L'auteur : claude41
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 19/10/2007
Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)
Affichage : 2816 vues
Distance : 150.1km
Objectif : Pas d'objectif
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On en avait rêvé bien des nuits lorsque le sommeil nous fuyait, on l’a fait, on a survécu. Quand je dis « on », il s’agit de ma p’tite femme Régine et de moi. Nous avions décidé de faire cause commune pour ce grand raid, d’habitude, je suis loin derrière et quand j’arrive, elle m’attend douchée et fraîche, déjà descendue du podium !!!
Dimanche 21 octobre minuit 26On franchit la ligne d’arrivée après 48h26mn d’efforts intenses, surhumains parfois à la limite du supportable, la plante de nos pieds est en feu et chaque appui est un supplice. Les amis sont là, Michelle et Patrick qui ont si bien assuré notre assistance et qui nous ont apporté le réconfort moral dont nous avions bien besoin. Anita et Guillemette à la présence rassurante en différents points du parcours et Patrick et Jean Michel partis comme nous de Cap Méchant mais ayant du baisser pavillon à Cilaos, trop martyrisés par les difficultés rencontrées.
Surtout, que l’on ne parle pas, je suis au bord des larmes, j’essaie de me contenir mais c’est dur. Comme des zombies, on se laisse diriger pour les photos, l’émotion est intense. On ne sort pas de cette épreuve sans être marqué dans nos têtes et dans nos chairs. Oui, nous avons survécu comme c’est écrit sur le maillot que l’on nous remet à l’arrivée, mais que ça a été dur ! 2 nuits et demie sans dormir, 150 km et 9200m de dénivelé (annoncés mais mon altimètre en a trouvé un peu plus !). Seul l’un ou l’autre, on ne serait pas allés au bout. Mais la force du lien qui nous unit nous a permis de surmonter toutes les difficultés. Nous avons partagé une aventure extraordinaire sur ces sentiers réunionnais.
Dans la préparation, j’avais divisé le parcours en trois étapes : Cap Méchant – Cilaos, Cilaos – col de Fourches et col de Fourches – stade de la Redoute. Une certitude, si nous allions jusqu’au col de Fourches, c’était gagné.
Vendredi 0h00 Cap Méchant – CilaosÇa y est, le départ est donné, nous franchissons la ligne de départ dans les derniers. Afin de se rassurer, dès que l’on peut, on trottine à 8 – 9 km/h. Dans la montée vers le kiosque de Mare Longue, on alterne marche – petit trop, on double beaucoup de monde. La longue montée vers la crête de Foc Foc se fait dans la file, deux ou trois ralentissement nous permettent un repos bien venu. Nous assistons à un lever de soleil magnifique sur l’Océan Indien. A 6h30 nous débouchons sur le bord de l’Enclos de volcan. A nouveau, nous alternons marche – petit trot jusqu’au ravito du volcan, il est 7h30. 10mn pour faire le plein d’eau, une petite soupe, un peu de solide et on repart. Les paysages sont splendides, on en prend plein les yeux. La longue descente vers Mare à Boue s’effectue sous un petit crachin qui me rappelle une belle région de la métroplole. Mare à Boue, il est 11h10, tout va bien, un bon ravitaillement, poulet grillé excellent, sourires et re-sourires des « bidasses », le général de brigade 2 étoiles est là avec ses lieutenants colonels, l’accueil est vraiment réconfortant. 11h30, c’est reparti pour une longue montée vers Kervéguen. Comme tout le monde, on mettra les pieds dans la boue, un bout de bois se mettra en travers de temps en temps en temps, on avance bien, pas question de courir, on ne prend aucun risque. Echelles impressionnantes, de la boue encore de la boue. On pointe à Kervéguen, on s’arrête à peine. Direction la Caverne Dufour, on rencontre des coureurs en difficulté, pourtant, on est loin de l’arrivée. Descente d’enfer sur Cilaos, en marchant, tranquille, pas question de s’arracher les quadriceps. Un participant réunionnais rencontré lors de la visite de la coopérative de la vanille à Bois Panon (c’était le guide !) nous a bien mis en garde sur cette descente. Cilaos, il est 17h33, Michelle et Patrick sont là avec nos affaires propres, un peu de ravitaillement, on file à la douche, elle est froide, mais qu’est-ce-que ça fait du bien ! Je change de chaussures, après les Asics Gel Trabucco, j’opte pour les RaceBlade de La Sportiva, je prends un risque, c’est la première fois que je les mets en course. Elle se révèleront d’un excellent comportement. Régine change ses Salomon Gore Tex pour des Asics gels … On ne s’occupe de rien, nos amis rangent tout, nous gratifient d’encouragements, nous rassurent, on prend le temps de bien manger et sans se poser de question, on repart, nous nous sommes arrêtés 1h07, il est 18h40.
