Récit de la course : Sur les Traces des Ducs de Savoie 2014, par pitas

L'auteur : pitas

La course : Sur les Traces des Ducs de Savoie

Date : 27/8/2014

Lieu : Courmayeur (Italie)

Affichage : 1104 vues

Distance : 119km

Objectif : Objectif majeur

11 commentaires

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TDS ou la Trace du Diable Savoyard…

"L'ivresse venue, nous coucherons sur la montagne nue avec le ciel pour couverture, et la terre pour oreiller"

Li Po

 

Il y a un an et demi lorsque je me suis inscrit pour la TDS c’était avant tout pour prouver que j’étais capable de le faire. J’ai donc échoué. Mon parcours s’était arrêté aux Cormets de Roseland complétement déconfit, j’étais parti trop vite, mal préparé, mal équipé et une douleur gastrique m’empêchait de m’alimenter depuis Bourg Saint Maurice. J’en ai pleuré de tristesse, de frustration...

J’ai eu l’occasion de faire une petite introspection grâce à un ami, qui m’a franchement taclé en me disant que je n’avais pas fait la moitié et que je n’avais jamais fait de 100km même à plat.

En tout coureur réside au fond un bagarreur, et au fond de chaque coureur de longue distance vit quelque chose de bien plus fort qui n’écroule jamais.

 

Et en Janvier 2014 j’ai commencé des entrainements longs, et prépa mentale pour les 100km de Bienne avec en toile de fond la TDS.  Les 100km sont arrivés mi-juin, mon mental était bien, mais je n’avais pas d’expérience de cette distance sur route (j’ai fait mon premier marathon cette année!), j’aurais pu peut être faire mieux, mais peu importe je l’ai fait pour apprendre… apprendre à courir, apprendre à gérer les coups de moins bien sur de longues distances.

 

Comme l’année passé je me retrouve avec mon cher’pa’ pour l’assistance personnelle, lui aussi voulait être là pour ce qui semblait passer pour une revanche. Direction donc Cham’ avec Benoit qui fera la course aussi. Bizarrement, je me sens « zen » face au défi qui m’attend demain. Je n’ai pas de stratégie de course précise, peut être partir moins vite, débuter la course en mode éco pour pouvoir arriver « frais » au Cromet.

Question météo il a plu tout ce que ça a pu les jours précédent, un pont a même été emporté en amont de Courmayeur… des chambres de notre sont inondés. Je me dis que ca va pas être triste demain…

 

Après plus ou moins 4 heures de sommeil agité (plutôt difficile de dormir avant ce genre de course), nous partons avec nos sacs de délestage pour les Cormet vers le départ. Une fois dans le peloton, je me sens rempli de nervosité… Suis je prêt ? je n’ai quasi pas fait de montagne cette année peu de courses de trail, principalement du long…

 

Courmayeur – Lac Combal 2:33 – 434eme

Comme l’année passée ca part vite dans Courmayeur, mais je laisse filer. Benoit me prend une minute au milieu de la montée de du col de Chercouit. Je ne vais pas m’enflammer je sais que la route est longue, et à ma surprise ca souffle fort déjà autour de moi…Mais je m’astreint à rester « lent », je ronge mon frein, littéralement.

J’arrive au Lac Combal assez rapidement, enfin cela me paraît passer tellement rapide. Je réaliserais plus tard que j’ai déjà 10 minutes de retard sur mon temps de l’année passée.

Je prend le temps de manger salé, et boire un verre d’eau, puis je repart…

Lac Combal – Col du petit St Bernard 6:02 – 506eme

La montée au Col Chavanne est franchement paisible et régulière. Quoique bien humide, voire franchement boueux. Les autres coureurs font attention à éviter les ruisseaux qui dévalent notre chemin, mais je pense que c’est un vain effort… on va tous finir complétement crouté et plein de boue… En haut du col, le vent est fort, personne ne s’arrête, je prend le temps de manger un bout un peu plus bas et c’est parti pour une interminable descente… Là où l’année passée j’avais pas mal poussé dans cette descente, je vais encore une fois me retenir tout le long, et c’est super chiant, du coup je regarde les montagne, autant en profiter. La descente vers Alpetta se termine par une tourbière, qui est juste impraticable, j’y perd même ma chaussure. Je dois m’arrêter un moment pour enlever la boue dedans et la remettre. La joie du trail nature !

