Récit de la course : Sur les Traces des Ducs de Savoie 2012, par Insigma

L'auteur : Insigma

La course : Sur les Traces des Ducs de Savoie

Date : 30/8/2012

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1663 vues

Distance : 109km

Objectif : Objectif majeur

7 commentaires

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TDS 2012 : Finisher ! (et c’était bien là le principal…)

Sur mon blog : http://insigma.free.fr/blog/index.php/tds-2012-finisher-et-cetait-bien-la-le-principal

Gnocchis "a la romana" suivis d'une tarte noix et chocolat. Voici le repas très équilibré d'hier soir. Pas sûr que ces choix aient été les meilleurs mais enfin, au moins, avec Vanessa qui s'est pris une pizza et une pana cotta, on s'est régalés ! Vous l'aurez sans doute compris, nous sommes en Italie, et plus précisément à Courmayeur d'où prendra place demain une drôle d'aventure...

Jeudi 30 Août 2012, c'est le grand jour. Jour désigné comme étant celui de l' "objectif de l'année". En effet, aujourd'hui, à 7h, c'est le départ de la TDS (sur la Trace des Ducs de Savoie). 115kms, 7700m de dénivelé positif.

Sur le papier, ce n'est pas gagné. En effet, l'Ardennes Méga Trail, dernière course à laquelle j'ai participé et qui devait servir d'ultime préparation pour la TDS, ne s'est pas tout à fait passée comme prévu puisqu'abandonnée à mi-parcours.

J'appréhende donc forcément cette TDS dont les "mensurations" sont encore plus vertigineuses..

Je déjeune tranquillement à 5h, dans notre chambre d'hôtel, tandis que Vanessa termine sa nuit. Je suis plutôt zen et reposé. Il fait encore nuit noire dehors et le fait qu'aucune étoile ne soit visible depuis ma fenêtre indique que le ciel est toujours nuageux.

De toute façon, depuis 2 jours, nous savons à quoi nous attendre et ce ne sont pas les SMS alarmistes de l'organisation qui viendront contredire ce que nous annoncent les bulletins météo.

Notre hôtel est à 3 minutes de la ligne de départ, nous y arrivons donc tranquillement vers 6h45. Tout est prêt ; les tenues de rechange dans les sacs, le timing avec les suiveurs. Tout est carré, aucun grain de sable ne pourra survenir dans cette machine parfaitement huilée.. Ce n'est pas possible que les galères de l'an passé sur la CCC soient revécues (pas d'accompagnant, des affaires de rechange dans le sac complètement trempées, etc.). Bref, tout semble être sous contrôle !

Je retrouve complètement par hasard Hervé (jepipote sur kikourou) qui avait lui aussi fait la CCC l'an passé, et que j'avais croisé au détour d'un chemin. Nous discutons alors que le speaker annonce 2 minutes avant le départ. C'est aussi à ce moment-là qu'un hélico commence à nous survoler. En effet, le départ de la course est retransmis, pour la première fois, en live sur internet. La musique qui annonce le départ de la TDS retentit.

Je souffle un bon coup et ferme les yeux une dernière fois en pensant à tout ce qui m'attend pour ces prochaines 24h (enfin 24h, c'est l'objectif..)

Comme l'an passé, nous courons dans les rues de Courmayeur salués et encouragés par les lève-tôt locaux et les suiveurs.

Le col de Youlaz, qui culmine à 2661m est la première difficulté de la journée. Nous sommes quasi au pied de la montée alors que je me rends compte que j'ai oublié de mettre mes mitaines ainsi que les lanières de mes bâtons, ça commence bien :/ Obligé de trifouiller dans mon sac et de les enfiler - sans m'arrêter bien évidemment !-

La montée est large et nous voici déjà au pas pour cette grimpette de 1500D+ sur 11,5kms.

Hervé est toujours à mes côtés, nous montons sereinement vers le sommet sur ce chemin dont la pente n'est pas trop prononcée. Il semble y avoir des centaines de valeureux devant nous. Et tout autant derrière.

Le chemin large et roulant laisse subitement la place, après le col de Chécrouit où je suis pointé en 711ème position, à un sentier bien moins roulant. Et le pire est à venir..

