Récit de la course : Le Grand Raid des Pyrénées - Grand Trail 2008, par Francis31

L'auteur : Francis31

La course : Le Grand Raid des Pyrénées - Grand Trail

Date : 29/8/2008

Lieu : Saint Lary Soulan (Hautes-Pyrénées)

Affichage : 6043 vues

Distance : 75km

Objectif : Pas d'objectif

11 commentaires

Partager :

137 autres récits :

Quelle aventure !

Me voici donc arrivé à Vielle-Aure jeudi après-midi plein de confiance ( après un entrainement très montagne : sorties successives de 1500 à 2000 m de D+) mais aussi plein de doutes car justement, en montagne, entre 1500 m D+ et 4500 m D+ sur 75 kms il y a une grosse différence. Au retrait du dossard, mon sac est rigoureusement contrôlé ( cela rassure, l'organisation est sérieuse). Ensuite je retourne à mon véhicule pour à nouveau contrôler la partie alimentaire du sac en essayant de voir large sans pour autant m'alourdir inutilement car le sac pèse déjà bien assez (dans les 4 kgs environ). Direction la pasta-party où je retrouve Mic31 (cf son magnifique CR sur son blog )avec le sourire des grands jours, je fais également connaissance avec Toom,puis briefing d'avant-course. je retrouve Grumlie au départ de l'ultra.  Après avoir encouragé les "furieux" de l'ultra, je rejoins mon campingcar de luxe pour une nuit blanche (comme souvent pour moi avant un gros défi)

 

 Vendredi 6h30, debout (pas besoin de réveil), petit déj, ultime vérification et direction la ligne de départ. le temps est magnifique.

 


 

Les concurrents se rassemblent sur la place.

 

 

Je retrouve Mic31 et Grumlie

 


 

 

Et le départ est donné à 8 h. Sur Youtube : Vidéo du départ

 J'ai un plan d'attaque pour être de retour vers 23h30... Quel optimisme !!!

Donc, nous voila partis à l'assaut des montagnes pyrénéennes. tout commence par 1 km de route pour rejoindre Le Vignec, ensuite une piste large nous amène aux granges de Lias,

 

 

 

 Pour l'instant, tout va bien, je prends mon rythme. Nous atteignons Espiaube et de là découvrons la suite du programme : remontée de piste de ski . Ca va chauffer !!

 

La pente se redresse. Je garde néanmoins un bon rythme.

 

 

 

Et pour chauffer, ça chauffe ( et dire que cela fait moins de 2 h que nous sommes partis !!

 

 

 

 

Allez un dernier coup de rein avant le 1er ravitaillement. Je croise Cyril, organisateur du trail du Caroux avec qui j'échange quelques mots.

 

 

 

 Il est 10h17, j'arrive au Col de Portet 2215 m avec 30min d'avance sur mon plan, le moral est au beau fixe, comme le temps (ça commence quand même à cogner dur, surtout boire régulièrement). 1400 m D+ et 12 kms d'avalés, plus que 63 kms!! Bon n'y pensons pas, concentrons nous sur l'objectif suivant : la Hourquette Nère 9 kms plus loin.

Pour cela nous descendons vers le Lac de l'Oule puis le longeons par un sentier en balcon qui nous permet de courir tranquillement

 

 

 

Sur Youtube : Vidéo du sentier en balcon de l'Oule

 

Au bout du Lac, le sentier progresse tout d'abord dans une forêt de pins, puis la pente se redresse pour monter au lac de Port Bielh 

Je me retourne pour admirer le paysage du Lac de l'Oule au loin,

 

 

 

 

 et la fameuse hourquette Nère qui me parait encore bien loin.


 

 L'altitude commence à se faire sentir, je ralentis un peu mais tout va bien. A l'approche du col, je fais quelques photos de la vallée que nous allons quitter pour basculer vers Tournaboup.

 

 


 

 Arrivé à la Hourquette Nère 2465 m, j'échange quelques mots avec les 2 gendarmes du PGHM, petite photo de la vallée à dévaler

 

puis attaque la descente et là, première mauvaise surprise, moi qui pensais dérouler ma petite foulée jusqu'au prochain ravito, je dois me contenter d'alterner marche et course tellement les obstacles sont fréquents.