J’arrive au col du pt St Bernard, bien en forme, contrairement à l’année passée ou la montée juste avant m’avait séché. Je retrouve mon père, c’est vraiment chouette de voir des proches sur le parcous. Là je suis bien, je rempli mon sac, prend des tucs, un bol de soupe. Mais j’accuse un bon retard de 40 min sur l’année passée !

Col du petit St Bernard – BSM 7:51 – 456 eme

J’adore la descente, j’y prend vraiment mon pied… et même si je ne me lache pas complétement, j’envoie un peu dans les bouts techniques une fois que la sentier passe en single… je rattrape quelques places. L’arrivée à BSM est toujours chouette, il y a du monde, et ca fait du bien ces encouragements. Ravito, le mode est un peu différent de l’année passée, ceux qui ont un assistant sont sur le coté. Je perd volontairement du temps, j’appréhende un peu ce qui va suivre. 2 tomates fraiches avec du sel, de l’eau gazeuse et hop direction le passeur.

BSM – Cormet de Roseland 13:27 551eme

Les conditions météo sont exactement les mêmes que l’année passée, il fait super chaud. Je n’arrête pas de faire des calculs, les 22/24 heures que je m’étais donnée en objectif sont encore jouable mais va pas falloir que je traine, mais si je pousse un peu je risque comme l’année passée de me cramer…

Du coup, je gère, je m’arrête 2 fois avant le fort de plate. Malgré tout je rattrape quelques places. Je me paie le luxe d’un coca au fort... je ne sais pas si le règlement le permet mais on est quelques uns a profiter du stand de la fromagerie. La fin de la montée au passeur se passe plutot pas mal, je passe quelques coureurs « calcinés » sur le col de la forclaz. J’arrive au passeur et je me pose pour admirer la vue et manger un bout. Je sais que je n’abandonnerai pas au cormet cette année, mais j’en ai quand même super chié. Dans la descente je cogite sur cette montée ; malgré m’être économisé depuis le début et y être aller « cool » dans la montée, au final j’en ai chié pareil, je n’ai juste pas explosé mais j’ai bien serré les dents dans la montée au fort de la platte.

Aux cormet je me prépare pour la nuit, je me change complétement. Je change même de chaussures, bonheur complet. Je croise mon père avant de repartir, il me lance un « jusqu’au bout maintenant ! ». C’est clair maintenant c’est « tout droit »…

Cormet de Roseland – Col du Joly  18:38 – 445eme

J’hésite encore à enlever le mode « eco », je ne connais pas le parcours comme il faut et je préfère finir que de devoir encore… Bref… La nuit est là et la boue aussi, je prend une ou deux bonne glissades, et mes chaussures toutes confort sont bientôt aussi trempé que celle que j’ai laissé il y a peu au Cormet… Malgré tout le brouillard donne a ce parcours un coté sympa, et bizarrement il ne fait pas super froid, moi qui m’était préparé à avoir du brouillard givrant (ne me demandez pas où j’ai lu ça). Le parcours est valonné presque roulant, malgré tout personne ne trottine… Je me fais la promesse de repasser par la de jour, la descente vers la gite paraît sublime, je laisse d’ailleurs quelques coureurs derrière moi dans cette descente, mais la nuit est encore longue, je pense que j’aurais encore tout le temps de me faire plaisir…Ah tiens je réalise à ce moment que je n’ai pas encore uriné, pourtant après un rapide calcul je pense avoir bu pas loin de 8 litres de flotte jusqu'à maintenant, ai-je vraiment transpiré tout ça ?!?!

L’arrivée au col joly est une blague, on entend la musique du ravito depuis un moment sur la gauche, mais le sentier part sur la droite, monte au milieu des vaches puis semble prendre un chemin de crête… s’éloigner pour mieux grimper… la dernière partie de la montée ressemble a de la varappe, et la descente, un exercice d’équilibre. Le sentier semble descendre vers le ravito. Il n’est pas loin d’1h30, je me sens encore bien en mouvement, je sais aussi que l’arrêt peut être fatal. Au ravito, l’ambiance est hallucinante, la musique incroyable, et les bénévole sur-motivés, surexcités en fait… il faut bien ca pour revigorer les traileurs le visages hagard avachis sur les tables, certains sont même allongés pour un somme à l’infirmerie… il faut vraiment que je parte au plus vite… je laisse une petite équipe

Je décide de faire un stop express. J’avale ma soupe et je repars aussi sec.

