Récit de la course : Le Grand Raid des Pyrénées 2008, par L'agneau

L'auteur : L'agneau

La course : Le Grand Raid des Pyrénées

Date : 28/8/2008

Lieu : St Lary Soulan (Hautes-Pyrénées)

Affichage : 4686 vues

Distance : 150km

Objectif : Terminer

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Le Grand Raid des Pyrénées – L’ultra trail - 150 kms - 9.000 D+

Jeudi 28 Août 2008, 17H30, nous arrivons à Vielle-Aure avec Isa, qui a tenu à me soutenir jusqu’au départ. La tension est grande, c’est ma première expérience sur l’ultra et qui plus est en montagne. Cette sortie est l’objectif majeur que je me suis fixé en 2008. Depuis quelques années j’entends parler de l’UTMB, la Diagonale des fous et comme la plupart d’entre nous, je rêve d’y participer. Mais c’est pas simple de s’inscrire et à organiser familialement. Bref, l’annonce de ce Raid est pour moi l’occasion de découvrir ce genre d’épreuve sans trop de difficulté de logistique : les Pyrénées sont à 250 kms et je connais assez bien le secteur puisque j’y vais depuis 10 ans faire du ski. J’avais programmé 3 sorties de préparation, le Grand Brassac, Les Gendarmes et les Voleurs et Les Crêtes d’Espelette pour faire du dénivelé sur des distances de 30 à 45 kms, et 15 jours non stop dans les Pyrénées pour suivre la Haute Route des Pyrénées entre Iraty et le lac d’OO soit 30.000 m de D+ et 150 H de marche. J’ai étudié le parcours en me fixant des objectifs précis sur les 5 barrières horaires. En regardant les horaires prévus, il m’est vite apparu que la barrière de Villelongue à 20H00 devait me servir de base pour le décompte. En me fixant 19H00, il me fallait être à Cauterêts à 13H30, à Luz Saint Sauveur à 9H00 et à Tournaboup à 5H45. Je pouvais ainsi me restaurer à Villelongue, monter sur Hautacam dormir 2H00 et repartir vers la Mongie pour 8H00, me restaurer et me reposer 2H00 et arriver à Vielle-Aure vers 18H00. Sur le parking de proximité je croise des regards concentrés, inquiets, des odeurs d’huile de massage, de pommade  et de gels divers émanent des voitures dans lesquels des concurrents somnolent ou se préparent avec beaucoup d’application. Je passe aux inscriptions et je croise Michel Frompier, l’organisateur du GRP. Il paraît encore plus tendu que les concurrents, depuis 8 mois qu’il le prépare, et une dernière semaine à régler les ultimes détails de logistique, à positionner le balisage, à négocier avec les villages, les bergers, qui ne voient pas tous d’un bon œil cette manifestation. Pour lui l’important reste la sécurité et cet aspect a été déterminant dans les choix d’itinéraires et de barrières horaires. Eviter autant que faire se peut les routes, suivre chaque participant par des checkpoints réguliers 14 en tout et pouvoir donner un avis médical à chaque ravitaillement afin autoriser ou non la poursuite du Raid pour les participants en difficultés. Jusqu’au dernier moment, le parcours a dû être modifié. Aujourd’hui les 250 concurrents maxi prévus sont presque tous là, la météo est bonne avec seulement un risque d’orage samedi en fin d’après midi. Il me dit de faire très attention, de partir doucement et que les 50 derniers kms sont très durs. Je passe aux inscriptions et après un contrôle minutieux de mon sac, je repars préparer mes dépôts intermédiaires prévus à Villelongue (87ème kms) et La Mongie (121ème kms). Je me prévois des rechanges complets et quelques barres de céréales.

  

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Il est 18H30, je reviens à la voiture pour terminer de me préparer, je m’enduis les pieds de pommade NOK et garde le tube pour m’en remettre régulièrement, je prend un collant long pour le départ et un court dans le sac pour me changer s’il fait trop chaud. Je mets mon short de randonnée qui avec ses nombreuses poches me permet de conserver sous la main une boussole et le roadbook. En effet, malgré que le parcours soit balisé, mon expérience de la montagne m’amène une relative prudence, une boussole et une carte sont très souvent utiles et j’avais scanné le parcours par zone. Je prévois d’amener 3 litres, un Camelbag de 2 litres pour l’eau et 1 bidon d’un litre dans lequel je mélangerai des gels (Overstim : Antioxydant, Energix et Energix salé) Une barre de céréale par heure et 1 gel toutes les 4H00.  Je fais l’impasse sur l’appareil photo, trop lourd et fragile en cas de chute.

