L'auteur : pismo974
La course : Le Grand Raid de la Réunion : La Diagonale des Fous
Date : 22/10/2010
Lieu : ST PHILIPPE (Réunion)
Affichage : 2014 vues
Distance : 163km
Objectif : Terminer
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Déja une année de présence sur l'ile de à la Réunion, comment échapper à la ferveur locale de la Diagonale des Fous??? C'est ainsi que je me lance le défi de participer à cette épreuve. Avec un peu de chance j'obtiens le précieux sésame du dossart . Tout est "ready" pour tenter l'aventure. Je me prépare correctement avec une sortie longue tous les quinze jours de 40 à 70 km et 2000 à 4000m D+, de la PPG, des séances d'escaliers, séance au rythme AL+2 AL-2, séance au seuil et un peu de fractionné pour la vitesse. Aucune blessure pendant cette phase de préparation.
La Course:
Arrivée vers 20h00 à Saint Philippe pour cause de circulation, impossible d'accéder au stade, il faut se rendre à l'évidence: marche à pied afin de rejoindre le départ à Cap Méchant.
Un monde de malade, des compétiteurs bien sur mais aussi des familles, des locaux. Bref une super ambiance, de la musique et surtout un ciel étoilé avec la pleine lune, de bon augure.
Vérification classique du paquetage complet, je me trouve un petit endroit pour m'allonger tranquillement. Je retrouve des amis de métropole et des connaissances de la Réunion. Je reste un bon moment en semi-sommeil, concentré et motivé. Vers 21h00, Une grosse part de gâteau sport énergie et 50cl de boisson sirotée. Vérification et préparation du sportif. Manchons de compression mollet et cuisse, frontale, bandeau, crème anti-frottement pour les pieds? Voilà je suis prêt. Même pas de stress juste une grosse confiance.
Je m'approche du départ, 21h30 mais déjà trop tard, impossible de m'avancer. Alors je reste en queue de peloton bien sagement. La route est longue, je ne suis pas pressé, l'objectif est la ligne d'arrivée à la Redoute.
Voilà, quelques mots du directeur de course, un briefing sécurité, énumération des favoris et le départ est imminent.
Enfin c'est la libération de 2600 fous dans une atmosphère chaleureuse. Il faut bien parcourir deux cent mètres avant de pouvoir commencer à trottiner. J'adopte un rythme de croisière tranquille histoire de mettre en route la machine. Une foule énorme au bord de la route, des encouragements, des flash de partout, bref c'est l'événement sportif de l'année à la réunion.
Après deux kilomètres sur la RN2, direction la route forestière de Marre Longue pour 14 km de faux plat montant. Et là je suis déjà bien surpris de voir le nombre de compétiteurs qui marchent dès la première montée pourtant bien douce. Cependant, c'est plutôt pénible car ces marcheurs restent en plein milieu et c'est délicat pour doubler. Il faut rester concentrer et vigilant. Le peloton s'étire progressivement, je remonte tout doucement et je double un peu. Mon rythme est relax. Je bois régulièrement.
Premier point de contrôle en 1h45 avant d'attaquer l'ascension vers Foc Foc. Je pense être bien positionné car il n'y a pas de bouchon. J'en profite pour grignoter un peu et remplir mon « camel » . Petite pause mais je repars aussitôt.
Les choses sérieuses commencent. Une longue montée bien raide, des escaliers d'entrée de jeu. Puis rapidement je me retrouve à la « queue leu leu « . C'est quasiment impossible de doubler ou de tenter quoi que ce soit. Je reste patient et sagement derrière. C'est pas plus mal de monter tout doucement, au moins je me préserve pour la suite. C'est vraiment raid !!! Personne ne parle. J'ai envie de lancer une petite blague mais je n'ai pas l'impression que ce soit opportun. J'ai les cuisses qui chauffent. Au bout d'un bon moment le sentier se calme, la végétation change, le froid s'intensifie. Le vent se lève, avec quelques gouttes. Je commence à me refroidir. Petit arrêt pour me changer, et coupe vent avec bonnet en position. Une vingtaine de personnes me dépassent. Pas grave l'objectif c'est la ligne arrivée.
Puy Ramond, Piton Bois vert, j'en profite pour contempler le volcan en éruption. C'est magnifique et extraordinaire à la fois. Ciel étoilé avec un éclairage puissant grâce à la pleine lune, les couleurs jaunes et rouges de la lave, des coureurs sous le charme. Bon, il faut tout de même poursuivre. Le vent s'est un peu calmé mais il fait froid environ 4°c.
