L'auteur : Philippe8474
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 17/10/2019
Lieu : Saint-Pierre (Réunion)
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Distance : 167km
Objectif : Pas d'objectif
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Il va être compliqué à écrire ce récit.
Je crois que j'ai écrit LE récit, MON récit sur l'OTB.
Et cette course a été tout en contraste.
Lundi 14 octobre, on atterrit à Saint Denis.
On y est. Ma petite famille, renforcée par la présence de ma sœur.
Le séjour commence. Avec le Grand Raid au milieu.
Depuis 2006 et ma première réussite sur l'UTMB, le Grand Raid représentait l'étape suivante.
Cette étape aura pris donc 13 ans, avec tellement pleins de choses entre, sans regrets car la maturation me semble avoir été la bonne.
On récupère notre voiture, après être s'imprégner des premières sensations du Grand Raid directement au premier ravito du Grand Raid à la sortie de l'aéroport. Puis on récupère notre location.
On s'est fait plaisir. La villa est magnifique, vu sur mer, piscine, immense. Les vacances seront belles.
Mardi, je vais trottiner pour aller chercher le pain du petit-dej. Tout semble OK. On promène un peu.
Mercredi, je récupère le dossard. Un peu de monde mais tout se passe bien.
Coup de speed, en préparant mes sacs dans l'après-midi, je me rends compte que je n'ai pas ma couverture de survie. Je regarde l'heure. J'ai le temps de filer à Décathlon à Saint Pierre avant la fermeture, ça va être ric-rac mais ça va passer, même si ça risque de décaler un peu ma soirée, moi qui voulait me coucher tôt.
Céline me calme. Elles iront demain matin la chercher. Je percute ! On a beau être la veille du départ, on n'est pas samedi soir, c'est le milieu de la semaine, DKT sera bien ouvert demain.
Jeudi levée un peu tôt encore. Mais je reste tranquillement à la maison. Les filles vont à St Pierre (et DKT).
Pour ma part, bouquinage, dernier repas, sieste, bouquinage, douche, puis il est temps d'enfiler ma tenue.
Et direction le départ.
A 18h30 je rentre dans l'enceinte du départ. Je viens de laisser Jo, Céline et ma sœur. Et Lola. Qui ne veut plus que j'aille courir. Qui pleure dans mes bras,
Lui dire que son papa aime ça, a besoin de ça. Mais qu'il reste dans son cœur, qu'il ne l'abandonne pas. Qu'il a besoin d'elle.
Pourtant la course vaut-elle vraiment de lui faire cette peine ?
Mais elle m'a promis de courir avec moi à l'arrivée. Pour la première fois.
Ça y est je me retrouve seul.
Un peu plus de 3 heures à tuer avant le départ.
Je m'allonge à même le sol. Mange en deux fois mes portions de Sport Dej.
Je feuillette dans ma tête le livre de photos de l'OTB offert par Armony 2, 3 jours avant notre départ.
Je rentre en moi-même. Sans m'en rendre compte.
Je coupe le tel, et Whatsapp pour économiser la batterie.
Mon esprit se concentre, brasse pleins de pensée et se vide en même temps.
Je rallume le tel après une heure, puis de temps en temps. Pleins de bonnes ondes me sont envoyées.
Je ferme les yeux. Yannick me murmure à mes oreilles : « On va au bout »...
Je suis prêt. Je pense l'être. Comme sûrement jamais auparavant.
Mais tout cela peut tellement s’effondrer rapidement si un grain de sable grippe tout.
Si le noir envahit l'espace.
J'ai en tête l'EB de l'année dernière, l'OTB magique, et mon tour du Mont Blanc en 3 jours de cet été.
Le mental a été tellement présent sur ces 3 rendez-vous.
En aurais-je encore ? Ais-je réellement acquis une certaine force, sagesse ? Je veux positiver, être souriant, je veux être bien avec ma petite famille, ma sœur présente avec nous.
Je sais que ça passe par là en fait. Que j'ai besoin d’être bien...
Des évidences : être bien pour avancer... Oui c'est évident!
Mais ce que je ressens c'est que j'ai besoin de positiver pour que tout aille... Si le moral flanche, les jambes flancheront... A l'inverse si le moral est là, je sais que je peux aller loin.
Bref j'ai 'impression que cela passe comme jamais aussi par mon comportement, mon attitude physique, ma posture, mon rapport à l'extérieur, à mes soutiens via ma famille et mes amis (Whatsapp et la 4G sont une magnifique invention:)
Ce n'est pas au moral d'aller bien parce que physiquement je suis bien. Ce que je ressens avant ce départ, ce que me dicte mon esprit, c'est que c'est à mon moi profond de soutenir mon physiquel, de positiver, de sourire, d'avoir un langage corporel positif.
Ce ne sera pas pour moi qu'une simple question de jambes, d'énergie. C'est un tout. Moi au milieu d'un ensemble.
Après 2, 3 A/R pour aller aux petits coins, vers 21H00, d'un seul coup, tout le monde se lève et s'agglutine contre les barrières. C'est con on va donc passer une heure debout avant le départ.
Mais j'ai tellement peur avec mon allure d'escargot sur le plat et avec tout ce que j'ai lu sur les premiers kilomètres de courses puis les bouchons, que je suis venu tôt. Ce n'est donc pas pour me retrouver au fond, alors je reste debout 3 lignes devant la barrière.
L'heure passe assez vite.
Il va être l'heure de lâcher les fauves.
D'abord les élites vont se placer, puis d'un seul coup c'est notre masse qui va s'avancer. D'un seul coup, ça part à gauche, devant moi les barrières sont encore en place, ça va pas tenir, ça tient pas, les barrières basculent, ça pousse un max derrière, faut enjamber les barrières au sol, pas se faire une cheville, regarder où on pose les pieds, résister à la poussée arrière, puis filer s'agglutiner un peu plus loin.
On avance coller, agglutiner les uns aux autres. Ça y est on est sur la ligne.
Je me suis rééquipé pour le départ, remis la veste dans le sac (qui m'a bien servi pour patienter), sortie la frontale.
Discours.
Je suis calme. Etonnement pas d'émotion. Tourné vers la course.
Je sais pourtant déjà que je ne vais pas aimer les premiers kilomètres.
Je suis fixé en fait sur une seule chose. Ma famille m'attend au niveau du restaurant « Chez Philippe » sur la gauche de l'avenue. Juste ça . Pas les rater.
C'est parti.
Je cours. Ça part fort.
Je me place sur la gauche.
Environ 1 kil après le départ, je passe le resto, personne, un doute, est-ce que je dois faire demi-tour ? Non, elles sont juste un peu plus loin. Bisous échangés.
Rendez -vous demain à Cilaos.