 

 
 
 
 
 

 

Résultats : j'arrive au 2ème ravito à Tournaboup à 13h46 avec 5 min de retard sur mon plan. Bon, c'est pas catastrophique, le moral est là, le temps est toujours aussi beau. Je fais le plein en eau, me ravitaille et c'est reparti direction le col de Sancours 900 m au dessus de nous.

Je suit une concurrente qui imprime un rythme qui me convient : marche soutenue sur une pente régulière . Elle me propose de passer devant, je décline la proposition car je commence à ressentir les effets de la chaleur et des 35 kms déjà parcourus.

 

Le pic du midi est en vue, la pente se redresse, il fait très chaud.

 

 

 

 Un concurrent est à l'arrêt assis dans l'herbe : il me dit être prêt à abandonner, je l'encourage, lui dit que le prochain ravito n'est plus très loin et je reprend ma route..(Je le retrouverai à La Mongie tout souriant).

 


 

 Je reprends donc la route, ou plus exactement mon chemin de croix. Les 200 derniers mêtres de dénivelé à gravir sont pour moi un vrai calvaire, mon premier gros coup de mou : il fait trop chaud, le sac est trop lourd, mes jambes me trouvent trop lourd, plus rien ne va, je suffoque, manque d'air, envie de vomir, envie de pleurer..Qu'est ce que je suis venu faire dans cette galère, quel prétentieux suis-je pour m'être lancé dans cette histoire???

Et pourtant j'avance péniblement, mêtre après mêtre, je fais des pauses photos (c'est une bonne excuse dans ces cas là, n'est-ce pas ?), je passe le lac d'Oncet, je sais que le ravito est à portée.

 

 

 

Enfin, le col de Sancours 2378 m. Il est 15h51, je suis à mi-parcours et je gamberge terriblement.J'ai l'impression d'être exténué, je m'assois et attend 5 min pour retrouver un souffle régulier, je mange un peu, bois beaucoup ( j'aurai, après estimation, bu environ 7 litres d'eau sur le parcours). Je sort mon tableau de marche et là, bonne surprise, je n'ai pas trop perdu de temps dans cette portion. Voilà qui me redonne un peu de moral pour attaquer la descente vers le pont des Vaques. 


 

 La première partie de la descente est technique et glissante, ensuite quelques pierriers histoire de corser le tout ( si,si il ya un concurrent dans le pierrier!!)

 

 

 

La pente fini par s'adoucir, j'en profite pour alterner petit trot et marche rapide.

Un petit coup d'oeil en arrière sur le pic du midi de Bigorre.

 

 


 

 Arrivé au pont des Vaques, il me faut remonter un rapaillou d'environ 100 m D+, je passe la première lente et pense au super ravito qui m'attend à La Mongie. Je dis je et non plus nous, parce que depuis le col de Sancours, je suis seul : personne devant et personne derrière, même au loin. Ce sera souvent le cas jusqu'au col de bastanet.

Après ce petit rapaillou, La Mongie est en vue mais il faut donner un coup de rein ( 120 m D+).

AH : La Mongie. 17h27. C'est là que la décision doit se prendre : arreter ou aller au bout quoiqu'il arrive. Il reste quand même 30 kms et 1200m D+ à parcourir sur un terrain très technique parait-il !!!

C'est Grumlie qui m'accueille chaleureusement, me raconte ses déboires (cf son CR) et me donne des nouvelles de Michel (Mic31) qui a aussi eu un coup de mou dans le col de Sancours et qui vient de repartir 15 min plus tôt. Etonnamment, cela me redonne de l'entrain de savoir que je ne suis pas le seul à avoir été à la peine. Au ravito, une gentille dame me déleste de mon sac et me propose de changer l'eau de ma réserve!!!!A l'intérieur, même accueil, je ne regarde pas trop les lits de camps sur lesquels quelques concurrents se reposent (la tentation est forte mais je sais que si je m'allonge, je ne repartirai pas), je m'assois quand même pour me ravitailler : une bonne soupe bien chaude, pain-jambon-gruyère, compote et orgie de quartiers d'oranges. A la sortie, le médecin me demande si je vais bien, m'examine rapidement. j'en profite pour lui demander quelles sont les causes de ma défaillance du col de sancours : forte chaleur+altitude+fatigue selon lui, normal quoi

Ces 10 min de repos m'ont fait du bien, je me débarrasse de mon plan de marche, je n'ai plus qu'un objectif : rallier l'arrivée coute que coute, ne pas revivre mon échec aux Citadelles, me prouver que je suis capable d'aller au delà du delà ( c'est ce que je dirai à Flo au téléphone un peu plus tard).

