L'auteur : Pilouf
La course : Sur les Traces des Ducs de Savoie
Date : 30/8/2017
Lieu : Courmayeur (Italie)
Affichage : 1512 vues
Distance : 119km
Matos : Hoka Speedgoat
Raidlight Responsiv 10L
Objectif : Objectif majeur
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D'habitude je m'exprime plutôt en vidéo, mais n'ayant pour une fois pas embarqué ma gopro j'ai décidé de me lancer pour le première fois dans l'exercice du récit :
Jeudi 25 août 2016 – 2H30 du matin, je rumine sur la banquette arrière du 4x4 qui me redescend du Col du Joly jusqu’au Contamines pour récupérer la navette qui me ramènera sur Chamonix. Après un départ sans préparation (je n’ai pas couru depuis début mai à cause d’une tendinite/bursite au niveau de la hanche qui ne veut pas passer), je suis obligé d’abandonner à cause d’un releveur en feu, signe d’un corps pas vraiment prêt à affronter les rugueux chemins de la TDS. Ces quelques 20 heures de courses ont néanmoins été un régal, avec des hauts, des bas, et déjà une vraie leçon sur la gestion d’un ultra. Il ne me faudra pas longtemps pour me décider, en 2017 je reviendrai, prêt comme jamais.
Janvier, le tirage au sort le confirme, je serai bien à Courmayeur le 30 août prochain. S’en suit alors une grosse préparation hivernale en mode prépa marathon pour prendre de la caisse et surtout de la vitesse avec au final :
- Une perf à Berlin : 1h18 au semi
- Un gros raté au marathon de Nantes : 3h30 après avoir craqué au 30e alors que j’étais sur les bases de 2H50 (avec du recul je n’ai pas mangé assez de sorties longues typées marathon).
Fin de l’hiver, on rechausse les speedgoat et on repart en montagne manger du D+.
Niveau compèt c’est un échec :
- Abandon au 70e sur l’ultra des coursières avec 2 gros orteils très abimés à cause d’un mauvais laçage (avec du recul, je n’ai pas abordé cette course avec le sérieux qu’il fallait),
- Abandon au 45e sur le Tour du Glacier de la Vanoise avec une grosse entaille (4 points de suture pas jolis) à la main après avoir dit bonjour d’un peu trop près aux rochers, mais avec de très très bonnes sensations sur la partie du parcours effectuée.
En revanche niveau OFF je me régale avec les potes :
- Mi-juin => Une traversée de la Chartreuse en 2 jours : 95km – 6300D+ (Récit vidéo)
- Début Août => Tour de l’Oisans (GR54) avec variantes en 5 jours : 220km – 14000D+ (Récit vidéo)
3 semaines avant l’échéance, place à la récup et à l’assimilation. Objectif : arriver avec les crocs le jour de la course.
29 août 2017 : accompagné de mes parents qui me suivront sur la course pour me faire l’assistance et le soutien morale, je me rends à Chamonix pour le retrait des dossards. RAS si ce n’est une lampe frontale de secours qui décide de faire des siennes et mettra 20 longues secondes (pendant lesquelles je me vois mal refaire toute la queue une 2e fois) avant de s’allumer. Finalement tout se passe bien, on récupère le tee-shirt qui va bien, on parcourt rapidement le salon du trail et on jette un petit coup d’œil à la veste finisher, exit le sac poubelle, la version 2017 motive un peu plus à rallier l’arrivée. Sur le retour à St Gervais, SMS de l’orga : pas de parcours de replis mais pluie annoncée dans la nuit de mercredi à jeudi, pas de quoi s’alarmer.