J’essaie de ne pas me laisser entrainer. Courir sur le plat de toute façon je ne sais pas. Me respecter. Ne pas se laisser aller . C'est compliqué malgré tout, c'est si facile de courir au début .
L'avenue est vraiment blindé de monde. Sacré ambiance. Le feu d'artifice en arrivant au bout. Puis on s'engage dans la montée dans les faubourgs de la ville.
Puis on commence des chemins dans les champs de canne à sucre, entrecoupés de routes.
Je m'occupe en hallucinant du rythme de certains, de leurs respirations, de leurs transpirations... J'espère en revoir pas mal plus tard dans la course.
Par contre 2715 au départ, ça se ressent sur les chemins. Je n'ai plus vraiment l'habitude de courir avec autant de monde.
15 kilomètres à parcourir avant le premier ravito. Rien de notable.
Puis on enchaîne sur des chemins. Pas vraiment de bouchons, des ralentissements. Pourtant je suis passé 1344eme au premier ravito. Mais ça va.
Beaucoup moins catastrophiques que ce je craignais et avait lu.
Par contre c'est vrai, je ne m'éclate pas vraiment. Être cul à cul sur les chemins ne m'enchante guère. Je trouve ça un peu long.
Puis c'est la nuit. La fatigue est là. Je ne suis pas aussi frais que ce que j'aurais aimé. Arrivé lundi matin, 3 nuits sur place pas forcément sensass, avec Lola qui se lève toujours tôt et un sommeil pour ma part trop haché, ne me permettent pas de me sentir au top. Et là dans la nuit je le sens.
Et je me pèle, j'sais plus bien à partir d'où. Mais putain je me pèle. J'avais lu qu'il faisait froid. Mais pas autant que ça ! J'ai pas pris assez pour me couvrir. Je suis limite. Il aurait pas fallu plus. Et surtout pourquoi je n'ai pas pris mes gants avec moi, malgré l'étonnement de Céline !
Notre Dame de la Paix, Parking aire Nez de bœuf. Les deux ravitos suivants.
Très peu de souvenirs. Je fais ma course. Ne m'occupe que de mon rythme.
Reste étonné, dans les relances, les faux-plats de voir assez peu de personnes se remettre à courir...
J'ai sorti la musique, ma play-list collants-pipelettes (des disques jamais écoutés conseillés par mes lascars)... Izia me transporte totalement, Sixto Rodriguez m'embarque et Worakls, Moderat et Joachim Pastor me font littéralement planer. Un kiff immense.
Le jour se lève, je descend sur Mare à Boue. Quel bienfait de retrouver le soleil. De découvrir enfin la nature qui m'entoure.
J'arrive à bien trottiner pour arrivée au ravito. C'est une belle satisfaction. Un appel à Céline. Je me plains quand même de mes chaussures. Mes Leadville dont j'étais si satisfait après l'EB, me semble manqué énormément d'amorti aujourd'hui. Les talons et les mollets me semblent trop recevoir. Céline me rappelle que mes autres chaussures m'attendent à Cilaos et que ça ira mieux après.
Et puis aussi que je reste en avance par rapport à ma feuille de route en 44H.
Et que surtout, elles seront toutes les 4 là à Cilaos:)
Au ravito, je me pose 5 minutes, mange vite fait un peu de riz et un peu de poulet boucanée. Délicieux. Mais je reste très peu. Minimiser au max mes arrêts.
Par contre après un peu de cheminement, le sentier se fait plus technique, et on repart de nouveau sur de la file indienne. Ce n'est pas que j'irais beaucoup plus vite seul, mais j'ai vraiment envie d'un peu plus de solitude, d'intériorité... Ce sera, je l'espère, pour plus tard.
Je suis un peu frustré par contre. Le cheminement se fait beaucoup dans la végétation, et finalement offre très peu de vue ou de point de vue. Déjà 55 bornes, en file indienne et l'impression de ne pas voir grand chose.
Pile à ce moment-là, je jure ne plus vouloir faire de courses aussi longue, ni même porter de dossards. Surtout par rapport au plaisir pris cet été en Off !
J'avais juré de la même façon en 2015 après le 85 kil de l'EB qu'on ne me verrait plus sur des Ultras...
Pourtant, alors qu'après mes 3j autour du Mont Blanc cet été je pensais rejouer une inscription à l'UTMB (pour 2021 ou 22), j'ai un énorme doute sur ce type de courses à plus de deux milles partants (2000!!!!),
Serments d'ivrognes ?
Puis c'est la bascule sur Cilaos.
Par contre descente sacrément technique. La montée depuis Mare à Boue, puis la descente pour atteindre Cilaos me semble être les plus techniques du parcours.
Mais la descente reste un point fort. Sans forcer, je fais mon bonhomme de chemin, même si je râle toujours un peu en mon fort intérieur contre ceux qui ne laisse pas facilement le passage.
Enfin dernière petite montée depuis une ravine ; au bout ma sœur m'attend.
Quel bonheur ! On trottine ensemble, puis on rejoint Céline, Jo et Lola.
Que dire de plus.
Je trace récupérer mon sac d'allègement, mange un peu de riz dans l'enceinte du stade où les accompagnants n'ont pas le droit de pénétrer. Qu'une hâte , ressortir et passer 5 minutes avec elles.
Je croise Claire en train de masser un pote à elle. Elle me propose ses services. Mais je préfère vite sortir. A une prochaine sur Annecy;)
Je sors en faisant le plein de mes flasks au ravito de sortie. J'en embarque 3. Le soleil est là maintenant. Je ne veux pas manquer de flotte.
En fait c'est une erreur, je vais transporter ma 3eme flask toute la journée sans jamais l'utiliser je crois.
D'une manière générale, j'aurais mal anticipé les ravitos. En fait toute la course je vais être paumé sur ce qui m'attends.
Couac. Après le le ravito, elles ne sont pas là. Céline, ma sœur ne répondent pas au tel. Puis si. OK elles ne m'attendent pas au bon endroit.
En attendant qu'elles me rejoignent, je vais me poser et commencer à me changer et à préparer mon sac.
Et elles sont vite là. J'ai droit à un massage des mollets et des pieds à l'Arnica à 4 mains. Le pied.
Changement de chaussures. Ça va me changer la vie. Les Hierro ont juste l'amortie qu'il me faut.
Refais les niveaux de bouffe embarqué.
Je blinde un peu plus le sac en chaud pour la prochaine nuit.
Fais découper mon dossard trop grand par Jo.
Brossage des dents.
Allez faut retourner au charbon. C'est trop court, comme toujours. Mais le réconfort est réel et bienfaiteur.
Le départ est un peu laborieux après 65 km, il faut que les jambes se remettent en température.
Et mine de rien 1300 m de d+ nous attendent. Avec un ravito entre. Mais 1300. La première partie en sortie de Cilaos jusqu’au ravito (dont je n'ai plus de souvenirs) se passe bien (descente puis début de la montée).