Effectivement, Hervé qui avait vu les photos de la montée vers le col de Youlaz et lu les récits de l'an passé m'avait prévenu ; on monte dans un pierrier très escarpé dont certains ont mis 40 minutes à se sortir étant donné que ça bouchonnait.

Rebelote donc. Idem qu'en 2011, les 1465 partants (hormis les premiers probablement) sont au ralenti dans cette portion... A cela s'ajoute la pluie qui se fait de plus en plus présente depuis quelques minutes. Nous avons déjà enfilé nos vestes de pluie.

Les éternels impatients n'en peuvent plus de cette attente inadmissible, ils doivent avancer coûte que coûte, alors ils s'écartent du chemin et filent tout droit dans la pente en prenant des risques inconsidérés et en s'attirant les foudres de certaines des personnes autour de moi, les patients. Les patients donc, qui n'hésitent pas à leur dire ce qu'ils pensent, ou, comme moi, qui pensent intérieurement que ce n'est pas les 2 minutes qu'ils vont peut-être gagner ici qui changeront quoi que ce soit au résultat final, sans compter que monter droit dans la pente sur ce terrain est forcément épuisant.

C'est alors que se passe quelque chose d'extraordinaire, une de ces choses dont on sait forcément qu'elle sera racontée dans un récit de course..

J'ai donc exposé plus tôt les faits ; bouchons, queue leu leu, impatients qui "grugent".

Et là, un homme, un participant, dont je souhaiterais vivement retrouver la trace pour lui envoyer un message de félicitations pour ce qu'il a fait, a pris la parole. Quand je dis "pris la parole", je veux plutôt dire qu'il a gueulé. Et il était bien à 100m de là où j'étais.

De sa position, il dominait toute la file de coureurs et voyait parfaitement ce qui se tramait plus bas.

Il a gueulé donc. "QU'EST-CE QUE VOUS FOUTEZ LA ??? VOUS POUVEZ PAS ATTENDRE VOTRE TOUR ? ON EN EST TOUS AU MEME POINT. ON ATTEND ET Y A PAS DE RAISONS POUR QUE CERTAINS PASSENT AVANT LES AUTRES. C'EST QUOI CE BORDEL SERIEUSEMENT ??"

Je ne me souvient évidemment pas des termes exacts employés mais c'était de cet accabit. Et autant dire que la puissance de la voix de ce gars, aditionné à l'effet "écho" provoqué par la montagne a fait s'arrêter net tout le monde, plus personne ne parlait, plus personne -et surtout les principaux concernés, les impatients- ne bougeait. Carrément énorme. On s'est regardés avec Hervé, et on est restés bouche bée devant ce qui venait de se passer. Proprement hallucinant. A ce point que j'aimerais remercier cette personne (si quelqu'un lit ce récit et a des infos, je suis preneur !)

Après cet épisode cocasse, nous atteignons le col où je retrouve un bonhomme qui nous avait gratté dans la montée prétextant qu'il avait froid et qu'il ne pouvait pas se permettre de bouchonner. Je lui glisse gentiment que "c'était bien la peine de nous doubler, maintenant tu attends ici alors qu'il fait encore plus froid que tout à l'heure !"... (l'énergumène) "mmmhhh...mmmh..."

Enfin, place aux choses sérieuses ; la grosse descente vers la Thuile où je dois retrouver Vanessa avant le ravito.

Le sentier ne permet pas de doubler facilement mais je prends déjà quelques places ici. Et bien plus encore quand le chemin devient large et roulant. Je n'aurais pas manqué, comme la plupart des coureurs je pense, de me prendre une gamelle sur une portion où il n'y avait plus vraiment de chemin et où il fallait descendre un peu comme on pouvait. De l'herbe humide, gamelle assurée. Mais pas méchante.

Nous apercevons le lieu du ravitaillement depuis de longues minutes ; j'y arrive après 3h47 d'effort, je suis classé 565ème. 150 places de gagnées sur une seule descente, c'est énorme.