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A 19H30, enfin prêt, nous partons avec Isa vers la Pasta Party située dans la salle communale de Vielle-Aure à 300m. La plupart des concurrents sont déjà attablés. Je croise Lucien de Cestas, rencontré au Grand Brassac et à Espelette,  un bon qui vise les podiums et qui vient se préparer pour la Réunion. On échange 2 mots d’encouragement et je termine mon plateau : crudités, pâtes, tarte. Il reste 30 mn avant le briefing général prévu à 21H00, nous partons prendre un café dans le bar du village. Là je rencontre Alain de Toulouse, qui prépare la Diagonale 2009 et qui s’essaye lui-aussi sur cette distance et ce dénivelé. Nous échangeons sur notre stratégie de course, je lui fais pars de mes inquiétudes sur la barrière horaire de Villelongue et du risque de se perdre. Il me rassure en me disant qu’il faut aborder ce genre de course avec un optimisme maximum sinon on ne part pas. 

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A 21H00, nous repartons vers la salle municipale pour le briefing, la salle est déjà pleine et nous nous frayons un chemin pour atteindre la porte. Beaucoup de monde reste dehors et les consignes devront être reprises en écho pour que chacun puisse les entendre. Sécurité, sécurité maximum. Les consignes sont claires. Chaque concurrent à dû remettre son numéro de portable aux organisateurs et prendre le n° du PC course. Le parcours est décrit zone par zone avec ses difficultés connues et ses risques. Nécessité de partir d’Hautacam vers le col de Sencours en binôme. Aucune évacuation de confort, des bus ramèneront les abandons depuis les points de ravitaillement, un avis médical inopposable sera donné pour repartir des points de ravitaillement. Un discours clair qui rappelle à chacun que l’entreprise n’est pas simple et que le parcours est extrêmement exigeant.

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21H45 ligne de départ. Je croise Daniel, un ex collègue de travail, jeune retraité qui vient m’encourager au départ. Super, ça me fait vraiment plaisir qu’il soit venu. Il me souhaite beaucoup de courage, il connaît la région et me dit que ça lui semble impossible de réaliser ce parcours avec le timing prévu.

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Je retrouve Alain de Toulouse pour la photo de départ, mais il est décidé de partir devant alors que je préfère partir très doucement comme me l’a fort bien appris l’Ourson à qui je dédis cette première. Donc chacun son rythme, et on prévoit de se retrouver aux ravitaillements. 

