L'auteur : patrovite69
La course : Trail de Bourbon
Date : 20/10/2023
Lieu : Cilaos (Réunion)
Affichage : 1274 vues
Distance : 109km
Objectif : Terminer
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25 x 2 =50 x 2 = 100 voilà le début de l’histoire.
Il y a 25 ans nous faisions notre voyage de noce à la Réunion. Cette année ce sont mes 50 ans . Le trail de Bourbon sera mon 1er 100 bornes.
Je sais je ne commence pas par le plus facile, mais c’est celui où les barrières horaires sont les plus larges pour moi.
La décision est prise depuis plus d’un an, même si je ne l’ai pas annoncé tout de suite. En fait elle a été prise quand mon homme, FranckdeBrignais a décidé de remettre le couvert pour la diag’. Il y a 5 ans je l’avais accompagné sur une bonne partie du trajet. Je savais donc à quoi m’attendre, du moins je le croyais !
Depuis un an ½ ma préparation se calque, à peu de choses près , sur celle de Franck. Pas mal de sorties montagne, de courses , SANS les bâtons (interdits sur les courses du grand raid), sans oublier la touche finale : le travail des escaliers.
Et puis voilà ! Ca y est, c’est le jour du départ. Tout le monde m’a demandé si j’étais prête. Prête ? Je n’en sais rien, je n’ai jamais fait cette distance ni cette durée de course. Ce que je sais c’est que je me suis préparée pour et que dans ma tête je suis capable de la terminer.
Nous voilà donc tous les deux à Roissy pour de nouvelles aventures. Nous aurions dû être quatre, ma cousine devait venir avec son mari qui devait faire la course avec moi. Mais des soucis de santé en ont voulu autrement. Je ferai donc la course seule et Franck aussi. Ce sera une première pour lui, il n’a jamais fait d’ultra sans mon assistance !
Première surprise de bon augure, nous voyageons surclassés, et ça c’est le pied ! De la place pour les gambettes, un repas top au champagne ! Oui je sais, pas d’alcool avant la course. Mais là ! on ne peut pas refuser ! Le voyage débute donc de façon optimum.
Puis vient le moment du retrait des dossards, un grand moment ! Un grand classique ! Les 2 h de queue sont au RDV, malgré le changement du lieu de retrait. Le problème je ne peux pas retirer mon dossard en même temps que celui de Franck ; pour lui c’est de 7h à midi et moi de 13 h à 16h. Donc en théorie 2x 2h de queue. Du coup nous décidons d’aller à St Pierre pour 10h30 , je ferai la queue avec lui et j’attendrai devant la barrière mon heure de passage. Je me retrouve avec 2-3 locaux avec qui je discute (j’en profite pour glaner 2-3 info sur la course) en regardant les baleines faire leur show dans la mer. Ils sont trop forts à l’orga, ils ont même prévu les distractions pour qu’on oublie le temps d’attente !
Ensuite commence l’organisation des différentes courses. Nous mettons au point notre plan de bataille Franck et moi. Se pose le problème du transport. A l’origine ma cousine devait nous servir de chauffeur. Mais là nous serons que tous les deux. Je déposerai donc Franck le jeudi à St Pierre, rentrerai me coucher sans assister à son départ (je le verrai quand même à la télé). Mon départ étant à Cilaos je dois prendre la navette, mais pas des Salines, où nous sommes basés, mais à St Denis pour que nous puissions rentrer le dimanche tous les deux une fois arrivés ! Le souci est de laisser la voiture à St Denis proche de l’arrivée sans prendre un PV ni se la faire embarquer par la fourrière. Le problème sera résolu grâce à Faby ,un ami de la famille qui habite là-bas. Je laisserai la voiture chez lui et il me déposera à la navette.
Le roadbook : Les copains m’ont bien poussée à faire un road book , j’ai bidouillé un truc juste avec les différents ravitos , les barrières horaires et le déniv’ au grand désespoir de Xian (Christian). Que pouvais-je faire d’autre, je n’ai aucune expérience de cette distance de ces horaires. Je demande donc à Bubule (Christian n°2), le grand manitou du roadbook, de m’en faire un pour avoir une idée du truc. Je sais pertinemment qu’il me sera difficile de le suivre vu que je vais naviguer à vue en écoutant mon corps.