30 août 2017 – 3H30 du matin [Jour de course], j’enfile un petit dèj (pas trop lourd, faut pas oublier que ça part en monté), une petite douche pour se réveiller, et on grimpe dans la voiture direction l’Italie. A Courmayeur, c’est déjà la grosse effervescence ! Il y a du monde partout, les mots du speaker résonnent dans les hauts parleurs, un coup en français, un coup en anglais, un coup en italien, mine de rien cet environnement international met rapidement dans l’ambiance qu’on le veuille ou non. Un bisou aux parents qui m’ont accompagné jusqu’au sas de départ (merci de vous êtes levés si tôt – ce n’est pas des vacances ça) dans lequel j’entre 30 min avant le départ. Je ne me place pas trop loin, et tombe directement sur un collègue de Lyon avec lequel nous échangeons nos plans de course. On vise tous les 2 moins de 22h, je lui dis que si ça passe, le TOP100 ne sera pas loin (objectif avoué avant le départ). Les 30 minutes passeront rapidement (surtout quand tu dois vider tout ton sac car un groupe de contrôleurs t’as dans le viseur). Un petit message de Catherine Poletti, on lance la BO de Pirates des Caraïbes et c’est parti !! [Enfin me direz-vous J]
Dès le départ, je sens que les jambes sont là ! Les premiers sursauts sur le bitume de Courmayeur passent très facilement (je repense à l’année dernière alors que j’étais déjà en train de marcher sur ce secteur) et c’est assez serein que j’attaque la piste de ski qui doit nous mener au col Chécrouit. Finalement après ce début de course en zigzag, je me retrouve toujours aux côtés d’Antoine (le collègue de Lyon de la ligne de départ), on met un peu de rythme mais on grimpe les 400 premiers mètres de D+ en discutant et cette partie du parcours (loin d’être la plus intéressante) passe assez vite. Il finit par accélérer un peu avant le ravito et c’est déjà dans ma bulle que je poursuis ma route avec pour objectif d’avancer le plus possible avant que la chaleur n’arrive. Je finis par atteindre le premier ravito, j’attrape un verre de coca, un bout de charcuterie très appétissante (vive l’Italie) et là je tombe sur un énorme plateau de pastèque (et ça c’est nouveau). Sur le coup j’en rigole, car en voyant Pau Capell (le vainqueur de l’an dernier) s’enfiler des gros morceaux de pastèque à Bourg Saint Maurice sur le résumé vidéo, j’en ai acheté une bonne part au marché pour en manger sur les ravitos avec assistance, finalement j’en trouverai sur tous les ravitos.
Au final, une petite minute d’arrêt (il n’y pas encore trop de monde près des tables) et je repars à l’assaut de l’arrête du Mont Favre. Cette partie est déjà beaucoup plus roulante que la précédente, et à l’aide des bâtons on peut facilement relancer sur les parties en faux plats. Petite déception en sortant de la section un peu boisé, le Mont Blanc se cache derrière les nuages et la vue n’est pas aussi magnifique que l’an passé. Après une petite descente, la pente s’inverse à nouveau pour atteindre l’arrête du Mont Favre. Des écarts se sont déjà formé ce qui laisse la place de prendre son propre rythme (l’an passé c’était à la queue leu leu que j’avais traversé cette section). Finalement sans avoir l’impression de trop appuyer, je finis par reprendre Antoine et aperçois Maud Gobert (qui terminera 2e féminine) quelques mètres au-dessus de moi juste avant d’atteindre le sommet de l’arrête. Les sensations sont bonnes, mais je m’oblige à ne pas m’enflammer car je sais la route encore longue.
J’enchaîne directement la descente qui suit avec Antoine dans la foulée. 2 mecs nous dépassent pleine balle, nous gardons un rythme plus calme en prenant soin de préserver les quadris et en surveillant les appuis car la pente est plutôt raide et certains passages sont piégeux. Comme l’année dernière, un groupe de supporter s’est massé en sortie du sentier, ça fait du bien de retrouver un peu d’encouragements après cette partie passée sans croiser grand monde. Un long plat (que je soupçonne en léger faux plat montant) sans difficulté technique nous mène jusqu’au ravitaillement du Lac Combal et nous permet d’admirer dans les étendues d’eau que nous croisons le reflet des sommets du Mont Blanc qui enfin se découvre. Ce coin (plutôt accessible d’ailleurs) est vraiment magnifique.
Contrairement à mes habitudes (j’essaie de plus en plus d’optimiser cette partie), je ne m’attarde pas au ravitaillement, juste le temps d’avaler une première soupe, un verre de coca et quelques morceaux de pastèques (je ne charge même pas mes flasques car je sais qu’il y a de quoi faire le plein à Alpetta – c’est l’avantage de connaître le parcours) et repars rapidement, Antoine toujours dans la roue. La montée jusqu’au Col Chavannes s’effectue au rythme (qui est toujours bon) car il est de toute façon impossible de doubler sur cette partie, les chemins n’étant pas larges et dans une zone protégée, et la montée sèche s’effectuant jusqu’en haut sur un single. [Je serais étonné en reparcourant livetrail d’avoir gagné 19 places sur cette section, juste en faisant un ravito rapide car il n’y avait pas foule en arrivant].