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22H00, le départ est donné au centre du village sous les applaudissements et les encouragements de nombreux spectateurs. Je trottine le 1er kilomètre de route jusqu’à Vignec, mais très vite, la pente nous rappelle la montagne et la montée vers Espiaube est rude sur un bon chemin au début et qui se transforme vite en sente qui traverse les estives. J’ai déjà avalé mon bidon de gel, la nuit est noire, nouvelle lune oblige mais le ciel est dégagé et étoilé. Je me retourne et l’image de la Saintélyon avec cette grappe de frontale me vient à l’esprit. Je monte sur un bon rythme en compagnie d’une concurrente qui n’avait pas pu s’inscrire à l’UTMB et qui avait trouvé dans le GRP, un objectif similaire. Elle part sur des bases de 40H00. On se perd au ravitaillement du col du Portet et je ne la reverrai pas. 0H35 j’arrive au col de Portet, 1.421 m de D+ de fait, 40 mn d’avance sur mon timing, j’avale 3 bols de soupe et 1 café, fait le plein d’eau et boit 1/2 litre d’eau gazeuse. Je vois Alain arriver, j’ai du le doubler dans la montée. On se donne rendez-vous à Tournaboup. Je me mets à trottiner sur une bonne sente qui m’amène vers le lac de l’Oule en suivant une dizaine de personnes. Peu après, le peloton se regroupe autour du chef de file qui est perdu. Plus de balisage. Jusqu’à présent, j’ai suivi la meute sans jamais me préoccuper du balisage et je ne devais pas être le seul…  Je remarque une plaque directionnelle marquée « Lac de Port Bielh » que je propose de suivre car c’est direction Nord correspondant à notre route. Nous partons à trois, tous les autres partent vers l’Ouest en suivant un chemin bien formé. Au bout de 200 m, nous faisons demi-tour car la sente n’est pas bien marquée et il nous paraît improbable que 100 coureurs y soient déjà passés. Nous rejoignons l’autre groupe après 15 mn qui s’est encore arrêté et hésite. Pas de balisage visible, mais la chemin est bon, bien tracé et plein Nord. Je suis le seul avec une boussole, je propose de continuer vers le Nord. Un petit groupe se forme autour d’un coureur qui a un GPS et il décide de revenir sur leurs pas pour reprendre le chemin que l’on vient d’abandonner. Tout le monde repart alors en arrière et prendre la direction indiquée vers le Lac de Port Bielh. La sente devient très pentue et grimpe dans les rhododendrons au travers de blocs rocheux énormes. En file indienne, nous progressons difficilement pendant 30 mn, ma boussole indique plein Est, sûr on se plante. Le groupe de tête à l’air de savoir où il va, les autres suivent mais s’interrogent. Un coureur appelle le PC Course, indique une montée en forêt avec des arbres et des rochers entre le lac d’Oule et le lac de Port Bielh, le PC course confirme la bonne direction sous réserve de suivre plein Nord. La montée est extrêmement difficile et il est impensable maintenant de faire demi tour car la descente par le même trajet serait trop dangereuse la nuit. Après 45 mn, nous sortons de la forêt,  la nuit étoilée nous dévoile une crête devant et un petit lac à nos pieds. Je me décide à sortir ma carte de mon sac, ayant suivi régulièrement notre direction, je me positionne assez facilement sur la carte vers le petit lac du Bastanet. Normalement un sentier part sur la droite du Lac. Un coureur espagnol regarde la carte et avance dans le marécage avant de me faire signe. Il y a bien un chemin qui longe le lac par la droite. J’indique à d’autres coureurs que je pense savoir où l’on est et que je vais suivre le chemin pour rejoindre 2 kms plus loin notre route normale. Des lumières de frontale apparaissent un peu partout en sortant de la forêt, certaines semblent même descendre d’un col visible sur la droite. Je pars avec le coureur Espagnol mais personne nous suit. Très vite, nous longeons le lac de Bastanet par la droite ce qui nous confirme notre positionnement. 