L'auteur : bubulle
La course : Eco Trail de Paris ® Ile de France - 30 km MN
Date : 21/3/2015
Lieu : Meudon (Hauts-de-Seine)
Affichage : 4299 vues
Distance : 30km
Objectif : Faire un temps
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Bon, normalement, ça devrait être un titre humoristico-bubullien avec la clé des explications en fin de texte (au moment où plus personne ne lit depuis longtemps).
Même pas.
J'ai gagné l'Ecotrail. Mince alors.
Bon, vous savez sûrement pourquoi, déjà, en lisant ce compte-rendu. Ou pas. Alors, je vais essayer de vous expliquer. Mais pas que. Je vais aussi essayer de vous faire sentir le déroulement de cette journée étrange, étonnante et un peu...géniale, en fait...
Donc, Ecotrail. Mon cinquième de suite. Une fois le 50 : grands débuts au delà du marathon, mémorables crampes à St-Cloud, galère de fou sur les quais....et début du virus des courses longues. Et trois fois le 80 avec la dernière arrivée à la Tour Eiffel, à ce jour, au bout de 11h15, puis une progression qui m'a amené à un mémorable 9h08 l'an dernier après une course presque parfaite largement partagée avec mon ami Yann.
Cette année, du coup, je m'étais dit "boah, tout le monde chez les kikous va en avoir marre, donc le 80 sera moins fréquenté, en plus je vais finir par stagner un peu, je vais être déçu et ça va être moyen". Et j'avais décidé de faire le Trail de Vulcain début mars.
Du coup, quand on a appris que l'arrivée serait à la Tour Eiffel, que toute la kikouterie serait là, notamment une Team 78 aux taquets pour une course partagée, j'ai eu comme un regret. Mais j'ai su rester raisonnable et je me suis alors dit "tiens, et si j'en faisais une occasion de me tester pour de vrai en Marche Nordique ?".
La Marche Nordique, je ne pratique pas vraiment. En gros, j'ai fait des entraînements personnels qui l'utilisaient largement, j'ai essayé d'y utiliser une technique décente, avec un objectif : progresser pour capitaliser pour les trails de montagne où, finalement, on s'en sert assez largement. Et la Montagn'hard et la TDS, et même le Vulcain, m'ont prouvé que c'était un bon choix, avec des performances en ascension en général plutôt bonnes. Cela, justement, parce que, au contraire de la moitié d'un peloton de trail, j'ai essayé d'apprendre comment vraiment on doit utiliser cette technique.
Bref, voilà un touriste amateur au départ de l'Ecotrail 30km MN. Bon, déjà, j'ai acheté des bâtons décents pour 1) ne pas avoir l'air d'un pignouf (il semble qu'on soit assez tatillon sur le sujet dans le petit monde des nordiques) et 2) ne pas me faire pénaliser. Donc, au départ, ça ne se voit pas trop que je suis un amateur, déjà.
Me voici donc dans les trains de trailers de la ligne N, pour une fois, pour aller au départ (d'habitude, j'y vais presque à pied...). Evidemment, je ne peux pas résister à renseigner les uns et les autres sur la gare où il faut descendre du train, le trajet jusqu'aux départs. Tout juste si je ne sortirais pas la carte IGN à celui qui me demande comment aller de la gare de Bellevue au départ du 30km (ce qui est, soit dit en passant trivial : suffit de suivre le troupeau).
Arrivé largement en avance, j'ai le temps.....de me geler à attendre..:-). Heureusement, Bert et son compère Hakim, qui se chargeront cette année du contrôle de la marche nordique (la discipline tente de se règlementer, ce qui n'est pas très simple, voire parfois polémique), me retrouvent, et le temps passera vite à déconner allègrement...ou à discuter sérieusement des points de règlement (ah, la définition du pas accroupi avec "abaissement exagéré du centre de gravité). On fait aussi un coucou à Bérénice qui, avant d'aller distribuer des fraises Tagada le soir sur le 80, se fait un petit tour sur le 30.
Je finis aussi par retrouver à la dernière minute un Bart totalement aux taquets et un peu (beaucoup !) stressé.
Bart m'entraîne sur la ligne de départ où il veut se placer en première ligne car il paraît que c'est un peu la foire d'empoigne sur les départs. Je me glisse discrètement en 4ème ou 5ème ligne car je ne me sens quand même pas au niveau des cadors que je devine autour.
En fait, j'ai un peu l'impression de me retrouver dans mes premiers trails quand, pauvre petit vermisseau dans ses Trabuco, je me sentais tout petit à côté des warriors aux allures de dieux antiques dont je lisais les récits sur Kikourou (bon, OK, j'enjolive un peu....).