Col de Joly – Contamines 20:18 – 362eme

En sortant du ravito, j’ai froid et j’enlève pour le coup le mode eco… j’ai couru jusqu'aux Contamines, et j’ai laissé pas mal de personnes derrière moi. J’ai juste adoré cette portion.

La dernière portion plate est un peu barbante, j’ai l’impression de revivre les derniers kil des 100km de Bienne, je court en serrant les dents, mais marcher c’est pire, et ce remettre à courir est difficile…autant ne pas arrêter de courir donc..

J’arrive aux Contamines, mon père n’est pas là, il doit dormir tant mieux comme ca je ne vais pas trainer. Il arrive alors que je mange mon bol de soupe, et me dis que j’ai une heure d’avance sur le previsions… Bref, il faut finir cette course…

Contamines – les Houches 25 :14 – 373eme

Bon, je me rend gentiment à l’évidence que je vais arriver vers les 10h…purée c’est loin encore il n’est que 03h30 quand je quitte les conta… D’autant que la montée au tricot que je ne connais pas me paraît etre sympa.

La première portion en forêt est sur chemin forestier, avec un passage en forêt mais dans l’ensemble je gère… en arrivant au chalet du truc je vois le « phare » en haut du tricot, je ne vois pas encore les frontales, mais cela ne me semble pas si haut que ça.

Il ne faut jamais assumer des distances en montagnes, la leçon est apprise… Une fois passée le chalet, le sentier redescend, redescend, mais jusqu’ou ?! on doit monter nous !

On arrive enfin au « plat », mode climb on ; je croyais avoir payer cher la montée au fort de la plate, je me trompais…

La montée de nuit ressemble à une image tirés des oeuvres de Faust où les coureurs avec leur frontales, telles des âmes égarés doivent gravir les marches du purgatoires… quand je dis marches, en fait on en est pas loin. Un vrai calvaire que je gravi au mental, j’ai vraiment envie d’arriver là… Je passe le col à la levé du jour, j’échange qques mots avec les bénévoles, plutôt sympa, mais il faut vraiment que j’y aille… d’autant que je ne suis pas au bout des surprises de ce magnifique parcours… La descente est pire que la montée, impossible pour moi de courir, je n’arrive pas à savoir si j’accuse le coup de la montée ou si c’est le parcours qui est juste impraticable, et le pire c’est qu’il fait jour…

Je passe la passerelle, déroule tranquillement jusqu'à Bellevue… Et enfin une descente « normale », j’arrive à relancer la machine, et même a reprendre de l’énergie.

« Les houches, les houches 5 minutes d’arrêt »

Chamonix – 26:33 378eme

En quittant Les Houches mon père me félicite déjà, je reste prudent, c’est du plat, ca va etre dur physiquement, mentalement…

A ce moment Benoit m’appelle, il semble presque surpris que j’y sois encore… tout autant que moi d’ailleurs. Il me dit que la fin c’est la partie qu’il a le plus détesté, valloné, chiant, et toussa toussa quoi…

Je me fait rattrapé par un coureur que j’avais tiré dans la descente, on fait un bout de chemin ensemble et c’est lui qui me pousse sur cette portion. On discute pas mal, on profite, le soleil, le ciel bleu, les gars qui font leur footing qui nous saluent… ca sent l’écurie comme on dit…

Il me laisse, je n’arrive pas à courir dans les montées… Des gens nous encouragent et annoncent l’arrivée prochaine en ville… Un peu plus de monde, des gens aux fenêtres qui nous remercient de les faire vibrer, la dernière descente, je profite a fond, il fait bon, tout le monde souri. J’arrive sur la rue piétonne, je veux immortaliser ce moment. Je remercie tout les personnes qui m’encourage, j’y suis, putain j’y suis… l’émotion monte, le bocal ce rempli, je franchi la ligne d’arrivée, grosse accolade avec mon père.