Je retrouve aisément Vanessa qui entre dans la tente alors qu'elle n'était pas censée pouvoir le faire. Tant mieux pour moi, ça me permet de m'asseoir pendant qu'elle va me chercher un bouillon toujours aussi appréciable surtout qu'il pleut depuis plus de 2 heures...

Beaucoup de monde sous cette tente où je ne m'attarde pas trop. La route continue, nous allons attaquer la montée vers le Col du Petit Saint-Bernard qui marque également la frontière entre Italie et France. 600D+ étalés sur pas mal de kilomètres, la montée est donc plutôt cool. Je croise à plusieurs reprises la route qu'emprunte Vanessa en voiture et on parvient la plupart du temps à se capter ce qui rend l'aventure plaisante. Sans compter que je semble tenir une forme olympique qui me permet de faire le guignol à chaque fois. Pourvu que ça dure...

En chemin, après Pont Serrand, je retrouve une nouvelle fois Vanessa qui a recruté des supporters. Les "Allez Stany" fusent de toutes parts, je ne comprends pas bien sur le moment mais ça fait forcément plaisir !

 

Col du Petit Saint-Bernard, je comptais l'atteindre pour 13h, il est 12h52. Pas mal la planification ! Classement : 508.

Je ressors rapidement de ce ravitaillement pour rejoindre la voiture où des affaires sèches m'attendent.

Premier changement de t-shirt de la journée auquel j'ajoute une veste gore-tex sèche, elle aussi. Je prends mon temps, je suis bien, une très grosse descente sur Bourg-Saint-Maurice se profile.

 

La descente commence tranquillement sur un chemin très roulant où je dépasse déjà des concurrents. Lorsque l'inclinaison de la pente est plus prononcée, c'est là que je double encore masse de coureurs.

Je souris lorsque, arrivé, au-dessus de Saint-Germain, je reconnais le chemin emprunté avec Vanessa la semaine passée en OFF et dans l'autre sens. Me voici en terrain connu !

Le petit village de Saint-Germain nous accueille, la roue du moulin servant (très occasionnellement) est en action

Puis nous passons à Seez où je dois éventuellement retrouver Vanessa voire mon père. Ni l'un, ni l'autre, tant pis, je continue jusqu'a Bourg où, là encore, je ne vois personne. 397ème, encore plus de 100 places reprises dans la descente ; avec le recul, je trouve que c'est assez incroyable !

Je sais que je suis descendu vite, bien plus vite que prévu et qu'ils n'ont peut-être pas eu le temps d'arriver. Un rapide coup de fil à ma maman et j'apprends qu'ils ont été bloqués par un accident sur la route. Quelques minutes plus tard, je me réjouis de retrouver mon petit bout, Vanessa, et mes parents.

Entre mon arrivée rapide à Bourg et le "retard" de ma famille, le temps défile et voilà déjà 26 minutes que je suis arrêté à cet endroit. A vrai dire, ça ne m'affole pas plus que ça d'autant que je connais la suite des hostilités, et qu'il vaut mieux aborder cette énorme montée qui nous attend (1600D+ sur 9kms avant le Passeur de Pralognan) dans les meilleures conditions.

Je sors du ravitaillement, mon sac est contrôlé, et je retourne à la voiture pour reprendre je ne sais plus quoi avant la montée. Mon père m'accompagne, c'est top !

Je jette un oeil sur le panneau - que je connaissais pour l'avoir déjà vu lors de notre reco avec Vanessa - rien n'a changé, les 5 lacs sont toujours estimés dans 5h25 (!!)

Mon père fait demi-tour après 45minutes d'ascension, un peu avant le Fort du Truc.

Le Fort de la Platte où la traite des chèvres est en cours me voit passer après 1h40 de montée. Bien que j'ai repris des personnes dans cette montée, mon très long arrêt à Bourg-Saint-Maurice (entre le ravito + l'arrêt à la voiture : 45 minutes je pense) a entraîné une belle dégringolade dans le classement : 445ème.

Le premier des 5 lacs, le lac Esola, est tout proche, je reconnais l'endroit où nous avons pique-niqué deux semaines plus tôt mais pas le temps de s'attarder, je continue ma route vers le Passeur de Pralognan. Nous voyons d'ailleurs depuis quelques minutes ce passage au loin étant donné les nombreuses personnes devant moi qui s'amoncellent sur le chemin, et montent lentement vers le point culminant de la course contourné l'année dernière.