En haut du col les jambes sont toujours bonnes, mais je laisse néanmoins filer Antoine le temps de manger une barre car je sais la portion jusqu’au Col du Petit Saint Bernard encore longue. Je me lance à mon tour dans la descente de ce nouveau vallon encore une fois magnifique et qui doit nous mener jusqu’à Alpetta. 9km assez roulant, je sais que c’est long et me cale entre 12 et 13km/h pour ne pas tout de suite me cramer. Autant vous dire que mes oreilles ont sifflés tout du long. Un nombre incalculable de coureurs se met à me rattrapper et à me lâcher rapidement (ils doivent descendre entre 14 et 15km/h), mais je reste fixer sur ma stratégie malgré de bonnes jambes. Avant de descendre séchement sur Alpetta, je fais une pause pour avaler quelques amandes, une compote et recharger mes flasques dans la source qui n’a pas disparu depuis l’année dernière. Ce « ravito sauvage » me fait perdre encore quelques places mais je préfère prendre les devants car je sens un coup de mou pointer le bout de son nez. Et BIM, en pleine face !! J’effectue la remontée jusqu’au Col du Petit Saint Bernard dans le dur ou plutôt dans le mou, car les jambes sont encore bonnes mais je me sens un peu vidé. J’essaie de limiter la casse en relançant malgré tout sur les parties plus planes, je souris à mon père descendu un peu sur le parcours et qui me prends en photo, je serre les dents sur le raidard au dessus du Lac Verney et reprends un peu de poil de la bête grâce aux encouragements de ma mère postée juste à l’entrée du ravito (ça fait du bien de les retrouver après mine de rien déjà 5 heures de courses) mais surtout en dévalisant les assiettes de fromages, saucisson, gâteau qui se présente devant moi (les mauvaises habitudes finissent toujours par nous rattrapper). En cumulant une gestion de course prudente et un coup de moins bien non prévu, je perds ni plus ni moins 55 places sur cette longue section.
C’est le ventre plein mais du coup vraiment trop plein, car les sensations sont vraiment mauvaises à cet instant, que j’aborde la longue descente sur Bourg Saint Maurice (15km – 1400 D-). Il fait de plus en plus chaud à mesure que nous descendons, je perds encore quelques places mais les dégâts sont moindre et je retombe même sur Antoine avec qui je vais terminer cette descente. Un espagnol nous reprend et je décide de m’accrocher à son rythme pour sortir de ma léthargie, Antoine décide de s’accrocher. Nous entrons finalement dans une partie un peu plus boisé et donc un peu plus ombragé mais il fait quand même de plus en plus chaud à mesure que nous perdons de l’altitude. Je préviens Antoine qu’une source coule dans un grand bac juste avant St Germain et que nous allons pouvoir nous rafraîchir. Nous n’y manquons pas en plongeons littéralement la tête la première dans ce bac. Finalement, au fil de la descente les sensations reviennent et le moral avec. La descente me semble bien moins interminable que l’an passé, et nous rejoignons rapidement Séez où un nouveau point d’eau a été installé. Je n’hésite pas une seconde et replonge à nouveau tête la première dans le bac qui s’offre à moi (je sais de toute façon que je serais sec dans les 5 minutes qui suiveront). Les jambes, elles sont toujours bien là, j’ai l’impression qu’elles sont encore neuves ce qui me permet d’avancer rapidement dans le parc municipal (je prends une fois le temps pour une douche sous le tuyau d’une agent municipal qui arrose les pelouses) et arrive au ravito de Bourg Saint Maurice en pleine forme avec Antoine. En remarquant la webcam du livetrail je m’amuse même à lancer un petit DAB qui fera bien rire les copains. Au final, quelques places encore de perdus mais une forme éclatante et une grosse envie d’en découdre avec la suite du parcours.
Mes prévisions prévoyaient une arrivée à Bourg en 7h, j’ai donc près de 30 minutes d’avance. Je réalise que je m’en suis donc pas trop mal sorti et qu’en plus je me trouve assez frais. Ma mère, qui de peur de me louper s’est abonné au SMS de suivi, m’indique avec appréhension ma place et donc que je suis assez largement sorti du TOP100 que je m’étais fixé, mais je reste serein car je suis malgré tout en avance sur mes prévisions et sais que je devrais rattrapper du monde sur la 2e partie du parcours. En attendant mon père assure le ravito, c’est une première avec quelques loupés (boisson iso dans les 2 flasques au lieu d’une et j’ai pu cherché longtemps la compote que je lui avais demandé de me mettre dans le sac J ) mais ce n’est pas grand-chose face au confort moral qu’apporte un suivi tout au long du parcours (l’an passé j’étais bien seul dans ma galère).