Jour J : Faby me dépose à la navette à 13h25 ( pour un départ de course à 20h10) . S’en suivra 4h30 de trajet avec de nombreux arrêts pour remplir la dizaine de bus qui monteront à Cilaos. J’en profite pour essayer de dormir, prendre un peu d’avance sur le sommeil que je n’aurai pas cette nuit ( au total 3 fois 10 min). Sur le chemin les baleines sont encore présentes, comme pour nous encourager pour la course. Je suis sereine , je sais que je peux le faire.
Passé St Louis , les bus seront parqués au début de la route de Cilaos en attendant que la route soit coupée par les gendarmes. Nous monterons escortés par les motards jusqu’à Cilaos ! Et il faut bien ça ! La route aux 400 lacets m’avait déjà impressionnée il y a 5 ans en voiture , mais là ! En bus ! Ca passe au millimètre. Impressionnant.
Arrivés à Cilaos les bus déversent tous les coureurs dans une ambiance de fête. Ca y est j’y suis ! Départ dans 1h30 ! Calmement je me pose dans un coin pour manger contrôler mes affaires avant de rentrer dans le stade et déposer mes sacs de délestage. Tout ça dans un joyeux bazar . La pelouse du stade est partagée en 3 zones pour les départs en vague, je serais dans la numéro 2. Je m’installe pour attendre sur le banc des entraineurs qui est couvert, à l’abris de la fraicheur toute relative qui tombe. Je discute avec ma voisine en nous étonnant de voir des coureurs s’échauffer sur le bord de la piste. Elle habite à la réunion et elle aussi, comme beaucoup de personnes que je croise, est étonnée que je vienne de métropole pour faire la course.
C’est l’heure ! Nous nous positionnons dans notre vague, ma voisine relève mon numéro de dossard pour aller voir mon résultat de course… La première vague est partie , c’est notre tour. J’avance tranquillement vers la ligne de départ pas de pression, pas d’angoisse juste la question de savoir comment ça va se passer. Et c’est parti les premiers partent comme des flèches , ce ne sera pas mon cas. Je ne vais pas me mettre dans le rouge dès le départ. Je n’ai pas d’objectif horaire, je suis là pour finir c’est tout !
Je laisse donc les fous furieux partir devant et je trottine. L’ambiance est la même qu’il y a 5 ans, les gens nous encouragent font de la musique jusqu’au bout du village. Ensuite le calme revient et j’entre dans ma bulle. Je sais que l’on va attaquer le premier gros morceau « coteau Kerveguen ». J’en ai entendu parlé par ceux qui faisaient la diag’ et qui eux l’ont descendu. Un des gars avec qui j’avais discuté avant les dossards m’avait dit qu’il y avait 9 échelles avant d’arriver au ravito de Caverne Dufour. Je ne sais pas bien à quoi m’attendre on verra bien.
Ca commence à monter doucement , je me mets en mode marche rapide en me basant sur mon rythme cardiaque. Surtout ne pas se mettre dans le rouge . Je vois passer un sac qui me rappelle quelque chose, je tente : « Kevin ? » Kevin est copain Lyonnais, on s’est retrouvé par hasard dans le car, j’étais persuadée qu’il faisait les Mascareignes. C’est bien lui, lui aussi est en mode cool, il a eu une année difficile et ne s’est quasiment pas entrainé. On décide donc de faire un bout de chemin ensemble. J’avertis Franck et mes fistons par SMS que je suis avec lui (ça va les rassurer que je ne sois pas seule) et qu’on est dans les bouchons. Et oui, chez nous aussi il y a les bouchons, dès le 8ème km !. Et quels bouchons ! la montée va se faire pas à pas, 3 h pour monter au refuge ! c’est lent ! Devant nous s’étire le serpentin lumineux des frontales, on se croirait à la Saintélyon ! Sauf qu’il fait chaud (on ne descendra pas en dessous des 15° la nuit) et que les lumières sont à la verticale, c’est impressionnant ! On va monter ce mur ?!!