Cilaos – Col de FourchesNous nous enfonçons dans la nuit pour le deuxième tronçon du parcours. Pas trop de fatigue, physiquement, on est bien. Descente sur la cascade de Bras rouge, remontée sur la route au pied de la montée vers le Taïbit. Sans prévenir, d’un coup d’un seul, Régine me dit « j’arrête, je suis au bout du rouleau », brusquement, tout s’écroule, il est hors de question de laisser là une partie de moi-même. Nous discutons un peu je la rassure, et tout aussi brusquement « Je ne veux pas que tu abandonnes à cause de moi, on continue ! » après une longue hésitation, je commence la dure montée vers le col du Taïbit, je ralentis l’allure au maximum, je m’inquiète de son état toutes les deux minutes, le coup de mou semble passé, on croise quelques concurrents qui redescendent vraisemblablement pour abandonner. Le cirque de Mafate fait peur, quand on y entre il faut en ressortir par ses propres moyens ou avec … l’hélico. Nous rencontrons une jeune réunionnaise en détresse, elle en est à sa 5ème diagonale et pour la première fois elle envisage la défaite. On l’attend, elle repart avec nous, pendant quelques minutes, mais elle n’en peut plus, elle abandonne définitivement et redescend vers le poste de secours, sa détresse nous fait mal. 23h15 col du Taïbit, nous basculons directement vers Marla où nous arrivons à minuit. Régine a bien récupéré, elle est courageuse ma p’tite femme, je lui propose de dormir un peu, mais le froid ne nous incite guère au repos. D’autant que j’ai laissé à Cilaos ma veste polaire pour gagner du poids. Quel andouille !
Direction Roche Plate, il nous faudra 3h50 pour y arriver. 3h50 de doutes, de difficultés extrêmes, on se croit perdu, on met ¼ d’heure à trouver un passage pour traverser la rivière des galets avant Trois Roches, on ne sait plus dans quel sens nous sommes, mon sens légendaire de l’orientation en prend un sale coup. Alors on se parle, on pense à tous ceux qui nous suivent sur Internet, nos enfants qui tremblent devant leur écran en se demandant ce que « leurs vieux » font à mettre autant de temps à arriver, nos adorables petites filles (jumelles) qui dorment paisiblement en attendant que papy et mamy viennent les chercher pour les vacances de Toussaint. Mais qu’est ce qu’on fout là !!! Et subitement on surplombe Roche Plate, on y retrouve des collègues encore plus abattus que nous ! C’est drôle comme la détresse des autres peut nous remonter le moral, on se ravitaille rapidement et puisqu’il faut y aller on y va. Un rapide bilan nous indique qu’on est plutôt bien, pas de douleurs physiques, moralement, on a flanché un peu, vacillé, mais on est encore debout.
Après ce qu’on nous raconté sur le Bronchard, on est intrigué par ce que l’on va rencontrer, on est même impatient d’y arriver. Le jour se lève au moment où nous arrivons en haut de la descente. Un groupe est constitué et nous entamons cette descente d’une beauté magique. On se rend compte qu’il va falloir remonter de l’autre côté, mais bon, c’est possible ! Dès le bas, on attaque la montée sans réfléchir, le moral est au beau fixe, nos pieds un peu moins ! Régine commence à avoir quelques ampoules, moi, j’ai la plante des pieds qui me brûle, mais bon on est sur nos deux jambes. Dans le haut, on redouble ceux qui nous ont doublé dans le bas, c’est bon signe. La Nouvelle, il est 7h06 du matin. On prend bien le temps de se ravitailler. Petit briefing en tête à tête, aller, si nous continuons à assurer, on va au bout. Je crois que c’est à ce moment que l’on a su que l’on pouvait réussir à rallier l’arrivée, que plus rien ne pourrait nous arrêter, j’envisage même d’arriver avant la nuit. La suite va nous prouver que j’ai été un peu euphorique. Col de Fourches, 10h00
Col de Fourches – Stade de la RedouteDans la longue descente vers Aurère, nous alternons marche rapide, petit trot. On s’arrête un bon moment au col des Bœufs pour manger et bien s’hydrater. On essaie de ne pas céder à la tentation d’accélérer, on est encore loin ! Aurère midi 10.