Passeur de Pralognan. 11h24 que mon chrono est déclenché, classement : 410ème.

La descente vers le Cormet de Roselend s'annonce ardue. Qu'est-ce que c'est que ce truc ???? Hyper technique, très dangereux, il faut être vigilant dans cette descente où plusieurs cordes ont été installées. Comme c'était prévisible, une personne glisse devant moi et puisqu'elle tenait la corde, entraîne les autres avec elle. Plus de peur que de mal mais je dois dire que j'ai préféré laisser de l'avance aux gens qui me précédaient afin de gérer au mieux, et surtout, seul, les cordes.

J'attends impatiemment de lire le récit de Rafouille (sur Kikourou) qui était bénévole à ce point de passage ! J'indiquerai le lien ici-même.

Plus loin, alors que la via ferrata est terminée, je m'étale de tout mon long une nouvelle fois. Pas facile. D'autant que la pluie vient de nouveau de s'inviter. Il n'est pas tout à fait 19h.

La pluie redouble d'intensité alors que j'atteins le large chemin nous conduisant vers le ravitaillement tant espéré. Je double beaucoup de concurrents au pas, la moitié d'entre eux est livide et/ou boiteuse.. Il va y avoir de la casse au Cormet de Roselend !

Peu avant le ravitaillement, mon père puis Vanessa me retrouvent sur le parcours, quel bonheur, quelle délivrance !

Le cormet de Roselend m'accueille, j'entends le speaker nous dire qu'il y aurait déjà plus de 400 abandons (??!!). J'ai froid, je tremble de tout mon long.

377ème au classement, mais dans quelles conditions !

Mes suiveurs m'apprennent qu'il y a tellement d'abandons ici que l'organisation a décidé de réquisitionner les navettes des accompagnants pour y mettre les personnes qui ont jeté l'éponge. Une véritable hécatombe.

Je dois bien admettre que sans suiveur, sans un changement complet de fringues sèches à cet endroit, j'aurais très probablement abandonné moi aussi.

Mon rhabillement complet, de la tête aux pieds, s'effectue alors que je suis assis à l'arrière de notre voiture. J'ai froid. Je l'ai déjà dit mais il fait réellement très froid et je grelotte. J'enfile 2 t-shirts à manche longues dont un très épais + une veste Vaude chaude et très imperméable achetée récemment.

En bas, j'enlève enfin mon corsair et mon short pour enfiler un collant long épais (collant que je mets en hiver !) + le surpantalon qui va permettre de ne pas tremper direct le collant. Nouvelle paire de chaussettes, et godasses.

Il est 19h45, la nuit est toute proche, j'installe ma frontale !

Mes suiveurs sont eux aussi transis de froid, je les abandonne à leur sort alors que le mien de sort est jeté, je m'engage sous la pluie, presque dans la nuit dans un long périple où je ne pourrais les voir que 5 ou 6h plus tard, 28kms plus loin... Mais au moins, j'ai chaud !

Mon enthousiasme prend une sérieuse claque, quand, 5minutes après avoir quitté le Cormet, je me rends compte de l'état du terrain ; un vrai bourbier où, au mieux, tu glisses, au pire, tu t'enfonces dans la boueVraiment pas réjouissant. J'ai déjà les pieds trempés..

40 minutes se sont écoulées depuis que j'ai quitté le dernier ravitaillement et cela est flagrant maintenant, il y a bien moins de concurrents qu'auparavant ! L'hécatombe se confirme. Le col de la Sausse est passé comme une lettre à la poste, je n'ai d'ailleurs pas vu à quel moment on a basculé mais il m'a semblé que c'était rapide. Dans la descente vers la Gitte, la nuit s'est installée, les lumières se sont allumées. Une nouvelle course commence...