Caverne Dufour, j’ai rien senti passé, vu la vitesse d’escargot à laquelle on est monté ! Les 9 échelles sont passées ! J’arrive sur caverne Dufour seule, Kévin a craqué sur la fin et est parti devant en essayant de doubler comme il pouvait. J’avertis mes hommes que tout va bien . Je remplis mes flasques, prends une soupe et grignote 2-3 trucs. Je ne m’attarde pas et repart pour attaquer la descente. Je suis bien , j’arrive un peu à doubler. On alterne les cailloux, les racines, les marches, la boue et à nouveau des échelles. Le terrain est un peu technique par moment suivi de portions de traverses en métal qui permettent d’éviter les mares de boue. J’avance bien.
Je suis un peu frustrée, le paysage doit être magnifique en plein jour ! De même que le ciel qui est magnifique et dont on ne peut pas profiter avec les frontales. Courir en Braille est un peu dangereux par ici !
Je regarde ma montre, je devrai arriver sur le pointage du Gite de Belouve , je ne vois rien mais je les entends au loin. Le kilométrage indiqué sur le carnet de route de l’orga n’est pas bon. Tant pis, je continue à avancer à mon rythme. Arrivée au pointage je descends dans le cirque de Salazie vers Hell Bourg. C’est assez technique, bien dru avec toujours et encore ces cailloux et ces marches qui glissent. Mes genoux tiennent, j’avais peur qu’avec cette portion de 1563m de D- mes TFL viennent me chatouiller. On voit Hell Bourg, on entend le village en dessous mais on arrête pas de descendre, c’est interminable. Un petit moment d’inattention et c’est la chute. Je me retrouve les fesses par terre avec une super douleur au coccyx ! NON ! c’est trop bête de se faire mal ici ! Je me relève sous les questions des coureurs derrière moi « ça va ? ». Mouais… la douleur se fait ressentir à chaque marche descendue. J’ai pas le choix de toute manière, il faut que j’avance jusqu’au ravito. En plus j’ai faim ! J’ai envie de manger du consistant, pas mes noisettes, mes barres céréales ou mes pom’pot !
J’arrive enfin à Hell Bourg, là non plus le kilométrage n’est pas bon. La douleur est supportable, c’est une bonne nouvelle, je continuerai. Arrivée au ravito je me pose. Je prends le temps de manger, pain au chocolat, tartines, soupe. Oui je sais je suis un estomac sur pattes, mais ça c’est pas nouveau. Je refais le plein de mes réserves alimentaires mais surtout d’eau. Malgré la nuit, il fait chaud et j’ai pas mal bu. J’envoie un SMS aux garçons pour leur dire que tout va bien et je repars.
La sortie de Hell Bourg n’est pas terrible. Elle se fait sur le bitume avec la lumière blafarde des réverbères. J’en profite pour trottiner, ça tire un peu sur le coccyx. On quitte enfin la route pour reprendre le chemin qui va monter jusqu’à la plaine des Merles. Le jour commence à pointer le bout de son nez et révèle un paysage magnifique. Je prends quelques photos en me disant que j’aimerai bien m’arrêter profiter du paysage. J’attaque la montée, mains sur les hanches à un rythme régulier. Le soleil commence déjà à chauffer et il n’est que 6h du matin… Sur le chemin je croise quelques coureurs qui dorment à même le chemin. Je décide de faire pareil, je ne suis pas fatiguée mais je ne sais pas quand va apparaitre la fatigue. Je me trouve un petit coin d’herbes un peu au soleil près d’une cascade, prépare un réveil et je m’endors bercée par le bruit de l’eau.
J’ai dormi 12 min comme un bébé et j’ai l’impression d’avoir dormi plusieurs heures. Je me sens bien je repars à mon rythme. On commence à croiser des coureurs mal en point, on n’est même pas à 40km de course, ça va être dur pour eux ! Le paysage est toujours aussi magnifique, je ne me souvenais pas que Salazie était aussi vert, il y a de l’eau partout. On traverse plusieurs ravines avec des cours d’eau, j’en profite pour remplir une de mes flasques je n’aurai pas assez sinon pour arriver en haut. J’ai du mal à visualiser la sortie du cirque, un coureur du coin me montre par où passe le chemin. Va falloir encore monter !