C’est plein d’en-train que je repars alors à l’assaut du gros morceau de cette TDS : la montée au passeur de Pralognan et ses presques 2000 D+. L’avantage, c’est que je la visualise bien. Une première partie raide mais à l’ombre, jusque là tout va bien. Je croise malgré tout quelques mecs déjà à l’arrêt, voir au téléphone discutant abandon (ça me rappel encore une fois l’an passé où sous la canicule un grand nombre de coureurs avait abandonné sur cette partie). Une deuxième partie raide et à découvert et là ça se complique. Je ralentie alors le rythme et me rappelant qu’il vaut mieux être lent qu’à l’arrêt… mais cela n’empêche pas quelques pauses. J’ai heureusement fait le plein d’eau en bas en embarquant 2 petites bouteilles d’appoint que je vide en m’arrosant d’une part et en coupant le goût sucrée de la boisson iso (désormais dans mes 2 flasques ...) qui passe moins bien avec la chaleur d’autre part. Je finis tant bien que mal à atteindre le premier checkpoint au fort de la Platte, et je tombe à nouveau sur Antoine qui avait quitté le ravitaillement du Bourg un peu avant moi. Il repart alors que je prends le temps d’une nouvelle douche froide avant de repartir en sachant le plus dur effectué.
Je suis tellement soulagé d’avoir passer le Fort que j’en repars sans mes bâtons. Heureusement je m’en aperçois assez rapidement et ne perds que quelques minutes dans cette histoire. La suite de la montée est beaucoup moins raide jusqu’au col de la Forclaz, la chaleur commence à retomber (nous aurons malgré tout été plutôt épargné par rapport à 2016 même si j’ai toujours autant de mal à gérer ce paramêtre), et je commence à pouvoir relancer sur cette nouvelle partie. Je finis par reprendre Antoine sur la petite transition autour d’un lac et il m’annonce avoir un gros coup de moins bien et qu’il ne va pas pouvoir prendre la roue. J’appendrais malheureusement un peu plus loin qu’il a abandonné au Cormet à cause d’une déshydratation. De mon côté tout va pour le mieux, je grapille encore quelques places et finir par atteindre le Passeur de Pralognan. J’aurai eu besoin de 3H20 pour franchir ces 2000m de dénivelé alors que je m’étais fixé 3H10, je suis dans le rythme même si je ne regarde plus vraiment mes temps de passages.
Après m’être fait pointer je bascule directement dans la descente. Le début s’effectue à l’aide de mains courantes mais on est quand même loin de la désescalade et j’atteins rapidement la partie en sentier. Si celle-ci m’avait fracassé les jambes l’année dernière, je la passe relativement bien cette ce coup-ci. En revanche je suis bien seul durant toute cette descente, les écarts se sont vraiment creusés et je me dis que si je dois reprendre des places, à partir de maintenant ce sera au compte-gouttes. En bas de cette descente je reçois les encouragements de David (qui assure l’assistance d’Antoine), ce qui rompt un peu la solitude (pas désagréable non plus) de cette dernière portion. J’arrive à bien relancer sur les 2km de plat qui me conduisent jusqu’à la base vie du Cormet de Roselend et en profite pour reprendre 3 mecs qui ne courent que par intermittence. Arrivé au Cormet, je reçois une grosse salve d’encouragements, apparemment ma mère à sympathiser avec une équipe de belges et je commence à me constituer un vrai fan club. En tout cas ça booste et j’entre dans la base vie toujours en forme même si les jambes se durcissent un peu, mais après 66km rien d’anormal.
Même si j’ai prévu ici 25min de pause, j’essaie de ne pas trop traîner pour ne pas trop refroidir les jambes. J’essaie également de ne pas trop m’empifrer car l’an passé j’avais trop mangé et la digestion qui s’en était suivi m’avait bien pompée niveau énergie. Je me contenterai de la portion de pâtes dont on peut profiter ici, d’un peu de pastèque et je reposerai le snickers dans son assiette en voyant l’oeil quelque peu réprobateur de mon père qui s’est posté derrière les barrières limitant l’accès aux supporters. Je prends le temps d’échanger sur mes sensations avec mes parents et 15 minutes après être arrivé je repars à l’assaut du Beaufortin.