Je dois faire un arrêt fissa au ravito et repart pour le Taïbit.
Là ça cogne. Là ça grimpe. Je temporise, cherche à ne pas donner. Mais c'est un beau morceau. Je finis bien par arriver au sommet. Mais j'ai pris une belle petite secousse.
Pour la première fois hors ravito je me pose 3, 4 minutes au col et mange un peu.
Puis comme toujours je me rends bien compte que ça ne sert à rien de traîner outre mesure. Je repars, c'est de la descente jusqu'à Marla. Y a plus qu'à se laisser glisser.
J'arrive à Marla.
Ravito.
Je mange une petite assiette de riz avec un filet de lentilles. Pas de grosses quantités.
Je mange, mais je veux digérer . Ne pas charger le ventre.
Finalement je me rends compte qu'aujourd'hui, je m'alimente assez peu entre 2 ravitos. Je prends un peu de solides sur les ravitos, et bois bien entre par contre. L'équilibre est bon pour le moment.
Je me pose 5 minutes sur la pelouse... puis il faut y aller. Ne pas traîner, profiter de la journée.
Quelques parts par là, j'ai relu Yannick. Je laisse passer les orages;)
Je reçois également un message de Sophie qui me fait très plaisir. De belles choses t'attendent. Savoir ça me fait vraiment du bien.
Par là, Jérôme et François, sur Whatsapp, commencent à évoquer les places gagnées. C'est plutôt bon signe.
Et Jérôme commence à me challenger pour les 1800 m à descendre après le Maïdo... Mais je n'y suis pas encore.
Montée au Col des bœufs. La météo a changé. On est dans les nuages. Je ne verrais rien. On doit franchir une superbe arrête apparemment d'après un gars avec moi à ce moment là. Mais on ne voit rien.
Col des bœufs. Ça pèle. Ne pas traîner.
On attaque sur une piste. Ça caille. Je continue un peu, mais après 1 ou 2 kil, obligé de mettre la veste. Sortir les gants, le bandeau Transvanoise.
Je claque des dents, mais l'équilibre thermique finit par se refaire en courant.
On arrive au ravito de Plaines des Merles. Recharge des flasks. Du thé aussi je crois. Grignoter. Hésiter en voyant une concurrente se fringuer pour la nuit. Non ça va. Je verrais plus loin. En courant ça va pour l'instant.
Je redémarre.
Une longue descente nous attend, 1500 m.
Et c'est ce qu'il me fallait en fait.
Pas trop technique au début, courable sans trop d'effort, elle me permet après l’enchaînement Taïbit et col des bœufs de me remettre vraiment sur les rails.
Du coup je finis par donner un peu, un gars s'est accroché derrière moi. On passe du monde.
Je sens que je donne vraiment un peu quand même.
Mais cette descente m'aura vraiment fait du bien, mentalement et pour le plaisir.
Petite remontée intercalé juste avant la fin de la descente, mon gars derrière moi me passe. Je me sens sec pour cette petite montée. Ça craint un peu quand même pour ce qui nous attend après.
Je temporise un peu sur la fin de cette remontée, puis on recommence à descendre. Il m'attends, mais je lui dis de filer, j'ai besoin de souffler et surtout, surtout ne pas chercher à suivre le rythme de quelqu'un d'autres.
C'est moi qui mène ma course.
C'est moi qui donne mon rythme.
On se félicite quand même pour la descente que l'on vient de faire.
Fin de la descente, maintenant faut remonter jusqu'à Ilet à Bourse. La frontale se rallume. Je démarre la montée tout doucement, puis reprend mon rythme.
Dans la descente j'ai pris connaissance du message de François. Je suis passé 533eme au Sentier Scout. Ça commence à me parler, à devenir intéressant. La course commence à entrer dans mon esprit.
Donc je pense me remettre petit à petit en prise.
Mais Ilet à Bourse, comme tous, se fait désirer.
J'ai l'impression d'un peu tourner en rond. De voir des frontales venir de tous les coins de ce cirque. La fatigue commence à être vraiment présente, le manque de sommeil.
Je finis par arriver à Ilet à Bourse.
Je me fais expliquer la suite. Et là je crois que j'entends ce que je veux, ce qui m'arrange. Mon cerveau commence à ne plus être très clair.
Bref je repars, je vois sur ma feuille de route 900 m à grimper, puis encore 900m après Roche Plate. Mais j'arrive à me convaincre entre ce que j'ai compris au ravito et ce que je veux croire que je viens de passer Roche Plate. Et donc que je pars juste pour 900 m.
Beau méli-mélo !
Montée, descente pour passer une ravine, puis on attaque la vrai montée. Là ça devient dur. La fatigue s'abat sur moi.
Je continue mais c'est dur.
Je mange mon pain noir.
Le terrain me semble dur.
Je n'avance pas.
Je finis par me convaincre d'essayer de faire un micro-dodo.
Je me pose comme un sac au bord du chemin sur un endroit à peu près sûr. Sauf que sûr ne veut pas dire abriter, ni vraiment tranquille. J'ai mis mon réveil sur 15 minutes. Mais je n'arrive pas à sombrer. Je fais 2 endormissements avec réveil instantané.
Puis au bout de 7 min je commence à avoir les dents qui claquent. OK il faut y aller, ne pas rester à l'arrêt. Je repars. Malgré tout ces 2 endormissements me donnent l'impression de m'avoir fait du bien.
Mais c'est pas la panacée, je continue à ramer. C'est dur.
Je retente un peu après un nouvel arrêt de 7 minutes. En vrac. L'endroit est vraiment très mal choisi. Je suis en pente, au bord du chemin, au vent.
Je n'arrive pas à me relâcher, ni m’endormir ne serait-ce qu'un seconde. Et je claque des dents immédiatement.
Allez repartir. Ne pas lâcher. Des messages arrivent et me fond du bien.
J'avance. Doucement. Durement. Mais j'avance suffisamment pour finir par arriver au ravito.
C'est pas la folie ici. Du monde couché à même le sol dans leur couverture de survie. Ça sent la grosse fatigue pour tout le monde. Moi compris, j'ai reçu. Faut que je me pose un peu.
Je mange un potage, assis à côté d'un mec. Qui me dit qu'il nous reste encore 900 m avant de sortir le Maïdo.
Pan je me prends un camion de déménagement dans la tronche.
On est à Roche Plate ici.
Bien sûr que ma feuille de route est juste, et que c'était 900 + 900 qu'il faut se taper.
Le camion de déménagement s'en va.
Je reprends mes esprits. C'est comme ça.
Mon beau-père a rameuté tout le monde sur Whatsapp. Il a vu que le juge de paix c'est maintenant. J’envoie un petit message pour dire que j'en bave bien. Les messages fusent. En plein milieu de la nuit. C'est tellement d'énergie pure qui m'est transmise, là, instantanément.