Là, pauvre petit touriste tout juste capable de mettre le bâton "R" du bon côté et d'éviter d'enfiler le gantelet à l'envers, je me fais discret. Bon, d'un autre côté, en regardant bien autour de moi, je me dis qu'au physique, je devrais peut-être m'en sortir en faisant marcher les mollets et les cuissots pour compenser une pratique éventuellement aléatoire de la propulsion batonnière. On va surtout essayer de respecter le règlement et bien garder à ma marche un côté "propulsif" dont j'ai cru comprendre que c'était l'esprit de la discipline. Pour le reste.....bin on verra.
Boum, départ. Et, effectivement, sans être la foire d'empoigne, c'est quand même du sérieux, ça ne rigole pas autour et tous ces gars et ces filles picorent bien efficacement avec leurs deux jambes supplémentaires. A moi de jouer à éviter de me faire trop distancer...tout en restant aussi "clean" qui possible.
La position de départ se stabilise autour de ce que j'estime être la quarantième position pendant cette longue ligne droite montante de l'avenue du Chateau. Finalement, c'est plus "civilisé" que je ne l'imaginais et je n'ai pas l'impression de faire trop de bêtises. J'essaie de garder le rythme des marcheurs autour de moi.
Et c'est déjà ça, parce que ça va vite, bougre bougre. Premier km montant à 7,8 km/h, deuxième plus plat à 8,1, pour moi qui ai du mal à dépasser le 7-7,5 sur une sortie tout seul, ça se défend même si ça fera rigoler le premier cador venu.
Un peu mis en confiance, je commence à entamer une discrète remontée à partir du deuxième kilomètre après avoir mis une petite mine dans le raidillon qui fait passer d'une terrasse à l'autre. En fait ce raidillon me montre où est un peu ma chance sur cette course : profiter des côtes.
Dans tout le parc de l'observatoire, dont les allées sont bien sèches, je vais donc très lentement grignoter quelques places, un peu en coude à coude avec un marcheur en vert (Jean-Michel, je crois) que j'ai repéré car il a l'air assez jeune (sans tomber dans la caricature, l'âge moyen du peloton tourne quand même plutôt autour du V1,5).
Ces allées et, après la grille (où il n'y a curieusement aucun bénévole signaleur alors qu'on fait un demi-tour un peu déroutant), la longue allée qui long le mur du parc, sont l'occasion de garder une grande régularité : troisième km à 8,1 et quatrième à 8,4. Je ne le sais pas, mais je suis bien au delà de ce que j'ai toujours fait jusque là, mais je me sens très bien et j'ai l'impression d'avoir une technique correcte. Je m'efforce même d'éviter les micro-pas de course au passage du creux des anciennes flaques de boues.
C'est d'ailleurs pour cela que je vais prendre assez mal une petite remarque d'une des deux féminines que je dépasse dans la mini-descente qui amène à la route sous la N118. Il est vrai que dans cette descente, je dois avoir 2-3 fléchissements qui se rapprochent du pas accroupi tant décrié. Je le sens, d'ailleurs et j'essaie d'y faire très attention même si, officiellement, ce pas plus accroupi est plus toléré en descente à ce que m'a dit Bert. Mais, Madame fait la remarque à sa compagne que "c'est souvent les gars qui font ça" et m'adresse donc la remarque.
Bon, je prends ça avec humour et lui explique rapidement que je suis désolé et que je suis un pauvre coureur repenti, que le naturel revient au galop et que, oui, je vais tenter de corriger mes Mauvais Penchants.
Mais bon, ça m'a un peu piqué, son truc, à la dame, là. Donc et que je vais te mettre la mine de l'année dans la mini-côte qui suit. Et en respectant la règle. Bim, vingt mètres dans les dents en 100 mètres, elle connaît pas Raoul, elle, non mais. Et puis, pour faire le compte, pas question qu'elles reviennent toutes les deux, faut que je commence à soigner ma place de féminine, moi, namého.
8,4km/h, puis 8,5 sur la dernière portion de plat. Et encore quelques places de gagnées. Finalement, elle m'a fait du bien, elle, si je la retrouve, je lui fais la bise et je lui en veux pas, allez...:-). Me voilà donc, selon mes estimations, aux alentours de la 20-25ème place et....plus grand monde devant. C'est que ceux que je voyais au loin sont maintenant de vrais costauds, pas des débutants dans mon style et, donc, ils avancent aussi vite. Donc gros trou de 100m au moins, devant, et, derrière pas très loin, a priori 2 ou 3 de mes derniers dépassés. Nous abordons alors la première descente. Je les sens d'ailleurs revenir un peu car je suis prudent (je suis en chaussures de route, donc les entorses viennent vite et, surtout, je fais attention à mon pas).