L’an passé je repartais à 21h du Cormet, dans la nuit tombante, et avais été frustré de ne plus pouvoir observer les paysages qui s’offraient à moi alors que je ne les connaissais pas. Autant vous dire que mon moral déjà au top à ce moment n’est pas retombé lorsque me suis rendu compte qu’il n’était pas encore 17h et que sauf accident je pourrais rejoindre le Col du Joly sans sortir la frontale. C’est au petit trot que je me suis alors lancé sur les premières pentes du col de la Sauce avant qu’elle ne s’élève trop fortement. Je savais que ce col passait facilement, je n’ai donc pas hésité à remettre un peu de rythme, ce qui m’a permis de reprendre 3 places avant le sommet sans trop savoir si ces personnes étaient arrivé avant ou après moi au ravito, mais à partir de maintenant je n’allais plus trop me poser de questions pour juste profiter du moment. On fera les comptes plus tard. Passé le col de la Sauce on entre alors dans le Beaufortin pur et dur. Les paysages sont sauvages, variés et on prend un énorme plaisir à évoluer dans cet espace surtout quand les jambes sont là. La première partie de la descente est plutôt ludique, puis la pente devient un peu plus sévère, je continue alors à reprendre quelques places et signe que mon rythme est bon, les mecs se mettent d’eux-mêmes sur le côté pour me laisser passer. Une fois quelques lacets avalé, on emprunte des petits ponts en bois nous permettant d’éviter des zones humides puis arrivons rapidement au passage du Curé. L’endroit est juste superbe, un sentier taillé dans la roche avec un torrent passant en contrebas (y’a un peu de vide quand même). La descente se poursuit pour arriver au checkpoint de la Gittaz, où un point d’eau nous attend.
Je ne m’attarde pas et repars en direction du col 600m plus haut. La première partie est plus raide, j'aperçois des remontées mécaniques et me demande s’il s’agit de la station d’Arêches, mais je ne tergiverse pas trop car j’ai un petit groupe de 5 en point de mire et espère faire la jonction avant le col. En sortant du single qui marque la fin de la première partie, je me retourne et aperçoit ce qui doit être le lac de la Gittaz, le spectacle est superbe. On rejoint alors une large piste carrossable qui nous mènera quasiment jusqu’en haut. J’active alors un mode marche nordique grâce à mes bâtons. Frais on doit pouvoir courir, je suis même sûr que les premiers ne doivent pas se gêner sur cette portion, mais à ce stade je me contenterai de la marche. J’avale rapidement le groupe que j’avais en point de mire et en dépasse un second juste avant le pointage d’entre Deux Nants, ce qui me permets de gagner 8 places sur cette montée même si je n’ai toujours aucune idée de mon classement à ce moment là. Je prends le temps de boire un coca et de manger une barre gentiment proposé par un bénévole mais aussi de parfaire mon anglais en expliquant la suite du parcours à une anglaise un peu en perdition.
Je reprends la route avec pour nouvel objectif le col du Joly. Je me souviens que l’an passé on l’apercevait rapidement une fois le col de la Gittaz franchi, mais qu’il fallait faire un grand détour sur la droite plutôt que d’y aller tout droit sans trop comprendre. De jour, c’est vrai qu’on comprend plus facilement le chemin à parcourir. On entreprend alors le contournement d’un vallon pour rester à peu près à hauteur de l’objectif. Ici les chemins sont assez techniques car très caillouteux, mais la pente est douce ce qui m’a permis de courir la majorité du temps. Un bon raidard pique un peu les jambes avant de rejoindre un beau balcon puis une crête jusqu’au col. Alors que je commençais à prendre l’habitude de remonter les coureurs sans me faire reprendre, une féminine a déboulé derrière moi juste avant d’atteindre la tente du ravitaillement. Sympa elle me glisse un mot en me dépassant mais sous le coup de la surprise je n’ai rien compris et n’ai pas réagi. En faisant travailler mes méninges j’ai finalement reconnu Lucinda Bartholomew, annoncée parmi les favoris, et que j’avais croisé mal en point bien plus tôt dans la descente sur Bourg Saint Maurice. Elle semble avoir bien récupéré puisqu’elle ne s’arrêtera quasiment pas au ravitaillement et me mettra 45 minutes sur les 35 derniers kilomètres (chapeau quand on sait qu’elle n’est qu’Espoir …). En attendant il me reste aussi 35km et mon père m’attends pour me faire l’assistance aux Contamines, 10km plus loin et 800m plus bas.