Grumlie m'accompagne vers le départ du sentier ( encore merci : ta présence et tes mots d'encouragements m'ont fait un bien terrible) et me prend en photo 

 

 

 

 Les photos sont parfois trompeuses, ce pas décidé pourrait laisser croire que je suis en pleine forme : il n'en est rien !!! Mais quand il faut y aller, il faut...Alors j'y vais direction le barrage du castillon, toujours personne devant...L'aventure commence, car je sais que je viens de passer le point de non-retour et que la nuit va vite arriver. la température est déjà plus agréable.

 

 


 Ensuite, début des hostilités en direction du col du Bastanet ( après c'est gagné parait-il !!!).

Mais pour l'instant, je préfère procéder par étapes, me concentrer sur des objectifs intermédiaires, obtenir ces petites victoires intérieures telles que atteindre le sommet de cette bosse, viser le bas du 1er barrage, puis le haut....

 

 

 

 Pas après pas, la machine que je suis devenue avance, le temps passe, le temps s'oublie. La fatigue revient, je n'ai pas faim ni soif mais je me force à m'alimenter et boire, je sais que c'est vital pour terminer. Juste sous le refuge de Campana, un concurrent est assis, il n'en peu plus , veux abandonner : je lui conseille de se reposer,manger et repartir doucement jusqu'au refuge 200 m plus haut (il me dépassera tranquillement avec un grand sourire après le col).

 J'arrive au refuge de Campana à 20h44 : la luminosité commence à diminuer, je m'active à remplir ma réserve d'eau à la fontaine, enfile un maillot manche longue et troque ma casquette contre le buff rouge magique car un petit vent glacial se fait sentir.

Je repars avec l'espoir de franchir le col avant la nuit. 

 

 

 

 

 Plus que 300 m D+ avant ce satané col. Je me retrouve très rapidement dans l'état d'agonie du col de Sancours : plus de jambes, manque d'air, envie de vomir, personne devant, personne derrière. Terrible sensation de solitude. Envie de m'arreter et dormir sur place (le vent glacial me rappelle à ses bons souvenirs pour m'en dissuader).

Il n'y a plus de sentiers, rien qu'un enchevetrement de cailloux, de marches, de pièges à chevilles..

Même la beauté des paysages au soleil couchant ne me remonte pas le moral.

 

 

 

 

  Et puis ça y est : il fait nuit. La sensation de solitude devient extrème.Le seul indice de vie dans cet univers minéral : le bruit de mon propre souffle.

 

 

 

 Je passe donc en mode vision à faible distance avec ma frontale. Il me reste 100 m de D+ pour atteindre le col. Je vois des mouvements de frontales, je suis exténué, obligé de m'arreter tous les 3 ou 4 pas. J'ai en tête l'image de ces himalayistes progressant avec peine vers leur sommet. Je m'arque boute sur mes batons comme un désespéré mais je ne lacherai pas cette fois (de toute façon je n'ai pas le choix : "il n'y aura aucune évacuation de confort" dixit le brefing)..Et je pense à ma femme, mes enfants : non, je ne lacherai rien.

Le col 2507 m est enfin atteint  . 2 Bénévoles qui vont passer la nuit là haut m'encouragent et je suit un concurrent qui s'engage dans la descente : à 2 on n'y voit beaucoup mieux, d'autant plus que le "chemin" est très technique, glissant par endroit, orientation demandant beaucoup de vigilance pour ne pas louper de balise. A l'approche du refuge de Bastan, des cris d'encouragements venus de campeurs nous parviennent assortis d'un mini feu d'artifice..Sympa, le sourire revient.

Una autre  coureur nous rejoind, le sentier devient un vrai sentier, le rythme s'accélére (faut pas réver : marche rapide car pour courir, on verra plus tard si j'en suis encore capable) et très rapidement nous formons un convoi de 4 coureurs. La notion de temps reprend le dessus, car cette section me semble interminable. D'autant plus qu'un dernier raidillon nous attend.