Tout d'un coup, un carrefour de chemins. En face, le chemin continue avec des rubalises et traverse la route que je sais être la Route des Fonds de la Chapelle (je la prends quand je fais mes trajets velotaf). A droite, une trace et une flèche rouge "Trail 80". J'ai un quart de seconde d'hésitation, mais pas plus. Ce secteur du parcours, comme le reste, je le connais par coeur, j'y ai assez galéré lors de mes trois éditions du 80km : le single à droite est bien accidenté et casse-pattes, j'y ai eu des débuts de crampes. Je revois tout ça clair comme de l'eau de roche.
C'est à droite. 200% sûr, j'y vais sans hésiter.
Au bout de 10 mètres, j'entends des voix derrière moi : "eh, c'est à gauche". Les quelques marcheurs qui suivent m'appellent. "Non, les gars, je suis SÛR, c'est par là". "A droite, mais y'a écrit 80?". "Les gars, ce trail je l'ai fait 4 fois, je vous dis que je suis archi-sûr, c'est à droite".
Et, bon, je repars parce qu'on ne va pas y passer la nuit. Je soupçonne une hésitation derrière, j'ai l'impression que certains suivent, pas d'autres, c'est un peu confus. Mais, du coup, je remets les gaz, je n'ai pas envie de lâcher ma place de 20-25ème si facilement.
Au bout de 50 mètres, je vois deux personnes qui semblent être des bénévoles au croisement de la route de la fontaine de l'Ursine. Je leur indique que le carrefour précédent me semble sujet à erreurs et qu'il est possible que certains se trompent et qu'il faudrait peut-être aller voir. Mais, bon, je suis quand même sur une course, donc je continue.
Juste avant le début d'une petite descente, je croise 2-3 personnes dont une semble être de l'organisation. Elles me disent.....que je suis le premier qu'elles voient passer ! Bizarrement, cela ne me surprend presque pas. Je commence à réaliser que, peut-être, ceux qui étaient devant moi se seraient trompés à la bifurcation. Je m'en doutais confusément, à ne jamais voir personne, mais je ne réalise pas trop, là. Je leur dis juste qu'à mon avis, il y a un problème dans le balisage et qu'il est trompeur, que certains ont du partir à l'envers sur le parcours du 50km. J'ai l'impression qu'ils ne comprennent pas bien ce que je leur raconte. En fait, j'ai l'impression que la plupart des bénévoles connaissent mal le parcours (cela dit, c'est fréquent sur les trails).
Single tournant, je suis vigilant car c'est là que l'an dernier tous les suivants de Hakim ont involontairement coupé le crochet qui monte à la Tour Hertzienne. Mais je vois bien le virage à droite, très bien balisé et j'attaque la longue ligne droite de la Route du Belvédère, qui monte bien droit et bien fort. J'entends vaguement un "pic-pic" derrière moi, donc je ne me retourne pas et je décide d'envoyer le plus possible dans cette côte. Ça déménage bien et, même si je suis hors d'haleine en haut, je suis content de moi...:-). Au final, ça nous fera un 7ème km à 7 à l'heure, y compris les petites hésitations en bas.
Mais c'est vraiment louche, je n'ai vu personne devant moi sur la côte.
Et, qui aperçois-je en haut ? Bertrand et Hakim, les contrôleurs de la technique dans leurs K-Way violets et......ils me confirment, totalement ébahis, que je suis le premier de la course. Ils se demandaient d'ailleurs un peu ce qu'il se passait, ne voyant arriver personne. Je crois qu'ils sont encore plus surpris que moi car je sentais bien ce qu'il se passait.
Grande descente avec des cailloux, je suis prudent, je m'efforce d'être dans les clous, ne pas oublier les piqués de bâtons, ne pas fléchir. Je n'entends plus trop de pic-pic derrière moi.
Putain.
Je suis premier de la course. J'hallucine totalement. Les kilomètres qui s'ensuivent vont être totalement étranges, les pensées se bousculent dans ma tête, c'est extrêmement confus. Je passe au contrôle de Chaville dans la brume, là aussi on me confirme que je suis le premier. Cela ne s'arrange pas dans ma tête, tiens.
PUTAIN. JE SUIS PREMIER DE l'ECOTRAIL.