Même si je n’ai pas trainé en route, la nuit finit par me rattraper dans la descente. Je prends le temps de m’arrêter pour sortir la frontale car nous nous engageons dans la forêt, il fait de plus en plus sombre et il y a de plus en plus de racines, ce ne serait pas le moment de se faire une cheville. Je ne croiserai pas grand monde dans cette descente et les 3km de plat nous menant de Notre Dame de la Gorge jusqu’au ravitaillement des Contamines m’auront semblé bien long même en assurant un rythme de course au-dessus des 10km/h, signe que la fatigue a finalement pointé le bout de son nez. Grosse ambiance en arrivant dans le village, nous sommes assez espacés et les personnes en terrasse de bar nous réserve une ovation individuelle permettant d’avancer un peu plus légèrement jusqu’au ravitaillement. J’y rejoins mon père qui m’apprend que je suis entré dans le TOP100 au ravitaillement précédent, j’avoue que je pensais bien avoir plus de marge mais j’accueille néanmoins cette nouvelle positivement et vais repartir avec l’envie de défendre cette place. Je prends quand même le temps de me ravitailler, peste un peu contre l’orga qui refuse que mon père remplisse mes flasques à ma place car il n’avait pas prévu d’eau plate. Je m’enfile encore de la pastèque, un peu de purée de patate douce, un petit massage des cuisses et mollets et en 15min je suis reparti, un vrai stand de Formule 1.
Je traverse les Contamines avec le soutien du nouveau fan club que ma mère a motivé (elle est décidément très forte) et en accordant une interview à mon pote Alexis qui séjourne ici en attendant de prendre le départ de l’UTMB (il finira 76e sous les 28h, chapeau l’artiste !). En discutant avec lui, on constate que je suis relativement frais, les idées sont claires et l’énergie est là. Les lumières de la ville s’éloignent et je me lance en direction du chalet du Truc, point d’étape avant l’ascension finale vers le col du Tricot que tout le monde redoute plus ou moins sur cette fin de course (et oui on va finir par y arriver). Je reprends rapidement un coureur sans bâton qui galère un peu dans les premières pentes vraiment raides en sortant des Contamines. Je ne sais pas pourquoi je m’étais m’y en tête que cette partie était facile car c’est loin d’être le cas. Rapidement je me retrouve à nouveau seul, mais je sens mon rythme baissé progressivement. Je finis par rejoindre le Chalet du Truc, regarde ma montre calé sur le mode altitude - 1720m - cool, plus que 400m jusqu’au Tricot, finalement ça ne va pas être si terrible que ça. J’aperçois déjà les frontales qui s’éparpillent dans la montée jusqu’à une énorme frontale qui est en fait un phare installé au sommet pour l’occasion (je ne sais pas si l’objectif et de démoraliser ou de motiver les coureurs mais sur le coup ils ont l’air sacrément haut ces 400m de D+). Je continue de progresser dans le hameau et plus j’avance, plus je comprends l’entourloupe qui se trame. Avant de se lancer dans le Tricot, on emprunte une descente (150 D-) ce qui nous fait attaquer l’ascension pas vraiment au même niveau que celui auquel je me trouve à cet instant. En descendant le sentier, mon moral en fait de même, surtout que des frontales commencent à pointer dans mon dos. Je sens le TOP100 plus que menacé à cet instant et plutôt que de serrer les dents dans cette dernière montée, je m’effondre littéralement et n’arrive pas à suivre les mecs qui me doublent. Plus je monte, plus j’ai l’impression de voir le serpent de lumière qui s’est formé derrière moi grossir. Il est quelque chose comme 23h et j’ai toujours chaud, mes flasques sont vides et le phare qui me nargue depuis le début n’a pas l’air de se rapprocher. Je finis par tomber sur un petit filet d’eau qui coule le long du sentier, je ne réfléchis pas à s’il y a des alpages dans le coin, je remplis une première flasque tant bien que mal et me la vide sur la tête, j’en remplis une 2e et la bois d’une traite et repars sans trop penser à remplir une 3e fois. Cette pause aura au moins eu le mérite de me remettre à peu près les idées en place, et c’est d’une traite que j’avale les 200 derniers mètres de D+. Quel soulagement d’arriver en haut même si j’ai perdu quelques places dans la montée et aussi le compte. J’en profite pour demander au pointeur un peu d’eau (mais pas mon classement), il me répond qu’ils n’ont rien mais qu’un torrent coule un peu plus loin. Mais oui, je suis con, j’ai reconnu la partie qui suit avec mon père 2 jours avant et sais que je pourrais faire le plein à proximité de la passerelle qui passe au-dessus du glacier de Bionnassay.
