Récit de la course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous 2014, par Papafuret

L'auteur : Papafuret

La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous

Date : 23/10/2014

Lieu : St Philippe (Réunion)

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Distance : 174km

Objectif : Terminer

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Que du bonheur, enfin presque....

De l’inscription au départ

 

Un peu plus d’une semaine après mon arrivée au Stade de la redoute, l’émotion est toujours là, et j’ai envie de partager mon aventure.

 

L’envie était là bien avant le mois de février et la date de l’inscription, avec déjà de gros doutes quant à ma capacité à boucler cette course qui porte si bien son nom. Mais le nombre de copains devant s’inscrire et l’ambiance inévitable promise pour ce séjour sportif ont eu raison de mes réticences. Me voilà donc inscrit.... Y a plus qu’à se préparer.

 

De courses en courses rien de bien concluant en 2014: arrêté par le serre-file au Beaujolais Villages Trail, hors délai sur le 80 du Mt Blanc (il faut préciser que les kilomètres de neige sans bâtons (prépa oblige!) au Col des Corbeaux n’ont pas aidé à rester sur le rythme voulu), je devais me rassurer en me disant que la préparation spécifique n’avait pas vraiment commencée. Et effectivement tout a commencé pendant l’UTMB: à peine le temps de faire 2 fois Les Posettes au milieu de l’assistance que je faisais à mon frère Pascal, et à Thomas et Manu. WE riche en enseignements. je repars de là motivé à fond, convaincu plus que jamais que rien ne doit être laissé au hasard. De sorties et sorties, de séancesà Montmartre en séjour de 5 jours à Chamonix pour faire un gros bloc, de préparation de matériel en repérage du parcours sur Internet, me voilà arrivé lundi matin à La Réunion, à l'hôtel ou je dois retrouver toute la bande: 20 personnes sur place, 11 coureurs, dont la majorité déjà finishers de la Diagonale. Comme prévu, l’ambiance est extra ordinaire.

Retrait des dossards le mercredi, tour des partenaires puis bol de pâtes avant le retour à l'hôtel et la préparation des sacs. La pression monte, le corps donne l’impression de se rebeller avec une toux qui arrive, des douleurs dans les mollets, ... Bref, on psychote totalement. 

 

Une première nuit pas rassurante

 

Après une journée longue à attendre que le temps passe en essayant de dormir et en faisant semblant d’être détendus et sereins, l’heure de quitter l'hôtel arrive.

Nous arrivons tôt sur site, nous n’avons pas eu de mal à poser les sacs d’allègement ni à passer le contrôle des sacs. Ca s’est compliqué plus tard je crois. 2 heures allongés dans la poussière à essayer de trouver le calme intérieur, puis tout le monde se lève, ça bouscule un peu pour rejoindre la ligne de départ, mais nous restons groupés majoritairement.

22H30: c’est parti.... Beaucoup trop vite à mon goût!! je me retrouve vite seul, mais je ne m’inquiète pas, la course s’annonce longue. C’est comme dans les vidéos, une ambiance énorme, la foule sur plusieurs kilomètres, puis les cannes à sucre, la poussière, le sentiment que la course va commencer.... je suis rejoins par Manu juste avant le Domaine Vidot, mais il ressort plus vite que moi et je ne le reverrai que qques minutes à Cilaos, puis à La redoute ou il arrivera quelques heures avant moi. Me voilà donc seul pour la première nuit. Pas de gros bouchons dans les montagnes russes en forêt, et ensuite je sombre dans le sommeil. Je vis un cauchemar jusqu’à Piton Sec, m’endormant debout et manquant de partir dans le ravin à plusieurs reprises. Ca m’inquiète beaucoup pour les nuits suivantes, mais le coca me sauvera sur ce point aussi. Au ravitaillement, Gilles et Isabelle m’annoncent que 3 potes sont à peine 1 minute devant moi. Ca me booste, et je repars après une soupe qui m’a fait le plus grand bien. Je rattrape effectivement JC, Brice et son père Paul peu avant Textor, et garde mon rythme jusqu’en haut. 