Mais je vais faire quoi, moi ? C'est pas juste quand même : les autres, devant, ils étaient bien plus forts, ça me suffisait bien, moi, de rester dans le top 25. Et mon copain Bart, alors, il se fait avoir aussi ? Sentiment d'injustice, sentiment presque de ne pas avoir le droit d'être là. Tout cela va m'accompagner juqu'à la traversée de la Route des Gardes.
Par contre, ça doit aussi me booster les jambes sans que je ne m'en rende compte car les km 8 et 9 sont faits eux aussi à plus de 8 à l'heure. En fait, inconsciemment, j'ai entendu le pic-pic derrière se rapprocher. Le gars derrière, il doit se dire que, lui aussi, il peut être devant. J'ai l'impression de le voir à environ 100 mètres, quand je traverse la route au pied de la côte des Gardes.
Bon, allez hop, fini de gamberger, y'a une place à défendre. Je ne l'ai pas demandée, je ne l'ai pas espérée. Mais elle est là. Battons-nous.
Je vais te faire un côte des Gardes de malade mental. Je vole totalement. C'est une côte bien raide, le trailer c'est moi, c'est mon terrain, Raoul is back et ça va saigner. J'ai pris comme cible une coureuse du 30 km qui voit fondre sur elle un avion de chasse. Là, les bras poussent fort, les cuisses poussent à mort...et le km 10, y compris cette côte, est avalé à 7,6.
Et la descente qui suit, en direction de la voie ferrée, est prise certes avec prudence, mais assez rapidement. Un peu trop, d'ailleurs, je dois être très à la limite de la course sur certains pas, il faut bien l'avouer, ce que me fait remarquer le contrôleur posté en bas. Bon, attention, il a raison, il faut que je sois vigilant. Déjà que j'ai largement peur de ne pas être légitime, il ne faudrait pas qu'on puisse soupçonner que je marche "mal". Donc, la partie bitumée qui suit sera faite avec un respect scrupuleux de la règle : pas de pas accroupi, grosse vigilance sur les appuis, continuer à utiliser les bâtons (pas simple dans une descente à 10%). Je dois être en règle avec ma conscience.
Par contre, euh, après, le Nirvâna : 100 mètres de D+, la plus grosse côte de l'Ecotrail, on remonte tout en haut des Fausses Reposes. L'escalier, la pente bitumée, la côte en forêt, je suis à mort aux taquets. Les trailers dépassés commencent à se compter sur les doigts de deux mains.
Transcendé total, le bubulle. 7,9km/h dans cette côte..:-). Les panneaux de Jacques en tremblent encore. Juste un petit pardon en passant à la madame traileuse qui ne m'a pas entendu arriver et que je bouscule malencontreusement en dépassant. Oups. Je vous jure, madame, je ne suis pas un gros malpoli, juste que, là, j'ai une première place à défendre (ça y est, je m'y crois, dites donc).
Descente sur les étangs. Bon, OK, les trailers me redépassent, ils ont le droit de courir, eux...:-). Mais sur le long faux plat qui suit, puis la côte qui ramène en haut de la forêt, je vais beaucoup m'amuser à marcher plus vite que des gens qui courent...:-)
Pas grand chose à raconter dans ces Fausses Reposes. C'est un peu le désert, il y a des trailers ça et là. Je les dépasse dès que ça monte, ils maintiennent l'écart sur le plat et certains repassent parfois sur les faux plat descendants. J'en remets même un sur la bonne route au Carrefour de l'Etoile Royale où il continuait tout droit.
Jusqu'au kilomètre 16, c'est donc autour de 8 à l'heure que ça tourne. Bon, en écrivant ça, j'ai bien conscience que je vais faire rigoler les cadors mais, honnêtement, je ne me savais pas capable de maintenir cela si longtemps. En fait, je sens que je dois engranger le plus d'avance possible car la fin est un peu l'inconnue pour moi. Oh, bien sûr, l'habitude des longues distances et des longs efforts devrait m'aider, mais arriverai-je à maintenir la technique pour rester efficace ? Donc, ce qui est pris ne sera plus à prendre.
Et donc, je picore consciencieusement les allées du parc de St-Cloud, maintenant en mode pacman sur les trailers. Heureusement qu'ils sont un peu là pour me motiver, ces quelques coureurs et coureuses qui restent du fond de peloton, parce que je suis totalement dans l'inconnue quant au reste des marcheurs. Je n'ose pas me retourner de peur de voir arriver un autre marcheur : eh oui, d'une façon ou d'une autre, je suis désormais rentré dans la course, il faut bien assumer être à cette place inattendue.