Même si je la connais, la descente m’avait semblé bien plus facile 2 jours auparavant avec des jambes fraîches. Je la descends tant bien que mal, mais suis obligé de faire une pause pour changer la batterie de ma frontale (aucune idée de pourquoi elle n’a pas tenu ses 8h habituels). Je prends le risque de faire le changement en mode commando, c’est à dire en allumant pas ma lampe de secours et en me plongeant dans le noir le temps de faire l’opération de débranchement/rebranchement. Ouf, pas de pépins, je peux repartir mais la nuit noire annonce un ciel bien couvert. J’atteins la fameuse passerelle, fais le plein en eau et en profite pour me faire à nouveau doubler par une féminine qui revient fort. Une fois la soif étanchée, j’en profite pour manger un bout car mon coup de moins bien a vraiment du mal à passer. Je lutterai encore un peu pour passer le sursaut juste après la passerelle mais l’énergie reviendra avec les chemins un peu plus plat mais néanmoins escarpés qui nous mènent jusqu’à la gare de Tramway de Bellevue (non je n’hallucine pas et ne suis pas revenu à Nantes, je parle du Tramway du Mont Blanc). Un petit raidard jusqu’au pointage, mais dans la tête je sais que c’est le dernier. J’en profite pour demander mon classement et on m’annonce 98 ou 97 si on enlève le mec allongé sur la table derrière en train de se faire bander. Gros ouf de soulagement, j’avais finalement pris plus de marge que prévu en doublant pas mal de mecs au ravito des Contamines (bon finalement j’étais même 94e, le gars avait dû oublier ses lunettes). Sur le coup je suis reboosté et chausse mes skis pour descendre jusqu’aux Houches.
Enfin bon, ça c’est ce que j’aurai bien aimé faire sur le coup car la descente emprunte au début une piste bien raide puis un chemin en sous-bois qui l’est tout autant et les mètres de D- ne défilent pas rapidement sur le cadran de ma montre. La bonne nouvelle, c’est que j’ai relancé la machine et qu’un seul gars me rattrappe en attaquant le bitume signifiant la fin de la descente alors que je double moi-même un mec qui n’arrive plus à courir (+1 -1 statu quo). Je retrouve mes parents aux Houches avec le sourire et la speakerine qui assure l’ambiance m’encourage à me dépêcher pour finir en plaisantant sur le fait que ma mère commence à fatiguer. Par réflexe je regarde ma montre bloqué sur l’altitude depuis les Contamines et me rends compte qu’il n’est qu’1h du matin. Je rebascule alors sur le mode chrono car j’ai la flemme de me lancer dans des calculs à cette heure-là et j’en suis à 19h de course. Je réalise que j’ai une avance phénoménale sur mes prévisions (je ne m’en suis plus soucié depuis Bourg Saint Maurice) et que si je me bouge le cul sur la dernière partie du parcours, je peux peut être passé sous les 20h.
C’est avec ce nouvel objectif que je me lance sur la section Les Houches - Chamonix, sans l’avoir reconnu mais en sachant que c’est roulant mais casse patte. J’essaie alors de m’imposer un rythme minimum de 11km/h sur le plat, de courir les faux plats montant et de prendre les descentes comme elles viennent. Et par magie, ça passe ! Les jambes répondent parfaitement malgré la fatigue, je reprends rapidement le mec qui m’avait passé en arrivant aux Houches en le motivant à m’accrocher pour passer les 20h mais je pousse tellement qu’il n’arrive pas à prendre le wagon. J’avais peur de subir fortement cette partie que tout le monde annonçait inintéressante, et en me fixant ce nouvel objectif inespéré au départ, les km défilent plutôt vite. La partie en forêt s’achève et je commence à sentir le poids de la course dans les jambes. Heureusement je passe le panneau marquant l’entrée dans Chamonix, et en me forçant à courir dans un dernier faux plat montant je me fais encourager par un coureur polonais lui en mode marche. Je l’encourage à relancer avec moi et c’est avec plaisir que je le vois m’emboiter le pas. Nous serons 2 pour rallier les 2 derniers km qui nous séparent de l’arche d’arrivée. Quelques mètres plus loin nous rattrapons un autre coureur et essayons de le motiver pour finir à 3 mais il n’arrivera pas à relancer. Les derniers hectomètres sont interminables mais nous finissons par déboucher sur l’artère qui doit nous mener jusqu’à l’arrivée. Sur les côtés un mélange de fêtards et supporters nous assure un minimum d’ambiance (inespéré vu l’heure) sur les derniers mètres. L’arche aperçue 2 jours plus tôt au moment du retrait des dossards se dévoile enfin et un large sourire se dessine sur mon visage en croisant celui de mes parents qui m’auront suivi du début jusqu’à la fin. Plus grand monde sur cette ligne d’arrivée, le speaker est parti dormir depuis longtemps mais quel plaisir de se congratuler avec les quelques coureurs arrivés dans les minutes précédentes ou suivantes.