Après des tours et des détours, des ravines pleines d’eau, arrive le ravito. Pas terrible, l’endroit est boueux, humide on ne sait pas trop où se poser. Je me dégotte un tabouret le temps de manger histoire de me poser un peu. Je ne vais pas m’éterniser, j’ai peur de prendre froid. Je refais le plein de nourriture et surtout je rempli mes 2 flasques et ma poche à eau. Il n’y aura pas de possibilité des les remplir avant Marla et il va faire très chaud. Je me dépêche donc de repartir de cet endroit un peu glauque malgré des bénévoles super sympa.
Direction le col de la fourche. L’entrée dans Mafate ! L’inconnu, je ne l’ai vu que de haut il y a 5 ans du haut du Maïdo. Là encore le paysage est à couper le souffle, je m’arrête un instant pour profiter du panorama. SMS des garçons : Franck est à 20 km de moi quelque part dans ce foutoir, tout le monde m’encourage et est derrière moi.
Et c’est la descente vers la Nouvelle, l’entrée dans le four ! Pas un souffle d’air et une chaleur de dingue. Le soleil cogne fort, c’est une première pour moi, je sors ma casquette pour me protéger le cou. J’ai horreur d’avoir un truc sur la tête mais là je n’ai pas le choix je vais cramer sinon. La descente se fait progressivement ce n’est pas trop casse pattes. On croise pas mal de randonneurs qui nous encouragent, nous sourient nous applaudissent. C’est dingue l’engouement pour cette course.
Arrivée à l’école de la Nouvelle, passer le pointage j’essaye de trouver une paire de ciseaux (ce ne devrait pas être trop difficile à trouver dans une école) le sac commence à m’irriter au niveau du cou je vais devoir me poser du strapp pour protéger ma peau. Pour ne pas avoir trop chaud j’avais prévu un débardeur mais du coup ça couvre moins qu’un T shirt. J’en profite pour faire le tour de la Dame de Brignais : les genoux tiennent le coup, le coccyx est un peu sensible mais beaucoup moins que ce matin, le dessous des pieds commence à chauffer doucement, je n’ai pas mal aux cuisses, pas de crampe, je ne suis pas fatiguée. Tout est au vert ! Je passe par le petit robinet derrière l’école pour me mettre la tête sous l’eau et mouiller la casquette. Je repars pour Marla. Marla où j’avais déboulé comme une furie il y a 5ans en pleine nuit pour ramener à Franck son portable, un grand moment de cette diag’ 2018 !
Le sentier n’est pas technique, en plus il est à l’ombre et l’on croise pas mal de cours d’eau. Je m’y assiérai bien dedans pour faire baisser la température de tout le corps mais je ne le fais pas. Dommage cela m’aurait fait beaucoup de bien et surtout limiter l’inflammation des pieds et des genoux ! ça m’aurait pris 10 min, les 10 min que j’ai perdues à essayer de dormir à Marla. A moins d’être lessivé, il ne faut pas dormir à Marla, trop de bruit ! C’est la fête ! Je prends quand même le temps de manger, les meilleurs saucisses purée froide de ma vie ! En fait je mange énormément, j’ai tout le temps faim ! Je bois aussi énormément, je n’ai jamais autant bu sur une course !
Va commencer la descente vers la rivière des galets .Pas vraiment de chemin, la descente se fait de bloc en bloc, les genoux sont bien sollicités. Le terrain devient plus technique, on enchaine les montée et les descentes pour traverser plusieurs ravines. Un petit groupe de coureurs se forme , on a tous à peu près le même rythme on parle peu il fait encore chaud et les organismes commencent à accuser le coup. J’arrive à Roche plate avec le genou droit qui commence à chauffer et le coccyx qui chatouille. J’espère que ça va tenir, il reste plus de 1400m de D- jusqu’à 2 bras la base de vie et mes genoux en général n’aiment pas les descentes.