A Piton Textor, dans des conditions dantesques je vois à peine l’assistance venue nous encourager, mais je vois Laurence qui vient de me rattraper. Une soupe plus tard nous voilà repartis en courant, j’arrive à ne pas la perdre dans la descente, et nous voilà à Mare à Boue. Poste de ravitaillement balayé par le vent et la pluie, il ne faut pas trainer là !!!! La montée suivante est tout sauf confortable: la pluie a transformé le sentier en ruisseau et il faut choisir entre racines glissantes et flaques de boue. Coteau Kerveguen est surement magnifique sous le soleil, on verra ça si on revient un jour. C’est très long, mais la descente qui suivra vers Cilaos sera pire. Les échelles, la boue, les marches d’une hauteur indescriptible, la fatigue de 60 kilomètres déjà effectués commencent à attaquer le moral et je sombre dans ce que je devais éviter: les idées d’abandon. Je me sens faible, pas assez préparé en descente ni en gainage, et je pense à jeter l’éponge. C’est d’ailleurs mon discours quand nous arrivons à Mare à Joseph où miracle le soleil brille. Je me pose dans l’herbe, rallume mon téléphone pour aller chercher quelques claques de la part de mon frère Pascal. Il n’aura même pas le temps, car je reçois un sms de ma fille cadette, d’habitude plutôt avare en signe d’amour, qui en un sms me regonfle à bloc par quelques phrases à faire pleurer un Papa même moins sensible que moi.

 

Cilaos, et une deuxième nuit en enfer...

 

Me voilà reparti, le couteau entre les dents. je cours même jusqu’à Cilaos, ou je retrouve l’équipe au complet qui nous accueille.

Au repas nous sommes rejoins par Tristan, qui nous raconte comment il a perdu 1 heure à amener Thomas à un poste de ravitaillement pour le laisser en sécurité suite à une grosse défaillance. Il a ensuite beaucoup donné pour nous rattraper. Je fais l’impasse sur la douche, je préfère aller voir les podologues, mes pieds n’ayant pas aimé les heures dans l’eau et la boue... Une tenue propre, et c’est reparti à 4 vers le Piton des Neiges. Pile 16H, comme dans le plan de marche que j’avais imaginé; c’est ensuite que ça va déraper!

 JC voulait abandonner à Cilaos, il repartira avec nous mais jetera l’éponge après Le Bloc au début de l’ascension. Dommage, j’avais imaginé que nous ferions un la course ensemble autant que possible. Nous partons donc à 3; tous les 100m de dénivelé nous nous accordons une petite pause, la montée est longue mais se passe bien. Au Gite du Piton des Neiges nous ne trainons pas, il ne fait pas beau et la nuit est tombée. On commence à parler de barrière horaire, et cette idée ne nous lâchera plus de la nuit. 

La descente qui suit vers Belouve est pour moi un cauchemar: des marches et  de la boue, on se tient à la végétation mais je tombe beaucoup. C’est aussi le moment ou mon cerveau  fait relâche et ou les hallucinations sont permanentes: le moindre élément réfléchissant d’une tenue se transforme en géant dansant, en boite aux lettres ou en jeune mariée... Compliqué.

Plus de 4h pour atteindre Bélouve, ce changement de parcours aura laissé des traces dans les organismes, le mental et les chronomètres!! Nombreux sont ceux que nous avons vu sous couverture de survie au bord du sentier. Après Belouve je vais mieux, j’ai bu une soupe, changé les piles de la frontale, je prend la tête de notre petit groupe pour aller à Hellbourg dans une descente plus facile que la précédente. Mais le repos n’est pas prévu: le timing est serré, et ça se confirme: nous espérons dormir un peu mais à peine allongé on nous annonce qu’il faut partir, ou rendre son dossard.... Nous voilà donc repartis, à 1H30 du matin, sous la pluie. Etape suivante: Plaine des Merles. Dans la montée Tristan, qui voulait dormir à Hellbourg, commence à payer sérieusement ses efforts pour revenir sur nous dans la 1ère nuit. Sur ordre de mes 2 compagnons (déjà finishers tous les 2), je pars donc seul pour finir l’ascension, avec comme objectif de repartir de Plaine des Merles avec 1H d’avance sur la barrière.

Dans l’ascension je rejoins Brice et Paul, mais Paul est dans le même état que Tristan. Brice me rejoindra quelques minutes plus tard et nous prendrons ensemble notre soupe (un vrai moment de bonheur), assis sur un tabouret, au ravito, au lever du jour. Laurence nous rejoindra à la minute ou nous allions repartir. Voilà notre trio formé, ce trio passera la ligne main dans la main.

 

Mafate, le soleil et les paysages: enfin je trouve ce que j’étais venu voir

 

Ensuite c’est Mafate, sous le soleil. Un ravito agréable à Marla, un rythme que je trouve correct jusqu’à Roche Plate. Et sans pluie ni brouillard on voit enfin les paysages, et ça vaut le coup !!! 