Poste de Foc Foc assez succinct, du thé et une soupe, un peu de solide, des biscuits style petit beurre.On poursuit par le sentier du Tremblet qui longe le rempart de Bellecombe. C'est un faux plat montant jusqu'au parking du volcan. Là, gros poste de contrôle avec pointage.
Cette année innovation avec pointage par bracelet électronique. C'est rapide et fiable. 5H30 pour le 30 premiers kilomètres , classement 280°. Quelle surprise et étonnement de ma part. Pourtant je suis parti à mon rythme. Et là, gros moment de doute et de solitude. Mon but est de finir peu importe le chrono ou le classement. Alors je me demande si je ne suis pas parti trop vite. Pourtant je me sens bien !!!
Je fais une bonne pause pour m'alimenter et m'hydrater et je me change une nouvelle fois. Effectivement je suis parti avec un bon sac pour être confort. Je progresse à travers la plaine des sables puis l'ascension du piton textor assez raide. (Pointage suivant 6h48 et 244°).
Longue descente vers Mare à boue passage au chalet des Pâtres, un peu de bîtume et je suis en vue du ravitaillement. Organisation militaire oblige c'est très bien tenu. J'en profite pour faire une bonne pause mais il fait plutôt frisquet au levé du jour.( 8h11 et 250°).Je pensais mettre environ dix heures, j'ai un peu d'avance sur le planning.
Je repars vers la plaine de Bélouve. Un secteur que je connais bien. Mais j'apprends par hasard que l'on va emprunter les sentiers pour rejoindre le gîte de Bélouve. Petit coup au moral. En effet le sentier est très technique avec une succession de franchissement de ravines, des passages boueux et glissants, des troncs et des racines, des escaliers. La traversée de la plaine va prendre beaucoup plus de temps que prévu. J'apprendrai par la suite que les temps de passage seront allongés à Hellbourg.
Je poursuis mon petit bonhomme de chemin en appréciant le décors. De superbes fleurs et des arbres magnifiques. Je commence progressivement à ressentir une vive douleur au genou gauche: le fameux TFL. Continué à s'hydrater régulièrement et manger un peu. J'ai un casse croute dans mon sac qui me reste de Mare à Boue. Je gère au fur et à mesure. Je me retrouve très souvent seul, c'est une course en solitaire que je vais mener.
J'arrive vers midi à Hellbourg. J'ai bien ralenti dans la descente afin de préserver mon articulation douloureuse. Gros poste de ravitaillement. Massage, changement de chaussures, soupe vermicelle, coca. Je me sens frais pour affronter la terrible ascension de Cap Anglais. ( Au passage 12h12 et 221°, je progresse tout doucement).
Maintenant je connais parfaitement toute la suite du parcours jusqu'à la Redoute. Un gros avantage en ce qui me concerne. D'ailleurs d'autres fous me posent souvent des questions sur la suite des événements. Lorsque l'on arrive à la Réunion pour la première fois il y a de quoi être surpris. Les GR sont beaucoup plus techniques et moins roulants. C'est ce qui fait le charme du GRR.
J'adopte un rythme volontairement lent pour rejoindre le gîte. Le temps est couvert voir pluvieux c'est idéal au niveau de la température. Passage éclair au gîte du piton des neiges juste le temps de me changer, boire une soupe et remplir le camel. Je me sens bien pour le moment. ( 15h33 et 219°)
J'entame une nouvelle descente vers Cilaos par le Bloc. La douleur s'intensifie et je commence à cogiter car la route est encore longue. Finalement la descente se déroule bien. J'arrive au milieu de la foule à Cilaos. J'en ai pas beaucoup parlé mais les gens sont gentils et encouragent à tour de bras les compétiteurs. C'est vraiment motivant.
Cilaos c'est un peu le tournant de l'épreuve, faire le point et prendre la bonne décision avant le cirque de Mafate. De nouveau je me fais masser, je prends un vrai repas complet, une pause de 30 minutes environ. Je ressorts du ravitaillement en pleine forme et sur motivé pour la suite. ( 17h35 et 176° ).
Descente prudente vers cascade bras rouge puis l'attaque du col du Taïbit. Je me sens sur mon petit nuage. Je reçois régulièrement des messages de soutien sur mon portable. J'ai un petit fan club qui me suit via internet. Les paysages sont magnifiques, je suis dans mon élément au milieu de cette nature riche et variée.
