Récit de la course : 100 km de Millau 2001, par yoyo

L'auteur : yoyo

La course : 100 km de Millau

Date : 25/9/2001

Lieu : Millau (Aveyron)

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Distance : 100km

Objectif : Pas d'objectif

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Millau 2001


Après mon échec de 2000 et mon abandon au 65ème Km en haut de Tiergues, et malgré les dires de l’Ostéopathe qui m’avait annoncé que je ne pourrais plus courir que sur des distances courtes, je suis au départ. Il fait orage et ça va durer pendant 45 Km, le temps de la première boucle. Coté logistique, j’ai prévu de faire seul (sans suiveur) la première boucle, Denis devant me rejoindre vers Millau pour faire avec moi les 55 derniers kilomètres en VTT..

C’est parti sous l’orage. Je ne vais pas quitter mon sac poubelle pendant 4 heures. Je fais le départ tranquille. Mauvais souvenir de l’année passée où après 500m, j’avais déjà mal au genou, je suis à l’écoute du moindre grincement, couinement, chuchotement de mon corps. Tout vas bien, et peu à peu, j’oublie cette appréhension qui me tiraille. Une pause technique et c’est parti, direction Aguessac. Sur la double voie qui précède, je me retourne plusieurs fois pour observer ce gigantesque peloton. Ca me rappelle, étant plus jeune, les Unes, chaque année du journal Midi Libre qui nous mettaient au moins 2 pleines pages sur cette course mythique. J’étais bien jeune et bien loin de penser que moi aussi, un jour, je serais au départ.

Je pars sur une base de 10 km/h . Il n’y a un marquage au sol que tous les 5 km et c’est donc au feeling que j’estime ma vitesse.

Aguessac : tout le village est dehors et c’est aussi le lieu où tous les suiveurs sont autorisés à suivre leur poulain. En courant, on ne sent pas la pluie et le froid, mais pour les suiveurs, c’est autre chose. Ils vont passer une sale journée. Rien à signaler pendant les 20 premiers kilo. C’est plat jusqu’au Rozier. Il y a même une éclaircie de la météo. Il ne pleut plus et beaucoup de concurrent se débarrassent des imperméables et autres protection anti pluie. Je garde la mienne. C’est le bon choix, la pluie va redoubler dans quelques kilomètres.

Le Rozier, c’est l’extrémité Nord du parcours. On passe dans ce charmant village (à l’heure du déjeuner pour moi), puis sur un pont qui enjambe le Tarn, et ça repart pour une succession de grimpette pendant 15 kilomètres. Sur n’importe quel autre 100 Km, cette partie du parcours serait qualifiée de montante et difficile, a Millau, c’est presque plat en comparaison des 50 derniers kilo. Le ravito et je repart tranquille. Les montées et les descentes se succèdent. Tous va bien jusqu’au 35ème ou je sens mes jambes durcir. C’est sûrement la pluie froide qui fait ça. Denis me rejoint. Il est frigorifié. Moi ça va. On se rapproche de Millau. A Millau plage, j’éprouve le besoin d’alterner quelques instant de marche. Puis c’est la traversée de Millau pour remonter jusqu’au Parc de la victoire. Il marque l’arrivée au Marathon. On croise aussi dans Millau, les autres concurrents qui sont déjà repartis en direction de Saint Afrique. Ils me paraissent tous mieux que moi et je suis de plus en plus dans le dur.

Une pause express et je repars direction Saint Afrique. Je sais qu’à Creissels, la famille m’attend pour des encouragements que j’espère salvateur. J’arrive enfin. Isa et Sandra sont là, avec le café chaud. Je suis au bord de l’abandon. Pourvu qu’elle n’en parle pas (de l’abandon). Je pourrais craquer. Je m’arrache de ce confort douillet. Ca n’a jamais été aussi dur (pour l’instant). Je traverse Creissels en marchant puis ça repart un peu. Oh surprise, quelques centaines de mètres plus loin, les idées d’abandon sont déjà loin. On attaque la longue montée de Saint Georges (2 Km). Là, y a pas d’alternative. Je marche, je discute avec Denis. La plongée vers Saint Georges(2.5 Km) me permet de reprendre mon rythme alternatif (course, marche, course …..). Le faux plat ente St Georges et St Rome (8 Km) m’avait paru très long l’année dernière. Ca va être pareil cette année. J’alterne toujours course et marche. C’est aussi dans cette portion que l’on commence à croiser les premiers qui rentrent sur Millau. C’est très plaisant et je ne courrais plus seul jusqu’à l’arrivée.

Une anecdote : depuis quelques kilomètres, je cours avec une concurrente qui a adopté un rythme très régulier (environ 8 Km/h). Elle a un style très « mécanique », ou apparemment il n’y a pas de place pour la discussion, distraction et autres flâneries. Elle est à fond dans son truc. Elle court à 8 et moi j’alterne des portions de course à 10 puis de la marche à 6. Du coup, on se double régulièrement. Je m’arrête au ravito, pas elle (son suiveur s’en charge). Je marche en montée, pas elle. Je cours à 12 en descente, elle est toujours à 8. Ca va durer pendant des kilomètres, jusqu’au 85ème ou elle a eu un problème et son suiveur la soutenait à coté de son vélo. Je ne la reverrait plus.