Il faut redoubler de prudence car même s'il ne pleut plus, un brouillard épais a remplacé le crachin. Telle une voiture sans anti-brouillards, ma frontale éclaire le brouillard ce qui m'éblouit plus qu'autre chose. En résumé, je suis - nous sommes - obligé(s) de marcher alors que ça descend, c'est bien démoralisant quand tu sais qu'avec des conditions normales, même de nuit, tu aurais pu dévaler ces pentes...

A mi-chemin de cette longue descente, je m'aperçois que des lumières se retrouvent face à moi, "tiens, des gens se sont perdus et rebroussent chemin". Je suis rassuré en constatant qu'au stade où j'en suis, je suis toujours sur la bonne route puisque des balises se trouvent toujours là. Arrivé à ce point, je traverse un névé, le seul de la course d'ailleurs, et je "jardine" (en Français dans le texte; je cherche mon chemin) avec 4 ou 5 autres gars. Selon un gars des gens auraient débalisés puisqu'il retrouve 2 de ces balises plus loin, dans un ruisseau. Bof, allez, peut-être mais il n'y a pas 36 solutions, on repart sur le chemin qui nous semble le plus probable... 100m plus loin le balisage est retrouvé et tout le monde rassuré. Nous croiserons d'ailleurs plus bas un pompier et un bénévole remontant le chemin, balises à la main, pour corriger le tir. Selon eux, le terrain aurait raviné lorsque la pluie était au plus fort et les balises se seraient trouvé arrachées à ce moment-là...

La Gitte, 2-3 baraques, un poste de secours aussi il me semble et des bénévoles qui s'inquiètent de l'état de chacune des personnes qui arrivent là ; "tu veux t'allonger", "ça va ?"..

Il est 21h26, 321 concurrents me précèdent. Le premier, Dawa Sherpa, termine dans 11 minutes... Alors qu'il me reste près de 50kms à effectuer ^^

Le col est de la Gitte aura été le point noir de ma course. Je galère, j'ai mal. Je suis contraint de m'arrêter à plusieurs reprises, à bout de forces.

Enfin, une tente éclairée, le sommet ?

Hé bien non.. "il reste 30minutes pour le col, et 1h30 pour le Col du Joly". Ouf, gros coup au moral. Je suis clairement déphasé et décide de me poser 1 minute plus loin sur un gros rocher qui n'attendait que moi. A ce point, nous avions là encore possibilité de nous allonger, voire de dormir pour ceux qui n'espéraient probablement pas repartir.. Mais là, de mon rocher, je ne pouvais pas me résigner à m'arrêter alors que mes suiveurs m'attendaient tout au loin là-bas.. Et ça repart, timidement ! Toujours encore ces foutus bourbiers où on ne cesse de glisser, galère, galère..

Col est de la Gitte, j'y suis. Enfin je crois car je ne vois aucune indication mais le fait qu'on redescende veut tout dire ! Ouf.. Allez, le Col de Joly n'est plus qu'à 1h si j'en crois le gars rencontré plus tôt.. Ravito, ravito ! J'ai hâte d'autant que je n'ai plus d'eau dans mon camelbak et que mon jus pomme-framboise dans le bidon d'appoint ne semble plus bien passer alors qu'il me faisait le plus grand bien jusque là. Comme toujours sur du long, j'embarque de l'eau plate et un jus quelconque en guise de "gourmandise". Les boissons énergétiques à 10.000 dollars, très peu pour moi.

Je suis rassuré de constater que je ne suis pas le seul à galérer, d'autres sont comme moi, dans le dur. Un gars à qui je demande s'il sait si le Col de Joly est encore loin me rétorque que, lui aussi, "aimerait bien savoir !". Il est encore plus mal que moi dans son complet Lafuma jaune fluo.

Très peu de temps après cette rencontre nocturne, je crois être sauvé, j'entends de la musique (à moins que je n'hallucine ? Déjà que depuis de longues minutes j'ai l'impression d'entendre des gens applaudir alors que je comprends, pas de suite il faut bien l'avouer, que c'est le frottement de ma capuche sur le sac qui provoque cet effet...). Pas mal d'anecdotes existent sur le sujet ; lorsque l'effort est long et la fatigue bien présente, on peut se trouver confronté à des hallucinations. Inquiétant.

