L'auteur : Toinou_R
La course : 100 km de Millau
Date : 24/9/2022
Lieu : Millau (Aveyron)
Affichage : 695 vues
Distance : 100km
Objectif : Terminer
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Quel beau challenge que ces 100km de Millau ! Mais comment me suis-je retrouvé à m'infliger cette torture ?
Et bien tout commence il y a une dizaine d'année lorsque, faisant la rencontre de ma belle-famille, et en particulier l'oncle de ma compagne, je découvre qu'il existe des gens sur cette terre capables d''enchaîner plusieurs années durant, des épreuves telles que la course à pied sur 100 km... A cette époque, je n'éprouve pas vraiment d'appétence pour la course à pied, lui préférant les sports de raquette, et de loin.
Quelques années plus tard, en 2017 lorsque, sur le tard, je me lance dans la course à pieds, je comprends assez vite que mon goût pour la discipline va aller de pair avec les challenges que je m'imposerai, les courses officielles auxquelles je participerai. En somme, je ne courrai pas juste pour le plaisir, mais aussi pour le dépassement de soi et pour l'objectif de progression.
Après 2-3 années à me concentrer sur des formats rapides (10km, semi-marathons et autres modestes trails), je n'imagine toujours pas du tout me lancer un jour sur de très grandes distances. Mais l'entraînement progressant, l'expérience grandissant, je sens petit à petit que les longues épreuves ne sont peut-être finalement pas des objectifs impossibles.
Parallèlement à tout cela, raisonne de plus en plus en moi la voix de l'oncle de ma compagne, Michel, dont la passion pour les 100km à pieds (Belvès, Millau, qu'il aura fait une grosse vingtaine de fois en cumulé !!) est décidément communicative.
En 2021, après un abandon à la Montagn'hard (format Mi'hard 54km, 4000D+), je gagne paradoxalement beaucoup en expérience (sur l'alimentation en distance longue ainsi qu'en gestion physique et mentale de l'effort). Je continue d'avancer à mon rythme et me lance sur la SaintéLyon en décembre. 78km et 2400D+ de douleur. Une vraie première pour moi mais une réussite cette fois. Je comprends, lors de cette course, la puissance du mental qui est capable de prendre le lead quand le corps souffre.
Ce n'est qu'en 2022, au moment où Michel propose à ses 2 fils et moi-même de courir les 100km de Millau, que je transforme en envie réaliste ce qui me paraissait auparavant complètement fantasque. Contrairement à mes années précédentes, je gère mes entraînements à l'envie et j'axe ma préparation sur du trail lyono-lyonnais dès la fin de l'hiver (Lyon urban Trail 37km 1600D+, Ultra boucle de la Sarra format 6h). Et je décide d'exorciser mon échec sur la Mi'hard en juillet, en guise de point d'orgue de ma préparation physique. C'est dans la douleur et sous un soleil de plomb que je terminerai les 54km et 4000D+ (en un peu plus de 13h, avec les fesses rougies par le piquant des barrières horaires qui me talonnaient...). Mais avec le sentiment d'avoir réellement progressé une nouvelle fois sur la gestion du mental sur le "long terme" (tout est relatif évidemment si on compare aux ultra...).
Mon entraînement estival se concentre désormais sur la route, afin d'habituer mes articulations à manger du bitume. Je me cale très à peu près sur un plan d'entraînement trouvé sur internet (B. Heubi). 3 semaines avant la course, à l'essai de mes nouvelles chaussures, conseillées par ni plus ni moins que Yohann Stuck, un soupçon de TFL se fait jour. J'arrête donc l'entraînement, sachant que de toute manière, le plus gros est fait et espérant que le genou gauche se referait la cerise dans l'intervalle... On peut toujours rêver...