Passage Pied du Taïbit en 19h00 et 166°. Je passe un coup de téléphone à Mary. C'est mon épouse, ma meilleure supportrice. Hélas lors d'une sortie en canyon, une mauvaise entorse l'empêche de venir me voir sur le parcours. Elle me soutient et me supporte tout au long de cette année de préparation et gère au mieux le quotidien afin de permettre d'avoir des créneaux de préparation.
Je l'informe de la situation à la barre mythique des 100 KM. C'est la première fois que je parcours une telle distance. Elle est heureuse pour moi et elle sera là toute la nuit pour m'encourager.
La montée au Taïbit est assez longue avec pas mal de marches. Finalement je franchis à la tombée de la nuit cette difficulté et je bascule dans Mafate. Le genou est particulièrement douloureux. Petite pause à Marla avant d'enchaîner une deuxième nuit. ( 21h00 et 150°)
Je repars en confiance mais rapidement sans vraiment savoir pourquoi, j'ai une grosse baisse de régime. Plus rien ne va, grosse fatigue, mal un peu partout, plus l'envie et le goût. Gros moment de doute alors que tout allait pour le mieux. ça devait de tout façon arrivé à un moment . Petit arrêt au stand désolé pour la nature !!! J'ai du mal à boire et manger. La bouche est pâteuse. J'arrive à Trois Roches en petite forme. Et la montée vers Roche plate est longue et technique. Mais que faire dans Mafate à part avancé. ( 22h15 et 146°)
Je prends mon mal en patience, je me remémore des images positives et des bons moments. Bref rester positif. Mais c'est dur . J'ai beaucoup de mal. Le doute s'installe. J'alerte Mary qui ne peut que me soutenir. J'ai envie de m'arrêter en bordure de sentier. Je rejoins enfin Roche Plate. Je prends l'option de me reposer un peu sous une tente à l'écart. Mais je me rends vite compte que je n'arrive pas à trouver le sommeil. Il y a trop de bruit. Je repars comme je peux ( 23h41 et 147°).
La suite c'est un peu l'enfer pour rejoindre Ti col. Et là descente sur les Orangers. Je commence à maudire les marches, les blocs et mon genou douloureux. J'en ai ras le bol.
Que faire en pleine nuit au beau milieu de Mafate à part continuer???
J' atteinds les Orangers et je refais une tentative de sommeil. Le chrono j'en ai plus rien à faire et le classement encore moins. ( 25h22 et 152°)
Je repars assez rapidement vers Deux-bras avec un petit groupe. Mais je m'isole en bordure du sentier. Je m'enroule dans ma couverture de survie pour dormir 45 minutes. Je ne sais pas si je trouve le sommeil mais cette pause me fait du bien. J'entends passer les coureurs au fur et à mesure. Je perds du temps mais c'est pour essayé de finir mon challenge. Ce défit personnel complètement fou. Et me voilà de nouveau en route. J'ai des hallucinations. J'en ai entendu parler dans le livre Eric Lacroix sur le Grand Raid. Et effectivement, je vois des formes derrière la végétation, un bloc ressemble à un animal. Je délire complètement. Franchissement de deux passerelles, et bientôt le lit de la rivière des galets. J'arrive à bout de nerf à Deux-Bras.
J'ai une assistance du club Raideurs 2000. C'est agréable d'être soutenu. On me bichonne: massage, nouveau changement de chaussures, soupe , camel, conseils. On me rebouste car j'en ai bien besoin. Mary ne peut pas venir me chercher içi, il faut au moins que je rejoigne Dos d'ane. ( 28h31 et 173°) . J'ai perdu vingt position. Rien de grave moi qui pensais finir peut être dans les 500 au mieux.
Me voilà de nouveau sur la route avec l'ascension d'une nouvelle difficulté que je connais bien. Je gère un maximum et le long massage m'a vraiment soulagé. Je me sens bien et cette montée est une formalité. Du coup, j' enchaine sur la suite. Mais la descente sur la Possession est terrible pour mon genou. C'est pas grave car autour de moi les autres aventuriers ont aussi des soucis. Cheville, pieds, fatigue. Maintenant c'est dans la tête, il faut que j'arrête de m'écouter.. C'est un peu une compétition d'écloper. J'arrive même à accélérer un peu sur les portions plates. Ces 12 Km sont long. Je me surprends à reprendre du plaisir et retrouver de la motivation. Mary me contacte une nouvelle fois. Elle est ravit par ma performance. Ce sera trop juste pour venir me voir à la Possession. Pas grave elle est dans mon coeur. Il y a aussi mon fils qui est comme un dingue. C'est mon plus grand fan. Pour lui je suis le meilleur des papas.Bref j'arrive à la Possession ( 33h31 et 161°).