Au final : 91e et 19h50 de course. Objectifs initiaux remplis malgré une grosse densité de coureurs sous les 20h par rapport aux années précédentes. La satisfaction n'en est que plus belle.
5 minutes plus tard, la fatigue est déjà retombée lourdement dans les jambes et c’est dans une démarche plus vraiment assurée que je vais retirer ma veste finisher. Au final, je suis plus que satisfait de ma course. Même s’il y a eu quelques coups de mou, les jambes ont répondues présent du début jusqu’à la fin (signe d’une préparation réussie - à confirmer sur une prochaine course). Je n’ai pas non plus eu l’impression de trop subir la course, ce qui m’a permis de prendre énormément de plaisir et à peine la ligne d’arrivée franchie, l’envie d’un prochain défi était déjà là.
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9 commentaires
Commentaire de shef posté le 07-09-2017 à 10:50:52
Bravo pour ta course !
Commentaire de Titus73 posté le 07-09-2017 à 11:15:14
Un super like pour ton récit et un grand bravo pour ta course. Je me retrouve complètement dans tes sensations tout au long de la course: le départ et le coté roulant presque des débuts jusqu'à l'Chavannes, l'arrivée sur PSB et la descente sur BSM avec la chaleur qui monte, la suite à partir de la Platte. J'aime beaucoup la description que tu fais du passage de jour de la Gittaz jusqu'aux Contamines, je n'ai rien vu avec la nuit qui était tombée pour moi et ca change énormément dans le ressenti. Tu es bati pour l'Ultra, ca se sent dans ton récit et j'imagine bien que l'UTMB t'appelle, n'est ce pas?
Bravo encore
Commentaire de Pilouf posté le 07-09-2017 à 17:36:40
Merci pour le message c'est sympa ! J'espère que tu as pris autant de plaisir que moi sur cette TDS. Pour l'UTMB je n'aurai pas les points à cause de mes différents abandons cette année et je ne pense pas aller les chercher sur cette fin d'année (il faut être raisonnable pour durer). Mais il y a beaucoup d'autres courses qui m'attirent en attendant, donc ce n'est que partie remise :)
Commentaire de Renard Luxo posté le 07-09-2017 à 13:02:42
Impressionnante ta course, super gestion et quelle performance au final ! Félicitations et R-V p-ê en 2018 sur la grande boucle :-)
Commentaire de Pilouf posté le 07-09-2017 à 17:39:10
Merci, bravo pour ta course également et ta belle progression. Je pense t'avoir vu de loin à la remise des dossards d'ailleurs mais comme j'étais à l'autre bout de la file ce n'était pas évident pour t'interpeller. Tu penses te détourner de la TDS l'an prochain ?
Commentaire de galette_saucisse posté le 07-09-2017 à 20:53:14
Bravo pour ce récit. Quelle course! Chapeau pour taper le top100!
Commentaire de Benman posté le 07-09-2017 à 22:06:06
Bravo, très belle course et récit qui fait bien revivre l'aventure. Par contre, je ne sais pas si c'est mon navigateur, mais les images ne s'affichent pas (ni sur le téléphone d'ailleurs).
Commentaire de Pilouf posté le 07-09-2017 à 23:27:26
Oui je pensais avoir tout bien fait mais apparemment non. Les images apparaissaient pourtant bien dans la preview. J'essaierai de corriger à l'occasion.
Commentaire de Runphil60 posté le 08-09-2017 à 08:11:37
j'ai lu avec beaucoup d'intérêt ton récit.Merci pour ce partage . Immense respect pour ta perf! J'ai dans l'idée d'y postuler à partir de 2018, mais ce serait avec un chrono plus raisonnable ;-)
Bonne récup et bonne fin de saison
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