30 mn plus tard, nous croisons une bergerie par la gauche  et nous retrouvons les balises. Gagné. Nous faisons des signes avec notre frontale pour informer les dizaines de points lumineux disséminés dans le vallon que nous avons retrouver le bon chemin. Nous commençons la montée de la Hourquette Nère, Pello m’encourage et m’attend. J’ai laissé beaucoup de force dans les rhododendrons et la sente caillouteuse est infernale, elle n’en fint pas. Bientôt 2 gendarmes du PGHM nous accueillent au sommet, ils nous informent qu’un 1er groupe est bien passé mais que depuis ça jardine pas mal. En effet, on aperçoit des loupiotes de partout mais elles semblent maintenant converger vers nous. Certains on pris l’itinéraire de retour et sont montés au cal du Bastanet, on les aperçoit qui redescendent. Après 5 mn de repos, nous repartons, Pello n’aime pas la descente, je passe devant. Tout va bien, je connais ce parcours pour l’avoir fait en raquettes cet hiver. Pas de soucis de balise tout va bien et vite. Seulement 2 coureurs nous doubleront en faisant la descente et nous arrivons à Tournaboup à 5H32 soit 10 mn d’avance sur mon timing. Nous informons les organisateurs de nos problèmes de balisage et des coureurs perdus. Ils sont déjà au courant et prévoient même de laisser un délai supplémentaire pour cette barrière horaire. Après avoir refait le plein, bu de la soupe, manger du jambon et du fromage départ vers Luz Saint Sauveur. Je croise Alain qui arrive, fatigué lui aussi d’avoir tourné pendant 1H30, je le laisse en lui disant qu’on se retrouverait à Luz.5H45, nous engageons la descente vers Luz, 13 kms, 240 m D+ et 1.000 m D-. J’avais prévu 3H00 pour ce tronçon. Pello m’attend pour repartir, super, il est vraiment très sympa et a envie comme moi de ne pas s’embarquer seul dans la galère donc plus nous ferons la route ensemble plus nous irons loin. Notre rythme est quasiment identique et depuis 4H00 que nous courons ensemble l’entente est parfaite. Seule difficulté, je ne parle pas espagnol et il parle très peu le français. La gestuel en courant et la nuit, c’est compliquée donc nos échanges sont extrêmement succincts et pour des sujets importants l’orientation ou l’état de fatigue. Nous décidons de marcher vite mais sans courir, nous adoptons un rythme de marche à 6 Kms/H. Après 200 m de route nous longeons un petit torrent sur la gauche de la route de Barèges sur une route carrossable en bonne état jusqu’aux thermes de Barèges où nous rejoignons le GR10 qui traverse la forêt d’Aytré. Superbe parcours en sous bois avec le jour qui se lève et les petits hameaux éclairés à flanc de montagne. Nous avançons bien, alternativement sur des sentiers bien formés et sur des petites routes goudronnées. Nous grimpons sur la crête de Couret et toute la vallée de Luz se découvre devant  nous avec le jour qui se lève. Luz nous paraît toujours loin alors que depuis 30 mn nous apercevons les lumières de la ville. L’itinéraire proposé est très bucolique et nous nous engageons dans une descente très pentue dans les fougères, les rhodo et les genévriers. Une chance j’ai toujours mon collant long qui me protège les jambes. La descente est éprouvante car la sente est petite et en dévers. Nous arrivons à Luz à 8H00, quelques rares spectateurs nous encouragent en regagnant le gymnase du ravitaillement. J’ai 1H00 d’avance sur mon timing, tout va bien. Nous prenons la tenue d’été et nous faisons le plein. Soupe, gruyère, jambon, cake et eau gazeuse. Je décide de prendre une douche glacée pour me réveiller et me laver les pieds avant de repartir. Pello s’étire, il commence à avoir des crampes. Je lui passe un tube de Sportenine pour qu’il prenne 1 comprimé toutes les heures. Alain arrive, fatigué mais volontaire. Nous on repart avec Pello vers Cauterets.8H30, nous engageons la montée vers luz Ardiden et le col de Riou avant de redescendre vers Cauterets, 20 kms, 1.250 D+ et  1.050 D-. La journée promet d’être belle, le soleil tape déjà et il est 9H00. La route qui monte vers Sazos fait mal aux mollets. Arrivés à Sazos, le balisage est hésitant. Les flèches orange fluo sont rayées par du rose fluo et des flèches rose fluo nous envoient dans la direction opposée. Connaissant bien le tronçon je suis la direction indiquée par les flèches oranges et je préviens 2 coureurs devant nous de ne pas suivre les flèches roses qu’ils vont malgré tout suivre. J’espère qu’ils ne sont pas aller trop loin avant de faire demi tour. Un bon sentier mène à Grust puis continue à moitié à découvert, à moitié en forêt en coupant la route quelques fois. Après un replat vers 1400m, un dernier raidillon permet de rejoindre le parking du Bédéret. On fait une pose de 15 mn à l’ombre d’un cabane où sont entreposées quelques bouteilles d’eau et de Coka. Le col de Riou est bien visible mais la chaleur commence à être oppressante. On remonte ensuite une piste de ski