Aller c’est reparti ! Je ne me situe plus dans Mafate , je sais qu’on repart vers la rivière des galets. Le relief s’accentue encore, la descente se fait plus raide, les articulations commencent sérieusement à couiner. Je demande à ceux qui sont derrière moi s’ils veulent passer mais mon rythme leur convient. La descente après ilet des Orangers est interminable, je demande au coureur derrière moi qui connait le terrain, s’il reste encore beaucoup de marches. J’ai le genou droit qui commence à tirer… Arrivés à la rivière des galets j’entends râler derrière. On ne devait pas traverser dans l’eau. Le parcours fait en reco empruntait une passerelle un peu plus haut. Du coup tous les locaux se demandent par où ils vont nous faire passer et si on sera bon pour la barrière horaire… OK ! on va accélérer un peu ce serait trop con de se faire avoir. Pas un moment je ne pense à regarder ma feuille avec les horaires ! Et me voilà repartie en montant à un bon rythme, trottinant sur le plat, serrant les dents sur les descentes. J’entends derrière des « mais où on est, par où ils nous font passer ? » Je m’en fout de toute manière ça fait un bout de temps que je ne me localise plus géographiquement, en plus il fait nuit, alors… Je sais à peu près combien de km il y a jusqu’à 2 bras, enfin s’ils ne nous ont pas mis de rabe. Je dis au coureur derrière moi qu’il reste 1 km , il me remercie en me disant que j’ai réussi à amener la troupe dans les temps . Mais là ! Désillusion ! c’est la passerelle d’Oussy non marquée sur ma fiche car pas de barrière horaire. Ca ralle sévère , avec le nouveau tracé ils nous ont encore rallongé le kilométrage, ça va être ric crac pour la BH ! Aller on repart ! faut pas trainer il reste moins d’une heure pour arriver à 2 bras et je n’ai aucune idée du dénivelé à faire. Mon genou tire de plus en plus , j’irai voir les kinés à 2 bras pour me poser un strap. J’essaie de garder un bon rythme. Le passage de plusieurs gués annonce l’arrivée vers 2 bras. J’aurai bien aimé voir le paysage de jour, le coin à l’air sympa. Ca y est , on commence à voir des accompagnants c’est que le ravito n’est pas loin ! Il est là , il est 21h51 on a 10 min d’avance ! Je me fait pointée et le bénévole annonce la BH à 23h15. Quoi ? c’était pas 22h, mais on est LARGE ! Du coup j’annonce à mon acolyte mon programme : Je MANGE (j’ai toujours la dalle), strap chez les kiné, je me change et un petit dodo !
Devant un rougail saucisses Marcinello, c’est le nom de mon acolyte, me montre les lumières qui remontent vers dos d’âne. C’est raide ! 677m de D+ en 5 km ! OK ! ça va chauffer les cuisses, ça soulagera mon genou qui n’aime vraiment plus les descentes. Aller hop chez les collègues ! Je profite du temps d’attente pour me débarbouiller, me changer et manger les fraises tagada que j’avais mises dans mon sac de délestage . Les collègues me prennent en main ; une qui me masse la jambe gauche pendant que la deuxième me pose un strap, tout en papotant kiné. Quand je leur dit que je suis kiné vestibulaire elles me répondent en cœur qu’il n’y a pas de formation sur l’ile. Réponse : si j’arrive à en mettre une en place ça vous dirait ? (l’idée me trotte déjà dans la tête depuis 2-3 j, ce serait une occasion de revenir …) Bon ! Guiboles retapées, au dodo. Je file sous la tente me trouver un lit de camp pour me poser, la couverture de survie de mon voisin m’empêche de m’endormir à fond, à moins que ce ne soit ses ronflements.