Ce doit être mon plus long arrêt à un ravito hors base de vie. Mais il faut repartir. J'ai pris tout ce que je pouvais de cet arrêt.
Rester plus ne servirait à rien. J'ai mangé, bu, me suis poser, remis ma veste et surtout me suis reconnecté avec tout mon monde.
Je repars donc. Un kilomètre peut-être après le ravito, je traverse un coin à l'abri du vent, pas exposé, plat. C'est LE coin. Je reviens sur mes pas. Règle le réveil sur 15 minutes. M'allonge. Sombre instantanément. Instantanément le réveil sonne. J'ai dormi 14min 58 sur les 15 minutes que je m'étais octroyé. Je me lève. Et repart.
Le bienfait est immédiat, instantané. Le sentier monte toujours, les jambes tirent, la fatigue est encore présente. Mais le cerveau est là, le moral est rechargé, le coup de blues est parti.
Je suis revenu dans le coup,
Et du coup le Maïdo se monte inexorablement. Les frontales indiquent au dessus le chemin à parcourir. Fauve résonne à mes oreilles. Chaque point de frontales est franchi, le sommet si lointain au départ, se rapproche, se rapproche.
Puis finit par être atteint !
Ça y est, je l'ai franchi, bordel ! Ça pas été un paille, mais c'est fait et bien fait !
Allez reste à filer maintenant au ravito, ¼ d'H plus loin. Longer tous les points d'assistance de coureurs disséminés tout le long du sentier .
Dommage par contre, le Maïdo s'est fait de nuit, je n'ai absolument rien vu. Et arrivé en haut le jour n'est toujours pas levé et je ne vois rien.
Ce sera mon plus gros regret ! Ma plus grosse frustration.
Le ravito tarde un peu, mais il finit par se présenter. Je pénètre dans la tente, me pose sur une chaise. Thé, bouillon, potage, pain. Je me recharge tranquillement. Me pose la question de nouveau de m'habiller plus chaudement. Finalement non, je repars comme je suis arrivé.
Le départ est très dur, un peu refroidi par l'arrêt, et il fait de nouveau vraiment froid. J'hésite à enfiler mon pantalon de pluie, je claque de nouveau un peu des dents...
Mais rapidement heureusement en courant, ma température remonte, et tout se stabilise.
Tiens voilà j'y suis. C'est les 1800 m de descente cochés par Jérôme qui m'attendent, mais aussi quasi 16 bornes pour cette descente.
Le challenge me tente. Les jambes sont open pour la descente. Ne pas s'enflammer, mais continuer ce que je sais faire, Courir, ne jamais marcher en descente.
C'est parti. En premier une longue partie en radada, ça descend mais ponctué de petit coup de cul à passer. Je suis bien, remonte du monde. Pas toujours facile dans les coups de cul car je ne veux toujours rien donné, et les jambes n'en sont pas vraiment capable en montée. Mais dès la descente je déroule et tout va bien.
Puis on passe à la descente proprement dites. Mais courable, douce finalement. Je trace, alterne des passages seul au monde, et coureurs solitaires ou en petits groupes à passer.
Je me sens vraiment bien seul. Je savoure ces moments de solitude, de plénitude.
Alors je double en ''accélérant'' si nécessaire pour rester seul.
Quel pied d'être encore en course, de conserver un rythme de progression, de rester dans un flux positif !
Sur la fin, un mec s'accroche. Je n'ai pas envie de faire le poisson pilote. Je goûte ma solitude, ma plénitude. Du coup ça me gonfle. J’accélère, il s'accroche. Je temporise fortement, il reste derrière moi.
M...e, ça brise ma zénitude !
Je m'arrête pisser. Bon le mec est obligé de continuer.... Nannnn il m'attend un peu plus loin.
Purée il le sent pas que je veux être seul !!!
Heureusement un groupe approche, je tombe une vitesse et appuie sur l'accélérateur, passe le groupe et poursuit un peu mon effort.
Ça y est je suis de nouveau seul, je reprends ma croisière. Savoure le jour qui se lève petit à petit.
Fin de la descente, où ce que je crois être la fin. On traverse les faubourgs de La plaine (?). Du bitume. C'est pas ce que je préfère. Ne rien donner. Mais courir encore, toujours. Ne pas lâcher.
Par contre, comme partout, des points d'assistance. C'est spécial le Grand Raid. L'assistance est interdite hors zone de ravitos, mais j'ai vraiment l'impression d'en avoir vu partout (même au col des bœufs avec carrèment un petit barnum avec table de massage:)
J'ai eu Céline au téléphone. Il est trop tôt, elles ne seront pas là, rendez-vous à La Possession.
Donc Savannah ne présente pas vraiment d'intérêt à m’arrêter "longuement".
Juste profiter du sac d'allègement. Mais pas m’endormir, pas trainer au ravito.
Mentalement après cette descente, je me sens en course. Avec un dossard.
Je sens que maintenant il va falloir tracer, ne plus réfléchir, ne plus traîner, tout donner jusqu'au bout. Le sens de la compétition est en train de venir couler dans mes veines.
Mais je ferais le point après Savannah.
Le final d'arrivée sur Ilet Savannah est plus plaisant que ce long passage dans les faubourgs et en bitume.J'ai éteint ma frontale. Le jour commence à être vraiment là. La magie d'une nouvelle journée qui commence s'installe.
Accueil simple mais chaleureux et sincère au ravito. Je décide de manger tout de suite. Faire le plein des flasks.
Quand je repars, je repère l'organisateur du THP qui arrive (très très bon souvenirs avec mon Romain le THP).
Récupérer mon sac, me changer dans la tente médicale pour être à l'abri, passer en config jour ! Ne pas traîner. Je me masse quand même les cuisses à l'Arnica car la descente a laissé des traces.
Galère pour me laver les mains sans y réussir réellement.
Sortir du ravito.
Repartir.
Traversée la rivière des galets.
Le redémarrage est malgré tout très dur. Aux premières pentes, les jambes couinent. OK dommage, à l’arrivée au ravito, j'étais un peu euphorique, là il faut gérer le redémarrage.
Je consulte mon classement. 462 au Maïdo, 366 à Îlet Savannah.
Contrat rempli pour moi vis à vis du challenge de Jérôme. J'ai rentabilisé la descente.
366 Wahouuuu, ça commence à être pas mal, ça non ? Va falloir se battre pour conserver ça !
Y a-t-il mieux à faire ? Aller chercher à rentrer dans les 300 ?
Et le chrono ? Je calcule. Il me reste 8h30 pour finir et casser la barrière des 40H. Bon il y a encore 40 kilomètres, 2000 m de D+. Un maratrail quoi. Ça serait jouable en temps normal. Mais là, il y a déjà 130 bornes dans les guibolles...
