !

Difficile de ne pas accélérer sur ce secteur ennuyeux au possible. Mais il ne faut pas. Il faut gérer, encore et toujours, et puis se montrer patient. L’instant présent n’est rien, seul le résultat compte et restera.

Enfin, la route commence à s’élever de manière plus convaincante et, en prime, elle devient plus étroite, avec plein de virages et tout, juste comme j’aime ! Tous mes voyants sont encore au vert, je ne ressens aucune douleur, aucune gêne et je grimpe avec facilité, malgré les kilomètres qui alourdissent la facture de plus en plus. Il est exact qu’elle est très longue, cette fameuse bosse, mais elle se termine par une pente adoucie et, surtout, marque la certitude de parvenir à St-Affrique. N’oublions pas que la légende prédit que celui qui entre dans cet oasis parviendra à revenir à Millau et moi, j’ai décidé d’y croire dur comme fer, à la légende.

Mais pour revenir à ma position actuelle – faisant route dans l’autre sens – il y a deux problèmes : le premier consiste à descendre, hélas, tout au fond du puits et le second à remonter, deux fois hélas, toute la rampe. Et le troisième problème, c’est que, après, il reste grosso modo un bon semi-marathon à courir.

Prenons les choses dans l’ordre. C’est peu dire que cette descente fut pénible. Je le savais par avance mais comment se préparer à cela lorsque l’on habite la région parisienne et que la plus longue descente disponible n’atteint pas les 1200 m ?

J’ai donc fait le maximum pour atténuer les chocs tout en conservant un peu de vitesse… et en évitant de regarder le visage décomposé des quelques coureurs déjà en train de remonter ! Chaque chose en son temps, n’est-ce pas ?

Néanmoins, le court arrêt que je m’autorise au contrôle de St-Affrique ne laisse guère de doutes sur l’état de la mécanique, un peu trop sollicitée par l’exercice. Pas le moment de se lamenter, je ne suis pas en train de courir un 10.000 et la situation est, somme toute, normale à ce point. Et puis les chiffres sont là : malgré ce mémorable toboggan, je suis toujours nettement en avance (6h38 et, notez bien de nouveau : 69ème ! Vous comprenez ce que j’entends par gestion de course ?). Alors, allez, haut les cœurs, on rentre !

Voici le moment tant redouté : les fameuses pentes qui annoncent la remontée vers Tiergues. Pour être honnête, elles ne m’ont pas impressionné plus que cela (j’ai vu bien pire à l’entraînement). D’abord parce que remonter soulage d’une certaine façon les muscles grignotés par la descente et puis parce que, eu égard à la distance qui me sépare du sommet, il semble judicieux de faire profil bas devant la Nature et d’adopter un rythme bien modeste.

Et finalement, on se dit qu’on n’est pas les plus mal lotis parce que, cette fois, on regarde les gens qui descendent et on les plaint sincèrement.

Et puis, ils sont adorables ces coureurs, jamais avares d’encouragements alors que ce sont eux qui les mériteraient ! Je n’ai plus très envie de parler et c’est ma suiveuse qui répond à ces exhortations amicales la plupart du temps. Combien de fois également ai-je entendu mon prénom sur le parcours avant de réaliser que les spectateurs consultaient simplement la liste des participants publiée dans le journal local. Il est vrai que le numéro 2, c’est rapide à retrouver !

Sur ces entre faits, nous voilà finalement de nouveau en altitude et c’est maintenant que ça se corse pour de bon. La descente est rapide et encore plus douloureuse. A chaque foulée, je sens les muscles de la cuisse se nouer vicieusement. Je suis maintenant sur le faux plat descendant et la situation ne s’améliore guère. Enfin, inéluctablement, en bas juste à l’entrée du village : la crampe. Horrible douleur, tellement violente que j’ai même craint une blessure réelle. Passage obligé à la marche : quelques dizaines de mètres. Nouvel essai de course : non, c’est trop tôt. Pas de panique, surtout. Boire, marcher encore un peu : OK, c’est bon, ça repart !

 