Quand je ressors de la tente la base de vie est presque vide ils sont tous repartis ! j’ai mis tant de temps que ça ? Encore une fois je ne regarde pas l’heure, je jette mon sac de délestage et je repars à fond ,il n’y a personne sur le sentier. Et merde ! Je suis à la bourre ! il faut que je rattrape les derniers ! C’est trop con ! Et me voilà en train de monter le plus rapidement que je puisse. Ca grimpe !! Première lumière devant, j’accélère ! Ouf je la rattrape ! Je la double, je veux rattraper mon retard ! L’ascension est raide mais je double sans me mettre dans le rouge. Nickel ! J’arrive en haut avec le sourire, je pense avoir récupérer mon retard. Je demande l’heure… 1h11. Cool ! J’ai un peu moins de 2h pour arriver au ravito de chemin Ratinaud. Franck m’en a beaucoup parlé de ce chemin, il parait que c’est le bor…. Il a du se tromper, c’est une petite route goudronnée tranquillou qui descend ! Ah bah non ! le voilà le chantier ! Quel merdier ! je m’accroche à tous les troncs d’arbre pour amortir la descente mon genou me fait de plus en plus mal. Je serre les dents et attrape les arbres les uns après les autres, y compris le cactus qui se trouvait là !
Arrivée au ravito je retrouve Marcinello qui lui aussi a le genou en vrac. Je lui dis que je ne m’arrête pas car ça devient compliqué avec le genou et que ,même si la descente n’est pas trop rude, elle est longue et que je vais perdre du temps. Nous voilà donc reparti tous les deux en papotant. C’est vrai qu’il est long ce sentier Kalla, interminable !!! Marcinello s’endort et me demande de ne pas arrêter de parler pour le maintenir réveiller. Il va être servi au niveau bruit, mon estomac s’y met. Si lui s’endort , moi j’ai faim. Encore !
Enfin la Possession ! On a fait des tours et des détours pour y arriver, ça fait un bout de temps qu’on voit les lumières et qu’on entend le bruit de la ville. J’arrive seule, Marcellino s’est arrêté dans la voiture de copains à lui pour manger et dormir un peu. On s’est donner RDV à 6h pour repartir. Je suis persuadée d’avoir perdu énormément de temps à descendre , je ne veux pas trainer au ravito. Ca fait un moment que je n’ai plus donné de nouvelles par SMS, mais je n’ai pas le temps pour essayer de faire un message. J’attrape tout ce que je peux manger, refais le plein d’eau et je repars avec un thé à la main. Je demande à un bénévole à la sorti du ravit l’heure, comme ça , par hasard ! 5h15. Quoi ? Pas plus ? J’ai le temps alors ! demi-tour droite direction un lit de camp pour une pose de20 min pour reposer mon genou et faire refroidir le thé. Je pense avoir dormi 10 min au total. Le redémarrage se fait tranquille, avant 6h je veut prendre de la marge , Marcellino me rattrapera….Je trottine même sur la longue portion de plat qui mène au chemin des Anglais. Celui là je le connais ! On avait fait le repérage avec Franck il y a 5 ans. C’est bon je maîtrise. Je ne maitrise rien du tout ! J’avais oublié qu’il y avait 3 ravines à franchir et ces pu… de descentes sont un enfer. Des coureurs de la dernière courses du raid la « Somin »( rando qui va de la possession à la Redoute) nous doublent et nous encouragent. Les gens m’interpellent par mon prénom , m’encouragent en voyant ma détresse dans la dernière descente. Je sens les larmes qui montent, c’est trop con je ne vais pas craquer là ! J’ai fait le plus gros ! Le téléphone sonne ! C’est Franck, il a dû arriver. Je décroche, il est à grande Chaloupe avec Faby, ils m’attendent ! Je ravale mes larmes, accélère ce que je peux ( et merde pour le genou). Enfin le plat ! je peux à nouveau accélérer un peu pour les retrouver. J’arrive avec 30 min sur la BH. Franck à l’air tout frais, il est content de sa course. Ils sont au petit soin avec moi. Franck veut absolument que je mange, et pour une fois je n’ai pas faim, j’ai une boule dans la gorge à cause de mon genou. Je me pose sur un muret ,prends le temps de boire, je me force à manger je sais que je n’ai pas encore fini.