Mais la musique est bien réelle, c'est le ravitaillement. Le malheur dans l'histoire c'est qu'on savait que le ravito était tout proche mais qu'on ne le voyait jamais venir. Après bien des virages, des tournants, des épingles à cheveu et des plantés de bâtons, le voici, enfin ! Là encore, énorme soulagement.

Je suis chaleureusement accueilli par le speaker et les quelques gens ici. J'entre dans la tente pour me reposer et recharger les batteries.

Col du Joly. 00h29. 311ème.

Première chose à faire, prévenir mes suiveurs, voici le texto que j'envoie à Vanessa : "Contamines pas avant 2h15 je pense. Je commence à fatiguer sévère :("

Je préférais prévenir plutôt qu'ils se gèlent à m'attendre là-bas à partir d'1h du mat'

Place à la souuuuuuupe. Et au Col du Joly, c'est "LA SOUPE A BRUNOOOOOOOO, LA SOUPE AUX CRAPAUUUUUUUDS" !

La personne qui servait la soupe était tout simplement géniale, elle te redonnait le sourire, si tu l'avais perdu, et te remotivai grandement même si tu étais à bout. Merci Bruno, et merci aux bénévoles de manière plus générale, tous plus exceptionnels les uns que les autres, parfois à attendre dans le froid et sous la pluie des anonymes qu'ils sont venus soutenir et chouchouter.. Merci !

Je sors de la tente après une quinzaine de minutes, sans savoir si le ravito aura été salvateur..

A priori, pas de difficultés à venir, il faut descendre jusqu'à Notre-Dame-de-la-Gorge puis ce sera ensuite un faux-plat descendant jusqu'aux Contamines où je retrouverai la famille.

311ème en haut, voyons si la descente se passe toujours aussi bien... A priori, oui. J'ai clairement retrouvé un nouveau souffle, à moins que ce ne soit la "soupe à Brunoooo" dans laquelle il aurait mis je ne sais quelle potion magique ^^

259ème en bas ! Plus de 50 personnes dépassées dans la descente ! C'est incensé comme je suis en forme, je cours constamment même sur du plat (ce qui peut paraître logique... Sauf qu'après 85kms et beaucoup de dénivelés, ne pas courir même sur des portions censées être faciles peut se comprendre)

Les Contamines, trop cool !

Vanessa et mon père sont là, ils courent à côté de moi et m'indiquent de contourner la barrière au niveau d'une crêperie étant donné que des énergumènes ont mis une banderole en plein milieu du parcours pour obliger les coureurs à rentrer à l'intérieur. N'importe quoi. Des vrais crétins.

Bref, c'est le ravitaillement où les suiveurs n'ont pas le droit d'aller logiquement. Mais bon, vu le nombre de coureurs encore en piste, ils se sont finalement ravisés et ont permis aux accompagnants d'aller sous la tente. Et c'est tant mieux pour moi !

Je m'approche de la bouffe, que du sucré.. "Ahhhh, il n'y a pas de salé ??". Le bénévole me répond que si, de l'autre côté.. Ouf ! Du bon fromage, du sauciflard.. Comme c'est délicieux :)

Après les Contamines, on m'a déjà bien averti que le col du Tricot était terrible. Alors ok, je prends les devants et j'annonce à mes suiveurs que je mettrai 5 heures pour aller jusqu'aux Houches. Vanessa ne semblait pas convaincue... Moi si, vu mes difficultés en montée.

Encore 1200D+ à se bouffer sur les prochains kilomètres ; on va en premier lieu aux Chalets du Truc, puis on redescend un peu avant d'attaquer l'ogre du Tricot. La première grimpette se passe super bien, j'ai l'impression d'avoir retrouvé mes jambes du début de parcours. La lune fait (enfin !) son apparition et éclaire le chemin ; la montagne vue de nuit est tellement différente.. Mais toujours aussi belle ! Les chalets sont là, j'ai l'impression d'être seul au monde, mais les petites lumières que je vois au loin me rappellent qu'il y a encore d'autres personnes ici et que c'est le moment où je dois doubler, puisque ça descend ! Et, une fois de plus, le scénario se répète. Cette descente est aussi l'occasion de constater qu'au loin semble se profiler, au vu des petites lumières le parcourant de toute sa hauteur, le fameux col dont on ne m'a dit que du bienJ'envie ces petites lumières qui se trouvent tout en haut déjà.. Moi, je n'ai même pas atteint le pied du col..