Stop ! Pas trop de calcul.
Disons que je vois que c'est jouable. Mais ne pas regarder la globalité.
Step by step.
Et l'étape maintenant avant le prochain ravito à La Possession, c'est simplement l'équivalent d'une sortie au Veyrier finalement. Ça le fait non ? C'est simple ! Alors joue !
On traverse les faubourgs d'un village. Un ravito-habitant. Top. Merci. Un coca et je repars. C'est ça que je pensais voir plus au Grand Raid.
Et là c'est le drame. Un bip sur ma montre. Il vous reste 12% de batterie. Autonomie environ 10 heures !
P..n, c'est quoi ce bordel !!!!!
J'ai acheté une S9 exprès pour la diag, pour ne pas avoir à gérer de problème de charge en cours de course. Je suis parti avec un config m'annonçant 62 heures d'autonomie !!!
Elle m'a déjà fait bien ch..r en course en me demandant régulièrement d'étalonner le fusedtracks. Et que je me retrouvais à faire des 8 avec mon bras dans la pampa !
Et là elle est en train de me dire qu'elle me plante !!!
J'suis fou ! Elle a failli aller voir le signal GPS des satellites de très très près ; Au plus proche des étoiles !
Bon, malgré tout je me dis 10 heures, allez ça va ça me laisse le temps de finir.
Ne pas me laisser atteindre. Ce n'est pas un détail comme ça qui va m'affecter,
Ça grimpe droit, bitume, chemin-chantier. Mais le terrain m'a permis de me chauffer, et de me sentir pas si mal.
Je me fais doubler par un barbu en rouge. Il me prends 200 m. Mais mon rythme est aussi en train de monter. Je me sens bien. L'écart se stabilise à 200, 300 m. Ça file. Chemin à travers les champs de cannes.
Pointage. On est où ? Pas loin du Chemin Ratineau.
Oups, j'appelle vite Céline. Pour venir à La Possession, ça va être chaud. Mon rythme s'est accéléré.
Mince les filles ne sont pas prêtes. Ça va pas le faire pour La Possession. Céline va tenter, mais ça va pas le faire.
Je lui dis que ce n'est pas grave. Je suis en course. Tout va bien. Je n'ai besoin de rien. J'ai le mojo !
Re-bip de la montre. Il vous reste 2% de batterie. Mise en sécurité. Arrêt de l'exercice. Veuillez recharger.
PUT..N !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Pffffffffffffffffffffffffffff
Ne pas se laisser atteindre. C'est un fait de course. Plus de chrono, plus d'heure. C'est chiant. Au pire j'ai le tel pour l'heure.
C'est comme ça. Rien lâcher !
Je lâche rien. Descente sur bitume. Même là je suis bien. Je reviens sur mon barbu. Discute un peu.
On arrive à un ravito.
Mince celui-là n'était pas sur ma feuille de route. Mince me suis chargé trop en flotte du coup !
C'est pénible ça. Je n'aurais vraiment jamais été en phase avec les ravitos, complètement à l'Ouest.
Jamais réussi à apréhender vraiment ce qui m'attend.
Un verre de coca, je trace.
Chemin Ratineau. Technique. Mais « On fire », ça passe comme une lettre à la poste.
Puis cheminement. Le barbu revient sur moi. On échange 2, 3 phrases. Je lui demande si je peux rester accrocher à lui. Son rythme est super. Mais que si ça le gonfle, je peux décrocher. Non, c'est ok pour lui.
Cool. Je reste scotcher à ses baskets un long moments. Vraiment super moment.
Puis on bascule et on attaque véritablement la descente sur La Possession.
Il m'a prévenu que le descente est moins son truc.
Je repasse devant. « Allez vient, accroche, profite du wagon ».
Puis rapidement on remonte sur un couple. Semble pas vraiment décider à nous laisser passer.
Je reste un peu derrière la dame. Réussi à doubler. Et le mec devant au lieu de laisser passer, durcit un peu. C'est tellement con.
OK ça joue, j'en plante donc une. Et poursuit l'effort pour ne pas servir de point de mire.
Merde dans le truc par contre j'ai perdu mon barbu. C'est dommage, j'aurais bien aimé lui rendre la pareille, après m'être accroché à lui.
Mais voilà c'est comme ça, je continue. La Possession finit par se rapprocher (je m’arrête quand même dans la descente pour essayer de prendre en photo un magnifique lézard vert... mais dans des feuilles vertes ! Ce qui du coup ne rend absolument rien :(
Un peu de bitume. Un A/R au ravito où l'on croise ceux qui en repartent. Sympa un ou deux encouragent en se croisant.
Je reste focus. Ravito. Flasks, boire. Mon barbu vient d'arriver, mais je repars aussitôt.
Je m'arrête quand même sur un banc à la sortie du ravito pour passer en mode débardeur.
Puis Gooooo.
Je consulte mon classement. 294. A y est, suis passé dans les 300. Va falloir le défendre çà maintenant !
Un longue portion plate pour traverser La Possession nous attend.
Je ne l'ai pas appréhendé et le découvre au fer et à mesure.
Mais je ne lâche pas mentalement. Je trottine tout le long. Rien lâcher !
Très longue ligne droite le long de la route. Le mental est là. Rien lâcher.
Et bim on attaque une légende : le chemin des anglais. La chaleur monte instantanément. Je viens de revenir sur un groupe.
Mais je temporise, ça grimpe. La température monte aussi vraiment. Je viens de produire un bel effort depuis Savannah. Il est temps de remettre un peu de gestion dans le kérosène.
Je me recentre complètement sur moi, ma progression. Je ne sais même pas ce qu'est devenu ce groupe. Je me suis, à ce moment-là, totalement replier sur moi-même, mon effort, le chemin qui me porte, sur chaque pierre qui composent ce chemin et sur lesquelles je pose mes baskets.
Un hélico me survole un long moment... Ah, non ce n'est pas pour moi ! Le premier du trail du Bourbon me double.
C'est anecdotique mais je ne le vois même pas disparaître devant moi tellement je suis centré sur mon effort.
Puis on attaque la descente sur La Chaloupe. Autant le chemin des Anglais est vraiment bien passé, et hormis la chaleur renvoyé par les pierres, ne m'a pas autant impressionné que sa légende, autant cette descente est vraiment une belle petite chienlit !
Impossible de dérouler, de laisser aller. Faut faire avec. C'est le chemin qui impose son rythme, les pas à faire.
Mais du coup, je suis vraiment content d'arriver en bas. Les derniers lacets étaient vraiment longs.
Pointage. De nouveau je suis totalement paumé dans ma feuille de route.
Ben oui, on doit arriver à St Bernard, là, non ? Laurent, le cousin de Céline doit m'y attendre. Ben oui, il m'a dit qu'ils habitaient à la fin du chemin des Anglais, il y promène ses chiens chaque jour. Et on vient de finir le chemin des Anglais là, non ?.