Allée de Chamillard. Que de souvenirs ici. Les crampes qui pointaient sur mon premier 50, il y a 4 ans. Une marche épuisée sur le premier 80, il y a trois ans. Le Cyrano d'il y a deux ans, quand j'avais une heure d'avance sur l'année précédente. Et la bagarre de l'an dernier pour ne pas mettre la frontale et me demander si j'allais faire 9 heures. Là, c'est une nouvelle vision : pas le droit de courir mais je dépasse même ceux qui courent encore...:-). Evidemment, j'ai des remarques que ça se fait pas, que c'est pas juste, ce marcheur, là, namého. D'ailleurs, du coup, y'en a qui recourent un peu, légèrement piqués au vif, je crois..:-)
Les kilomètres 18, 19 et 20 sont faits légèrement autour de 8 à l'heure. On voit une petite baisse de régime (c'est en plat descendant, quand même), que j'attribue un peu à la difficulté de se motiver sans opposition directe...mais aussi, quand même, à la fatigue.
Ravito de St-Cloud. Bertrand et Hakim sont là. Bertrand filme (comme ça, on pourra vérifier si ma technique n'est pas trop nulle !) et je passe en coup de vent, j'ai l'impression d'être François d'Haene à l'UTMB (ouah, l'ôt, eh, il se sent plus). Bon, certes, personne ne me change mes bidons et je ne les jette pas dédaigneusement par terre (cherchez les vidéos du 80 pour comprendre) et je prends 2 pruneaux et un TUC. Donc totalement n'importe quoi, mais c'est chiant d'abord, ces bâtons pour manger (j'ai des bâtons de débutant sans clips pour le gantelet, c'est pénible à retirer).
Allez zou, ça repart aussi sec, on ne lâche rien, l'heure de vérité arrive : 10 bornes de quais et de bitume. Déjà la descente où il faut maîtriser la technique. Pas courir, pas courir, pas courir. Pas fléchir, pas fléchir, pas fléchir. Les coureurs sont là autour de moi, il faut résister : c'est qu'en temps normal, je la ferais à fond, cette descente, avec les jambes que j'ai là...:-). Je descends en gros à la vitesse des coureurs et sur le long plat intermédiaire, je me fixe deux points de repère (des coureuses russes qui trottinent) pour essayer de garder l'écart.
Je jette un oeil vers le haut : pas de marcheur en vue. La deuxième descente est plus difficile, un peu tourmentée avec des cailloux, c'est encore plus dur d'éviter de faire un pas couru ça et là ET d'éviter les faux pas. Dans Fausses Reposes, j'ai d'ailleurs échappé de peu à l'entorse.
Arrivé en bas, au musée de Sèvres, Bertrand et Hakim (qui ont désormais leur Oeil de Moscou sur moi, tête de course oblige) sont là. Bertrand fait une ou deux photos, je fais le guignol (peux pas m'empêcher, je reste quand même un touriste, faut pas oublier). Paf, une remarque : "eh oh, attention, c'est pas nordique !". Oups. C'est vrai qu'on peut pas à la fois faire le clown et avoir un bâton au sol. Redevenons sérieux.
Et pic, et poc, et pic, et poc. Qu'est-ce que c'est bruyant, ces trucs sur le bitume.
Y'a pas grand chose d'autre à raconter sur ces quais, en fait. Sauf que c'est évidemment encore plus long à 7,5-8 km/h (eh oui, je baisse quand même légèrement de rythme, il n'y a pas trop de miracle) qu'en courant à 10, évidemment (quoique je ne suis pas sûr que sur mes premiers Ecotrail j'allais bien plus vite que 7km/h sur la fin).
Je suis toujours vigilant sur ma marche, c'est que je suis suivi par les contrôleurs, là. Bon, l'avantage, c'est qu'ils m'indiquent aussi que le deuxième est environ à 500 mètres. Mais, bon, 500 mètres, c'est seulement 3-4 minutes, pas plus. Donc, impossible de "relâcher". La seule solution est de prendre des coureurs en point de mire et d'aller les chercher *même* quand ils courent.
Moment amusant : juste avant le pont de l'Île Saint-Germain, je me prends une mémorable gamelle. Un peu de sable sur le trottoir dans un virage, des chaussures de route qui n'accrochent pas grand chose et zouuuuuuu, vautrage latéral du bubulle. Mes deux contrôleurs en sont morts de rire (si vous connaissez Hakim, vous savez qu'il ne faut pas grand chose, mais quand même, ça ne se fait pas). Bon, je ne sais pas si la gamelle était très nordique, en fait. Cela dit, j'ai gardé un bâton au sol, ça doit compter bon.
Bref, un coucou en passant aux panneaux de Bert sur l'Île Saint-Germain, une traversée du parc sans histoires à part que j'y perds un de mes pads en caoutchouc, ce qui ne va pas aider sur les sols très lisses de la fin.