Col de Tricot. Stress. Comment va bien pouvoir se passer cette terrible montée après tous les efforts déjà fournis ? Je démarre tranquillement, m'hydrate correctement, mange une énième pâte de fruits bourrée de sucres et suit un gars rattrapé quelques secondes plus tôt. Je ne sais pas s'il avance convenablement ou non, en tout cas, son rythme me convient parfaitement puisque je l'accroche. A mi-parcours, il s'arrête, je rejoins alors une femme qui se trouvait devant lui et avec qui je tape la causette ! Très sympa, elle me dit qu'elle connait bien cette montée puisque c'est sa "montée d'entraînement". On discute jusqu'en haut où on la félicite de sa 8ème place au classement féminin. Quant au scratch, elle passe en 244ème position, et moi en 245ème. Je m'autorise une pause, la montée s'est parfaitement passée, je ne me suis pas arrêté, mais je m'étire tout de même copieusement le dos qui a encore bien morflé dans cette dernière grosse ascension. C'est là qu'un secouriste accourt vers moi en me demandant, un peu affolé, si tout va bien. "Oui, oui, ça va, je m'étire, pas de soucis". Ce secouriste était en train de manger une pomme. Je le regarde, et lui dis : "Tu sais que ça fait super envie ta pomme là !!". Il s'est alors retrouvé tout gêné de se taper une pomme tranquille alors qu'on venait d'en baver pour arriver jusque là. Il m'en propose une, que je refuse ne sachant pas bien si ce fruit était spécialement recommandé à cet instant.

Bref, 1 minute plus tard me revoici à cavaler dans la descente. Je rattrape et dépasse très rapidement la féminine que je remercie pour le brin de causette dans la montée. "Bonne course, à tout à l'heure peut-être !" On s'écarte sur mon passage, je déboule une nouvelle fois. Là où je ne fais plus le malin par contre, c'est sur le pont de singe qui surplombe un torrent à fort débit.... Flippant. Je regarde mes pieds et surtout rien d'autre mais je ne suis vraiment pas rassuré d'autant que d'autres se retrouvent en même temps que moi sur le pont et tout ce petit monde fait tanguer le bazar.. Brrrr..

Juste derrière on monte en direction de Bellevue. Ce n'est pas très long et je ne me fais plus ni rattraper, ni dépasser. Tout va pour le mieux. A Bellevue, les 2 gars postés ici m'annoncent que Les Houches sont dans 1h si on trottine. 217ème place "1 heure ???? Mais vous êtes sûrs ? Il y a combien de kms ????". On me répond qu'il y en a 5. Je n'ai peut-être pas toute mes facultés de réflexion à ce moment-là mais 5kms de descente, ça ne peut pas se faire en 1h d'autant que le chemin semble s'élargir. "ok, ok, merci, on verra" Finalement, il me faut tout de même plus de 45min pour descendre !

L'arrivée sur les hauteurs des Houches, alors qu'il est 6h30 me permet d'arrêter ma frontale, le jour commence à pointer son nez.

Les Houches. 23h36 de course. 205ème. Vanessa et mon père, un peu dans le gaz eux aussi, surtout que j'avais dit que j'arriverai plus tard, sont toujours fidèles au poste et m'aident encore sur ce dernier ravitaillement où nous ne sommes que 4 ou 5 concurrents. Je ne m'attarde pas plus de 10 minutes ici étant donné qu'il reste 8kms quasi plats.

Je cours une dernière fois vers une ligne d'arrivée qui me semblait inaccessible il y a de cela 3 ans encore, lorsque, spectateur de la TDS à Bourg-Saint-Maurice, et alors que je venais de commencer le trail depuis 3 ou 4 mois, je considérais tous ces gens comme des extra-terrestres. Maintenant, c'est moi qui passe pour un extra-terrestre auprès de mes proches.. Et ça me plait bien !