Je me retourne, je regarde un instant cette montagne. J’ai du mal à y croire… 

Une bière et une larme, comme à Bienne…tout ca pour ca en somme ;) 

 

 

Je suis un peu loin de mon objectif, mais je pense m’en foutre complétement, je suis super fier de moi d’être parvenu sur une course très exigeante à me dépasser complètement, ou plutôt d’être arriver au bout de moi et d’avoir découvert que je n’y étais pas encore…

Ce que j’aime dans ce sport c’est que l’on arrive tous sur la ligne de départ avec nos attentes, nos espoirs, nos objectifs, notre challenge,  et au fil des kilomètres on se dépouille au fur et à mesure de tout ce qui n’est pas essentiel pour au final ne laisser que notre vrai personne passer la ligne d’arrivée…

Je ne sais pas si je reviendrais sur la TDS, j’ai tellement d’autres courses sur ma wish list, mais je reviendrais certainement courir autour du mont blanc, malgré tout ce que l’on en dit, il n’en reste que ce sont des courses sublimes.

Pour le moment je suis encore sur mon nuage, j’ai encore du mal a réaliser…

 

 

11 commentaires

Commentaire de sabzaina posté le 03-09-2014 à 06:14:32

Comme Fab06 et Yves94, tu sembles avoir réalisé la course parfaite: je suis admirative et, il faut bien l'avouer, un peu jalouse :)
Bravo, bravo et bonne récup!

Commentaire de bubulle posté le 03-09-2014 à 07:53:13

Y'a pas que Sab qui est jalouse...:-). On n'a pas du être loin l'un de l'autre à un moment (probablement à Roselend....tiens, en passant, d'ailleurs, c'est LE Cormet). Si ça se trouve on s'est croisés dans le ravito (et si ça se trouve tu m'as salué : pas mal de kikous m'ont salué en route mais je ne les ai pas toujours reconnus ou mémorisé leur pseudo).

En tout cas, belle progression : tu me "lâches" inexorablement à partir de la Gittaz, je pense et tu as même eu la belle lucidité de mémoriser le parcours compliqué entre le col de la Gitte et celui du Joly : oui on remonte sur un sentier de crête..:-)...et oui, c'est tordu comme parcours....

Commentaire de Fab06 posté le 03-09-2014 à 08:18:02

Bravo !!! Encore une belle course après Bienne :)

Tu as très bien géré tout le long, chapeau après ta déconvenue de l'an dernier.

Commentaire de caro.s91 posté le 03-09-2014 à 08:29:06

Belle course que voilà. La prochaine fois, tu exploseras ton objectif !!!

Commentaire de Greg136 posté le 03-09-2014 à 09:27:35

Comme tu dis en conclusion: on part avec nos espoirs et nos objectifs mais on arrive en en ayant du aller puiser au fond de ses tripes et en se connaissant mieux....
Superbe récit

Commentaire de stphane posté le 03-09-2014 à 12:40:39

bravo !!!!!!

Commentaire de pinafl posté le 03-09-2014 à 23:34:12

Marrant, j'ai l'impression de me voir sur le début du récit; j'ai moi aussi abandonné au Cormet de Roseland l'année dernière, parce qu'il restait une place dans le bus qui rentrait sur Chamonix au moment ou je suis arrivé au ravit. S'en est suivi une grosse déception également. Cette année je me suis aussi essayé pour la première fois au 100km sur plat pour me tester, par contre je n'ai pas (encore) rempilé sur la TDS. Bravo pour l'avoir terminée cette fois-ci, ça laisse de l'espoir!

Commentaire de la panthère posté le 04-09-2014 à 12:41:31

Un grand bravo!
ça fait rêver, reste encore un peu sur ton petit nuage!

Commentaire de Japhy posté le 04-09-2014 à 14:12:08

Eh oui, parfois les amis sont bien "utiles" pour faire voir l'évidence, ce qui permet de progresser! Bravo pour ta course et pour n'être pas resté sur un échec.

Commentaire de Renard Luxo posté le 06-09-2014 à 18:46:20

"Ce que j’aime dans ce sport c’est que l’on arrive tous sur la ligne de départ avec nos attentes, nos espoirs, nos objectifs, notre challenge, et au fil des kilomètres on se dépouille au fur et à mesure de tout ce qui n’est pas essentiel pour au final ne laisser que notre vrai personne passer la ligne d’arrivée…" Bravo Pitas, belle gestion de course. Je te pique sans vergogne cette phrase magnifique, dans laquelle je me retrouve totalement !

Commentaire de arnauddetroyes posté le 05-01-2015 à 00:28:16

Comme tu l as bien faite ta TDS ;Félicitations ,pour ta course et ton CR.

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