Toute la fin des quais sera comme d'habitude : interminable. Seul avantage encore : je la connais par coeur et je commence à avoir pas mal d'encouragements car Bert qui continue son travail de contrôle fait aussi un travail sympathique d'annonce et m'évite un peu de passer dans l'anonymat. Bon, évidemment, entendre "c'est le premier de la marche" me ramène ce sentiment mêlé d'injustice pour les autres et de ne pas être à ma place....mais je suis aussi un peu fier car, même si je ne regarde pas ma montre, je sais que je fais un temps assez honorable. Bien meilleur en tout cas que mon objectif et que, même sans accident de course, j'aurais probablement été dans les 20-30 premiers de cette course.
Mais là, bon. Premier de l'Ecotrail. Faut que je le réécrive un peu pour profiter, excusez-moi, hein, mais je ne serai plus jamais premier d'une course, alors bon.
Île aux Cygnes, quelle galère, ces dalles avec les bâtons, ça dérape tout le temps. Je fais tout le trajet sur le bord en terre, mais mes pieds commencent à crier grâce et il est temps que ça se termine.
Première volée de marches. Gasp? Comment on monte des marches nordiquement? Déjà, descendre, j'ai un peu improvisé en essayant de pas courir ET de planter les bâtons, qu'est-ce que c'est galère. Bon, monter, je fais comme je peux, c'est pas comme si j'avais le feu aux fesses, le deuxième ne peut pas revenir (je crois que je ne me suis jamais retourné en fait). Eh oui, j'y tiens finalement à ma place...:-)
Denière descente sur le quai, puis marché des touristes, on passe sous le pont d'Iéna, Bert tente une dernière fois de réveiller les spectateurs. Bon, le Triomphe de César, ce ne sera pas pour aujourd'hui, c'est un peu l'indifférence générale. Tant pis, je savoure pour moi, na !
Et c'est un dernier "sprint" pour résister à un coureur qui revient et avoir MA ligne d'arrivée à moi, avec le speaker hurlant mon nom à la foule en délire pendant que les jeunes filles se pâment devant l'altière arrivée de l'Apollon du 78.
Euh non, finalement. Pas de bol, les premiers du 50km sont aussi en train d'arriver et le speaker n'en a un peu que pour eux...:-). Bin tant pis, alors, hein, c'est aussi une façon de relativiser ce tonitruant exploit et le ramener à de justes proportions. J'aurai donc une photo de la ligne d'arrivée faite par le téléphone de Bertrand....et les félicitations d'une Bérénice quasiment en transe (je la soupçonne d'avoir puisé en avance dans la réserve de fraises Tagada après sa belle course du 30km).
Voilà, donc.
J'ai gagné l'Ecotrail. Mince alors.
Oui, le podium, il est pourri, je ne suis même pas au bon endroit, mais c'est moi qui ai la magnifique planche en bois qui doit être très bien pour couper du saucisson. ....:-)
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35 commentaires
Commentaire de jpoggio posté le 23-03-2015 à 22:53:11
7.9 km/h dans les Mortes Fontaines...c'est pour ça que quand je suis repassé avec Caro, la dernière affiche était toute de travers...un excès de perturbation de la couche limite, quelque part...
Le Bubulle, ça décoiffe !
Commentaire de dg2 posté le 23-03-2015 à 23:01:47
Désormais, il ne faudra plus l'appeler bubulle, mais Invincibulle !
Commentaire de Arclusaz posté le 23-03-2015 à 23:04:31
Bien joué Raoul !
ça fait vachement plaisir.
Pis, le mot magique, tu l'as vraiment cité au dernier moment ....
ah, une question me taraude : les bâtons étaient autorisés ?
Commentaire de stphane posté le 23-03-2015 à 23:05:36
un très beau récit pour un bubulle qui n'a pas fait dans la figuration... On est très fier de toi!
Commentaire de Bert' posté le 23-03-2015 à 23:17:25
Ton récit se dévore en 2 temps 3 mouvements... de découpe de saucisson !
Bravo pour cette victoire pleine d'intelligence ! Et n'aies pas à rougir, ta marche est très correcte et rapide... surtout sur une telle distance :-)
Après je te confirme que les gens venant du trail et aimant le D+ se régalent à l'Eco Trail où on peut faire (un peu) la différence en montée.
Enfin merci pour tout ce que tu as montré avec un très grande sportivité !
Commentaire de Greg136 posté le 23-03-2015 à 23:37:55
bravo pour l'exploit !
Bravo pour l'esprit sportif !