Le chemin qui nous emmène à Chamonix est long et barbant, nous croisons les joggeurs qui viennent de se lever alors que nous n'attendons plus qu'une autre chose, nous, c'est d'aller justement nous coucher ! 1.5kms avant l'arrivée, mon papa me rejoint et se met à mes côtés, nous passons ensemble sur le tapis indiquant le dernier kilomètre. Jean-Luc (Tonton Trailer), qui a dû abandonner la course pour souci de santé, est venu soutenir les copains et trottine lui aussi avec nous, ça me fait super plaisir. Je discute avec les 2. Un dernier virage sur la gauche, et la ligne est à 100m. Vanessa filme mon arrivée où je parviens encore à sourire. Soulagement et heureux, TRES heureux d'en finir en 24h45m21s à la 201ème place. Inespéré. Repas d'après-course à 8h du matin où je me régalerai avec un diot et de la polenta ainsi qu'un coca, un jus d'orange et 2 yaourts.

Statistiques de la course :
1465 partants
631 finishers
Soit 57% d'abandons

A lire : "A cause du froid, des centaines de coureurs abandonnent “les Traces des Ducs de Savoie”"

Tableau des passages
Pts Heure pass. Tps course Classt.
Maison Veille / Checrouit J-08:14 01:14:31 711
Col de la Youlaz J-09:40 02:40:09 719
La Thuile J-10:47 03:47:21 565
Col du Petit St Bernard J-12:52 05:52:27 508
Bourg ST Maurice J-14:27 J-14:53 07:27:16 397
Fort de la Platte J-16:48 09:48:09 445
Passeur de Pralognan J-18:24 11:24:11 410
Cormet de Roselend J-19:16 12:16:26 377
La gite J-21:26 14:26:21 322
Col Joly V-00:29 17:29:16 311
Les contamines V-02:35 19:35:07 259
Col du Tricot V-04:49 21:49:08 240
Bellevue V-05:49 22:48:44 217
Les Houches V-06:36 V-06:42 23:36:35 205
1km av Arrivée V-07:41 24:40:50 201
Chamonix V-07:45 24:45:21 201

7 commentaires

Commentaire de philou73 posté le 03-09-2012 à 19:41:48

Super CR, j'ai l'impression de participer à la course avec toi, belle perf aussi pour une 1er ;)
Comme toi l'année dernière j'ai vu cette course à Bourg saint maurice et j'ai attaqué le Trail en mai de cette année, espérant faire la TDS ou CCC en 2014.
Encore bravo et merci pour le partage de ton aventure

Commentaire de Land Kikour posté le 03-09-2012 à 20:22:29

Bravo et merci pour ce CR toujours très sympa à lire.
Tu a géré cette TDS comme un chef, tu peux être fier de toi !!!
Bonne récupération

Commentaire de Bleau78 posté le 03-09-2012 à 21:53:27

Super course et merci pour le récit comme d hab. Cette fois tu es prêt pour l Origole.

Commentaire de Japhy posté le 04-09-2012 à 08:21:33

Waouh, même les costauds ont eu du mal dans la boue, ça me console un peu! Bravo pour ta course, ta lucidité, ton honnêteté, tout quoi. Bonne récup, j'imagine que tu vas avoir besoin de te reposer un peu!

Commentaire de Japhy posté le 04-09-2012 à 08:21:39

Waouh, même les costauds ont eu du mal dans la boue, ça me console un peu! Bravo pour ta course, ta lucidité, ton honnêteté, tout quoi. Bonne récup, j'imagine que tu vas avoir besoin de te reposer un peu!

Commentaire de XBo posté le 04-09-2012 à 10:04:18

Bravo Stan,
Superbe course magnifiquement partagée avec nous par ce récit prenant.
Ton assistance a joué un rôle essentiel, un point que je note pour le futur.
Cette année, tu n'as mis que 5 mn pour faire le dernier km, et non qqes heures comme l'an dernier à la CCC :-)

Commentaire de Bert' posté le 12-09-2012 à 14:45:40

Bravo Stan !! Que de chemin parcourus depuis 2-3 ans... pour un résultat énorme !!

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