Nous voici donc à Millau, le 24/09, jour de l'anniversaire de mon Sacha (c'est de bonne augure pour son père indigne !), dans l'enceinte du gymnase de départ. Je pars avec Guillaume, le fils cadet de Michel qui sera suivi en vélo par son grand-frère Romain. 2 machines de guerre. J'ai pour ma part l'honneur d'être suivi par Michel. Sa connaissance de la course devrait nous être très utile durant l'effort.
Objectif fixé : finir et si possible sous 12h.
Lors de ma préparation, j'avais lu quelques articles sur ce 100km qui décrivaient le profil et le parcours (j'ai d'ailleurs malheureusement trouvé internet assez avare en articles et autres retours d'expérience sur cette épreuve que tout le monde s'accorde à décrire comme mythique !). J'avais en tête qu'il fallait considérer le marathon comme une formalité et que la course démarrait au km 50 sous le viaduc grosso modo.
C'était pas faux. Le marathon a bien été une "formalité" (mais aussi parce que je m'étais conditionné à ce qu'il le soit). Nous avons souhaité l'aborder tranquillement, pour ne pas taper dans les fibres et économiser nos forces. En revanche, dès le km10, ma douleur au genou (TFL ?) se réveille, me lance par moment sur les faux plats montants et irradie peu à peu mon genou. Cela m'inquiète un peu mais est loin d'être insoutenable. Cette première partie, bouclée en 4h27 environ (9,5 km/h), nous a permis de nous familiariser avec l'interaction suiveur-coureur, les contenus des ravitos mais aussi la beauté du décor !!
On décide de ne pas s'arrêter au gymnase à Millau pour éviter la foule et de faire une pause à Creissels, au km46. A ce moment là, pour moi, tout va bien. Les premières douleurs articulaires et musculaires périphériques apparaissent mais rien de bien méchant. La douleur au genou se stabilise sans s'aggraver.
Nous entamons la première côtelette du parcours. Sur le papier elle n'est pas méchante, mais avec 46km dans les pattes, elle pique... D'ailleurs, on marche sur la fin de la montée. Le temps d'apprécier la vue sous le viaduc, véritable prouesse technique et chef d'oeuvre "architectural", nous voici reparti direction St Rome au km60. Là, les jambes commencent à être meurtries. A partir de ce moment là, il s'agit de bien réfléchir aux arrêts aux stands. Parce que la moindre pause refroidit les articulations et rend difficile la reprise.
Nous partons ensuite à l'assaut du col de Tiergues et ses 5km d'ascension. Entremêlée de course et de marche, cette ascension est assez rude. Mais l'émulation entre Guillaume et moi, ainsi que l'aide psychologique et logistique de nos suiveurs nous poussent à franchir ce monstre. A ce moment là de la course, nous commençons à voir les premiers dans le sens inverse. On les envie un chouïa d'être si près du but, nous qui avons près 25 km de retard sur eux... Mais surtout, on les encourage à aller au bout. Et c'est vrai que cet esprit "collectif" auquel on participe tous en se croisant les uns les autres rend cette course particulièrement agréable (n'étaient les quelques 100km à parcourir...).
Je me rends compte aussi à ce moment là qu'avoir un suiveur cycliste est un vrai plus, pour le soutien moral, pour limiter le poids porté, etc...D'ailleurs Romain prend le relais de Michel qui m'attendra au col de Tiergues au retour, ce qui semble plus sage. Il assure vraiment à jongler entre Guillaume et moi ! Athlètes de père en fils, j'vous dis !
La descente qui suit fait bien bien mal aux cuisses et aux mollets. Nous arrivons à Saint Affrique (8h09 - 8,7 km/h de moyenne globale), au km 71. "Au bout de la route". Dans divers récits que j'ai lus, il est dit que si on arrive à Saint Affrique, on arrive à Millau (malgré les 30km restants). Encore une fois, je ne sais pas si c'est le conditionnement issu de ces lectures qui explique cela mais en effet, en arrivant à Saint Affrique, avec Guillaume, malgré nos énormes courbatures et nos allures d'éclopés, on se dit qu'on va aller au bout. Ce qui est bien à ce moment là, c'est que mon genou n'est plus le problème. Le corps a tellement d'informations douloureuses à gérer qu'il fait un gros reset et laisse place au mental qui prend définitivement le relais : "Ciao les gars, moi j'ai assez donné, je vous laisse vous démerder pour la fin de la course et merci bonsoir, on se revoit dans 3 jours !"