Il me reste une douzaine de kilomètres à faire – presque une misère – je suis encore plutôt frais physiquement et je pourrais courir plus vite – sans cette crampe qui menace de revenir à tout moment. Je prends donc l’option « qui veut voyager loin ménage sa monture » et je focalise mon attention sur mes jambes douloureuses : au moindre signe de « fibrillation » je calme le jeu. Si je passe la 4ème et dernière côte, c’est gagné. En fait, je crains surtout la descente juste derrière ! A mon grand désarroi, c’est l’autre jambe qui se met en rideau dans la montée. Je ne peux pas le croire ! Juste au moment où j’avais décidé de reprendre quelques coureurs devant moi. En effet, j’ai oublié de préciser que nous venions de croiser un cycliste comptant à voix haute au passage de notre petit peloton : 57, 58, 59… Je n’étais pas certain d’avoir bien interprété son propos parce que j’étais persuadé de me placer, au mieux, dans les 200 premiers mais je n’aime pas, de toutes façons, voir des gens devant moi quand je ne suis pas encore tout à fait cuit. Me voilà donc forcer de marcher un peu de nouveau, mais assez vite en fait, parce que je suis avant tout un bon marcheur (n’est ce pas , Corto ?) et celui qui en profite pour repasser devant moi ne me prend finalement qu’une centaine de mètres avant que je ne parvienne à reprendre la course… et à le rattraper… puis à le perdre derechef par la faute d’une nouvelle crampe , etc. Ce petit jeu cruel durera jusqu’en haut de la côte où nous croiserons par hasard le dossard N°1, un bien sympathique V3 (au moins) qui n’arrivera forcément que le lendemain et avec qui nous échangeons force salutations.

Mais revenons à notre course. Il reste, à la louche, 8 km. Même en rampant, j’irai au bout facilement alors, n’ayant rien à perdre, je joue le tout pour le tout et je relance dans la descente puisque ces satanées crampes ont, semble-t-il, décidé de m’accorder une trêve.

Et ça remonte de l’autre côté : aucune importance ; je maintiens un bon rythme, ce qui semble perturber mes compétiteurs qui choisissent bientôt de s’arrêter au ravitaillement. Parfait ! Je fais une nouvelle fois l’impasse sur celui-ci (malgré les reproches de ma suiveuse), gagnant au passage peut-être 4 ou 5 places.

4 kilomètres seulement. Je souffre mais je tiens la route. Iso a la rage, Iso veut en terminer rapidement : il a un compte à régler avec un certain podium vert tout proche maintenant.

La traversée des faubourgs de Millau est un calvaire : il faut sans arrêt changer de côté de la chaussée, prendre garde aux voitures mais qu’importe, Iso cherche le panneau 98 et le trouve ! Un peu plus loin, une dame m’encourage en me signalant l’absence de poursuivants. Bénie soit-elle, elle ne saura jamais à quel point elle m’aura aider à parvenir à cet ultime 99ème kilomètre. Je suis totalement vidé et pourtant, je cours de plus en plus vite ! Je sais parfaitement qu’il ne me reste plus qu’à remonter l’avenue, traverser le passage à niveau (en regardant où je vais mettre les pieds, attention, ce serait trop bête de tomber maintenant), tourner à droite et franchir encore peut-être 300 m dans le parc. Fort de cette connaissance et anesthésié par les endorphines, ce dernier kilomètre va passer très vite. Je suis dans le rouge et je m’en moque éperdument. Je remonte la fatidique allée bordée de platanes au grand galop. Ma suiveuse est-elle encore à côté de moi ? Je n’en suis pas certain, je ne vois plus rien que le dernier pont gonflable Mizuno qui se rapproche à toute allure. Quelqu’un me crie « Allez, jusqu’au bout ! ». Tu parles que je vais y aller, jusqu’au bout ! Je cours comme dans un rêve, je vole, je flotte. Pour paraphraser May : on dirait que ce n’est pas moi. Enfin, ça y est, je gravis avec une rage immense la rampe d’accès à la grande salle, ralentis un peu pour prendre le virage et, finalement, parvient sur ce maudit podium dans un éblouissement mémorable.

Je regarde ma montre, éberlué, incrédule. A mon grand soulagement, le speaker est occupé à interviewer le concurrent précédent et je redescends la pente – pas très droit et dans un état sensiblement comateux. Je me retrouve avec les bras pleins de cadeaux – que je suis parfaitement incapable d’identifier, je dois l’avouer.

Ma suiveuse est là, à côté de moi et je me jette dans ses bras avec un immense soulagement.

 Epilogue 

La fin de l’histoire est moins glorieuse. Pour la première fois de ma courte carrière, je profite du peu d’affluence pour aller me faire masser pendant que ma suiveuse retourne à l’hôtel pour se changer. Elle me retrouvera allongé sur une civière en prévention d’un évident début de malaise. Inutile de dire que je n’étais pas le seul dans ce cas. Rien de grave, évidemment, mais je n’ai rien connu de tel auparavant. Franchement, cette course est vraiment très difficile, merveilleuse certes, mais je la déconseillerai vivement à tous mes amis coureurs un peu fragiles !

Néanmoins, Iso est devenu un coureur d’ultra pour le meilleur et pour le pire !

Avec un tel chrono à Millau, jusqu’où ira-t-il sur le plat ? La réponse à cette question dans la suite de ses aventures au pays de l’ultra, mais pas avant le printemps prochain, au plus tôt, en application du principe de modération exposé plus haut !