Bref, après Saint Rome arrive la côte de Tiergues (3 Km). Je marche. Le soleil est revenu depuis un bon moment. Denis en profite pour se dégourdir les jambes et m’attend en haut de la côte. J’en profite pour discuter avec un concurrent « expérimenté ». Je lui raconte mes difficultés morales pour repartir de Millau. Il n’est pas surpris. Il connaît. On discute ensuite de l’utilité du suiveur. Il m’explique qu’il a essayé sans et avec suiveur et que maintenant, il court tout seul. C’est compliqué un cent bornes mais c’est encore plus quand il faut gérer pour 2. Je suis pas loin d’être d’accord avec lui, jusqu’à ce que je me rende compte que, sans Denis, à partir du 80ème, je n’aurais pas fini. Mais j’essayerais quand même une fois, seul. En haut de Tiergues, c’est l’inconnu. J’avais arrêté ici l’an dernier. Je pars donc vers l’inconnu, Saint Afrique à 6 Km (de descente). Le final est très pentu. Toujours de l’alternance course-marche. L’objectif des 10 Km/h est oublié. Finir, je veux finir. Quand je pense à l’arrivée, je suis ému, une boule dans la gorge et les yeux larmoyant. J’en parle à Denis « t’imagine, je vais finir … ». Une pause à Saint Afrique. Je repars et il fait encore jour. J’avais décidé depuis le départ de ne pas m’attarder aux ravitaillements. Pas de pause, massage et autres sieste. C’aurait été trop dur de repartir. La remontée de la cote de Saint Afrique (6 km) se fait en marchant. Plus haut, c’est moins raide et je trottine un peu mais je sens bien que la route va encore être longue jusqu’à Millau. Ensuite la descente. J’alterne toujours course et marche. Je me fais doubler par quelques concurrents. On arrive dans St Rome. Je mets ma frontale pour affronter la nuit. 200m plus loin, elle rend l’âme. Ce n’est pas grave, la nuit est claire. Je marche de plus en plus. Denis n’en peut plus. Il a mal au c… Il décide de marcher avec moi. Gros éclat de rire. Mon rythme de marche est « extrêmement » rapide (8 Km/h environ) et quand il descend du vélo, il doit courir pour pouvoir me suivre. Il remonte sur son vélo en prenant soin de ne pas s’asseoir sur la selle. Entre St Rome et St Georges, y a un ravito : Excellent. C’est la nuit, en pleine campagne. De la musique, une odeur de grillade. L’envie de s’asseoir et de rester là des heures à discuter avec les bénévoles. Sûrement le plus petit et le plus sympa ravito de la course. J’arrive enfin à St Georges. C’est dur. Je suis sur des bases de 1h 30 au 10 km. C’est pas terrible. Il me reste la côte de Saint Georges puis la plongée sur Millau. La côte est longue. Je marche. Denis en a marre. Je n’avance plus. Ou est le plaisir ?. Je pense à l’arrivée et je n’éprouve plus rien. C’est trop dur. La descente, c’est pire. Pire que la montée ou je contrôlais mon rythme. Là je dois me freiner. Et je peux plus. Mes cuisses me brûlent. La descente est raide. Denis en profite pour faire une petite pointe de vitesse dans cette longue ligne droite. Je suis seul. Chaque pas me provoque presque un cri de douleur. Enfin, la délivrance, ça remonte vers Creissels. Je me remets à courir. Je n’ai même pas la force de faire le détour de 20 mètres pour aller me ravitailler à la salle des fête du village. Denis s’en charge. Je continue. Les lumières de Creissels puis de Millau me redonnent des forces. Je passe sur la piste cyclable, le pont qui enjambe le Tarn. Il me reste 2 Km pour remonter jusqu’à la place de la Victoire. Je remonte par les trottoirs, dans l’indifférence, jusqu’au Mandarous. La dernière ligne droite. Un concurrent me double au sprint. Je suis perplexe : quel intérêt ?. Enfin, je rentre dans le parc. Sandra me rejoint à 50m de l’arrivée. Elle croit que je vais courir. Je ne peux plus. L’arrivée est là, devant moi. Un détail : à Millau, tout le monde arrive sur le podium mais pour arriver sur le podium, il faut …monter sur le podium. Quelques marches et un plan incliné. L’horreur. J’ai failli finir à 4 pattes. C’est fini. La photo d’arrivée, le diplôme dans les minutes qui suivent et pour cette 30ème édition un superbe « Dupond-Durand » (statuette en terre cuite, spécialité locale) d’un coureur qui ornera mon salon.

1 commentaire

Commentaire de Cyrille posté le 19-10-2008 à 19:57:00

Yo Yoyo,
je ne me souvenais plus si j'avais lu ce CR...et bien non. Et j'ai l'impression que tu me l'a raconté pendant le Millau 2008. Ça sonnait pareil et c'était bien.
Cyrille.

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