en compagnie d’un couple de randonneurs partis vers le Viscos. Pello mène le rythme en montée et nos deux jeunes randonneurs ne peuvent plus suivre. Nous rejoignons à bout de souffle par des zigzags interminables le Col de Riou à 2.000m. Après un petit ravitaillement en barres de céréales, je prends la tête pour la descente. Le GR10 redescend de l’autre côté par des lacets, d’abord à découvert dans une prairie parsemée de blocs, puis en forêt. Nous coupons au maximum les lacets et rattrapons 2 coureurs que nous n’avions pas encore vus. Nous arrivons à une piste carrossable puis une petite route goudronnée. Toute la descente se fait avec une vue magnifique sur Cauterets et la plupart du temps à l’ombre. En face de nous se dresse le Cabaliros. J’explique à Pello que la montée sous la chaleur va être abominable. Vers 12H30 nous arrivons en vue des thermes et on rejoint la mairie où est prévu le ravitaillement. Je croise la femme d’Alain qui nous encourage et me demande de ses nouvelles. Je lui dit qu’il est 5 à 10 mn derrière moi. J’ai toujours l’heure d’avance sur mon timing. Je propose à Pello de prendre une bière au café de la mairie et il en profite pour aller acheter de la Sportenine à la pharmacie, ses crampes sont passées mais il veut continuer à prendre des comprimés en prévention. Nous allons au ravitaillement faire le plein d’eau et prendre comme d’habitudes soupe, gruyère, jambon, cake et eau gazeuse.13H00, départ vers Villelongue, l’étape la plus dure d’après ma connaissance du Cabaliros. 25 kms, 1.500 D+, 1.800 D-. Pello prend les commandes et impose un rythme soutenu. Le chemin est bon mais monte dur. A la sortie de la forêt, nous nous rafraîchissons dans un ruisseau avant d’attaquer la montée du col de Contente puis le sommet du Cabaliros. Nous découvrons un groupe de 4 coureurs déjà bien engagés dans la montée et devant on devine quelques coureurs isolés. On rattrape et double le groupe de 4 dont une fille. Arrivés au col de Contente, 6 coureurs sont allongés dans l’herbe, ils sont exténués et ne veulent pas repartir persuadés que la barrière horaire de Villelongue est déjà grillée. Pello est fatigué, je le booste pour au moins arriver au sommet car si on s’arrête maintenant c’est cuit pour repartir. Le groupe de 4 arrive, seule la fille nous suit, les autres s’allongent dans l’herbe, exténués. Il nous faut encore 45 mn pour atteindre le sommet et nous rattrapons 5 coureurs tous hagards ou arrêtés. Les gendarmes du PGHM nous rassurent nous sommes 112ème  et 113ème au sommet et nous indiquent 1H30 de descente tranquille. En fait, il reste 15 kms d’après le roadbook mais sûrement plus près de 20 en réalité. La descente est interminable, nous sommes obligés de récupérer de l’eau à une source, il me faudra 5 litres d’eau pour ce tronçon. Arrivés vers 17H25 au Turon de Béné, encore 8 kms jusqu’à Villelongue, je rassure Pello en lui disant que c’est possible et qu’à 19H00 tranquilles nous serions attablés à Villelongue. Mais après le Turon de Béné, la piste n’en finit plus, puis un chemin encaissé avec des blocs et de l’eau, puis un autre chemin et enfin on aperçoit les 1ère maisons mais l’altimètre reste à 1.000 m et nous allons à 450 m. Il est 19H00, il reste encore un heure et nous ne sommes toujours pas arrivés à Pierrefitte et y’a 3 kms entre Pierrefitte et Villelongue. Pello est mort, il abandonne, n’y croit plus. Je le persuade d’essayer et d’avoir tout tenté avant de renoncer. J’accélère l’allure et commence à courir dès l’arrivée d’une route goudronnée. Pello suit mais me demande de ralentir un peu. Il court pour moi, comme il dit. A 19H20 nous arrivons à Pierrefitte, je suis soulagé mais je découvre que l’itinéraire pour rejoindre Villelongue évite la ville et remonte à flanc pour redescendre au rond point de Luz. J’hésite à couper mais je suis le parcours prévu en continuant à courir. 