14 commentaires

Commentaire de titifb posté le 03-10-2007 à 06:50:00

Brava Iso :
Pour ce superbe récit magnifiquement écrit;
Pour ce chrono qui ferait rêver bien des coureurs;
Pour cette place inespéré au départ...

Quelle volonté, quelle gestion de course ! Chapeau à toi et à ta suiveuse pour qui ça n'a pas dû être facile.

Commentaire de lulu posté le 03-10-2007 à 11:00:00

FELICITATIONS Iso
Tu as raison c'est une course très dure qu'il ne faut surtout pas négliger dans sa préparation !
Heureux qu'une éventuelle blessure t'ai laissé tranquille;

Commentaire de WildInTheWoods posté le 03-10-2007 à 14:49:00

Magnifique récit, un régal!
Félicitations pour ce superbe chrono!
Quelle rigueur dans ta prépa et quelle maitrise du sujet pour ce premier ultra!
Bravo!

Commentaire de may posté le 03-10-2007 à 18:18:00

Bonjour Iso,
je suis heureuse pour toi; nous avions un peu discuté de Millau et je savais bien que tu allais nous faire quelque chose de très bon...
récupère bien, je sais que ça, tu sais très bien le faire aussi, étant rigoureux dans ton entraînement.
si un jour tu as envie de coacher une teigne_feignasse, je suis là ;o)
biz
may

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 03-10-2007 à 22:44:00

Bravo buveur d'eau ! Ta gestion de course et ta performance m'impressionnent.
Le Lutin t'admire, lui qui n'a jamais dépassé (difficilement) les 75 bornes.

Commentaire de cloclo posté le 03-10-2007 à 23:15:00

Bravo Serge pour ce premier 100 km réussi de main de maitre.

Tu n'as peut etre que 3 ans de course à pied, mais bien plus en sport d'endurance, avec un record marathon sous les 3h. Alors arrete ta fausse modestie, ton succès n'est du qu'à tes immenses qualités de bosseur prudent.

Cloclo_de_Palaiseau

Commentaire de jeanluc78 posté le 04-10-2007 à 20:05:00

Super méga félicitations ISO.

Ton récit est nickel et ta perf ne l'est pas moins...

Si t'as vu un gars allongé sur un lit de camp à St Af, à l'heure où tu es passé, c'était moi.

A la prochaine sur l'Essonne ou ailleurs..

Jean Luc_qui_a_déménagé_il_y_a_peu_de_Saint Maurice_91_à_Saint Arnoult_78

Commentaire de MARC78 posté le 05-10-2007 à 15:26:00

Bravo pour cette magnifique performance et ce non moins magnifique récit ...
D'accord pour le suiveur : INDISPENSABLE et autant méritant que le coureur !!

Bravo encore !!!

Commentaire de Gouzy posté le 05-10-2007 à 22:46:00

Très impressionné!

Grande lucidité et magnifique gestion....

Tu vas faire un malheur en 2008

Au plaisir de te RE voir et de courir ensemble à Thiellay?

Vincent Gouzerch...

Commentaire de philkikou posté le 07-10-2007 à 10:56:00

*peu importe la place , pourvu qu'on ait l'ivresse (des 100kms) et le temps espéré !!
*route large : au début ca permet d'étirer le peloton...après le viaduc , c'est vrai pas le + intéressant , mais c'est le parcours mythique...je l'ai fait en 1996 avec la circulation en plus (je crois que c'est toujours fermé le temps des 100 bornes)
*marathon / 100kms à chacun son himalaya...
*bravo et bonne récup.

Commentaire de agnès78 posté le 08-10-2007 à 09:07:00

Mais quelle course!!! Je suis impressionnée! Merci pour ce magnifique récit d'une course menée du début à la fin avec maitrise et connaissance de soi. BRAVO à la suiveuse également et bonne récup à tous les deux!
bises
agnès

Commentaire de Tortue géniale posté le 08-10-2007 à 17:30:00

Ton CR est le parfait exemple de ce qui faut faire pour aborder un ultra de cette taille : du calme, de la patience et ... de la patience !!!
Un grand bravo à toi, ton style d'écriture est très agréable et j'ai beau regarder, je n'ai pas vu de fautes d'ortografe !!!

Commentaire de patcap21 posté le 20-10-2007 à 14:23:00

Bravo, félicitations pour ta course, le chrono et ce récit dont la lecture fût un réel plaisir.

bon run à toi

pat

Commentaire de Hervé69 posté le 25-09-2008 à 16:00:00

Salut Iso, je suis kikoureur depuis deux jours et j'ai pris un grand plaisir à lire ton récit de 2007. Un récit très intéressant. Je prends le départ pour Millau 2008 dans deux jours.

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