Nous décidons de quitter Mafate chacun à son rythme. Je fais donc le plein à Roche Plate et ferai là la seule erreur d’alimentation de la course: De peur de manquer d’eau sous la chaleur du Maido, je remplace le coca de mon 2me bidon par de l’eau gazeuse. Grosse défaillance en cours d’ascension, obligé de me poser et prendre gel et pate de fruit. Je réaliserai plus tard que le Coca aura été ma source énergétique (et de caféine!!) pendant toute la course. Un bidon Coca, un bidon d’eau avec électrolytes, et tout s’est bien passé, sauf en fin de Maido.... Là haut c’est la foule et la grosse ambiance, mais il y a encore de la marche avant le ravito. On peut penser que la course est comme finie... mais il ne faut pas trop y penser !! 

Pause salvatrice là haut: l’assistance est là, Patrick, André, Martine, Paul, les garçons, .... ça fait du bien. Je laisse mon sac et vais demander l’impossible: me faire soigner les pieds, masser les jambes, pendant que je dors: on me dit OUI !!! Je m’allonge sous une couverture, je suis bien. On me dit que j’ai la plus grosse ampoule de la journée; voilà un titre dont je me serai bien passé. Je me fais soigner, masser, mais ne dors pas vraiment, d’autant que je me mets à trembler de tout mon corps, même sous 2 couvertures. On prend ma température: 38,5, mais les médecins comprennent surement à mon regard que je repartirai. Paul m’apporte un t shirt sec, on se couvre bien car il fait à nouveau mauvais au moment de quitter la tente. Il est 16H, la descente et la 3me nuit nous attendent.

Cette partie là parait plus longue que compliquée, mais nous avançons à notre rythme, moins sous la pression des barrières horaires que nous avons pu l’être. La descente est longue, mais des crêpes nous font du bien au ravitaillement de Sans Souci. 

Surtout ça commence à sentir bon l’arrivée, même si Laurence calme nos ardeurs de victoire avant l’heure. Step by step. Ca fait presque 48H que nous avançons ainsi, sans penser à la course globale, mais juste à l’étape suivante. Nous sommes tous les 3 ensemble, mais ne parlons presque pas. Chacun dans sa course, dans ses douleurs, dans ses sources de motivation et de réconfort. Je n’ai pas allumé le portable depuis Cilaos, tout est dans la tête, j’ai le moral même si mon pied droit se transforme pas à pas. Je pense beaucoup aux Happy Places Inside que j’ai, comme dirait Pascal qui me suis à distance et doit vivre ma course comme j’ai vécu son UTMB deux mois plus tôt.

 

Troisième nuit qui respire la délivrance proche

 

J’ai hâte de me faire soigner à Halte Là car je sens que ça se détériore dans ma chaussure droite...

Petite pause hors du temps à Halte Là: il fait bon, toute la bande est là pour nous encourager. JC s’occupe de mes affaires, m’apporte un sandwich, Tristan gère le timing de la pause et demande à ce que j’ai une podologue par pied pour plus d’efficacité, ... Bref tout va bien et ma chaussette égarée ne me stresse même pas: elle est forcement quelque part, et ré-apparait comme elle avait disparu.

Qui dirait que j’ai 140 kilomètres dans les jambes, et surtout un pied dans un état qui a fait peur à JC et Gilles...

 

La suite est longue, les lianes ou chemin de tarzan passent plus vite que je le craignais mais on fatigue un peu et on est bien content de retrouver Martine, Paul et les garçons à Possession. Après un petit ravito ou une demi merguez froide m’apportera du plaisir, j’arriverai à dormir un petit 1/4 d’heure, le seul en 3 nuits. Nous repartons, pour retrouver le sourire de notre assistance à Grande Chaloupe après un passage par le Chemin des Anglais: c’est beau d’y voir le lever du soleil, mais la descente aura été compliquée pour mon pied droit et pour les jambes blessées de Brice. A la montée ça allait, j’arrivais à ne prendre appui que sur l’avant du pied et donc garder un rythme correct.

Après Grande Chaloupe, on commence à penser heure d’arrivée. Il reste quelques hecto de montée, une dernière assistance avant le Colorado de Martine et les hommes: toujours des sourires et du bonheur, en plus de fruits frais ou Pom Potes délicieux.