19H45, nous entrons enfin dans Villelongue, des spectateurs nous indique le gymnase, 500 m après une côte.. Pello râle après les organisateurs, il est persuadé qu’ils ont tracé le parcours avec le maximum de côtes pour avoir un fort dénivelé. Nous entrons dans le gymnase à 19H50. Le comité d’accueil nous indique que si nous voulons continuer il faut partir maintenant. Pas de possibilité de manger ni de se changer. Il faut impérativement être partis avant 20H00. Pello ne comprend pas, je lui explique qu’il faut qu’on pointe au départ et qu’après on récupérera nos sacs. Ils nous pointent partant et on sort se mettre à l’ombre d’un platane. Je récupère mon sac intermédiaire, me change dans les toilettes en prenant un bain de pied dans un lavabo. Je passe prendre 3 litres d’eau plate et 1 litre d’eau gazeuse avant de rejoindre Pello complètement exténué. Après avoir manger un peu de gruyère et de jambon, j’appelle Pauline qui m’attend à Hautacam. Elle me pensait éliminé et me dit qu’elle descend me retrouver pour faire la montée ensemble. Pello hésite à repartir, je l’encourage et lui dit que ma fille m’attend à Hautacam et qu’elle descend pour nous accompagner. Que nous pourrons dormir 2H00 sur des lits de camps prévus au ravitaillement. Il repart pour moi, comme il dit. Nous laissons le gymnase à Villelongue avec un groupe de 3 coureurs hésitants, tous les lits sont occupés et quelques zombies errent de gauche et de droite en se demandant où ils sont. 20H15, départ vers Hautacam, 10 kms et 1.200 m D+, Pello reprend les commandes, et m’inflige un rythme que je ne peut suivre, il m’attend et c’est lui qui après 30 mn m’encourage et m’entraîne. Au détour d’un virage deux frontales apparaissent, Pauline et Marc, un organisateur du GRP, nous rejoignent pour nous amener au sommet. Un groupe de 2 est à 30 mn et un groupe de 3 à 15mn devant. Ils nous indiquent que c’est l’hécatombe ; seulement 19 coureurs sont passés à la Mongie et qu’ils en resteraient une quarantaine en course. Ils nous conduisent parfaitement dans la forêt puis au travers des sentes d’estives jusqu’au poste de ravitaillement d’Hautacam. Nous reprenons les 2 groupes devant dans l’ultime ascension. Nous sommes 7 à arriver à Hautacam vers 23H00. Je les informe que nous allons dormir 2H00 pour repartir à 1H30 vers la Mongie. Les autres hésitent. Les organisateurs nous disent que le tronçon est long 7 à 8H00 et qu’en partant à 2H00, il y a un gros risque sur la barrière horaire de la Mongie fixée à 10H00. Je bois et mange de la soupe et me couche. Pello aussi mais les 2 lits de camp sont pris alors un organisateur lui passe son sac de couchage. Vraiment super sympa. Je dit au revoir à Pauline en lui disant de m’attendre vers 18H00 à Vielle-Aure. 00H45, un organisateur nous réveille, il nous propose un départ groupé tous les 7 à 1H00 et nous promet de nous amener sur la Mongie pour 9H00. Ok, car les balises seront peut-être plus difficiles à voir cette nuit. Lui comme serre-file va les récupérer donc c’est un bon pilote. Café, cake, fromage plein d’eau et à 1H00 précise le groupe démarre. 2 nouveaux sont arrivés mais 2 se repartent pas. Dans les nouveaux je retrouve la fille du Cabaliros mais pas d’Alain. Il a dû abandonner. La Mongie est à 30 kms, 1.600 D+ et 1.600 D-. Le parcours passe par la hourquette d’Ouscouaou, le lac d’Ourec, le col de Bareilles, le lac Bleu, le col d’Aoube, le lac d’Aouda, le Col de la Bonida, le lac d’Oncet et le col de Sencours où nous retrouvons un ravitaillement vers 7H00. Donc grimpette dans la caillasse et descente dans des éboulis glissants le tout avec une température douce, pas de vent et une nuit étoilée avec un spectacle d’étoiles filantes, mieux vaut avoir l’esprit clair. Nous nous retrouvons tous les 7 au ravitaillement, chacun d’entre nous est décomposé mais tous voulons aller au bout. Encore 2H00 pour la Mongie, le jour se lève, pas un nuage, la journée va être longue. Après le GO du serre-file, 7 robots se lèvent et avancent comme des pantins. Pello me suit. Il est mal. Je suis mal. 8 kms jusqu’à la Mongie, 250 m D+ et 900 D-. Les descentes me font horriblement souffrir, plusieurs fois je m’arrête pour ôter un hypothétique caillou dans ma chaussure, mais rien et pourtant je le sent qui me perfore le pied. Le cadre est magnifique, nous suivons le torrent qui passe dans la vallée et déjà se profile la ligne de crête à passer cet après midi. La dernière. Je dit à Pello, derrière une grande bière. Il sourit. Il est épuisé. Il téléphone à son épouse pour qu’elle le rejoigne à la Mongie. Je crains le pire. Sans lui, je ne suis pas sûr de continuer. Le Groupe éclate. 