C'est ici que l'expérience de la SaintéLyon m'a servie. J'ai retrouvé les mêmes sensations. Celles qui me font dire : mais comment ça va pouvoir aller au bout avec des jambes de bois ? Comment trouver la force d'engloutir ces km qui s'égrènent désormais si lentement ? D'autant que la nuit tombe et que les distances entre les coureurs s'étirent, favorisant l'introspection et la communion intérieure. Guillaume m'a quitté depuis le km75, se transcendant et lâchant les chevaux lors de la 2e ascension du col de Tiergues.
Michel voit que je ne m'alimente plus trop et continue inexorablement de me proposer à manger, à boire. Il me raconte ses expériences passées sur chacun des km de la course, pour m'aider à surmonter ce long finish. Lorsque les 15 derniers km arrivent, je lui dis que je rentre désormais dans ma bulle et que je ne suis pas sûr de tout écouter de ce qu'il me dira désormais ! Il me répond qu'il s'en fout, qu'il connaît bien les sensations qui me traversent mais lui aussi veut profiter de la course ! Je rigole à ce moment là. Il a bien raison. Je décide de ne plus m'arrêter aux ravitos malgré les conseils de Michel qui me rappelle que l'objectif ce n'est pas le chrono mais de finir. Je vois cependant à ma montre que je suis sur les bases des 12h visées, ce qui me pousse à lui répondre, de manière un peu bravache : "on est venus ici pour courir ou pas ?". Je retrouve une allure de 9km/h sur la fin de course pendant que Michel s'occupe de remplir la gourde aux stands (encore une fois, c'est une chance que d'avoir un suiveur sur cette course).
Puis arrive le décompte des 5 derniers km. Michel continue de me raconter ses mésaventures passées sur ses nombreux "Millau" et on finit par rentrer dans la ville de départ. La pluie fait son apparition sur les derniers 500m. Elle nous aura épargnée tout du long, laissant place à des conditions climatiques idéales. Son apparition est plutôt la bienvenue en cette fin d'épreuve.
En arrivant au gymnase, je cherche mon temps final sur l'écran : 11h49 et 28s (8,5km/h de moyenne). Je suis bien content de ma performance. Je me rue vers la tente des kinés où Guillaume me rejoint, également bien amoché par la course. Il sera arrivé 6min avant moi, sans aucune prépa spécifique mais avec un moteur d'avion sous le capot : chapeau l'artiste !!
On se pose tous les 4 autour d'un repas campagnard, mais sans avoir vraiment faim. L'instant est plutôt propice à débriefer, à savourer l'instant présent. A se laisser dériver, comme souvent après une course, vers un sentiment exagéré proche du devoir accompli. Michel en profite pour échanger son expérience avec d'autres habitués. Il est 23h40 et des brouettes, nouveau challenge : traîner sa carcasse jusqu'à la voiture et rentrer dormir. Dernier effort, encore du D+: l'escalier de l'entrée du gîte puis celui qui mène à ma chambre finiront d'achever le zombie que je suis. Je sais que la nuit va être mouvementée car aucune position ne trouvera grâce à mes yeux et l'adrénaline ne retombera qu'au coeur de la nuit... Je suis cent-bornard !
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2 commentaires
Commentaire de philkikou posté le 30-09-2022 à 10:05:35
Bravo pour ce premier cent bornes bien géré avec un bon chrono.. Croisé des Kikous ( 14 inscrits sur le Kivaou !) .. Bonne récuo.
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 04-10-2022 à 15:45:19
Bravo pour ton chrono, beau récit précis : c'est du vécu !
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