J' enchaine la partie suivante sur un bon rythme à part la descente sur la Grande Chaloupe très douloureuse et technique. Maintenant je ne peux plus abandonné, c'est interdit. Surprise Mary et Ronin sont là. Mary avec ses béquilles et Ronin qui cours un peu avec moi jusqu'au ravitaillement.
C'est génial, je peux partager ce moment en famille. Elle a tout prévu :une poche de glace pour le genou, des lingettes pour mon corps, mes gâteaux perso ... C'est revigorant . Elle me dit: » Tu termine à tout prix. Je suis fière de toi ».et puis il y a aussi « Allez papa !!! » avec la joie sur le visage de mon fils.( 35h03 et 142°)
Alors c'est de nouveau reparti pour le secteur final. Montée raide vers le Colorado, sous la Chaleur. Heureusement une petite brise est présente. Les spectateurs sont aussi là. C'est un peu long à Saint Bernard puis traumatisant vers le Colorado. ( 37h27 et 134°)
Je vois enfin Saint Denis. Et Mary est aussi là pour me soutenir. Je me demande comment je vais faire dans la descente finale. La douleur est devenue tellement forte que je cris dans les passages raides. Pas grave à quatre pattes je finirais quand même. Je sens que c'est dans la poche. J'ai des flash de mes sorties d' entrainement qui me reviennent. Je me fais pas mal dépasser car j'avance comme un escargot. Je prends mon mal en patience. Passage sous le pont Vin Sanh. Et l'arrivée est toute proche. Il faut être con mais je mets un point d'honneur à finir en courant.
Mon fils avec un tee shirt bravo papa finisher m'attends à l'entrée du stade. Je parcours les cent derniers mètres en sa compagnie sous les applaudissements. Mary est là bien sur avec mes amis. Il est 12h30 c'est inespéré je franchi la ligne 140° à l'heure du repas.
J' obtiens cette médaille et le tee shirt de finisher. Je suis sur mon petit nuages. Photos etc. On me dit que j'ai vraiment bonne mine. Effectivement à part le genou tout va bien. Les pieds sont indemnes.
Que dire de plus lorsqu'une aventure se déroule aussi bien. Ma préparation sans aucune blessure, j'avais essayé de penser à tout grâce aux récits des Kikoureurs sur le site. Une météo formidable, le volcan en éruption, des points de vue à couper le souffle, des souvenirs énormes. Un grand merci à l'organisation mais surtout aux bénévoles et au public.
Au passage de la ligne j'ai dit à Mary plus jamais mais au moment ou je rédige ce récit l'envie de retenter l'aventure me trotte déjà.
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4 commentaires
Commentaire de Joe One posté le 02-11-2010 à 20:40:00
BRAVO à toi il me semble t'avoir aperçu sur le parcours pour moi ce fut arrêt à Cilaos... Pas de blessure mais simplement plus d'envie, plus de mental... je reviendrai en 2011.... Bonne récup et encore bravo
Commentaire de Joe One posté le 02-11-2010 à 20:41:00
bravo pour ta course et ton résultat... Bien préparé physiquement mais pas assez mentalement... je jette l'éponge à Cilaos en 19h....
Je reviendrai l'an prochain
Bonne récup et encore toutes mes féliciatations
Commentaire de Bacchus posté le 21-11-2010 à 16:47:00
Bravo pour ta course et merci pour ton récit.
PPG, 70km de sortie longue par semaine, 4000 de D+ la prépa a été sacrément sérieuse, va falloir que je réfléchisse à tout ça. Grand bravo pour ton classement.
Commentaire de Cédric74 posté le 24-11-2010 à 17:37:00
Bravo pour cette course bien maitrisée !!
Effectivement, le soutien de la famille derrière, comment abandonner qd on te dit "papa t'est le meilleur" (même par téléphone interposé) !!
On sent que t'as masterisé le livre de Lacroix !!
Encore bravo et je partage ton analyse sur le "plus jamais/oh et puis finalement..." :-P
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