2 sont partis devant et 3 sont derrière avec le serre-file. Enfin après la montée vers les Liades, la Mongie apparaît. Déjà ça va mieux. Un dernier effort dans une sente en dévers d’abord descendante puis remontante et nous arrivons sur le parking à 9H00. Pello retrouve ses forces en voyant sa femme et nous entrons dans le hall de la station de ski. Je récupère mon 2ème sac intermédiaire, et part me changer et me laver. J’ai la plante des pieds couverte d’ampoules. Valérie, la fille du groupe, arrive aussi pour se changer et me conseille de montrer mes pieds au médecin. Pello se fait masser et mangeant des yaourts que sa femme lui a amenés. J’en profite aussi pendant que le médecin me perce les ampoules encore intactes, me couvre la plante des pieds de Biafine et m’enrubanne le pied dans une bande. Ça va mieux. Je pars manger de la soupe, des pâtes, du jambon et du gruyère le tout avec 1 litre d’eau gazeuse. Je fais le plein d’eau et me rend compte que tout le monde est déjà reparti sauf Pello allongé sur un lit et un autre coureur Guadeloupéen, Edouard qui dort profondément. Il avait eu beaucoup de peine à suivre le rythme depuis le col de Sencours car il n’a pas dormi du tout. Un organisateur me conseille de partir car il reste encore 30 kms et il faut prévoir entre 8H00 à 10H00 selon l’état de forme. Je vais voir Pello, il est abattu, mort de fatigue. Il se lève et m’invite à boire un bière avant de partir. Nous partons dans son camping car récupérer 2 bières et déjà le serre-file qui revient vers Vielle-Aure nous fait signe d’y aller, il est 10H00. Il nous demande de prendre avec nous Edouard qui après 30 mn de sommeil a retrouvé ses esprits et veut aller jusqu’au bout. 10H00, nous partons tous les 3 vers l’arrivée, 30 kms, 1.300m D+ et 2.200 D-. Une bricole. Le soleil tape fort mais notre rythme est bon. Pello veut arriver à 17H00. Edouard tient la forme. Au bout d’une heure nous rattrapons un coureur parti de la Mongie avant nous puis 2 dont Valérie. Notre rythme baisse de plus en plus, le parcours traverse des énormes blocs sur lesquels il faut chercher son équilibre en permanence. Comme le matin, c’est une succession de col et de vallon dans la caillasse et les gros blocs. Mais où est le col du Bastanet, annoncé comme le dernière difficulté… Bien que persuadés de l’avoir passer nous arrivons au refuge de Campana, donc il faut se rendre à l’évidence, le Bastanet n’est pas passé, cette idée nous sape le moral. Edouard traîne et nous demande de ne pas l’attendre. Il nous rattrapera dans le descente. La montée vers le col du Bastanet est comme prévue et son dernier rang sur la longue liste des cols et hourquettes passés depuis 40H00, lui donne une saveur particulière. Au sommet, pello est heureux, c’est gagné, il nous reste un semi descendant, 4H00 donc on se programme l’arrivée entre 18H00 et 18H30 et envoyons nos SMS à nos supporters prévus à l’arrivée. Nous prenons une bière en passant au refuge de Bastan pour arroser la fin des cailloux et le retour vers des sentes d’estives pas larges mais en bonne terre qui soulage les pieds. 15H40 nous arrivons au dernier ravitaillement tous les trois. Tout le monde est heureux. Personne ne se plaint. On plaisante sur les 12 derniers kilomètres de descente. On attend le groupe de 3 avec le serre file qui arrive 10 mn derrière nous. Pello est pressé et nous repartons devant eux. Edouard nous mène un train d’enfer et très vite nous ne voyons plus le groupetto. Tout le monde veut en finir rapidement. Dans la descente Edouard loupe la bifurcation et part directement sur Vielle-Aure par la route, il arrivera 20 mn avant nous. Nous arrivons sur le goudron, nos pieds sont en feu, Pello s ‘arrête pour inverser ses chaussettes. Encore 2 kms. Nous traversons les village de Soulan et de Vignec comme des zombies. Les rares spectateurs, sûrement improvisés, nous applaudissent chaleureusement, quelqu’un nous demande si nous faisons une course. Dernière ligne droite, un coureur nous prend en photo, il a abandonné et nous félicite, un autre ayant aussi abandonné vient faire les derniers mètres avec nous. Pauline arrive 200 m avant l’arrivée dans le village, elle repart prévenir de notre arrivée. Nous arrivons devant la mairie avec une cinquantaine de personnes pour nous applaudir. Alain vient me féliciter, il a craqué à Villelongue sur la barrière horaire,  Daniel est revenu me voir arriver, michel l’organisateur est là, les larmes aux yeux, il est tout aussi heureux que moi et m’invite à prendre un bière avec lui. Seulement 40 coureurs d’arrivés et la majorité dans l’après midi. Nous serons finalement 43 à franchir cette ligne symbolique.