Merci pour le recit!
Je visualise pas trop le pas accroupi, mais ca m'a fait rire....
Commentaire de Roni75 posté le 23-03-2015 à 23:51:35
Énorme!!! Tu m'avais bien dit lorsque je t'ai croisé sur le salon que tu pensais faire mieux qu'un Top 70.
J'adore tes CR et encore bravo
Commentaire de Bérénice posté le 24-03-2015 à 00:06:59
Genial ton récit ! Quel humour !
En tout cas un immense bravo car il fallait quand même le faire d'aller aussi vite pour une première fois !
Et oui j'étais super contente de te voir arriver en vainqueur de la MN !
Commentaire de RayaRun posté le 24-03-2015 à 00:30:08
Turbo, tu as un turbo ! Bon ben on va ranger le déambulateur car tu vas le casser à aller aussi vite ! Bravo, tout simplement bravo, champion !
Commentaire de sabzaina posté le 24-03-2015 à 05:47:43
Si à 40 ans t'es pas amie avec 2 vainqueurs de l'Ecotrail, c'est que t'as raté ta vie. Ouf merci Bubulle!!! ;)
Bravo, malgré ces circonstances rocambolesques, tu la mérites cette victoire.
Commentaire de bubulle posté le 24-03-2015 à 07:16:21
Les Titi Riders gagnent l'Ecotrail tous les deux ans, tu sais ce qu'il te reste à faire. Si tu veux, on tolérera que ce ne soit pas la MN, mais le 80, c'est toi qui vois....
Commentaire de jpoggio posté le 24-03-2015 à 08:01:17
Excellent, j'aurais aimé la faire !
Commentaire de Olivier d Elancourt posté le 24-03-2015 à 07:21:51
Bravo, victoire amplement méritée malgré les circonstances de course. Je ne savais pas que la marche nordique était si codifiée avec notamment l'interdiction du pas accroupi !
Commentaire de Baboon posté le 24-03-2015 à 07:30:32
Bravo pour ta performance et merci pour ce très agréable CR.
Commentaire de flyingkitty posté le 24-03-2015 à 08:33:06
Bravo pour le cr. Toujours très plaisant à lire.
Bravo pour la performance. Je savais bien que tu pouvais faire beaucoup mieux que ce que tu avais prévu!
Bravo pour la place de première feminine. Mais pour être homologuée il faut une jupette rose!
Commentaire de Hockeyeur posté le 24-03-2015 à 08:54:24
Bravo Bubulle !!
Autant pour la course que pour ton récit.
Très sympa à lire ;-)
Commentaire de Rem posté le 24-03-2015 à 09:01:42
Tabarnak !
Quelle histoire :)
Commentaire de freethunder posté le 24-03-2015 à 09:47:30
Première fois que je lis le CR d'un Vainqueur d'une grande course. Es tu encore accessible :)
Bravo à toi.
Tu n'as pas l'impression d’être à ta place ? ? ?
Mais la course se joue aussi dans la connaissance du parcours, du tracé. Pour une fois qu'on a un avantage à habiter en région parisienne.
Tu mérites amplement cette victoire pour toute ton œuvre. Tes CR, tes plans de courses, tes recos geekesques :) tes détails, ton investissement dans ce sport et dans ce forum.
Bravo ;) Ça donne presque envie de faire de la MN ;)
Commentaire de Marielle13 posté le 24-03-2015 à 10:29:11
bravo et tu as bien mérité ta première place... les autres ont commis l' erreur de se gourer et toi tu t' es fait confiance :-)... "ce n' est pas parce qu' ils sont une majorité a avoir tord qu ils ont raison" ;-)... ça fait partie de la course aussi ...
encore bravo :-)
Commentaire de freddo90 posté le 24-03-2015 à 10:41:49
Bravo Bubulle ! Et avec toutes les heures que tu as déjà passées à étudier des cartes de tracés de différentes courses, ce n'est finalement pas injuste que ta connaissance du parcours t'aide à gagner ;-)
Commentaire de Arcelle posté le 24-03-2015 à 13:22:38
Samedi en rentrant d'une belle matinée de ski, je me suis précipitée sur Livetrail. Je cherchais Bart en haut de classement et je lis 1. Christian, et pas de Bart. Vu le faible nombre de personnes classées, j'en ai conclu un bug.
Puis quand j'ai lu problème de balisage, j'ai tout de suite imaginé la scène : bubulle qui met son GPS inné en route. Ceux qui ne t'ont pas suivi alors que tu leur as dit être sûr à 200% ne sont jamais venus sur Kikourou !