Ravitaillement, on prend bien notre temps à nouveau. La descente vers Deux Bras s’avère douloureuse, nos pieds nous font de plus en plus mal. On choisit l’endroit où on va les poser, mais parfois c’est à côté ouille ! ouille ! Deux Bras 14h10, on ne s’arrête que 17mn et on repars vers ce que l’on croit être la dernière difficulté, finalement, on la monte bien, la certitude de retrouver nos amis Michelle et Patrick à Dos d’Âne avec des vêtements propres nous « boostes » un peu. Dos d’Âne 17h05.
On se change, on discute, on raconte ce que l’on a vécu la nuit précédente. Régine se fait percer une ampoule qui la chatouillait depuis un bon moment. On s’arrête un bon moment, mais tant pis, on va aller au bout de notre aventure.
On repart, en haut sur l’arête, le paysage est splendide, d’un côté Dos d’Âne, de l’autre Aurère où l’on était tout à l’heure. La nuit tombe, les difficultés recommencent. Régine ne voit plus grand chose, elle ne cesse de tomber, je mets ça sur le compte de la fatigue, je n’ai pas l’idée de changer ses piles. Après un grognement un peu plus appuyé, je vérifie enfin : ah oui ! les piles sont mortes ! On les change, que la lumière soit et elle fut ! (je le dirais bien en latin mais à cet instant de la course, je l’ai perdu … mon latin). Bon ça va mieux, mais c’est pas maintenant qu’on va prendre des risques. On a des difficultés pour trouver le chemin de Colorado, on est un peu perdu, heureusement un connaisseur nous remet dans le droit chemin 22h30. Plus que 5 km nous dit-on, un peu plus d’1h15 ! Oui sans doute, mais nos pieds n’en veulent plus ! Derrière moi, j’entendrai Régine tomber un nombre incalculable de fois, elle ne se plaint même plus ! Il nous faudra presque deux heures pour les franchir ces satanés derniers kilomètres, mais même un tremblement de terre ou une éruption volcanique ne nous aurait pas empêché de franchir la ligne. Quelle joie de revoir ce stade, il est minuit 26.
Au bilan, une magnifique aventure qui de plus est, vécue en couple, jamais je n’aurais pensé que l’on pouvait avoir autant de ressources en nous-mêmes. Et le courage monstrueux de Régine, sans cesse tombée, sans cesse relevée, elle m’a bluffé ma p’tite femme (si c’était encore possible !). Cerise sur le gâteau, elle montera sur le podium, comme d’habitude, 2ème des « anciennes », c’est pas beau ça ! Les vieux vous saluent bien !
Régine SOURIAU 48h26 660ème 2ème V2
Claude SOURIAU 48h26 661ème 6ème V3
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6 commentaires
Commentaire de zorey974 posté le 28-10-2007 à 17:31:00
Bravo. Beau compte rendu. Et je suis toujours en admiration devant des duos qui vont ensembles au bout de leur souffrance.
zorey974
Commentaire de martinev posté le 28-10-2007 à 20:49:00
Quelle émotion à la lecture de votre récit et que ce doit être encore plus fort de vivre cette aventure à deux. Bravo à vous deux.
Martine (dossard 52)
Commentaire de Gibus posté le 28-10-2007 à 22:13:00
Emouvant récit
la vie a deux
la course a deux
la victoire a deux
c'est vrai qu'on pense souvent à sa famille quand tout va mal.
beau duel avec soi même
oté marmaille!
Commentaire de akunamatata posté le 29-10-2007 à 08:50:00
bravo, bravo !
Faire cela a deux c'est genial.
Commentaire de moumie posté le 29-10-2007 à 21:52:00
salut,
BRAVO à tous les deux, d'avoir vécu cette aventure en couple, soudé, uni dans l'effort et la douleur
encore bravo vos enfants et petits-enfants peuvent être fiers de vous deux
Moumie
Commentaire de _azerty posté le 31-10-2007 à 15:19:00
BRAVO !!!
Quelle leçon !!!
Merci
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