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J’ai vraiment été marqué par ces marques de sympathie à l’arrivée, c’est la 1ère fois que je vis une arrivée aussi intense. Nous partons tous prendre des bières au café du village en commençons déjà à refaire la course pour l’an prochain. Pello est déçu que les finishers n’aient pas un trophée souvenir. Michel précise que le budget pour cette 1ère épreuve ne permettait pas cet investissement qui avait été consacré entièrement aux équipements de sécurité et que l’absence de gros sponsors obérait fortement le budget cadeaux réservés aux seuls 1er de chaque catégorie.  Michel nous raconte quelques anecdotes du PC course dont le coureur qui a vu l’ours. Il se serait endormi et aurait touché la fourrure de l’animal pendant son sommeil. Un autre voulait savoir comment trouver l’étoile du Nord. Bref, il est 19H30, tout le monde est soulagé et surtout les organisateurs.Un très grand bravo à Michel, à sa famille et à toute l’équipe MAJUSCHULE pour nous avoir permis de vivre ce raid dans les Pyrénées et découvrir tous ces trésors naturels.

Que les Pyrénées sont belles, mais qu’elles sont exigeantes.

 

 
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Longue vie au GRP.

 

Mes plus amicales pensées à Pello, le basque de Bilbao, avec qui j’ai passé 46H00 inoubliables.

 

 

 

11 commentaires

Commentaire de LtBlueb posté le 01-09-2008 à 22:20:00

Salut l'Agneau, je suis soufflé, estomaqué . voilà un sacré moment d'émotion que tu nous livres là . Chapeau ! Respect !

Commentaire de hagendaz posté le 01-09-2008 à 22:21:00

que les montagnes sont belles d'un bout à l'autre de la france...

Commentaire de Miche posté le 01-09-2008 à 22:23:00

Merci pour ton superbe récit. Les serre-files à partir de la Mongie étaient mon papa et son voisin !!
Et j'étais effectivement plutôt ému de te voir à l'arrivée après la belle reconnaissance que nous avions faite ensemble avec Pauline et Marc au Cabaliros.

J'espère que tu t'es bien remis de cette longue chevauchée à travers les Hautes Pyrénées. Je t'envoie par mail une photo prise par le contrôleur au Col de Sencours lorsque vous êtes passés.

A bientôt,

Michel

Commentaire de GrandSteaKikour posté le 01-09-2008 à 22:43:00

Je suis resté scotché sur ton récit l'agneau ... quelle belle aventure et quelle belle façon de la partager.
J'adore tes ravitos à la bière ... je devrais essayer, ça a l'air de payer !!!
Bon repos et encore bravo !!!

Commentaire de La Tortue posté le 01-09-2008 à 22:47:00

chapeau l'Agneau !

pour un premier ultra de montagne, tu as fait très très fort !

content d'avoir de tes nouvelles par ce CR.

Commentaire de Mustang posté le 01-09-2008 à 23:08:00

un récit d'une rare densité où l'émotion, mais aussi l'angoisse sont palpable, pour un trail particulière difficile pour l'avoir suivi de bout en bout à distance pour deux copains, sur un terrain que je connais très bien:
bravo pour être aller a

Commentaire de Mustang posté le 01-09-2008 à 23:12:00

(zut, mauvaise manip)-suite- bravo pour être aller au bout de ton aventure, aventure sur un terrain très difficile avec beaucoup d'incertitudes, d'angoisse. Moins d'un tiers des partants;, cela en dit long sur ceux qui sont arrivés. Beaucoup d'admiration pour la "gratuité" du geste!! totale admiration!

Commentaire de l'ourson posté le 01-09-2008 à 23:29:00

Bravo l'Agneau :-) Quelle belle prouesse !! et quel beau CR : tu es vraiment fait pour la montagne et l'UTMB 2009 te tend les bras ;-)

Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 02-09-2008 à 18:24:00

Je peux recopier le commentaire du Mustang ? Rien à rajouter. Respect.

Commentaire de shunga posté le 03-09-2008 à 15:39:00

t'as des chouchous le Lutin ?
Bravo pour ton parcours ! Sans aucun doute tu fais des envieux.

Commentaire de olive33 posté le 05-09-2008 à 19:51:00

Waouh quel recit, j'en avais la chair de poule en le lisant.

Un total respect du petit trailler que je suis.
Je vais avoir du mal à m'aligner à tes cotés sur les prochaines courses.
A+

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