Et Bert' qui t'accompagne vers la victoire en tant que membre de l'orga, quelle belle histoire !
Bravo, bravo, BRAVO
Commentaire de Jam posté le 24-03-2015 à 15:20:03
Bubulesque cette aventure. Et dire que cette année me suis pas inscrit à la MN. Des regrets éternels me poursuivrons. Ne pas avoir pu assister à ça ! La Victoire de Bubulle. Bravo, bravo, félicitations.
Et du presque 8 de moyenne, c'est plus que pas mal du tout pour un débutant :P
Commentaire de SebKikourou posté le 24-03-2015 à 16:00:03
un grand bravo mr bubulle @dimanche
Commentaire de Jean-Phi posté le 24-03-2015 à 16:11:52
Tout simplement bravo !
Commentaire de Kirikou69 posté le 24-03-2015 à 16:31:02
Tu rejoins le panthéon des coureurs ligériens et altiligériens aux côtés de Gilles Guichard, Julien Rancon, Driss Maazouzi, Jocelyne Villeton.
Bravo Champion!!
Commentaire de Françoise 84 posté le 24-03-2015 à 17:02:20
Excellent!!!! Merci pour ce super récit et surtout, bravo M'sieur Bubulle!
Commentaire de lapuce92 posté le 24-03-2015 à 21:01:54
Tes CR sont toujours aussi agréables à lire, et vivants. Bravo pour ta perf : une victoire sur l'écotrail c'est la grande classe!
Commentaire de Japhy posté le 25-03-2015 à 06:21:29
Voilà un CR qu'il faudrait envoyer aux premières filles du 80 ! :D
Bon sinon je ne sais pas si vous vous rendez compte vous autres parisiens des bois, mais vous avez des enchevêtrements de sentiers multiples et des labyrinthes que nous avons beaucoup moins en montagne. Il nous arrive de nous perdre, mais si on a plus facilement des signaleurs sur nos petits trails modestes, c'est aussi parce qu'il en faut moins !
Commentaire de Fa² posté le 26-03-2015 à 21:59:10
Superbe compte rendu, du pur Bubulle, il ne manque que le poème.
Superbe performance, 1er sur l'écotrail, c'est pas rien et c'est mérité.
Une course se prépare et c'est sur cette partie que tu as été le plus fort, pas étonnant.
Je suis fier de connaitre un grand champion ! Bravo !
Commentaire de trailaulongcours posté le 27-03-2015 à 09:25:40
Bravo Christian! Je n'ai pas grand chose à rajouter, ton récit est exhaustif, drôle et précis.
Je t'avais prédit un TOP35 ou 25? Je ne me souviens plus. Je m'étais visiblement trompé.
Comme je l'écrivais dans un post FB cette semaine, ça reste du sport. Ca c'est pour moi, pour moduler ma frustration. Pour toi c'est une belle victoire, méritée en tous points. Je suis très heureux pour toi, j'espère surtout que cela t'aura donné l'envie de continuer la MN et qu'on te retrouvera sur d'autres épreuves à l'avenir....je risque de te proposer quelque chose dans pas longtemps...
Pour ce qui est de l'orga, tu sais ce que j'en pense.
Commentaire de dg2 posté le 27-03-2015 à 12:12:16
Amusant quand même de revenir sur un paragraphe du récit bubullien de l'an dernier :
Temps final, 9h07'59". Le temps de l'an dernier est encore explosé. Comme à LPF. En gros, en deux ans, j'ai gagné 2 heures. A ce rythme, normalement, en 2016, je fais podium, quoi...:-)
Finalement, la seule surprise, c'est que le podium soit arrivé avec une année d'avance...
Commentaire de millénium posté le 27-03-2015 à 12:34:53
bravo ! Et merci pour ce récit
Commentaire de caro.s91 posté le 28-03-2015 à 21:36:31
Bon, j'espère qu'après cette magnifique victoire tu as signé le contrat qui va bien avec un grand team. Tu nous diras, hein !!!
En tout cas quelques soient les conditions, tu as fait une très belle performance, étant donné tes temps dans les montées, je ne suis pas étonnée que les cadors n'aient jamais pu revenir sur toi.
Un énorme bravo pour ton récit, toujours aussi détaillé et précis.
Bises et à bientôt,
Caro
Commentaire de Benman posté le 07-04-2015 à 01:51:35
Quel commentaire prémonitoire. MLe Bubulle a sauté sur l'Hoka- ze...
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 31-03-2015 à 21:30:29
C'est la première fois que je me passionne ainsi pour un récit de marche. Bravo le Bubulle !
Un bravo spécial de la part de mon épouse, marcheuse nordique elle aussi.
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