Le pointage là haut avec la météo capricieuse qui nous oblige à mettre 2 fois de suite la veste de pluie, puis on attaque vraiment la descente. Afin de revivre chacun notre course, nous descendons séparément. La douleur à chaque pas m'empêche d’avancer et je me fais doubler fréquemment. Je commence à m'énerver car à ce rythme je vais mettre 4 heures à descendre. Je vois Brice pas loin devant moi, souffrant a priori autant que moi. Sans se concerter nous accélérons le pas ( tout étant relatif bien entendu). je pense que l’approche de l’arrivée nous permet de passer un cran supplémentaire dans la résistance à la douleur, et nous retrouvons Laurence en bas. Je ne sais pourquoi j’ai soudainement besoin de me nettoyer le visage avant l’arrivée. Nous trouvons une bouteille d’eau qui fait l’affaire, passons le t shirt de l’organisation, et avant le stade commençons à courir. Ca s’emballe jusqu’à la ligne, ce qui se passe ensuite est indescriptible. Je pleure beaucoup mais je ne suis pas le seul. On tombe dans les bras les uns des autres, coureurs et assistants, toute la bande est heureuse. Je suis sur mon nuage, je veux profiter de chaque seconde de ce moment de vie. Encore aujourd’hui je ne sais dire exactement tout ce qu’il s’est passé à l’arrivée. 

Des photos, une bière, des sourires, la bande de potes qui est là, aussi heureuse que nous, tout est parfait. La vie est belle quand elle apporte des moments aussi forts.

 

C’était grand, magique, fort. Je l’ai fait. J’ai survécu. Je suis un fou.

Les jours qui suivent sont à l’image de ce séjour et de cette course: un après-course fait de rire et de bons moments, le cigare du soir en pensant à Pascal et à nos prochaines courses ensemble (il m’avait mis la pression en me disant que je prenais les points à la Diag pour qu’on fasse l’UTMB ensemble en 2015; voilà c’est fait mon frère, la page suivante est déjà ouverte), Patrick qui soigne mon pied, André qui apporte sa joie de vivre immense à tous les instants, Tristan et JC qui sont aussi heureux que moi de ma course.... Jamais l’expression Que du Bonheur n’a pris un tel sens...

 

Voilà, un récit un peu long, mais cette Diagonale était bien longue et compliquée. 3 nuits dehors et une fin géniale... Nous ne serons que 4 finishers sur 11 partants. Dommage. 

 

Remercier tout le monde comme je le ressens au fond de moi sera impossible: il y a ceux qui m’ont porté ou suivi à distance, ceux qui sont fiers pour moi (plus même que moi même...), ceux qui m’ont encouragé, tous les inconnus au bord du chemin et les bénévoles bien sûr, et puis il y a toute la bande: des entrainements du samedi et du dimanche à la ligne d’arrivée MERCI pour tout, et pour tout ce qui n’a pas été dit mais que vous m’avez apporté. Merci à tous les assistants, spécialement Martine, Paul et les garçons: la course n’est pas la même avec vous. Merci à mes filles pour leurs encouragements et leur confiance en moi, merci à Elodie pour sa patience quand je suis en mode monomaniaque Diagonale ou que je laisse trainer mon sac de course parfois «odorant», merci à toute la famille, Papa, Maman, frères et belles soeurs. Merci d’avoir cru en moi.

 

Et merci à mes 2 compagnons d’aventure, Laurence et Brice. Peu de mots entre nous, pas nécessaire. Un but commun, une volonté commune, une victoire partagée. Merci.

 

Terminer cette diagonale n’était pas la fin d’une aventure, mais le début d’une nouvelle vie.

Merci à tous


3 commentaires

Commentaire de Bacchus posté le 09-11-2014 à 21:25:49

Merci pour ce CR magnifique !!
Belle gestion de cours de vous trois.

Commentaire de Berty09 posté le 10-11-2014 à 22:31:34

Bravo pour ta course. On ressens très bien la difficulté du parcours et des conditions mais aussi ton immense détermination. Merci pour ce récit et bonne récupération.

Commentaire de BigPiou posté le 01-12-2014 à 23:46:21

Bravo mon frere. C'etait si bon de se sentir inutile a partir de Cilaos...
Parcours rallonge, meteo capricieuse, tu es alle te le chercher ton exploit.
Ecotrail 50, 80km du mont blanc en juin, UTMB en aout, et qui sait, Diag ? Que 2015 va etre belle !

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