Il faut repartir, je ne veux pas rester coincée à la dernière BH. Faby nous mitraille de photo qu’il relaiera sur le groupe Whatsapp. Franck m’accompagne quelques mètres, on ne dirait pas qu’il a bouclé 170km, il est en meilleur état que moi ! Et je reprends l’ascension du chemin des Anglais en direction de la lumière rouge…. Ah non il fait jour et je ne verrai donc pas cette fameuse lumière rouge à l’origine des divagations de mon cher et tendre il y a 5 ans. La montée se fait sans trop de mal, le genou grince un peu mais beaucoup moins qu’en descente. Les coureur du Somin trail nous encouragent , discutent avec nous, sont au petit soin pour nous. Je me retrouve avec une pom’pot ananas/mangue/passion donnée par une coureuse , un régal. La portion qui va du chemin des anglais au Colorado est interminable , on a l’impression d’être dans un labyrinthe on voit le radar de l’arrivée mais il ne se rapproche jamais ! Le Colorado, ça porte bien son nom ! J’ai l’impression de me retrouver aux USA avec cette terre rouge comme au grand Canyon !
Enfin le ravito ! Franck est là avec un grand sourire. Pour une fois les rôles sont inversés, c’est lui qui fait mon assistance, lui qui vient de boucler le grand raid et qui est en meilleur forme que moi ! J’attrape quelques sandwichs au pâté et me pose dans l’herbe pour récupérer. Franck est en train de discuter avec quelqu’un, Diego de son petit nom. Diego a une surprise pour moi « des patch quantique » C’est quoi ce truc de guignol ! Je l’écoute bien sagement pendant qu’il me colle ses trucs sur mon strap. « ca va soulager ma douleur, ça aurait été mieux sans le strap mais ça marchera quand même … » Mouais ?! Diego repart et je regarde Franck d’un air dubitatif, « alors ? » Ben ça fourmille dans le genou ! Bon aller , c’est pas tout ça mais faut finir ! Et il reste 649m de D- en 4.7km, ça va être un vrai plaisir !!!! un petit bisou et je repars en claudiquant, de toute manière je finirai ! Le premier quart de la descente se passe à peu près bien, je ne ressens pas trop mon genou. Effet psychologique ou pansement magique ? Ma première hallu apparait je trouve bizarre que le photographe a laissé son parapluie pour les photos (je ne sais pas comment ça s’appelle) sur le chemin. Ah bah non c’est un tronc arbre. C’est donc ça une Hallu. Et là , le petit nain de jardin ! Ah non ! c’est une souche ! Ce seront les deux seules Hallus, la douleur me fait vite redescendre sur terre. Elle s’intensifie à chaque marche, chaque caillou, chaque racine. A force de compenser le genou gauche entre dans la danse ! Va s’en suivre une vraie descente aux enfers. Les personnes qui me doublent hésitent à me laisser seule. Je leur dit d’y aller que je prends mon temps mais que ça va aller, et je les vois disparaitre. J’insulte les cailloux et ces virages qui n’en finissent pas, des larmes de rage montent. Et je descends LENTEMENT, TRES LENTEMENT ! il me faudra 3h pour arriver en bas, un record à l’envers ! Enfin mon pied touche le bitume quelle joie ! Tout le monde m’encourage, me félicite, m’applaudie , il y a un monde incroyable. J’ai l’impression d’être un coureur du tour de France. Le stade n’est plus loin , je sens l’émotion qui monte, qui monte. A l’entrée du stade j’aperçois Franck et Faby qui m’attendent le sourire aux lèvres , le téléphone à la main. Je n’ai pas le droit de finir main dans la main avec Franck à cause du plan vigipirate, on fera ça chacun de notre coté de la barrière. Je sens les larmes qui coulent sur mes joues, je n’arrive pas à les retenir. Je passe l’ache, c’est y est j’ai fini ! Je l’ai bouclé ! Je suis dans les bras de Franck (merci d’être là !) et je lâche tout. J’y suis arrivée , dans les derniers mais j’ai fini ! je n’arrive pas à réaliser.
Faby immortalise l’instant et le partage avec les copains du groupe WhatsApp . Puis sous une tente , autour de boissons fraiches, je lis les messages de félicitations de mes fistons (merci les garçons) et on refait la course. J’ai bouclé au final 115km avec 7000m de D+ en 42h21. Désolée Christian j’ai foiré ton roadbook. A part les genoux tout va bien, je n’ai mal nulle part ailleurs, je ne me sens pas fatiguée. J’ai pu manger régulièrement, je ne me suis pas déshydratée. Je savais que je pouvais le faire ! A la question de Faby « A quand le grand raid ? » …..