Dernier ravitaillement  au col de Portet, il est 23h15, je m'excuse auprès des bénévoles d'être en retard pour l'apéro et les remercie de la chaleur de l'accueil.

A partir de là, y plus qu'à descendre les 11kms et 1400 m D- qui nous attendent. Nous repartons toujours en convoi, en descente tranquille puis sur un chemin qui semble traverser des prairies. Je suis en mode "zombie" : j'avance mécaniquement. Le ciel est étoilé, la vue sur la vallée de St Lary illuminée est sympathique, la température est agréable, tout va bien me direz vous ?? Et non, les derniers kms se feront dans la douleur (quadris en feu) et m'obligeront à laisser partir les 3 coureurs de notre convoi après Soulan.

Cette dernière partie se fera en alternant petit trot et marche. Je rencontre un coureur en difficulté avec qui je passerai quelques minutes .

J'arrive enfin en bas de la vallée, encore 1 km de route...

Il est 1h 29 lorsque je franchis la ligne d'arrivée avec un grand sourire. "Je l'ai fait"..

17h29 de course. 69 ème au scratch.

75 kms - 4500 m D+

Petit ravitaillement, douche puis direction le "lit". Passé 5 min à savourer le plaisir d'être enfin allongé, mes jambes se transforment en un amas de douleurs qui m'empecheront de trouver le sommeil...On ne m'y reprendra pas, me dis-je...

Aujourd'hui, 2 jours sont passés et je me dit pourquoi pas....

 

 

11 commentaires

Commentaire de Mustang posté le 31-08-2008 à 15:33:00

belles photos, récit émouvant! bravo pour cette première sous un grand soleil!!

Commentaire de Jack posté le 31-08-2008 à 16:24:00

Bravon pour ta course et merci pour le CR.
Très sympa avec les photos.

Jacks

Commentaire de la panthère posté le 31-08-2008 à 17:16:00

superbe ton cr......bravo au photographe, à la "machine" qui t'a emmenée jusqu'au bout, merci pour ce beau récit plein d'humour, ça donne vraiment envie!!!

Commentaire de Epytafe posté le 31-08-2008 à 18:28:00

Merci pour ce très beau CR, joliment illustré qui plus est. Très agréable à lire et qui donne envie de tenter la distance, merci !

Commentaire de shunga posté le 31-08-2008 à 20:56:00

Pareil !
Photos magnifiques qui accompagnent parfaitement le récit et donne vraiment envie d'y être.
Merci

Commentaire de Cawito46 posté le 31-08-2008 à 22:07:00

toujours de superbes récits ce Francis31 ! un régal. Tu racontes bien, et on souffre avec toi et puis on jubile avec toi ! et ces photos ! que du bonheur. J'aimerais tellement pouvoir faire ce genre de chose.
Bravo à toi et bonne récup.

Commentaire de peky posté le 01-09-2008 à 08:46:00

bonjour,

bravo pour le récit et les photos. Mais surtout bravo pour ta ténacité. tu as réussi à surmonter les difficultés.

Commentaire de frankek posté le 01-09-2008 à 11:01:00

bravo ! bravo ! c'est super ! ton réçit est très émouvant ! et tes photos sont superbes !! récupère bien et encore bravo...

Commentaire de mic31 posté le 01-09-2008 à 13:16:00

Apparemment il y avait des zones à risques où nous attendaient les coups de moins bien (Sencours et Bastanet, comme toi).
Tu as la bonne tête du gars qui en bave sur la piste de ski...
Au plaisir de partager une autre course,
Michel

Commentaire de grumlie posté le 01-09-2008 à 16:26:00

Bravo d'avoir réussi à passer le cap "La Mongie"!!! Je suis content d'avoir eu un impact, mais c'est surtout toi qui a fait ce qui fallait.
Encore bravo, bonne récup et à bientôt sur les sentiers.

Commentaire de hagendaz posté le 01-09-2008 à 22:35:00

merci pour ces photos et un grand bravo à toi pour cette première

Il faut être connecté pour pouvoir poster un message.

Votre annonce ici !

Accueil - Haut de page - Aide - Contact - Mentions légales - Version mobile - 0.07 sec
Kikouroù est un site de course à pied, trail, marathon. Vous trouvez des récits, résultats, photos, vidéos de course, un calendrier, un forum... Bonne visite !