Je le guette du regard. N'y comprend rien.
Cheminement, toujours rien et je finis par arriver à La Chaloupe.
Céline, Jojo, Lola et Laurence sont là.
Le bonheur.
Mais je ne comprends rien, un peu désorienté.
En plus la fin de la descente m'a bien entamé. La température qui change aussi un peu. Et surtout l'effort depuis Savannah.
Je récupère à boire, m'assied sur le parapet. Tout le monde est autour de moi. Je me charge en ondes positives, même si je me sens très juste. Difficile de manger, un peu écœuré.
Dommage, les filles sont là et c'est le ravito où je suis le plus mal, le moins lucide.
Céline m'explique où je suis. St Bernard c'est après.
OK.
Je vire de mon sac, mon T shirt que je ne porterais plus, vire des barres énergétiques que je ne mangerais plus. Enlève ma montre qui ne me sert plus à rien. Remplis une flask avec du sirop de menthe qui me faisait super envie.
Allez ça ne sert à rien de trop traîner. Mon barbu vient de passer et repartir. Je ne le reverrais plus. Bravo à toi.
C'est reparti, rendez-vous au Colorado.
Et on repart sur un bout du chemin des Anglais. OK tout s'explique.
Le redémarrage se passe bien. Faut que je respecte mon rythme, mais ça a l'air d'aller, de tenir.
Je renvoi un message à Céline pour la rassurer, pour lui dire que ça va (après ce ravito où je n'étais pas au mieux).
Pas grand chose à dire maintenant. Focus sur Colorado. Puis l'arrivée. Mais Colorado est loin.
Arriver déjà à Saint Bernard. Croisé Mathilde, la femme de Laurent qui m'attend avec des fraises tagada car j'avais peur de manquer (mais en fait j'ai retrouvé un paquet d'Haribo dans mon sac en vidant mes barres). Trop sympa de la croiser, je me charge de son enthousiasme !
Mais mon Dieu que c'est long ! Je tape vraiment maintenant.
Je discute avec un gars. Il est en course pour les 40H. Moi aussi tiens au fait ! Même si je n'ai plus regardé l'heure depuis la perte de ma montre.
Bon d'après lui c'est tendu. Faut pas mollir.
Mais je ne le tiens pas en montée.
Je continue de grimper à ma main.
Final vers le Colorado. J'aimerais pas passer par là par temps de pluie. Le chemin doit être une tuerie.
Un mec dort au bord du chemin. Purée, craquer là alors qu'il doit nous rester une grosse heure de course (?)
On s'éloigne de l'antenne, là non ? Nonnnn, pas un détour, là, maintenant ?
Fermer mon esprit, grimper. Ne plus s'occuper de rien ? Ne pas lâcher. M'auto-encourager, m'auto-galvaniser, rejeter les cuisses qui se durcissent. Pas maintenant. Me laisser finir cette montée.
Fin de la grimpette. Chemin légèrement descendant vers les antennes. Se remettre à trottiner.
Un grand champs à descendre.
En bas, les filles et Laurent sont là.
Wahouuuu la pancarte de Laurent.
Trop d'la balle !
Magnifique. MERCI !
Photos. Profiter. Des bisous. Pas traîner. 40H.
Ravito. Lola avec moi quelques mètres.
Prendre. Se charger de +++.
Messages sur Whatsapp. Du monde qui pousse derrière. Des ondes. Partage.
La descente qui s'annonce a mauvaise réputation. Effectivement, elle ne se laisse pas faire. Je veux pourtant jouer les 40h.
Je suis bien entamé mais je veux jouer. Je garde le rythme, essaie de me sentir fort, d'engager. C'est dur mais il le faut.
Je reviens petit à petit sur mon gars des 40H. Allez on va se la faire cette barrière à tous les deux. Ça va m'aider d'être à deux.
Je finis par recoller.
« Allez go on y va pour les 40h ? »
« Euh non. C'est mort, ça passera pas, j'ai calculé ».
Pan coup derrière la tête. Je discute 2, 3 minutes avec lui, de son problème de t shirt du grand raid qu'il n'a pas pour l'arrivée...
Mais je viens surtout de me faire fracturer psychologiquement.
Je suis revenu sur lui, et là d'un seul coup j'ai dû mal à le suivre.
Je n'ai plus de montre, je ne peux pas juger, calculer par moi-même. Mon tel est au fond mon sac.
Pire, mon corps est en train de me dire stop. Comme si cette info avait fait lâcher des digues intérieures.
J'suis en train de commencer à faire une hypo.
Obligé de stopper. Je mange un gel vite fait. Puis mon paquet d'Haribo nounours. Maintenant faut attendre que le sucre passe dans le sang.
Je reprends. Ne rien lâcher quand même jusqu'au bout. Même si quelque chose a un peu craqué intérieurement.
Puis au lieu de me laisser envahir par l'émotion, je me sens limite, je la rejette un peu. Après ce début d'hypo, je ne veux surtout pas arriver et faire un malaise, me retrouver sous une tente avec une transfusion devant Lola. Je veux rester debout.
Toute la fin de la descente se fait entre l'envie mentale d'engager, ce manque de pep's, cette anxiété pour l'arrivée, l'envie de se laisser aller en roue libre.
Fin de la descente, le stade se découvre. Dernier kilomètre. Tout est assez calme.
Des premiers cris. Philippeee, Philou !
Jo, Lola, Laurence, Céline.
Je veux une arrivée main dans la main tous ensemble. Laurent est là, nous filme.
Je rentre dans le stade, j'ai les mains de Jojo et Lola dans mes mains. Céline et ma sœur de chaque côté,
On franchit la ligne.
On me donne la médaille.
La main de Lola reste dans ma main.
C'est la première ligne franchit avec elle. Avec Jojo. Je suis vraiment heureux d'offrir cette vision à elle deux.
On prend une photo sous l'arche tous les 5. J'y tenais à cette photo, tous les 5. Elle faisait partie de ma construction mentale. Je l'ai mérité. Je la veux. Elle va servir à illustrer mon activité Strava, ma dernière leçon. La plus intense. Celle sans qui les autres ne serviraient à rien.
C'est celle là que je veux comme photo. Aucune autre.
Ma force. Ma première ligne. Mon sens.
Mais je me sens juste, à la limite.
La tête qui tourne légèrement.
Je file m’asseoir à l'ombre. Ne pas craquer physiquement ! Je ne veux surtout pas offrir ce spectacle-là, cette inquiétude là. Du coup malheureusement je retiens un peu toutes les émotions.
Malgré tout, ce moment est magique.
Wahouuuu ! 40H04
Laurent balaie instantanément ce qui aurait pu être une déception de ne pas franchir la barre des 40H00,
« 40H04 c'est symétrique, beau, parfait. » CQFD,
Merci Laurent !