Merci à tout le monde de m’avoir suivi, encouragée. J’ai bien pensé pendant la course à ce que vous pouviez mettre sur le fil…. Merci à mes 2 fistons pour leurs petits mots d’encouragements et de félicitations , j’en avais les larmes aux yeux . Merci à mon chéri pour m’avoir coachée, soutenue et permis de faire ce truc de dingue .
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13 commentaires
Commentaire de Arclusaz posté le 05-11-2023 à 18:57:53
SuperCaro a encore frappé ! la même qui disait il y a quelques années qu'elle n'aimait pas courir. Pour ton Grand Raid dans 5 ans, faut juste régler ce problème de genou (trouve toi un bon kiné !) et ça va passer crème. je suis très admiratif.
Commentaire de Mazouth posté le 05-11-2023 à 23:57:14
Mes respects Madame de Brignais ! Tu n'as rien lâché, quel courage !
L'ultra c'est comme une drogue... le plus dur c'est la descente ;)) (surtout pour les genoux)
Commentaire de franck de Brignais posté le 06-11-2023 à 08:08:05
Un peu d'entraînement, une gros mental et beaucoup de calme et de patience... voilà la recette pour arriver au bout d'un ultra. Tu as toutes ces qualités... et bien d'autres ! Je suis très admiratif, tu as été très forte, un immense bravo !
Commentaire de Cheville de Miel posté le 06-11-2023 à 11:00:45
Bravo Caro ! Une chouette aventure. Merci pour le CR.
Commentaire de Benman posté le 07-11-2023 à 07:24:12
Canon ton récit !
Ça paraîtrait presque simple en fait. Bon, allez, la dernière descente, oui, tu le dis, tu en a chié, mais tu ne gardes très vite que les bons souvenirs. Bravo pour ce récit et ce partage sur cette belle aventure, vécue par plein de monde à distance, et qui nous a vraiment fait vibrer.
Commentaire de marat 3h00 ? posté le 07-11-2023 à 12:40:39
Super récit ! Et c'est bien, tu n'édulcores pas les problèmes. Vivement les compléments et nos compliments en direct ! J'avoue que la forme de ton strapp m'a longtemps interpellé. Tu as réussi à aller au bout, encore un objectif atteint, bravo
Commentaire de patrovite69 posté le 07-11-2023 à 14:20:15
Le strap bleu ,c'est un Ktaping pour les TFL, super efficace, aucune douleur de ce coté là!
Commentaire de Farid69510 posté le 07-11-2023 à 19:40:55
Bravo Caro, quelle abnégation vraiment super. Je note que dans ton CR tu n'exprimes jamais l'envie d'arrêter et cela est une vrai force. Bon repos et à bientôt
Commentaire de akunamatata posté le 16-11-2023 à 19:16:02
Joli récit et bravo encore !
Commentaire de Jean-Phi posté le 19-11-2023 à 17:53:01
C'est chouette de se fixer des objectifs, c'est encore plu chouette quand ils sont réussis ! Bravo pour ton abnégation, ton courage et ce récit sans fard qui montre bien que l'ultra n'est pas une science exacte mais bien une aventure humaine, personnelle et collective. Bravo !
Commentaire de Anne2Brignais posté le 22-11-2023 à 22:44:38
Félicitations Caro pour ce premier 100 bornes, ton récit nous décrit bien tes émotions .. ton courage sur ces derniers kilomètres...
Commentaire de jazz posté le 12-12-2023 à 21:32:21
merci pour le partage ; bravo
Commentaire de xian posté le 17-12-2023 à 17:58:53
a y est, j'ai lu... :)
ben, comment dire : bravo !
même si tu n'as pas idée du stress que tu nous à mis, à essayer de suivre le live de tes derniers km, dans la bagnole, en attendant que tu sois finisseuse...
c'est vrai que pour un premier 100 km, tu as vraiment pris le plus facile !!!
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