268eme !
J'en suis le premier halluciné. Je ne savais pas. Je ne savais pas que j'avais ça en moi. Je ne savais pas que j'arriverais à ça.
Mon classement au fil de la course me laisse sur le ..l :
1344 – 1195 – 1002 – 881 – 727 - 619 – 581 – 549 – 541 – 501 – 484 – 491 (Roche Plate) – 462 – 366 – 329 – 294 – 267 – 270 (Colorado) – 268
J'ai vraiment appliqué ce qui me réussit. Me respecter au départ. Ne pas me laisser entraîner. Partir doux. En accord avec mon physique. Ne jamais trop donner en montée. Respecter mon rythme, mon cardio. Ne jamais regarder les autres. Être à même de trottiner dès que le terrain le permet. Et laisser filer en descente.
Quand mon physique permet ça comme ici, sans forcer, sans heurts, sans destruction personnelle, quelle satisfaction !
Même les coups durs ont été accueillis, accompagnés, puis finalement chassés positivement.
Cette course me semble un condensé de mes possibilités. J'y ai tout mis. Toute ma palette de coureurs. Toute mon expérience, mes kilomètres parcourus, tous les moments passés sur les sentiers.
J'ai tout synthétisé pour ces 40H00, je me suis servi de tout,
Elle a condensé mon Tour du Mont Blanc en solo de cet été, et l'OTB partagé si intensément ce printemps.
Elle a commencé sur les pentes de Thollon les Mémises, … non, sur toutes les sorties de ski-alpi de cet hiver..
Non avant encore... sur l'Echappée Belle de l'an dernier ?
Non encore plus avant, peut-être sur le GR20 entre pôtes, les Défi de l'Oisans, sur tous les dossards portés sur mes UTMB, au tout début quand cette course me portait, m'avait envoûté .
Mais en fait non. Bien, bien avant.
Je puise tout, depuis toujours, dans les randos faites avec mon père, depuis mon plus jeune âge. Là où la graine a été planté, où mon apprentissage s'est fait, où j'ai acquis mes bases, où mon père m'a inculqué patiemment ce virus, où j'ai appris à mettre un pied devant l'autre. Tout vient de là.
Une question est souvent revenu après-course : « Alors, tu reviendras le refaire le Grand Raid ? »
Non.
J'ai fait la course parfaite (avec des imperfections peut-être, mais marginales, inhérentes à un Ultra).
Je ne serais pas capable de faire mieux. C'est le one-shot parfait.
Je ne courrirais pas après une chimère.
Et quitte à revenir à la Réunion je ferais ça en Off. Profiter. Vivre ça comme mes 3 jours autour du Mont-Blanc doit être fabuleux, Je reste tellement frustré de n'avoir rien vu de Mafatte. Le Maïdo. Je ne sais rien en fait de la beauté de ces lieux.
Il est temps de partir du stade. J'ai hâte de retrouver l'intimité de mon petit clan.
Mathilde nous rejoint. Impossible de ne pas faire une photo tous ensemble.
Merci à vous deux de votre présence.
Rendez-vous pour le Rougail incroyable de Laurent quelques jours plus tard.
Jo porte le T-shirt Finisher. Je suis ému, fier de vivre ça. C'est pas toujours facile pour nous deux. Les moments comme ça sont précieux. Je voulais vivre ça. Que Jojo soit fière de moi n'a pas beaucoup d'équivalent.
Retour à la maison.
Une douche accroupi au sol, l'eau qui coule. Être estomaqué, ne toujours pas en revenir.
Les pieds dans la piscine. La main de Lola dans les miennes.
Commencer à parler, raconter.
Être ensemble.
Sentir le regard de ma sœur.
Sentir le cœur de Céline.
Recevoir tous les messages Whatsapp.
Je reste abasourdi, estomaqué, impressionné, ému de voir le soutien de chacun sur Whatsapp.
C'est un soutien incroyable, une force démente qui me porte.
Voir chacun être là avec moi, me soutenir, c'est tellement fort pour moi !
Comme je l'ai écrit pour remercier tout le monde
Immense merci car ce petit lien Whatsapp avec vous tous me fait un bien fou en course
Dans les moments durs bien sur, et cette nuit dans le Maïdo vous m'avez vraiment encouragé, tenu par la main... En fait je n'étais pas seul, et c'est une sacré force.
Mais aussi même dans les moments où tout va bien. Ça permet de penser à autres choses, rigoler, se sentir entouré, …
Ça m'aide à ne pas être focaliser que sur la course, et mentalement ça relâche beaucoup.
Et tellement de choses qui me touchent : l'implication de Bertrand et Christine, mes collants pipelettes, Les BlanKCé Men, l'intérêt d'Olivier pour ma course alors qu'on se connaît peu au final, mon beau papa rameutant tout le monde quand j'étais dans le dur au Maïdo, les messages de ma maman au coeur de la nuit, Valérie la cousine de Céline, les messages très fort de mon papa...
Suivre également la course d'Olivier sur le Trail du Bourbon, 3 mois après avoir repris la course à pied. C'est énorme.
Le repas le soir tous les 5.
Les jours qui ont suivis.
2008-2019, ma sœur n'avait plus été là avec moi sur une course depuis cet abandon en 2008 sur l'UTMB.
Ce voyage ensemble n'a pas de prix.
2009-2019, je franchissais la ligne de l'UTMB dans la douleur main dans la main avec Céline.
On continue à franchir chaque ligne ensemble.
J'ai vécu une transe, une transe mentale.
Une sorte de fermeture et d'ouverture.
Un conditionnement.
Ce qui est dément, c'est que 1 heure après être arriver, je doute totalement d'avoir fait ça. En être capable. La transe est finie.
Je lis pourtant dans les yeux de Céline que je l'ai fait. Dans ceux de ma sœur.
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22 commentaires
Commentaire de DavidSMFC posté le 03-11-2019 à 22:14:23
Wahou ! Quel récit d'une aventure incroyable, on s'y croirait presque et pourtant, on en est si loin ! Un grand bravo pour cette superbe course et pour ce retour écrit, encore mieux avec les illustrations.
Commentaire de Philippe8474 posté le 04-11-2019 à 12:30:20
Merci!!!!
A vrai dire je n'en reviens toujours pas de cette course ;)
Commentaire de BOUK honte-du-sport posté le 03-11-2019 à 22:28:58
Juste impressionnant.
Un champion à la course des champions.
Bravo Philippe !!!
Mdr le trailer-glue qui se colle à toi ! Pas mdr le coup de la montre !
Commentaire de Philippe8474 posté le 04-11-2019 à 12:30:49
Merci mon Champion!!!!
Commentaire de Philippe8474 posté le 05-11-2019 à 12:54:58
Tiens la montre elle est parti faire une tour en Finlande ;)
Commentaire de razyek posté le 04-11-2019 à 09:24:24
Eh ben, quelle course, quel récit, je ne te connais pas mais tu as réussi à me mettre la larme à l’oeil.
Y’à pas à dire, les ultras c’est quand même particulier, j’ai promis à ma femme de ne plus en faire, mais en lisant une telle épopée, un tel condensé d’émotions, on a envie de connaître cela de nouveau.
Tu as fait une course magnifique, et vivre cela avec la famille et les amis, c’est grandiose. Bravo à toi, tout simplement.
Commentaire de Philippe8474 posté le 04-11-2019 à 12:32:27
Bon quand ça se passe bien l'ultra c'est vrai que c'est quelque chose...
Mais on a tous eu des courses où on se dit qu'on y retournera jamais!
Merci!!!!
Commentaire de razyek posté le 04-11-2019 à 11:41:51
Oups, en faisant un refresh sur la tablette ça a renvoyé le message, carrément 3 fois 🤪
Pas moyen de les supprimer, désolé
Commentaire de Philippe8474 posté le 04-11-2019 à 12:28:08
C'est bon j'ai géré les commentaires en triple ;)
Commentaire de rvialles posté le 04-11-2019 à 12:06:17
magnifique récit, bravo ! Une superbe aventure, c'est ce genre d'écrits qui me donne envie de participer à cette course qui me fait rêver.
Commentaire de Philippe8474 posté le 04-11-2019 à 12:34:33
Merciiii!!
Le contexte, le lieu, le voyage... en fait une course bien particulière quand même!
Y participer est une belle motivation!!!
Commentaire de FLØ posté le 05-11-2019 à 10:10:34
Sympa les vacances !!!
Bravo à toi, un texte plein d'émotions (comme d'hab, non ?) pour un périple qui a du en produire énormément. Félicitations d'être venu à bout de ce monument. Mais méfie toi, j'en connais que ça a marqué à jamais ce petit bout de terre !
Commentaire de Philippe8474 posté le 05-11-2019 à 12:54:21
Merci FLØ!!!!
L'émotion, les sentiments sont de sacrés moteurs... 'fin pour moi ;)
Et sur des courses comme ça, ça monte très vite les émotions!
C'est vrai qu'on fait de beaux serments d'ivrognes parfois :))
Commentaire de L'Dingo posté le 05-11-2019 à 14:43:58
Voila 40h vues de l'intérieur , qui changent du suivi live, mais élémentaire, du bouzin.
On comprend la satisfaction ressentie à l'arrivée, car ce raid a été en quelque sorte le"chef d'oeuvre" aboutissement de longues années d'un artisan coureur.
place aux offs après le chrono désormais.
On te lira encore avec plaisir ;-)
Commentaire de Philippe8474 posté le 05-11-2019 à 20:58:04
j'adore ça: un artisan coureur! Merci!!!
Et merci de prendre du plaisir à ma lecture. C'est top !
Commentaire de pepefafa posté le 05-11-2019 à 21:31:08
Waouh .... quel récit !!!
Encore bravo !
Tjs impressionné de ta gestion de course, ta progression,...
Pour ma part, content de mon Bourbon (et du Maïdo surtout ..), mais un peu regret de n’a pas pu faire la grande avec toi ... serais sûrement parti plus vite, mais tu m'aurais rattrapé... et on aurait pu faire un bout chemin ensemble ... dommage ...
Encore bravo !!!
Olivier
Commentaire de Philippe8474 posté le 05-11-2019 à 22:01:35
Merci Olivier!!!!
Pour la gestion comme dit dans le CR, j'avoue que j'en reviens pas vraiment non plus :))
Mais j'sais pas si je t'aurais rattrapé quand même, tu grimpes trop vite :)
Puis t'as fait quand même un Bourbon de malade (pour 3mois de prépa!!!) => Chapeau à toi!
Commentaire de Arclz73 posté le 06-11-2019 à 12:01:53
Genial.
Merci pour ce récit + que complet ! Un régal !
Et surtout Bravo, sacrée remontée.
J'ai vu que tu utilise le même sac (sense ultra 8 ?) que moi, et après 20 bornes mes affaires finissent toujours trempées (la transpi..) dedans. Est-ce que tu as remarqué ce problème ? Ou alors tu as adapté quelque chose ?
Après-coup, tu trouve qu'il est adapté pour les ultra ce sac ? ou au dela de 80 ca commence à être tendu ?
Encore bravo en tout cas, et je te souhaite de découvrir Mafate et autre de jour sans pression :-)
Commentaire de Philippe8474 posté le 06-11-2019 à 21:16:18
Merci beaucoup!!! J'aimerais bien voir Mafate... mais y a d'autres voyages qui feraient envie aussi ;)
Sinon pour le 8L j'suis fan. En Ultra fait avec: l'EB l'an dernier, notre trip en Bauges au printemps et le GRR.
Effectivement tout se mouille. Du coup sur sortie longue et ultra et pluie, je mets simplement tout dans un sac plastic.
J'ai vachement aimé que ce sac me pusse vraiment à optimiser ce que j'embarque.
Essayer de supprimer le superflu.
Par contre il ne passerait pas sur un Ultra type UTMB avec leur grand froid.
Ni cet été sur mon tour du Mont Blanc en 3j, j'avais un 15L DKT
Commentaire de Arclz73 posté le 06-11-2019 à 21:59:39
Ca me rassure sur ce sac toutes ces belles sorties ! Et de voir que je ne suis pas fou à commencer à tout mettre sous plastique aussi.
Merci pour ton retour :-) Et vivement un prochain récit à lire !
Commentaire de Arclusaz posté le 11-11-2019 à 10:22:31
Pour une fois, j'ai été patient : j'ai attendu d'avoir du temps pour lire ce récit dans de bonne conditions (après tout, tu as bien attendu 13 ans pour venir faire le GRR !).
Comme d'habitude, c'est fort car il mêle le sportif (quelle course !) à des choses très très personnelles. Mais, on n'a pas l'impression d'être voyeur, ni de vivre par procuration : pendant la lecture, on est toi. Un vrai talent qui doit beaucoup à ta complète sincérité. Merci. Et.....on se voit en 2020 !
Commentaire de Philippe8474 posté le 11-11-2019 à 22:21:28
Merci beaucoup Laurent.
Le trail, la montagne,... sont intimement liés à qui je suis, comment je suis. Ce serait difficile que ça ne ressorte pas.
Je raconte juste mes expériences, et comment, pourquoi je les vis. J'espère sans exhibition, mais sans fausse pudeur. Comme dit à Flo au-dessus, les émotions restent mon moteur. Et j'ai pas encore trouvé mieux sur ces voyages au long cours ;)
Rendez-vous est pris en 2020!!!
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